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vendredi, 17 novembre 2006

La langue de Léo Ferré

Dans une nouvelle catégorie intitulée « Jalons », je propose quelques fragments pour une étude stylistique. Le texte ci-dessous provient d’éléments déjà contenus dans Léo Ferré, la mémoire et le temps, dans une conférence prononcée à Gourdon et dans des notes inédites. Il a été évidemment récrit dans un esprit de synthèse.

 

Comme un artisan choisit ses outils et, éventuellement, va jusqu’à les forger lui-même, Léo Ferré a créé sa langue, celle de tous les registres. En 1956 – il chantait alors depuis dix ans – il dénonçait le fait que l’on aille « répétant qu’il est des termes médicaux qui ne doivent pas sortir des laboratoires et du codex » [1], histoire de dire que lui ne se priverait pas de les employer quand bon lui semblerait, pour les plier à sa volonté du moment, chimérique, espérante ou désabusée. Priver la poésie de certains mots, « qu’ils soient techniques, médicaux, populaires ou argotiques » [2] ? Très peu pour lui : « snobisme scolaire » [3] ! Au reste, violer la langue, la grammaire, la syntaxe, réclame qu’on en ait une connaissance déjà parfaite. Et le voici tout puissant puisque des milliers de mots lui sont offerts. Avec son sens de l’image, ses métaphores qui, simplement, nous imposent l’évidence comme « L’eau cette glace non posée » [4], il va créer des millions de lexiques, rendant ainsi son texte de plus en plus mystérieux, à force d’être poétiquement précis. Il va même toucher un point où l’on ne saura si sa parole tient de l’astuce pure et simple, ou si elle possède une dimension dramatique (ainsi, les « cous-de-jatte » de Ni Dieu ni maître).

Le principe posé, au fil des années, est le suivant : toutes les formes d’écriture lui sont permises, tous les mots lui sont autorisés, toutes les formes littéraires lui appartiennent et tout cela peut être mêlé, si nécessaire, pour exprimer une pensée libre. L’image, forte et violente, la poésie à vif croisée avec la romance où l’on joue de la langue française comme d’un accordéon tordu, écartelé, voilà peut-être une définition rapide de l’écriture de Léo Ferré. Et, souvent, le trait juste, au cœur même de la métaphore, comme si ce n’était plus la peine d’aller chercher plus loin. Le Vent est définitif. On ne peut guère mettre le vent en chanson de plus belle manière, sauf, plus tard, avec Mister the wind. Les Chéris : il sera difficile de faire galoper d’autres chevaux dans les plaines du music hall. Mais il n’y a pas uniquement, chez Ferré, cette écriture « descriptive ». On trouve aussi chez lui l’image rapide, au coin d’une parole déjà passée à autre chose : le sommeil est une « mort imagée » mais là, c’est en plus, parce que son propos n’est pas là. On va reconnaître également l’image « totale », celle qui prend la couleur, la forme de quelque chose et la transforme en une vision autre : « La forêt qui s’élance au ciel comme une verge » [5] ; l’image « assimilée » ou qui nous paraît telle parce que la force du poète l’impose comme ne pouvant être autre : « Le pick up du tonnerre et les gants de la pluie » [6] ; l’image incroyable qui naît de mots quotidiens détournés, piratés : le sexe de la femme devient « la banlieue ». Dans cette chanson traînent aussi des images qualifiées plus haut de « descriptives » à défaut d’autre mot : leurs longs cheveux sont « Largués sur l’oreiller / Comm’ des voil’s d’amoureux / Qui vont appareiller », et ce quotidien maîtrisé au point de se voir autre : « La nappe où l’on refait / La noce après l’amour ».

C’est un univers de poète où l’on voit les choses comme elles ne sont pas en apparence, mais comme elles existent pour lui. Ici, on nomme les choses par leur nom, celui d’un état-civil particulier et métaphorique. On peut aussi être vulgaire, histoire de confondre quelques détracteurs « m’ayant accusé de vulgarité » [7]. Le même homme peut chanter L’Étang chimérique, modèle de grâce et de forme, et T’as payé. Mais on ne choisit pas, on doit recevoir le flot de cette poésie « ininterrompue ». Pour faire bonne mesure, l’artiste a aussi des chants libertaires à faire entendre.

