lundi, 02 mars 2009
L’homosexualité sous le regard de Ferré
On connaît La Tante, texte publié dans Poète… vos papiers ! Il n’est pas indispensable d’en citer des extraits car on regrette ce poème, si révélateur de ce qui se disait de l’homosexualité dans les années 50. On le regrette parce qu’il ne témoigne pas d’une attitude très originale ni très ouverte. On aurait pu s’attendre à davantage de compréhension de la part d’un homme plutôt peu conformiste. L’air du temps, toujours, et l’éducation, certainement, ainsi qu’une question, sans doute, de génération. En résumé, un mélange socioculturel qui désapprouve et moque férocement l’homosexualité. Il paraîtrait que, dans les premières années 70, au moment où il travaille beaucoup, publie de nombreux disques, fait paraître Benoît Misère et réédite Poète… vos papiers !, Léo Ferré ait eu des velléités de mise en musique de cette pièce. Frot l’en aurait dissuadé et Paul Castanier aurait plaisanté : « Quand est-ce que tu fais une chanson contre les aveugles ? »
J’ignore si cette information est rigoureusement exacte. J’observe qu’au contraire, le sentiment de Léo Ferré sur la question a, au même moment, évolué radicalement. Il a pris conscience qu’il existe plusieurs formes de sexualité au monde et cesse de se moquer des homosexuels, n’utilise plus de terme péjoratif et les considère plus sereinement.
C’est en tout cas ce qui ressort de cet entretien qu’il eut avec Sergio Laguna pour les besoins de son livre, publié en 1974 [1]. Je précise qu’évidemment, les propos de l’artiste furent tenus en français, traduits ensuite en espagnol par Laguna en vue d’une publication dans son pays, et retraduits en langue française par mes soins (en 1987, j’avais lu ce livre et, afin de mieux comprendre son contenu, fait pour mon usage personnel une traduction de premier jet, manuscrite). Naturellement, cela est périlleux et l’on risque de tomber dans tous les pièges de la double traduction mais il n’existe pas, à ma connaissance, d’autre déclaration de Ferré sur ce sujet – en tout cas, entre ces deux dates – et il serait dommage de ne pas prendre en compte ce changement d’attitude.
Laguna propose, dans son ouvrage, une présentation de Ferré pour le public espagnol, quelques traductions très littérales qui ne pourraient pas être chantées sur la musique initiale, et un entretien d’où j’extrais ce qui suit. Les deux hommes parlent des femmes et Laguna écrit : « Ferré a continué un bon moment. Puis, insensiblement, la conversation a glissé vers le thème de l’homosexualité ». Ferré déclare :
« C’est un problème intéressant et, de plus, actuel, qui fait rire stupidement les imbéciles. Je pense qu’il y a diverses sortes d’homosexuels, mais je parle des vrais comme, par exemple, les gamins qui se sentent davantage femmes, plutôt qu’hommes. Moi, j’ai pour cela un très grand respect, bien que je ne connaisse pas leurs réactions, puisqu’il s’agit d’un monde qui n’est pas le mien, vous comprenez ? C’est un problème grave que personne ne peut comprendre, sinon eux-mêmes. En tout cas, la répression est absolument injuste. Heureusement, il me semble qu’il y a une espèce de progrès en matière de répression, au moins dans quelques pays ».
Laguna ne demande pas à Léo Ferré de poursuivre (il ne le fait pas davantage pour les autres sujets abordés) et l’on n’en saura pas plus. On voit que l’artiste, s’il se cantonne à quelques généralités généreuses – mais en 1974, seuls les intéressés allaient plus loin, comme, dans ces années, lors de la création du Front homosexuel d’action révolutionnaire (FHAR) – a bien modifié son discours. Il est tout de même assez remarquable de constater cette nouvelle position, ce revirement plutôt heureux. Sont-ils le fruit d’une discussion ayant suivi la fameuse mise au point faite par Frot et Castanier ou bien s’agit-il d’une évolution personnelle, due au fait qu’il aurait accepté de réfléchir plutôt que de railler ?
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[1]. Sergio Laguna, Léo Ferré, collection « Los juglares », n° 10, Madrid, éditions Jucar, 1974.
