Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

jeudi, 26 février 2009

Pendant la Seconde Guerre mondiale

1939

 

Fin de l’année scolaire

Ferré obtient le diplôme de l’École libre des sciences politiques. Son père le fait entrer chez un avocat, qu’il connaît par personne interposée. Ferré l’assiste et gagne un peu d’argent.

 

Septembre

Son sursis terminé, il est mobilisé avec Maurice Angeli à Montpellier. Angeli est versé dans l’infanterie, lui, dans l’artillerie. Il demande à être lui-même affecté dans l’infanterie, pour rester avec son camarade. Pour l’officier, cette demande est remarquable car l’infanterie est une arme très dure, à cause des marches et du sac de dix-huit kilos. Il rentre chez lui le vendredi soir par le train, et revient le dimanche. Il est ensuite transféré à Sète, caserne Vauban.

 

1940

 

De janvier à mai

Il est nommé à l’école d’officiers de réserve (EOR) de Saint-Maixent-l’École.

 

Mai

Le lundi 20, il en sort aspirant. Un regroupement a lieu ensuite à Saintes, puis un transfert au fort de Sainte-Foy-lès-Lyon.

 

Juin

Le samedi 8, nommé à la tête d’une section de tirailleurs algériens, il part pour l’exode vers le Sud, à la tête de quarante hommes et de huit chevaux, qu’il doit conduire à Albi. Chargé de contrôler le passage sur la route, il arrête une voiture transportant l’amiral Darlan, à qui il demande ses papiers. L’armistice est prononcé et il doit se replier.

 

Juillet

Il est démobilisé à Albi et touche une prime de huit cents anciens francs.

 

Août

Ce mois-là, il rencontre Odette, Hélène, Germaine, Louise Schunck, née à Paris le lundi 1er mars 1920, en fuite avec ses parents, Jo et Fernande, à Castres. Le père d’Odette est l’administrateur du théâtre parisien de l’Étoile. De Monaco où il est rentré lors de sa démobilisation, il gagne Castres à bicyclette, pour revoir Odette. À Montpellier, Trenet chante. À la fin du spectacle, il lui présente quelques unes de ses créations. Trenet apprécie les chansons, mais pas son interprétation et le dissuade de chanter lui-même.

 

Octobre

Le mardi 29, la sœur de Léo Ferré, Lucienne, dentiste, épouse Joseph Bergeron, pharmacien. L’abbé Trouguet les marie à 11 h, puis une messe est dite par le révérend-père Laurens. Ils vont s’installer à Varennes-sur-Allier. Ils auront trois enfants : Michel, Jacques et Marie-José. Léo Ferré compose pour le mariage un Ave Maria pour orgue et violoncelle, joué à l’église Saint-Charles de Monaco, chanté par Mme Orsoni. Il est aussi le compositeur de deux autres œuvres religieuses, dont un Agnus Dei qu’on ne découvrira qu’en 2000 et un Benedictus qu’on ne découvrira qu’en 2004. L’Éclaireur de Nice consacre un article au mariage dans son édition du mercredi 30 et félicite le compositeur. Ferré s’inscrit à Nice en troisième année de droit. Il ne parvient pas à obtenir son troisième certificat. Il n’aura jamais de licence complète.

 

Dans l’année

À l’Hôtel de Russie, près le Casino, Ferré chante, sur sa musique, les textes de la fille du propriétaire, Germaine Neumann (ou Médecin, selon les sources), dite Claude Henry (née en 1902).

 

1941

 

Février

Le mercredi 26, il se produit en public, en soirée, dans un spectacle de variétés comprenant douze numéros, spectacle présenté par le studio de Monaco au théâtre des Beaux-Arts. Il chante en dixième position, sous le nom de Forlane, des textes de Claude Henry qu’il cosigne parfois, sur des musiques de sa composition. On ne dispose, pour ces chansons, que des bulletins de déclaration à la Sacem. Les titres sont : Un chant d’amour, Jouez-moi du Bach, Le Vieux cahier, Le Temps des valses, Je fais parfois un rêve fou, Près de toi, Prétexte, Souvenir. Au même programme, un ensemble de jazz dans lequel joue le guitariste Barthélémy (dit Emmy, dit Mimi) Rosso, qui devient son ami. Pendant l’Occupation, secrétaire général du comité de l’hôtellerie, il distribue des bons d’approvisionnement aux hôteliers et restaurateurs de Monaco, travail de bureau trouvé pour lui par son père.

 

1942

 

Toujours durant l’Occupation, il cache parfois des juifs, ce qu’on apprendra par Maurice Angeli, longtemps plus tard, en 2003. Il découvre l’œuvre de Sartre.

 

1943

 

Mars

Le samedi 27, il écrit La Rengaine d’amour.