Ces chansons apportent à la littérature quelque chose de nouveau. Ferré reprend la poésie où l’ont laissée les surréalistes et l’apporte au public, défardée de tout hermétisme, de tout automatisme systématique. Populaire, donc, ce qui ne signifie pas facile. L’habileté n’induit pas la démagogie. Ferré se laisse prendre, parfois, dans le tourbillon du jeu de mots. C’est ainsi qu’au cours d’une pensée très maîtrisée bien qu’exprimée dans un jaillissement permanent, surgissent des associations verbales inattendues qui n’ajoutent pas directement au propos mais brillent en lui comme des soleils surréalistes. C’est d’eux, d’ailleurs, que vient cette forme d’écriture qui tient encore un peu – mais dans ces cas seulement – de celle dite « automatique » mais aussi de la musique en ceci qu’elle joue de l’allitération et de la folie dans le don de la plume aux mots. Cet aspect « gratuit » n’est cependant pas l’essentiel, il fait seulement partie, au même titre que l’autre, de cette langue propre dont on disait en commençant que Ferré se l’était créée. Cette langue qui relève à la fois du surréalisme, de l’argot commun, du néologisme fréquent, de l’argot personnel, de l’image permanente, du mot détourné, de la périphrase-maison, de la musique constante, de la sensualité, des « correspondances » baudelairiennes et, surtout, d’une perpétuelle invention. Le jeu de mots et le jeu des mots. Souvent, en effet, le mot se conjugue, se « décline », se sépare en ses mille branches dans le même vers : les exemples vont de l’ « épique époque » [8] aux « tyrans tireurs [qui] tireront sur nos rêves » [9], à des séries d’allitérations comme « Pour cet amant passeur qui ne passera plus / Pour la passion des araignées au fond des toiles » [10]. Et l’influence dans le style : « Dans le port fanfarent les cors » [11] où l’on remarquera au passage la rime intérieure, n’est-il pas un vers directement influencé par Apollinaire : « Les coqs s’épuisaient en fanfares » ?

De plus en plus, Ferré mêlera vers classiques et vers libres, poésie et prose, dans des textes toujours plus longs qui – et pas seulement par leur musique – s’assimilent à la symphonie. Le propos et le ton s’amplifient, l’ambition littéraire atteint la démesure. La rime prend des coups de pied mais elle est aussi séduite, par endroits, quand l’auteur le veut. Au mot-rime (« Monsieur mon passé / Laissez-moi passer ») [12], à l’insolence sautillante de la rime (« T’es qu’un’ vamp / Qu’on éteint / Comme un’ lamp’ / Au matin ») [13] répondent liberté de ton, de syntaxe, de construction. Quand tout est osé, tout est accepté parce que tout peut se dire avec les mêmes mots, vêtus de gouaille ou parés du satin syntaxique.

Ce lexique dépoussiéré, il est une forme sous laquelle il convient de l’envisager, celle du raccourci. Ce raccourci qui fait la force de la poésie et le choc des formules : « Une fusée Pershing dans un nid de colombes » [14]. Ce sont des centaines de vers qu’il faudrait ainsi citer, sans nul commentaire, vers que l’auteur a la manière d’amener, soit par l’effet de surprise, soit sur le dos d’une mesure de violon.

Il est quelque chose de plus saisissant : « Les images s’effacent tôt dans le journal que l’on t’apporte / Et les nouvelles te font mal jusqu’à la page des spectacles » [15]. Ce sont des vers de seize pieds, mais ce n’est pas tout. Comment lire un journal sereinement, si l’on y pense ? La poésie creuse un sillon dans ce qu’il nous reste d’honnêteté. L’auteur touche ici au plus juste, vient nous cueillir dans une occupation simple, que nous croyons nôtre parce qu’elle est courante. On trouvait la même chose, dès les années 50, dans Vitrines : « Le sang qui coul’ plein à la une / Et qui se caille aux mots croisés ». C’est un exemple de la constance de Léo Ferré et de sa manière d’écrire puisque, pour un propos identique, la forme a pris un surprenant essor.

On se heurte à la multiplicité des possibilités lorsqu’on essaie de définir la langue de Léo Ferré. Personne ne pourrait tout exprimer de cette dimension que le poète donne à la grammaire, à la syntaxe, au vocabulaire et aux idées. Toute définition est insuffisante. On ne peut que cerner des aspects et des éclairages divers de cette création. Elle chante entre autres la liberté, existentielle pourrait-on dire. Le poète a su abolir le temps (on sent dans son écriture ces moments où se relativise la durée, l’abondante notation en référence à MC², à « l’an dix mille », mais aussi à l’avant-vie) et l’unicité (il s’invente un « double » qu’il nomme Dobrowitch). Et puis, présent partout, l’homme dans son œuvre. La première personne, le « je » est là, sans cesse, depuis ses débuts. De façon avouée ou non, c’est de lui qu’il parle et, loin d’y voir un narcissisme élémentaire, il convient d’y lire le don qui commence à son être même. C’est de ce « je » que part la révolte, laquelle se doit d’être permanente et sans cesse tournée contre elle-même afin de ne jamais s’arrêter, de se réinventer chaque fois. Enfant, au pensionnat, la poésie lui est apparue comme une chose à voler et nécessairement porteuse de révolte.