19:05 Publié dans Propos | Lien permanent | Commentaires (41)
Commentaires
Jacques, il vous manque vraisemblablement une information qui vient mettre à mal votre hypothèse.
Dans le nouveau texte de présentation de l'album On n'est pas sérieux quand on a 17 ans, réédité en 2008, Alain Raemackers nous informe avec force détails des différents projets concomitants qui ont abouti à l'album hétérogène qu'on connait.
Ainsi, alors qu'il élaborait L’Opéra du Pauvre, Ferré a débuté conjointement la mise en musique d'une série de poèmes majoritairement extraits de la section "Vers pour rire" de Poète... vos papiers ! (9 poèmes sur les 12 sélectionnés. Un seul rescapé : Le sommeil du juste, avec un bout de De cogitatione maquarellis il est vrai).
Parmi les 8 titres qui n'ont pas frayé leur chemin jusqu'à l'officialisation figure La tante.
Écrit par : The Owl | lundi, 02 mars 2009
Eh bien, dommage qu'il n'y ait pas définitivement renoncé et tant mieux que cela ne se soit pas fait. En tout cas, cela n'invalide pas les propos tenus à Laguna, du moins je l'espère.
Écrit par : Jacques Layani | mardi, 03 mars 2009
J'ai toujours trouvé que les "vers pour rire" étaient la partie
faible de "PVP", et de l'oeuvre de Ferré en général...
"La tante, les pisseuses, les cinéastes" sont selon moi ses
textes les plus mauvais...
Il avait , oui , le projet d'en mettre en musique, il a dû en chanter quelques uns en public, mais , heureusement, il ne les
a pas enregistrées, à notre connaissance..
Tante, Pédé ( dans "les retraités" et LMELM..)...c'est très péjoratif.....
Alors qu'il a célébré les amours de Verlaine et Rimbaud avec
une belle constance,(les poètes ont-ils droit à un traitement
de faveur ...?),ainsi que les amours saphiques...(les pensionnaires, etc...)
Il a cependant chanté en public, vous le savez, le sonnet
des "stupra", dit sonnet du trou du cul...
Les poètes, les artistes, ont-ils des "droits" que les autres
n'auraient pas? ..ou Ferré avait-il une réaction de défense
vis à vis des hommes efféminés?...Ce que n'étaient ni Verlaine ni Rimbaud...
Écrit par : Francis Delval | mardi, 03 mars 2009
C'est ici une question de génération, je crois. Les hommes nés avant la deuxième guerre mondiale -- et dans le grand public en général -- les artistes avaient (et ont parfois encore) un statut particulier. Léo Ferré aborde vaguement cette vision quand il relate que dans sa famille maternelle on le "traitait" de poète... Un poète, pour le grand nombre, c'est quelqu'un d'à part. Mais dans tous les sens du terme. C'est aussi bien en bien qu'en mal ; or l'homosexualité est tout de même vue par ce grand public comme le mal...
La notion d'anti-conformisme se fait sentir de l'extérieur dans cette application à une sexualité différente.
Écrit par : Martine Layani | mardi, 03 mars 2009
Application : dans le sens d'appliquer, non de s'appliquer à.
Écrit par : Martine Layani | mardi, 03 mars 2009
Francis, cette section "Vers pour rire", c'est un peu particulier. Je m'explique : quand il regroupe trois poèmes pour en faire Les Passantes, chanson qui n'a rien pour faire rire (et qui a été enregistrée), ça donne un beau résultat. Miracle de la voix et de la musique, qui transforment en chanson grave ce qui était "pour rire".
Écrit par : Jacques Layani | mardi, 03 mars 2009
La note de Jacques et les premiers commentaires, montrent bien l’intérêt d’explorer le sujet du regard que portait Léo Ferré sur l’homosexualité. Sans s’alourdir dans les parallèles on s’aperçoit qu’aux «mi-mignons à Cannes-li-fourchon » font écho à peu près à la même période des couplets d’autres chanteurs qui ont une semblable attitude de dérision à l’égard du sujet (cf. notamment Georges Brassens dans Les trompettes de la renommée - « si comme tout un chacun j’étais un peu tapette / me déhanchant sur le trottoir comme une donzelle… » - ou Brel dans Au suivant – où « l’adjudant de mes fesses » est campé sur scène comme un homo prêtant à moquerie – et plus tard dans Varsovie où il est devenu lui-même Tata Jacqueline chanteuse de charme à l’Alcazar.) Doit-on pour autant les accuser d’homophobie ? Pour ma part j’y vois surtout un besoin de sortir des gauloiseries faciles qui ont le mérite de mettre les rieurs de leur côté, sans se soucier des dégâts et blessures occasionnées.