 

Octobre

Le samedi 2 à 10 h 30, Léo Ferré épouse Odette Schunck à la mairie d’Issy-les-Moulineaux où elle habite chez ses parents, 15, avenue Jean-Jaurès. Le Petit Niçois consacre un écho à ce mariage. Ils vont vivre à Beausoleil, au lieu-dit Grima, dans une ferme, avec quarante-cinq oliviers et des bêtes : une mule, un mouton et trois vaches. Il a son premier chien, un berger allemand nommé Arkel. Il mène une vie de fermier, vend le lait de ses vaches. Puis Ferré est engagé à Radio Monte-Carlo où il est speaker, aide-régisseur, bruiteur, pianiste… Il annonce quelquefois la météo marine. À Nice, il prend des leçons de composition auprès de Leonid Sabaniev (1881-1968), ancien élève de Scriabine. Il écrit ses premières chansons : sur des paroles de René Baer, juif réfugié à Monaco (né en 1887), il compose Le Banco du diable, La Mauvaise étoile et Oubli. Il ne les enregistrera pas. Sur ses propres textes, L’Histoire de l’amour, Petite vertu… Il ne les enregistrera pas.

 

Dans l’année

Au théâtre, il voit Jean-Roger Caussimon jouer Volpone, avec Dullin.

 

1944

 

C’est entre 1944 et 1947 qu’il faut situer, sans autre précision actuellement possible, les enregistrements sur disques « pyral » de trois chansons, Suzon, Ils broyaient du noir et L’Opéra du ciel, qu’on ne découvrira, chantées, qu’en 1998. Encore connaissait-on le texte de L’Opéra du ciel. Les deux autres chansons étaient totalement inconnues.

 

Toussaint

Il remonte avec Odette vers Paris. En chemin, ils s’arrêtent quelques jours à Lyon, où Ferré compose Les Amants de Lyon, qui deviendront plus tard Les Amants de Paris.

 

1945

Avril

À compter du dimanche 1er, Joseph Ferré est nommé directeur du personnel.

 

Juillet

Le vendredi 13, Ferré écrit Le Temps des roses rouges.

 

Août

Le vendredi 3, il écrit La Relève, qui deviendra On change à la Bastille. Le jeudi 23, il écrit L’Inconnue de Londres. Le jeudi 30, il écrit La Vénus du carrefour.

 

Septembre

Mardi 4, il écrit Le Carrousel du temps perdu.

 

À la fin de l’année

Il chante L’Esprit de famille à Francis Claude (né en 1905) à Monaco. Il l’a connu à la radio. Il rencontre Édith Piaf, venue chanter dans la Principauté et lui fait entendre des chansons. Elle lui conseille de se rendre à Paris. Il rend compte du tour de chant de Piaf dans L’Éclaireur de Nice.

17:07 Publié dans Propos | Lien permanent | Commentaires (2)

mardi, 24 février 2009

Reconstitution

1887

 

Décembre

Le samedi 10, a lieu la naissance de Joseph, Bénézel, Marius Ferré, à Nice. Il est le fils de Charles, Joseph Ferré, lui-même né à Nice en 1853, cocher de fiacre et maréchal-ferrant à Nice, marié à Apollonie, Irma Poucel (ou Poussel, selon les sources), vendéenne, née le vendredi 20 mars 1857 en Provence, à Charleval, coiffeuse.

 

1889

 

Octobre

Naissance, le jeudi 24, de Marie, Charlotte Scotto, à Monaco. Elle est la fille de Mathieu Scotto et d’Antoinette. Ils ont aussi un fils (qui deviendra Stradi dans le roman Benoît Misère, publié en 1970).

 

1900

 

Novembre

À un peu moins de treize ans, Joseph Ferré perd son père, mort jeune, le vendredi 23.

 

1908

 

Mai

Le vendredi 1er, Joseph Ferré entre au casino de Monte-Carlo. Il commence sa carrière comme conducteur des travaux au service de l’architecture, à raison de cent soixante-quinze francs par mois. C’est un homme très pieux, qui préside la Conférence de Saint-Vincent-de-Paul.

 

1912

 

Janvier

Joseph Ferré est détaché au secrétariat général des services extérieurs, puis secrétaire au même endroit.

 

Juin

Joseph et Marie se marient le samedi 8. Charlotte Ferré est couturière. Elle fabrique des robes à partir de patrons que lui donne une amie, première main chez Patou.

 

1913

 

Mai

Le jeudi 1er, Joseph Ferré est augmenté : deux cents francs par mois.

 

Décembre

Leur fille, Lucienne Ferré, naît.

 

1914

 

Mai

Le vendredi 1er, Joseph Ferré est augmenté : deux cent cinquante francs par mois.

 

1915

 

A la fin de l’année, Mme Ferré est enceinte.

 

 

Chronologie vérifiée d’après de récentes recherches de Patrick Dalmasso.

11:12 Publié dans Propos | Lien permanent | Commentaires (6)

jeudi, 19 février 2009

Question d’oreille

Il arrive – du moins il arrivait, lorsque les électrophones, même stéréophoniques, n’avaient pas encore été remplacés par les chaînes haute-fidélité – qu’on entende autre chose que ce qui était enregistré dans un disque. Il faut aussi prendre en compte, naturellement, la qualité de la prise de son, du pressage. Et bien sûr, la forme générale de l’interprète le jour de l’enregistrement, sa voix du moment.

