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samedi, 18 novembre 2006

Avec Luc Bérimont, 1/4

Le lyrisme de plein vent de Luc Bérimont

(JEAN ROUSSELOT)

 

« Demain peut-être, grâce à l’effort des poètes qui ont accepté d’accomplir loyalement leur tâche de leur vivant, la poésie sera redevenue ce qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être : une voix et un miroir ». Une phrase de Bérimont qui pourrait bien convenir à Léo Ferré, son cadet d’une année puisque Luc Bérimont, de son vrai nom André Leclercq, est né le jeudi 16 septembre 1915 à Magnac-sur-Touvre (Charente), au sein d’une famille ardennaise chassée par l’invasion allemande. Du poète, Max Jacob dira : « Votre simplicité va à l’humilité. C’est en cherchant humblement au plus profond de soi-même qu’on trouve la personnalité. Buffon dit que bien écrire, c’est bien définir et bien peindre. Mais vous êtes plus fort que lui dans cet art-là ! ». [1] Plus tard, le prix Max-Jacob sera décerné à Bérimont. [2]

Durant l’Occupation, quelques amis poètes fondent l’École de Rochefort. « Cela se passait, aux rives de Loire, Rochefort, dans un pays large et vert, bordé de collines, de châteaux et de sables. Dans cette contrée où les vignes et les roses ajoutent leurs parures à la couleur ardoise du ciel, un pharmacien : Jean Bouhier, et un instituteur : René-Guy Cadou, avaient décidé d’ôter le baîllon que l’Occupant tentait d’imposer à la poésie. Souvenons-nous un instant du climat : chacun avançait à tâtons sur un parcours semé d’embûches, cherchant à reconnaître les amis sous le masque, à déceler l’adversaire sous la cordialité d’emprunt. 1941, c’est la guerre. Paris a faim. Paris a froid. L’Europe est un camp retranché. Les veilleurs de Londres et de Moscou chuchotent pendant que les bruits de bottes signalent l’approche d’une patrouille allemande dans la rue où les lampadaires sont éteints… Vichy prône une poésie "nationale et traditionnelle", pieusement enroulée autour d’un bâton de Maréchal. Aragon publie Le Crève-cœur. Pierre Seghers lance les premiers numéros de Poésie 41. Max-Pol Fouchet édite la revue Fontaine, à Alger. En zone occupée, la poésie, cette dignité de l’homme, a officiellement disparu… », écrit Luc Bérimont. [3]

Il a pourtant tenté de faire entendre la poésie dans une émission diffusée sur les ondes de Radio-Paris, à partir du vendredi 12 décembre 1941. Cela s’intitulait Puisque vous êtes chez vous, un programme hebdomadaire d’une demi-heure pour lequel il choisissait les textes, tandis que Pierre Hiégel sélectionnait sons et musiques. Quatre interprètes avaient été retenus pour leur voix : Hélène Garaud, Jacqueline Bouvier (future Mme Pagnol), Pierre Viala et Michel Delvet.

Son expérience d’homme de radio est grande. On y reviendra souvent dans cette étude. Pour le moment, il faut lire cette description qu’il fait du travail à la radio, à la fin des années 40 et dans les premières années 50 : « Les émissions sont inventées en studio ; peu de disques, beaucoup d’imprévu. La création constante exige du talent, de la culture et des nerfs. Être dans une émission ne signifie pas, pour un chanteur, présenter une rondelle de résine vynilique. Il faut auditionner devant le producteur et le réalisateur, faire preuve d’une qualification professionnelle. Paul Gilson organise des séances pour détecter de nouveaux venus. La radio devient une école puisqu’elle s’emploie, au Club d’Essai, sous l’impulsion d’un autre poète – Jean Tardieu – à former des chanteurs, à les rompre à la technique maison. La préparation d’une émission prend des aspects que l’on trouvera comiques ou touchants, selon l’âge. Les micros sont des boîtes grillagées qui ont la forme d’un "pavé normand". On grave "à l’escargot", sur des Pyral fragiles qui font de l’enregistrement une chose périssable, détruite après quelques utilisations, inférieure au direct. Les artistes répètent longuement, reviennent. Souvent, un professeur de chant, dans la cabine, joue les "conseillers artistiques" ». [4]

En 1952, Jean Rousselot présente son ami Bérimont : « Une sauvagerie narquoise, une légèreté d’Ariel, une allégresse un peu hagarde, le goût des mots juteux, sucrés, de l’embrassade, du rire et du vin blanc, voilà Luc Bérimont qui est partout et nulle part, rime d’affilée trois strophes dans l’autobus sans perdre de l’œil sa belle voisine, parle en cataracte et s’enfuit de même quand on croyait le tenir, toujours bourré de papiers, de fleurs à offrir et de services à rendre ». [5]

 (À suivre)


[1]. Cité in Poésie 1, n° 11, « L’École de Rochefort », du 1er au 15 juillet 1970.
[2]. Luc Bérimont, Les Accrus, Seghers, 1963. Prix Max-Jacob 1963.
[3]. Textes et langages, n° 6, « Colloque René-Guy Cadou », université de Nantes, 1982.
[4]. Luc Bérimont et Marie-Hélène Fraïssé, Jacques Douai, collection « Poésie et chansons », n° 28, Seghers, 1974.
[5]. Jean Rousselot, Panorama critique des nouveaux poètes français, collection « Poètes d’aujourd’hui », Seghers, 1952.

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