Pour ce qui concerne Léo Ferré je rejoins le point de vue de Francis qui pose la question de savoir si le regard porté est le même qu’il s’agisse d’un artiste ou bien de M. Tout le monde ? En 1963 Ferré a montré qu’il était capable de s’engager en faveur d’un artiste gay, en la personne de Charles Trenet qui venait d’avoir des déboires avec la justice qui le poursuivait pour une affaire de ballets bleus. Le fou chantant ayant été arrêté et détenu quelques semaines, Léo Ferré raconta avoir aussitôt écrit et interprété sur scène une chanson pour dénoncer la mesure judiciaire, mais il avoua avoir été très déçu d’entendre Trenet confier à sa sortie de prison que ce séjour l’avait distrait. Dépité, Léo Ferré aurait jeté sa chanson. (De même à cette époque, lorsque Brassens se rend compte que Trenet assiste à un de ses récitals il s’autocensure en occultant le couplet pouvant égratigner son aîné).
Léo Ferré a parfois évoqué aussi les mœurs particulières des Pères des écoles chrétiennes et la complexité de ses propres réactions d’enfant. Peut-être est-ce là un des facteurs influençant sa position sur le sujet ?
Écrit par : J. Miquel | mardi, 03 mars 2009
Merci Jacques, car j'ignorais tout de cette histoire relative à Trenet. Que n'avez-vous fait cette note !
Il est bien évident que les artistes ont toujours fait l'objet d'une mansuétude particulière sur ce point, dans l'esprit de leurs pairs comme dans celui du public : "Ce sont des artistes, des poètes, ils ne sont pas comme les autres" (je simplifie). Mansuétude hors de propos, certes, puisque personne n'aurait dû faire la moindre remarque, mais c'était comme ça. Il ne faut pas oublier que la dépénalisation de l'homosexualité est récente en France (Mitterrand, si je ne me trompe). Autrefois, c'était un délit ! Incroyable, non ?
Ce "besoin de sortir des gauloiseries faciles qui ont le mérite de mettre les rieurs de leur côté, sans se soucier des dégâts et blessures occasionnées", comme vous l'écrivez, me répugne. Je hais l'homophobie. Il est vrai qu'à l'époque, le terme même n'existait pas et que l'idéologie dominante imposait le rire stupide en écho aux plaisanteries répugnantes.
A noter que les femmes n'étaient pas en reste, qui confortaient la pseudo-virilité en exigeant des agissements conformes aux idées reçues et aux critères en vigueur. S'il faut en croire Frot, Madeleine disait à Léo Ferré : "Si t'es pas un pédé" pour dire : "T'as le courage de" !
Écrit par : Jacques Layani | mardi, 03 mars 2009
Je me suis mal exprimé à la fin du commentaire précédent. Frot ne remarque pas cette tournure détestable. Il raconte seulement un souvenir. C'est moi qui extrais de ce souvenir cette expression exécrable.
Écrit par : Jacques Layani | mardi, 03 mars 2009
Il faut s'entendre sur le sens de "vers pour rire"...Je ne le comprends pas au sens d'amusant ou comique...
Mais plutôt , comme disent (ou disaient ) les enfants, qui "comptent pour du beurre"..sans prétention .ou .sur des sujets
auxquels la poésie est étrangère a priori...
Citons : "Le crachat"..qui n'est pas poétique a priori, "complainte pour popaul",ou , dans un autre registre plus traditionnel "Récréation" , qu'il a dû chanter dans les derniers
récitals, si ma mémoire est bonne..
Cette partie du recueil est néanmoins quelques textes essentiels, la plus faible du recueil.Ce qui n'engage que moi..
J'avais lu sur Internet , sur un site de paroles de chansons
qui a été fermé, un très long texte de Brassens: " L'enculé",
poème en vers de plusieurs pages, guère chantable..
Jacques Miquel le connaît probablement...Une curiosité.