 

Je prendrai comme exemple la chanson Quand je fumerai autre chose que des celtiques, entendue en scène longtemps avant l’enregistrement, puisqu’une première version désignait sans équivoque Popaul : « Avec à son piano mon hibou sérénade / Qui n’y voit que la nuit pour mieux m’accompagner », final qui sera modifié, « à son piano » devenant « dans mes paquets » et « Qui n’y voit que la nuit pour mieux m’accompagner » perdant de fait toute son évidence (la cécité et l’accompagnement musical). D’ailleurs, en scène, Léo Ferré montrait Popaul de la main. Le vers de clausule disait : « Alors nous fumerons nos dernières celtiques » ; il est devenu : « Alors nous tirerons nos dernières cartouches », avec un jeu de mots à propos de « cartouches », évidemment.

 

Mais le sujet de cet article est plus précisément ce qu’on peut entendre la première fois qu’on écoute un disque, et qui restera toujours dans notre esprit. On a beau avoir appris, dans l’intervalle, que c’était autre chose, l’accoutumance auditive et l’empreinte des premières fois demeurent. Il faut alors se défendre d’entendre ce qu’on entendait, c’est souvent impossible.

 

Ainsi, « Et marchait seul devant le poing dans l’utopique » est un vers que j’ai, au début, entendu ainsi : « Et marchait seul levant le poing dans l’utopique », ce qui avait aussi un sens parfaitement compréhensible. De même, « Moi je suis con ma foi mes fleurs noires à la face » pouvait s’entendre « Moi je suis con ma foi mais fleurs noires à la face », qui se comprenait aussi très bien.

 

Autre exemple, celui d’Il n’y a plus rien, où l’on entend : « Lâche ces notions, si ce sont des notions ». J’entendais – je n’étais pas le seul, mes camarades aussi, nous en avions parlé au temps du lycée : « Lâche ces notions, ce sont des notions », ce qui n’est certainement pas la même chose.

 

Enfin, dans Tu ne dis jamais rien, au lieu de : « Ma machine à écrire a un complet tout neuf », j’entendais : « Ma machine à écrire a un pourpoint tout neuf », ce qui ne changeait rien au sens, cette fois.

 

En ce qui concerne La the nana, toutefois, j’ai toujours entendu correctement : « Tu joues complet dans ton cinoche », quand un autre soutenait que la chanson disait : « Tu joues complet pour ton cinoche ». J’étais ennuyé car je ne parvenais pas à le convaincre que le sens, dans son hypothèse, n’était pas évident et qu’en l’occurrence, il n’y avait pas de difficulté d’audition particulière, moins encore d’interprétation.

11:44 Publié dans Propos | Lien permanent | Commentaires (18)

lundi, 16 février 2009

Le vocabulaire religieux

L’objet de cette note n’est évidemment pas de tirer Léo Ferré vers l’Église ni d’en faire un croyant malgré lui, ainsi que le fit l’abbé Henry Bertrand en 1961, dans le premier livre (un opuscule, plutôt) qui fut consacré à l’artiste. Le sous-titre de son Léo Ferré était « Le cœur mangé par la cervelle », jésuitisme classique qui consiste (c’est une spécialité de notre civilisation judéo-chrétienne) à opposer ce qui est en réalité parfaitement complémentaire. Comme s’il était impossible d’être touché, ému, généreux, et de se servir de son cerveau en même temps. L’opposition crée ipso facto des interdits.

 

Il s’agit ici, bien plutôt, de tenter de montrer combien l’éducation chrétienne, fort stricte, qui fut celle des enfants Ferré, Lucienne et Léo, sous l’égide d’un père très pieux et autoritaire, a pu demeurer en l’homme mûr et se retrouver, de différentes manières, dans l’œuvre. Il n’est donc évidemment pas question de chercher des poux dans quelque tête que ce soit, mais d’examiner des textes que leur auteur lui-même a voulu rendre publics et qui, à ce titre, peuvent être commentés.

 

La messe est alors dite en latin par un prêtre qui officie tourné vers l’autel, dos à l’assemblée. On se tient, selon les temps de la célébration, debout, assis ou à genoux. Bien entendu, les fidèles ne prennent pas part aux lectures (célébration de la parole) et ne distribuent évidemment pas la communion (célébration eucharistique), ainsi qu’il est d’usage depuis Vatican II, concile que Ferré moqua d’ailleurs dans la seconde version des Temps difficiles. Léo Ferré passe, on le sait, huit années en internat dans un collège de Bordighera, tenu par les Frères des écoles chrétiennes. Il sait son catéchisme, est même primé pour cela. Pour le mariage de sa sœur, il compose une messe. Ses premiers contacts avec la musique se font dans le domaine du sacré.

 

Quand, ainsi que le font tous les jeunes qui quittent le foyer paternel, il rejettera l’ensemble de cette éducation et s’appliquera à devenir un homme libre, il aura beau faire, il ne se départira pas totalement de l’empreinte religieuse.

 

 

Les « prières inversées »

 

Les « prières inversées » annoncées dans Le Chien en 1969 avaient déjà été dites, notamment avec Thank you Satan (1961), chant de louange à proprement parler « inversé », dans lequel il s’agissait de remercier le diable pour tout ce qu’il permettait dans le domaine de l’« anti » et du non-conformisme, de la transgression libératrice des interdits. Il faut rappeler que cette chanson avait choqué en 1961. Son titre, déjà : cela ne se faisait pas. Son contenu, lui, choquait certains et enthousiasmait d’autres mais, quoi qu’il en soit, la chanson n’existait que par rapport à Dieu. S’opposer à Dieu n’est certes pas le nier, bien au contraire.

 

Quelques années auparavant, Léo Ferré chantait Merci mon Dieu, dont Thank you Satan est l’exact pendant, avec une inquiétude désolée qui était à tout le moins agnostique. Le refrain « Nous te disons merci mon Dieu », pour ironique qu’il fut, était surtout attristé, plein d’incompréhension. Cette incompréhension est manifeste au dernier refrain, devenu : « Nous te disons pourquoi mon Dieu ». Cette chanson fut peu interprétée, je crois, par son auteur qui, pourtant, en avait écrit et chanté d’autres, à commencer par, bien plus avant, Monsieur Tout-Blanc. Mais une chose est de s’en prendre au pape Pie XII qui est un homme, un individu – de Franco à de Gaulle en passant par bien d’autres, Ferré n’a jamais craint de dire leur fait aux puissants du moment – autre chose est de nier Dieu.

 

 

Un vocabulaire religieux laïcisé

 

Le mot amour est sans conteste le plus présent dans l’œuvre de Léo Ferré. Cet amour qu’il prônait comme seule et unique solution aux problèmes humains et aux relations entre les hommes… Cela m’avait conduit à titrer « Un programme d’amour » le premier chapitre d’un ouvrage ancien. Cet amour est aussi présenté comme la seule solution dans tous les textes chrétiens, en premier lieu dans l’Évangile. Que dit Léo Ferré ? La même chose, dont il retranche le Christ, son enseignement et son culte. C’est dire qu’il revendique l’amour d’une manière païenne, parce qu’il n’entend pas laisser aux prêtres ce qu’il tient pour seule échappatoire possible.

 

Cela étant – tandis qu’il s’amuse, avec un brin de provocation, à déclarer : « Mon père s’appelait Joseph, ma mère Marie, la ressemblance s’arrête là », tandis que, dans la quasi bagarre déclenchée un soir dans une salle où il se produit, il entre en scène, s’il faut en croire Frot, les bras en croix – on ne peut pas ne pas relever dans ses textes les expressions et allusions bibliques ou d’ordre religieux : « de toute éternité » (La Lettre, Le Chien) ; « comme un Christ de Véronique » (Faites l’amour) ; « Pour le prêtre qui s’exaspère / À retrouver le doux agneau / Pour le pinard élémentaire / Qu’il prend pour du château-margaux (…) Pour le péché que tu fais naître » (Thank you Satan) ; « catéchisme, ciboire, anges gardiens » (Les Morts qui vivent) ; « Le sourire de Dieu qu’on touchait de la tête (…) Et que Dieu voyant ça signe la fin du monde » (Rappelle-toi) ; « Comme un rictus d’encens quand s’ébroue l’encensoir » (Écoute-moi) ; « C’est le chemin de croix dans une discothèque / C’est la flagellation qui descend de sa croix » (La Vendetta)… La liste pourrait continuer longtemps et devenir une litanie. Elle vaut ici à titre d’exemple.

 

Il est préoccupé par l’idée de la trahison, du reniement. Celui de Saint-Pierre est présent : « Le chant du coq et le silence de Saint-Pierre » (À toi) et se retrouve dans L’Opéra du pauvre où il est demandé trois fois : « Vous connaissez cet homme ? », puis le coq chante, avec, ensuite, cette indignation : « Il l’a renié. Et il venait de bouffer avec lui ». Quand il traduit avec tristesse la « trahison » de Francis Claude qui a donné à Michèle Arnaud la place qui était la sienne sur l’affiche du cabaret, il écrit Judas, purement et simplement. Et tout y est : Judas Iscariote, les trente deniers, le baiser. Mais il transgresse en laïcisant cet épisode de l’Évangile et cela donne une chute très païenne : « J’valais beaucoup plus cher que ça ». Cela n’est pas seulement un mot, il me semble. Sans doute pensait-il qu’effectivement, le Christ valait davantage – et je sors ici de l’anecdote qui fait naître la chanson, afin de ne pas sombrer dans le biographisme. D’ailleurs, Y en a marre possède une chute qui évoque Jésus ; elle est écrite d’une façon un peu rude, un peu bourrue, mais une forme de regret y est présente.

 

Psaume 151 est une belle illustration de ce propos. A la suite des cent cinquante psaumes de David, Ferré écrit le cent cinquante et unième, qui traduit une vision du monde moderne dans un style et un phrasé religieux, avec un refrain en Miserere qui introduit toutefois des éléments bien contemporains. On note cependant que l’alternance de propos doux et violents est précisément celle qu’on trouve dans les psaumes de David, dont certains décrivent des batailles, des exterminations, des massacres, des horreurs. Le langage guerrier n’est pas absent des psaumes et celui millésimé 151, en cela, s’inscrit dans leur tradition stylistique. Évidemment, si Dieu est présent dans Psaume 151, c’est au travers non d’une soumission, non d’une déférence, mais au contraire d’une interpellation : « Les condamnés jouent au poker leur appétit / Et vous laissent Seigneur leur part de solitude / Le service est compris nous avons l’habitude / Descendez donc Seigneur dans notre connerie ». En cela, se tient la laïcisation du propos, mais la forme demeure invocatoire. Encore faut-il noter que la première version de ce texte, telle qu’elle parut en 1956 dans Poète… vos papiers !, ne comprend pas cet ultime quatrain, ajouté lors de la mise en musique, en 1970. 