Écrit par : Francis Delval | mardi, 03 mars 2009
De Brassens : "S'faire enculer" a été publié. Peut-être est-ce de ce titre que vous voulez parler ?
Écrit par : J. Miquel | mardi, 03 mars 2009
Je suppose qu'il s'agit de l'immortel chef-d'oeuvre qui se trouve ici :
http://www.le-parolier.net/paroles/b/Brassens_Georges/40219472.html
Remarquable de drôlerie et de finesse, vraiment.
Écrit par : Jacques Layani | mardi, 03 mars 2009
Oui, est-ce une chanson ? ( C'est assez long...) ou un "poème'?
Il devrait se trouver normalement dans l'oeuvre complète ?
cela dit, je me suis trop éloigné de Brassens depuis des années
pour aller relire ce texte trouvé au hasard du net...
Écrit par : Francis Delval | mardi, 03 mars 2009
commentaire croisé...avec Jacques L...
A la relecture, je trouve cela consternant...je pensais le texte plus long....ce n'est pas du meilleur goût, et c'est un euphémisme....! et pas très bien écrit ....On dirait une auto-parodie, mais je crains que non..
Écrit par : Francis Delval | mardi, 03 mars 2009
J'ai vérifié sur internet si cette chanson avait été enregistrée et effectivement elle figure sur le CD "Le patrimoine de Brassens interprété par Jean Bertola" (Universal, 1989). Je n'ai jamais eu l'occasion de l'entendre.
Écrit par : J. Miquel | mardi, 03 mars 2009
La discussion finit, de façon un peu facile et hypocrite, par se déplacer pour charger Brassens (qui en gros aurait fait bien pire)... La note de Jacques elle-même s'emploie à chercher du plus "politiquement correct" dans l'hypothétique "évolution" ultérieure de Ferré. Hypothétique, car rien ne donne à penser qu'il ait été plus "homophobe" dans les années 50, par la seule présence de ce fameux sonnet.
De toute façon, on a des raisons de penser que les 3 grands de RTL étaient rétrogrades concernant les moeurs, et il faut le dire, il est de bon ton pour eux de surenchérir dans des considérations sexistes (après 68 et à l'époque des revendications féministes, antisexistes, etc.). 68, ne nous le cachons pas, pour certains, a aussi un côté émancipation dans la beauferie (vu il y a quelques jours L'An 1 de Gébé/Doillon et c'est affligeant).
Francis explique le double sens de "Vers pour rire", encore que je prendrais justement plus au sérieux que lui cette section de PVP. Il me semble qu'il faut lire ces poèmes dans le dispositif et la tonalité du recueil. On se situe dans la satire. Quand Ph. Murray se moquait il y a peu de la gay pride ou de l''esprit festif" valorisé par le maire de Paris, on ne peut pas forcément parler d'homophobie, même s'il est possible que cela constitue l'implicite de ce discours.
La satire, au sens plein, ce n'est pas simplement la critique des moeurs d'une société et d'une époque. C'est aussi une vision du monde et un statut particulier du sujet. Le grand modèle en la matière, c'est Juvénal (bien plus expressif qu'Horace, le classique). Le sujet est déclassé, menacé dans son intégrité et il est plongé dans un monde qu'il perçoit comme une poubelle. La satire, c'est jusqu'à saturation un pot pourri de tous les déchets et les horreurs du monde. Il y a un côté apocalyptique dans PVP. Un "côté le monde, c'est devenu la décadence, la France, c'est Byzance". Bref, pas le temps de développer.
PS: Si l'on veut trouver de l'"homophobie" dans PVP, il faut relire Complainte pour Popaul. Dont le propos essentiel, c'est de dire "Mon pauvre Sartre, quelle honte:c'est devenu une invasion à St Germain des Près!"
Écrit par : gluglups | mercredi, 04 mars 2009
Je suis d'accord sur le fait que "complainte pour popaul" est une chanson très homophobe...Dont les " faux-bijoux" ont
donné une version light qui la rend peu lisible...Le côté
satirique est totalement "shunté", pour reprendre un verbe cher
à Ferré....
Evitons le contresens d'en faire une chanson contre Sartre,pour qui Ferré avait une très grande estime.
Écrit par : Francis Delval | mercredi, 04 mars 2009
"La discussion finit, de façon un peu facile et hypocrite, par se déplacer pour charger Brassens (qui en gros aurait fait bien pire)" :
Non, j'ai pris en route le train Brassens puisqu'on en parlait. Ce sont, comme toujours, les dérives de la discussion. Autrement, Brassens ne m'intéresse pas.
"La note de Jacques elle-même s'emploie à chercher du plus "politiquement correct" dans l'hypothétique "évolution" ultérieure de Ferré. Hypothétique, car rien ne donne à penser qu'il ait été plus "homophobe" dans les années 50, par la seule présence de ce fameux sonnet" :
Non, et vous le savez bien, j'espère. La note prend en compte les éléments d'information que nous proposent les textes ou les entretiens, c'est tout. Le politiquement correct -- l'expression elle-même m'énerve, elle est à toutes les sauces -- ne m'intéresse pas, c'est l'humain qui m'intéresse, en tous lieux.
Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 04 mars 2009
Cette homophobie, qu'on rencontre chez Ferré, Brassens et Brel, mais aussi chez Glenmor ( voir la chanson "Sodome" moquant la virilité de Cocteau et Marais , ou la chanson "vivre"
où il fustige " la tantouze bourgeoise qui chante la nature", entre
autres amabilités), il ne faut pas la généraliser et en faire l'apanage d'une génération d'artistes....C'est plutôt une rencontre fortuite.
On ne trouve rien de tel chez Mouloudji, par exemple, ni chez
les chanteurs canadiens.
Ni chez les intellectuels de cette génération des années 20..
Les Barthes,Foucault, Lyotard, Deleuze, Butor ou Tournier..etc..ni chez Sartre ou Beauvoir, mais c'est la génération d'avant.
Brel, Brassens, Ferré.Une rencontre fortuite, car ils ont eu des parcours très différents.
Écrit par : Francis Delval | mercredi, 04 mars 2009
Gluglups:
N'accablons pas les écrivains trop tôt disparus, mais Philippe
Murray critiquant le maire de Paris ou la gay pride peut être pris
à la lettre.Il devait penser vraiment ce qu'il disait.
Cet écrivain, lancé par Sollers,finit par rejoindre la droite la plus réactionnaire , les Alain Besançon, Taguieff,Dantec..etc...
On peut vraiment parler d'homophobie au sens de plus fort
du terme....C'est une constante d'une certaine droite française,
dont le site "Stalker" , lancé au départ par Dantec,est devenu
la caisse de résonance....
Vous ne m'avez pas répondu au sujet des "musique byzantine" et de Benda....byzantine semblant être nettement
péjoratif...
Écrit par : Francis Delval | mercredi, 04 mars 2009
Breton et la majorité des surréalistes étaient extraordinairement homophobes si je ne m'abuse.
Pas la même génération pourtant. Comme quoi...
"68, ne nous le cachons pas, pour certains, a aussi un côté émancipation dans la beauferie (vu il y a quelques jours L'An 1 de Gébé/Doillon et c'est affligeant)."
Et bien, il y a au moins une chose sur laquelle nous sommes d'accords. :-)
Écrit par : The Owl | mercredi, 04 mars 2009
"Il y a un côté apocalyptique dans PVP. Un "côté le monde, c'est devenu la décadence, la France, c'est Byzance"."
Peux-tu développer Glups ?
Que penser alors d'un projet PVP principalement axé sur la partie "grande poubelle du monde contemporain" dans les 80's ?