 

La dénégation des choses sacrées, bien sûr, ne perd pas ses droits, et s’exprime avec ironie : « La prièr’ ça monte tout droit / Comm’ la fumée des hauts-fourneaux / À moins qu’y ait l’vent qui pass’ par là / Alors t’as prié pour la peau (La Grève); « Et puis l’curé qui fait la manche / Avec son pot’ dies illa / Y a pas qu’au guignol qu’y a des planches / Y en a aussi dans ces coins-là « (Les Retraités). Toutefois, la dénégation conforte l’existence : on ne peut nier, dénier, renier ce qui n’est pas. Dans ces textes, la prière, le curé, existent. Léo Ferré pourrait les ignorer : on peut fort bien ignorer ce qui est. Il ne le fait pas. Même dans Le Chien où il s’en prend à Dieu avec la plus grande virulence en citant dans son texte le mot de Bakounine, Léo Ferré suppose Dieu, quitte à « s’en débarrasser ». Encore une fois, je ne tire pas de conclusion et ne fais pas de lui un croyant contre son gré. Je dis qu’il choisit de ne pas ignorer, purement et simplement, ces choses.

 

 

Un vocabulaire religieux érotisé

 

La transgression, le péché s’expriment dans le cadre de l’amour charnel : « Tout ce qui est mal, c’est bon ; tout ce qui est bon, c’est mal ; alors, damne-toi » est le prologue donné à La Damnation ; dans L’Amour fou, on entend : « Lorsque vous me mettrez en croix / Dans votre forêt bien apprise » ; la chanson Écoute-moi laisse entendre : « Qui dira la passion du corton à la messe / Cette rouge chanson plus rouge que le sang / Qui dira la virginité de nos caresses / Quand il y passerait Jésus entre nos dents » où l’on va du vin de messe (à supposer que ce soit du bourgogne) contenu dans la coupo santo, comme on dit en provençal, aux caresses sanctifiant l’amour charnel ; dans Je t’aime, s’entendent les mots « (…) et que je te maudis / D’être à la fois ma sœur mon ange et ma lumière » ; dans Amria, il va jusqu’à écrire : « La Bible dans le fond du lit baille un chouya », ce qui est tout de même assez culotté ; mais la transgression n’est pas finie : « Quand mon ange gardien revient te faire luire » (En faisant l’amour) où l’on comprend sans peine de quel ange il s’agit ; et tout culmine dans Le Mal (« Dans tes yeux le mal qui se traîne / Comme une idée de crucifix »), chanson dans laquelle, de strophe en strophe, le Bien cherche sa voie (« Et puis dans l’ombre le bien qui coule / Dans la rivière de la nuit (…) Et puis dans l’ombre le bien qui écume / Comme des chevaux démarrés ») avant d’être vainqueur in fine : « Lorsque dans l’ombre le bien se lève / Comme le jour après la nuit »  – c’est-à-dire à l’achèvement de l’acte d’amour qui était le Mal mais, bien évidemment, un mal voulu, cherché, revendiqué, « succulé », pour reprendre un terme cher à l’auteur. On se damne, on pèche. Le plaisir vient de Satan. Satan qu’on remercie peut-être, mais le plaisir n’est pas libre, demeure contraint par une éducation traditionnelle, une profonde marque.

 

Il existe un autre texte où éclatent la transgression, la recherche blasphématoire. Il s’agit de Messe, publié dans le n° 11 (automne-hiver 2006-2007) des Copains d’la neuille. On peut y lire : « Donne-moi de l’alcool / Pour mes mains pour ma voix / Donne-moi de la marijuana / Ô Marie Marie / Donne-moi de la vie / Au bord de ta salive / Et couds-moi dedans toi / Couds-moi pour que je crois / Kyrie / Sainte Marie / Marie des rues Marie des joies perdues / Marie Jésus ta croix dorée / Marie tu dors Marie tu crois (…) Kyrie eleison / Je suis femme et j’ai des problèmes de cul ». Curieuse messe païenne où le physique (« Et couds-moi dedans toi ») rejoint le divin (« Couds-moi pour que je crois »), où la Vierge (« Sainte Marie ») rejoint la prostituée (« Marie des rues Marie des joies perdues »), où le refrain est la demande liturgique de prise en pitié – pour ceux qui l’ignoreraient, Kyrie eleison est ce que psalmodient les fidèles après que le prêtre a dit : « Préparons-nous à célébrer cette eucharistie en reconnaissant que nous sommes pécheurs » – qui se poursuit plus loin par Christe eleison, ainsi qu’il est d’usage.