Écrit par : The Owl | mercredi, 04 mars 2009
La note de Jacques et les premiers commentaires, montrent bien l’intérêt d’explorer le sujet du regard que portait Léo Ferré sur l’homosexualité. Sans s’alourdir dans les parallèles on s’aperçoit qu’aux «mi-mignons à Cannes-li-fourchon » font écho à peu près à la même période des couplets d’autres chanteurs qui ont une semblable attitude de dérision à l’égard du sujet (cf. notamment Georges Brassens dans Les trompettes de la renommée - « si comme tout un chacun j’étais un peu tapette / me déhanchant sur le trottoir comme une donzelle… » - ou Brel dans Au suivant – où « l’adjudant de mes fesses » est campé sur scène comme un homo prêtant à moquerie – et plus tard dans Varsovie où il est devenu lui-même Tata Jacqueline chanteuse de charme à l’Alcazar.) Doit-on pour autant les accuser d’homophobie ? Pour ma part j’y vois surtout un besoin de sortir des gauloiseries faciles qui ont le mérite de mettre les rieurs de leur côté, sans se soucier du côté injurieux pour les personnes concernées. Pour ce qui concerne Léo Ferré je rejoins le point de vue de Francis qui pose la question de savoir si le regard porté est le même qu’il s’agisse d’un artiste ou bien de M. Tout le monde ? En 1963 Léo Ferré a montré qu’il était capable de s’engager en faveur d’un artiste gay, en la personne de Charles Trenet qui connaissait des démêlées avec la justice pour une affaire de ballets bleus. Le fou chantant ayant été arrêté et détenu quelques semaines, Léo Ferré raconta avoir aussitôt écrit et interprété sur scène une chanson pour dénoncer cette mesure, mais il avoua avoir été très déçu d’entendre Trenet confier à sa sortie de prison que ce séjour l’avait distrait. De rage il aurait jeté sa chanson plaidoyer. (De même à cette époque, lorsque Brassens se rend compte que Trenet assiste à un de ses récitals il s’autocensure et occulte le couplet pouvant blesser.).
Léo Ferré a parfois évoqué aussi les mœurs particulières des Pères des écoles chrétiennes et la complexité de ses propres réactions d’enfant. Peut-être est-ce là un des facteurs influençant sa position sur le sujet ?
Écrit par : J. Miquel | mercredi, 04 mars 2009
Apparemment il y a un bug dans le blog ? Peut-être que le taulier peut mettre dehors cette redite bien involontaire ?
Écrit par : J. Miquel | mercredi, 04 mars 2009
Une fantaisie de Haut et Fort, ce n'est pas la peine de s'en soucier.
Par principe, vous le savez, je ne touche jamais aux commentaires, même s'il s'agit de doublons. C'est une règle absolue.
Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 04 mars 2009
The owl: Pour les surréalistes, la question de l'homophobie est
assez compliquée..Globalement, ils avaient pris pour cible Cocteau et Radiguet ( surnommés "crotte d'ange" et "pelle à
crotte d'ange"..Sic...), mais il n'y avait pas de fatwa lancée contre les homosexuels. A preuve, la liaison de René Crevel
avec le peintre américain McCow était très bien acceptée...Et si vous lisez le livre d'Aragon "La défense de l'infini" écrit dans les années 20,il est tout à fait tolérant sur la question..Les dernières
années de sa vie, il les a passées avec son "secrétaire", le poète
Jean Ristat..dont un très beau recueil de poèmes vient d'être publié en collection "Poésie" (Gallimard).Le titre: Ode pour hâter la venue du printemps"...
Comme dans tout groupe, il y eut chez les surréalistes des
points de vue très divers, mais c'est une très, très longue
histoire....
Écrit par : Francis Delval | mercredi, 04 mars 2009
Après avoir sollicité Léo pour défendre la radio Divergence Fm, j'ai reçu un texte de lui, au dessous de sa signature (publié en 2003 dans mon livre, Entretiens entre peau et jactance). J'ai tout de suite remarqué le jeu sur les lettres de l'abréviation de pédégé, consonnes sur lesquelles il aurait sûrement appuyé s'il avait prononcé oralement ces mots !
"Demain matin, nous nous lèverons après avoir passé le chiffon sur ces "présidents", sur ces "PDg", sur ces voyous toujours en liberté... provisoire !"
C'était le 24 juin 1991.
Jacques, je t'envoie par mail photo du texte, si tu veux le faire figurer avec l'écriture de la main de Léo.
Écrit par : Claude Frigara | mercredi, 04 mars 2009
Je l'avais déjà, bien sûr, Claude. Je ne peux pas faire figurer de document dans les commentaires.
Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 04 mars 2009
Voici le texte en question, en respectant les capitales.
Léo Ferré artiste
Le pouvoir ne soutient pas les « radios commerciales ». Il les a créées et il soutient le « fric » qui les rehausse dans l’horreur du vide et de la commisération bancaire. Le pouvoir transpire et il sent mauvais. Il y en a assez. Demain matin nous nous lèverons après avoir passé le chiffon sur ces « présidents », sur ces « PDg », sur ces voyous toujours en liberté… provisoire !