 

 

Pour ne pas conclure

 

Je n’ai pas voulu citer de textes encore plus nombreux. Chacun peut les lire ou les entendre. L’important, je crois, est de dire qu’il existe, dans l’œuvre de Léo Ferré, un vocabulaire religieux remis en forme par l’auteur selon son éthique, son esthétique ou sa morale – on pourra employer le mot qui plaira – et ce loin des tabous supposant que l’auteur de Ni Dieu ni maître ne saurait être taxé de mysticisme ni même parler de ces choses. Indéniablement, il en parle, les cite ou les détourne. S’il existe une empreinte religieuse, fût-elle niée, dans l’œuvre, ce n’est pas le commentateur qui l’a laissée. Le commentaire se fonde sur l’état existant du corpus. En tout état de cause, il ne s’agit pas de choses cachées ou retrouvées dans un tiroir mais, dans l’ensemble, d’œuvres que l’artiste a lui-même rendues publiques (à l’exception de Messe qui l’aurait peut-être été un jour).

15:51 Publié dans Jalons | Lien permanent | Commentaires (17)

jeudi, 12 février 2009

L’habitude

« Onanisme torché au papier de Hollande », ou « Masturbé qui vide sa moelle / À la devanture du coin » entend-on dans Poète… vos papiers ! Dans le roman Benoît Misère, on peut lire : « Tu es fou, Misère, coupe-la toi cette main, les manchots, ça ne peut pas se vider la moelle. Dors ! Il avait raison mon Reyne des miracles. Un manchot des deux mains ça doit dormir tranquille… et moi qui pistonnais à m’en faire perdre la généalogie ». Je ne sais pas si cette expression très imagée, « se vider la moelle », est de Léo Ferré ou si elle ressort d’un argot bien défini. Je trouve qu’elle est étonnante de vigueur et de précision métaphorique.

 

La masturbation est plutôt fréquente dans l’œuvre de Ferré. C’est bien lui, d’ailleurs, qui déclare : « Je me suis énormément branlé, beaucoup, longtemps, parce que c’était une facilité extraordinaire » [1]. C’est certainement le lot de tout garçon jeune, et même, plus tard, de tout homme mûr qui, hors tous les tabous, ne pense pas nécessairement que cela est réservé à l’adolescence, aux personnes qui ne sont pas mariées, et autres fariboles. Rien de spécifiquement ferréen, certes, mais une présence, indéniable je crois, dans la création de l’artiste.

 

Personnellement, je n’ai jamais compris autrement les vers de La Mémoire et la mer : « Ô l’ange des plaisirs perdus / Ô rumeur d’une autre habitude / Mes désirs dès lors ne sont plus / Qu’un chagrin de ma solitude » que comme une évocation de l’onanisme. Je n’affirme rien ici, je livre seulement un sentiment personnel – d’ailleurs conforté par le fait que « l’habitude » était autrefois le nom discret dont on affublait la pratique supposée honteuse et porteuse de désastres.

 

Je ne comprends pas autrement, non plus, ce passage de La Damnation, où l’on voit ces fameux « communiants du mois de mai ». Que sont donc « leurs péchés de principe » d’adolescents (des communiants de mai, au sens strict) et que font « leurs mains dans les nuits-fusain / À ombrer sous leurs pauvres nippes / Des désirs tachés de frangins » ? Qu’est-ce que cela veut dire (ou peut vouloir dire, si l’on admet la constante polysémie des textes de Ferré) ? Comment entendre cet autre extrait : « Leurs voix comme des cathédrales / Chantent des gestes de granit / Et des mosaïques d'étoiles / Arc-en-ciellent leur ciel de lit » ? (Du verbe arc-en-cieller, naturellement). En effet, que sont ces « mosaïques d’étoiles », stricto sensu, et que vont-elles faire sur le ciel de lit ? Faut-il rappeler ici qu’une expression parfaitement vulgaire et pleine de vantardise, mais fort explicite, dit la masturbation de la manière suivante : « coller les mouches au plafond »… ou au ciel de lit ?

 

Bien sûr, on peut comprendre autrement ces images. Je ne veux rien prouver, mais propose simplement une piste d’interprétation dont, intuitivement certes, je suis persuadé qu’elle n’est pas fausse. Je ne désire pas l’imposer. Habituellement, je suis plutôt réservé, pudique, mais ce sont les écrits mêmes de l’artiste qui mettent ces choses en scène : aussi, la discrétion n’est pas de mise et l’on ne peut éviter le sujet.

 

_____________

[1]. Françoise Travelet, Dis donc, Ferré…, Hachette, 1976 (rééd. Plasma, 1980 ; La Mémoire et la mer, 2001).

10:13 Publié dans Jalons | Lien permanent | Commentaires (130)

jeudi, 05 février 2009

Da capo

Un des poncifs de la chanson, qui m’a toujours laissé plein d’incompréhension, consiste à répéter, à la fin du texte, le début : un, deux, plusieurs vers sont repris. Un peu comme un da capo littéraire. Je n’ai jamais su pourquoi. Souvent, on a le sentiment que l’auteur ne sait pas finir, ignore comment terminer un texte. Il est vrai que c’est très souvent le cas de mauvaises chansons,  mais les bonnes n’y échappent pas. Dans la chanson où, souvent, on répète ad nauseam les mêmes mots, des couplets entiers, voire des la la la interminables, le retour pur et simple au début ne s’explique cependant pas.

 

Léo Ferré n’a pas dérogé à cette règle. Lui qui, par ailleurs, a torpillé l’alternance classique couplet-refrain, a quelquefois, au contraire, créé des refrains où il n’y en avait pas (les deux premiers quatrains du Bateau ivre, par exemple). Et, comme tous les chanteurs, il lui est arrivé, parvenu au bout d’un texte, de reprendre au début, faisant d’un vers, d’un quatrain, voire de plusieurs, une forme de chute qui n’en est pas une, une clausule hésitante.

 

Il faut considérer un cas particulier, celui d’un texte relativement bref. L’interprétation terminée, il la reprend au début et, comme le poème n’est guère très long, il se retrouve… à le dire deux fois entièrement. On aura reconnu La Porte. Cependant, pour ce texte d’Apollinaire, il s’agit d’une mise en musique, donc d’une interprétation, donc d’un travail, donc d’un choix musical. La partition est ainsi écrite. J’aimerais cependant comprendre quel est exactement ce choix de répéter le texte, sur un autre tempo, il est vrai. Cela porte-t-il un nom en musique, est-il d’autres exemples d’une interprétation double, d’un dit à la fois redondant et singulier ?

14:06 Publié dans Propos | Lien permanent | Commentaires (21)

mardi, 03 février 2009

À propos d’un texte antimilitariste

Parmi les textes antimilitaristes de Léo Ferré, on évoque souvent Regardez-les écrit en collaboration avec Francis Claude, ou bien Pacific Blues (écrit lors de la guerre d’Indochine, enregistré et détruit lors de la guerre d’Algérie, publié lors de la guerre du Vietnam).

 

Rarement À celui de 14 à celui de 39, qui a pourtant cette particularité d’être un poème antimilitariste plutôt doux. Pacific Blues était doux lui aussi, mais il s’agissait du rêve d’un soldat décédé. Ici, on est dans le concret comme on l’était dans Regardez-les, mais tout en douceur : « Vingt ans déjà petit la mer toujours revient / De plus loin que là-bas les oiseaux blancs dévorent / Ce qu’il reste de suc à l’azur quotidien ». La mélancolie est omniprésente. Il y a toutefois ce départ « soumis défait boutonné de métal », où le Ferré que l’on sait pointe de nouveau le bout de l’oreille : le mot « soumis », le mot « défait », sonnent comme toujours dans sa voix. L’association des deux mots fait partie de l’imaginaire de l’auteur. Il faut à ce propos se rappeler Ludwig : « Cette plage que tu voulais défaite et soumise à ton imaginaire chorégraphie d’enfant seul et triste ». Chez Ferré, qui est défait est soumis, et inversement. On n’est « fait » – et bien fait, sans doute – que dans la liberté. On peut relever aussi cette expression : « boutonné de métal ». Généralement, pour dire la guerre et l’uniforme, on parle de « casqué, botté » et, bien entendu, d’« armé ». Léo Ferré, c’est étonnant, s’attarde aux boutons et cela ajoute à l’intimisme du texte, me semble-t-il. Les casques, les fusils, l’équipement, c’est au dehors, c’est en avant, c’est destiné à la bataille, c’est extérieur. Les boutons, cela ne va guère plus loin que la poitrine, cela reste intime parce qu’attaché au vêtement, près de soi, contre la peau. Cette peau que le soldat va, selon l’expression, se « faire trouer ». Or, on parle aussi de « boutonnière » pour une plaie, une blessure. Le sens est sous-jacent. Même si l’on reste au premier degré, des boutons de métal, c’est froid… et l’on pense enfin à la chanson Boutons dorés, qu’interprétait autrefois Barbara, ce qui renvoie à la solitude du soldat « orphelin ». La mélancolie à présent revient, avec cette présence permanente de la mère chez Ferré : « Ta maman au poignet battant le pouls du diable ». Il reste la jeunesse enfuie, elle aussi souvent chantée : « Tu as dit au revoir (…) / Aux copains au ciné aux filles charitables ».

 

Vient ensuite le constat amer de ce que la lucidité impose à l’homme trop vite mûri, qui n’en finit pas d’arracher ses racines d’enfance pour partir dans la vie : « Tu sais que l’homme pousse et qu’il faut le couper / Quand il est encore vert dans le lit des délices ». Je ne sais pas quand, exactement, fut écrite cette poésie, mais l’allusion aux plombs paraît la dater d’avant l’invention du fusible : « Comme on coupe les plombs de l’électricité / De peur que dans la nuit vos Soleils n’y complicent ». À moins, bien entendu, qu’il ne s’agisse d’une expression conservée, comme il en va souvent pour toutes les générations lorsque des techniques anciennes et bien connues sont remplacées par d’autres. Longtemps, on a désigné la touche « Entrée » des claviers d’ordinateurs sous le nom de « Retour chariot », ce qui ne voulait plus rien dire dans l’absolu, mais « parlait » encore à beaucoup (encore s’agissait-il du « Retour chariot » des machines électriques puis électroniques ; les machines mécaniques, elles, ne comportaient pas cette touche). Au passage, on savoure le néologisme « complicent », troisième personne du pluriel du verbe complicer, conjugué à l’indicatif présent. C’est aussi remarquable que « Vers l’horizon qui pain d’épice », du verbe pain d’épicer, naturellement.