Bien à toi, DIVERGENCE F. M.
Léo Ferré
Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 04 mars 2009
Francis, je sais qu'Aragon était bisexuel (ou plutôt homosexuel refoulé), et de ce fait "ouvert" sur la question. Mais il n'en semblerait pas moins qu'il ait été bien minoritaire.
Connaissez-vous ceci ?
http://213.41.242.202/vigier/ERITA/spip.php?article23
Écrit par : The Owl | mercredi, 04 mars 2009
J'ai lu le texte auquel renvoie le lien...Mis à part quelques
détails , il ne nous apprend rien qu'on ne sache déjà , pour
l'essentiel....Crevel, Aragon, mais aussi Queneau ou Prévert
étaient assez ouverts sur la question.Ribemont-Dessaignes
aussi.
Qu'en était-il des poètes du Grand Jeu? Je ne sais pas comment
Vailland, Daumal et Lecomte appréhendait ce pb de l'homosexualité....
Écrit par : Francis Delval | mercredi, 04 mars 2009
Vailland était un homosexuel refoulé, cela a été dit dans de nombreuses études. Lui-même évoquait le rêve de jeunesse où il couchait avec son cher Roger Gilbert-Lecomte [rappel : son nom est Gilbert-Lecomte, Gilbert n'étant pas un prénom, ici]. Dans les dernières années de sa vie, il demandait à sa femme Elisabeth d'aller lui chercher de jeunes garçons à la sortie des lycées. Elle y allait mais ne savait pas s'y prendre. Elle le raconte elle-même dans son livre de souvenirs.
Lire aussi le livre d'Alain-Georges Leduc dont je vous ai déjà parlé.
Écrit par : Jacques Layani | jeudi, 05 mars 2009
J'avais bien aimé le livre de Récanati, "Esquisse de la psychologie d'un libertin" paru en 71, que j'ai toujours, mais que
je n'ai pas relu depuis.Il faisait bien le point sur le rapport de Vailland aux "femmes phalliques", si ma mémoire ne me trahit
pas.
Le livre dont vous m'avez donné référence ne ferait-il pas double emploi avec Récanati..?
Et le "Courrière" est complet, mais assez mal écrit, de la prose
journalistique..
J'évoquais "le grand jeu" pour savoir si les participants avaient les mêmes positions que Dada et les surréalistes sur
la question...Un rejet pour certains, mais aussi une certaine
tolérance...
Les "jeunes " lisent-ils encore Vailland, Lecomte ou Daumal?
J'ai l'impression qu'ils sont dans une sorte de purgatoire...
Écrit par : Francis Delval | jeudi, 05 mars 2009
Non, Récanati et Leduc ne font pas double-emploi. Courrière est vraiment illisible (et anti-communiste primaire). Je ne connais pas suffisamment le Grand jeu, mais Vailland, homme à femmes complexe, élevé au milieu des femmes (mère, grand-mère, soeur) aimait les garçons, sans être jamais allé jusqu'au bout de son désir, comme beaucoup d'hommes de son temps (né en 1907).
Le purgatoire de Vailland, j'en fais état depuis un quart de siècle auprès de ceux qui l'ont connu (René Ballet, Claude Roy). Depuis, une association s'est créée, qui édite des Cahiers. Ses archives sont déposées à la médiathèque qui porte son nom et celui de sa femme, à Bourg-en-Bresse. Gallimard refuse de le pléiadiser et a laissé tomber le projet de le faire paraître en Quarto, comme il avait été imaginé en 2007, pour le centenaire de sa naissance.
Il y a maintenant un site internet, pas mal fait :
http://www.roger-vailland.com/
Écrit par : Jacques Layani | jeudi, 05 mars 2009
Vous pourrez y admirer avec délectation et stupeur un portrait de Vailland par mes soins :
http://www.roger-vailland.com/-Fiches-thematiques-
Et y lire, émerveillé, un bref extrait de la brève étude que je lui ai consacrée dans un bref ouvrage :
http://www.roger-vailland.com/Une-Fille-de-Roi
Écrit par : Jacques Layani | jeudi, 05 mars 2009
Jacques dessinateur..voici une facette de votre talent que vous
nous aviez dissimulé..!
Quant à Vailland, comme pour la plupart des écrivains, il faut
vraiment tout lire pour le comprendre.. De son livre sur Choderlos de Laclos à "la visirova" et à ses chroniques des années folles (28-45)...( ces derniers titres, je les ai trouvés dans une solderie , dans un hangar au bord de l'autoroute).
J'aime bien son tout petit livre posthume "les hommes nus"..
Vailland est au purgatoire.Il refera surface....! Comme
Daumal et Gilbert-Lecomte.
Sur le "grand jeu" , qu'on ne peut ignorer quand on s'intéresse à la poésie et aux marges du surréalisme,il y a eu
un bon numéro de la revue "Europe"..qui n'est pas très ancien.
Je n'ai plus la référence en tête, deux étages à monter..
Nous voilà encore loin de Ferré, mais il y aurait là aussi
quelques recoupements possibles,sur l'érotisme et les positions politiques....qui semblent parfois non compatibles.
Écrit par : Francis Delval | jeudi, 05 mars 2009
Tout est toujours compatible, Francis, et c'est pour cela que les contradictions n'existent pas. Je connais des gens très portés sur le sexe, vraiment très très et sous toutes ses formes, qui sont communistes. Eh bien ? Je connais même des communistes catholiques et pratiquants. Si, si. Et si Vailland est tant prisé des gens de droite, célébré par les Hussards, c'est bien pour son côté aristocratique.
Il y a beaucoup de parutions posthumes de cet écrivain que je n'hésite pas à qualifier d'étincelant. J'ai tout lu de et sur lui, y compris les introuvables évidemment trouvés, depuis une bonne quarantaine d'années. Un très grand bonhomme.
Le dessin, que j'avais fait en 1982, est mauvais : les yeux sont trop petits.
Écrit par : Jacques Layani | jeudi, 05 mars 2009
J'oubliais : dans Les Mémoires d'un magnétophone, Madeleine note : "Roger Vailland est mort. C'est la loi, la loi Goncourt, mon cher". Et Vailland est, comme très souvent, orthographié fautivement : Vaillant. C'est la seule allusion que je connaisse chez Ferré ou chez son épouse d'alors à l'auteur des Mauvais coups.
Écrit par : Jacques Layani | jeudi, 05 mars 2009
si chacun commence à vouloir censurer Léo Ferre on a pas fini car justement monsieur Léo Ferre ne se censurait pas lui même c'est son talent !!!!!!! c'est vrai qu'aujourd'hui il faut tout asceptiser c'est bien triste
Écrit par : jacques | vendredi, 06 mars 2009
Entendu à france-culture: Une bio de Mauriac vient de paraître.
(je n'ai pas retenu le nom de l'auteur)...Cette bio, très fouillée
et sérieuse,met (pour la première fois ?)en lumière l'homosexualité de Mauriac, qui marié, avec des enfants, souffrait beaucoup de ce qu'il vivait comme une contradiction insoluble...Comment être bon mari et bon père de famille, être
un écrivain catholique reconnu, et assumer ce penchant , ce péché....Le protestant julien Green a vécu aussi ce dilemme.
Quant à Gide, qui draguait les petits garçons à un âge avancé, il eut ce mot odieux: " Ma Nobel me protège"...
Léo Ferré ayant eu à subir des avanies de ce type au collège,
on peut comprendre ses positions qui peuvent paraître réacs.
Comprendre, sans forcément les avaliser.
Écrit par : Francis Delval | samedi, 07 mars 2009
Tout cela est dû au fait qu'on s'évertue à nous faire croire que chaque individu n'a qu'une seule et unique sexualité et qu'il n'en change jamais, au cours de sa vie. J'ai connu des pères de famille (au moins deux) qui ont tout quitté pour un homme, c'est comme ça. Il y a aussi des bisexuels. Il y a mille variations possibles et surtout, aucune n'est définitive. Il faut avoir le courage de le vivre. Tout cela est en train de changer mais ce sera très long encore.
Mauriac, Green, Vailland ne pouvaient assumer librement leur homosexualité. L'époque ne le permettait pas. Le mythe de la virilité n'a pas cessé de faire des dégâts.
L'homophobie est une saloperie.
Écrit par : Jacques Layani | samedi, 07 mars 2009
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