 

La dédicace du poème est faite « À celui de 14 à celui de 39 / Et puis de l’an 40 / À celui du Chili à ceux de l’Algérie / Aux Juifs déracinés qui fuient la Palestine / À ces Palestiniens comme un arbre coupé », bref, à « ceux » de tous les conflits que l’auteur a pu connaître ou dont il a été le contemporain, à l’exclusion de l’Indochine et du Vietnam, mais la litanie, hélas, eût été longue. On remarque, évidemment, le vers « Aux Juifs déracinés qui fuient la Palestine », provenant directement de Visa pour l’Amérique où on le trouvait au singulier. Là, se produit l’habituelle association d’idées ferréenne : le mot « Palestine » glisse au vers suivant et le fait enchaîner sur les Palestiniens. Ce cas est fréquent lorsque Ferré construit des textes énumératifs.


La clausule tient du couperet : « La loi te donnera des morts et du café ». Avec ce parallèle culotté entre morts et café, Léo Ferré donne un des raccourcis dont il est coutumier. Il met sur le même plan, à travers une viande froide et une boisson chaude – si j’ose dire, ce qu’apporte la guerre : le moyen (la nourriture donnée aux soldats) et le résultat (des morts). Il n’est pas inutile d’y insister, quitte à risquer la paraphrase, car on a vraiment le sentiment d’un échange que propose la société. Au soldat qui abandonne ses camarades et le bon temps passé avec eux au cinéma, à celui qui quitte les « filles charitables », c’est-à-dire qui acceptent de se « montrer gentilles », comme on disait, elle donne en revanche, et sans compter, des morts. La loi est charitable, elle aussi : elle ajoute une boisson réconfortante. Pour le même prix.

11:33 Publié dans Jalons | Lien permanent | Commentaires (29)

lundi, 02 février 2009

Chanter Apollinaire

Parmi les disques que je regretterai toute ma vie – pour cette excellente raison qu’ils n’existent pas – figurent en tête de liste Léo Ferré chante André Breton ou bien La Légende des siècles, Ferré chante Hugo. Et pourquoi pas Les chansons de La Fontaine chantées par Léo Ferré ? On peut rêver… Patrick Dalmasso avait il y a quelque temps réalisé une belle pochette imaginaire pour le premier (recto, verso, intérieur 1, intérieur 2).

 

Je regretterai également toujours Ferré chante Apollinaire et cette fois, j’ai une bonne raison pour cela. Je veux dire que de nombreuses poésies ont été mises en musique et enregistrées en studio ou en public, mais qu’il n’existe aucun ensemble comparable à ceux qui ont été proposés pour les autres poètes. Bien entendu, je mets à part les trois versions de La Chanson du mal-aimé, qui est un cas différent.

 

De mémoire, Léo Ferré a chanté Apollinaire au travers des pièces suivantes : Le Pont Mirabeau (deux enregistrements dont un en public), Marizibill (deux versions, toutes deux en public), L’Adieu (deux enregistrements dont un en public, a capella), Marie (deux versions en studio à des années de distance, une en public accompagnée par Popaul), La Porte (deux versions, toutes deux en public), Les Cloches (et) la tzigane, Automne malade. On peut y ajouter les versions en public pour lesquelles on dispose uniquement d’un enregistrement en vidéographie.

 

Quant aux textes écrits à propos d’Apollinaire (Il y a vingt ans que je n’écris pas de musique, Guillaume, vous êtes toujours là !, La Chanson du mal-aimé, c’est…), on peut imaginer qu’ils auraient constitué le contenu d’une pochette de disque. Tout cela est bien dommage.

 

J’observe que la maison Barclay, en 1980, paraît s’être déjà posé la question. Elle avait fabriqué une compilation de deux titres, L’Adieu et Marie, c’est-à-dire le regroupement des faces B de deux 45-tours, celui de 1970 (Avec le temps, L’Adieu) et celui de 1973 (Je t’aimais bien, tu sais, Marie). Cette compilation avait elle aussi la forme d’un 45-tours, présenté sous une pochette uniquement typographique. Elle était intitulée, justement, Léo Ferré chante Apollinaire. Ce disque était hors-commerce (on peut le voir sur le site L'Encyclopédisque).

 

Il n’est pas vraisemblable que Léo Ferré ne se soit pas posé la question. Qu’est-ce qui a fait que cet album n’ait jamais existé ? Considérait-il La Chanson du mal-aimé comme « son » Apollinaire au point de ne pas désirer aller plus loin et de considérer que des poèmes épars n’avaient pas à être regroupés ?

 

Curieusement, j’avais rédigé cette note (en me rappelant très bien que nous avions déjà parlé de la musique écrite pour Apollinaire par Léo Ferré) lorsque je me suis aperçu que… j’avais déjà traité le sujet ici même. Comme quoi cela m’obsède.

10:40 Publié dans Propos | Lien permanent | Commentaires (8)