[1]. Préface de Poète… vos papiers !
[2]. Ibidem.
[3]. Ibidem.
[4]. La Mémoire et la mer.
[5]. À toi.
[6]. Le Testament.
[7]. Prologue de T’as payé.
[8]. Épique époque.

[9]. Allende.

[10]. Requiem.
[11]. La Mémoire et la mer.
[12]. Monsieur mon passé.
[13]. Jolie môme.
[14]. Personne.

[15]. La Mort des loups.

00:00 Publié dans Jalons | Lien permanent | Commentaires (9)

Commentaires

Ne sachant pas bien où raccrocher mes questions,cette note me paraît le lieu le plus approprié.
J'ai retrouvé dans le livre de Verdier un texte de Ferré que j'avais totalement oublié, qui s'intitule "A l'attention de M.Perse",mis en épigraphe à "Préface" dans "Testament phonographe", en caractères minuscules (il faut presque une loupe pour le lire).Ce texte pose problème:Il est publié en 80.Perse est mort en 75.Il est donc vraisemblablement antérieur.
Ce n'est pas un pastiche de Perse,dont on ne retrouve pas ici le grande langue hautaine et classique.Plutôt un texte "surréaliste",proche de l'écriture automatique,guidé par le phonème plus que par le sens,et que je daterai de l'époque de "Mon programme",où Perse est déjà une cible,et par le collage de mots.Entre surréalisme et ferrémuche.

A l'attention de M.Perse

rives syrthes du soc dans la gadoue romance
élevées par les papiers gelés dans l'antre à bâches
je saltimbanque alors dans le surpassement
et je traîne équarri des surplis d'amiante

j'ai mis mon âme au lave heure des paquets d'horloge
et le rubis qu'elle m'a mis dans ce palais gras
s'émeraude à destin sur les pavés mangés
O la rue des déïtés converses
O la salamandre ailée qui me distique
Je suis un Dieu-Pot

Nous sommes à l'évidence devant de la prose disposée comme un poème (avec une faute sur "syrthes", qui ne prend pas de "h".Nous sommes , à mon avis, dans le même mode d'écriture que "mon programme" (mais je puis me tromper).
Je ne me souviens pas avoir lu quoique ce soit à propos de ce texte ,ni l'avoir vu cité...Il n'est plus dans "la mauvaise graine", où "Préface" est à nouveau donné complètement, alors que dans T.phonographe,c'est la version courte (qu'aurait fait Frot à la demande de Ferré?-à vérifier) pour la scène.

Jacques, avez-vous des lumières particulières sur ces quelques lignes,que je regrette de ne pas avoir repérées pour "la fabrique"?
Ont-elles été reprises ailleurs selon la méthode dite du "pain perdu"....(qu'on appelle aussi dans certains coins : pain ferré,parce que cuit au fer à repasser...).?

Écrit par : francis delval | vendredi, 07 décembre 2007

J'avais toujours pris ce texte -- qu'on ne trouve, comme vous le soulignez, que là -- comme un pastiche de Perse, justement. Je pensais que Léo Ferré voulait vraiment se moquer de cette poésie hautaine et, pour beaucoup, absolument inaccessible de par son hermétisme et ses références. Léo Ferré n'aimait pas les auteurs abscons.

Je n'ai jamais lu ces vers ou des fragments de ces vers repris ailleurs, mais je ne sais pas tout. A mon avis, c'est une volonté de pastiche, pastiche suivi de la préface qui s'oppose (ou veut s'opposer), précisément, à cette conception-là de la poésie.

Mais le pastiche n'est pas entièrement réussi parce que Ferré reste Ferré et que son imaginaire et sa langue ressortent malgré tout. "La gadoue romance", "les papiers gelés dans l'antre à bâches", "je saltimbanque" (du verbe saltimbanquer, néologisme très ferréen), le "lave heure" qui est déjà dans Poète... vos papiers !, "s'émeraude" (du verbe s'émerauder, autre néologisme), "à destin" (altération volontaire de "à dessein"), "les pavés mangés", etc.

Écrit par : Jacques Layani | vendredi, 07 décembre 2007

Je ne pense pas que cela puisse être un pastiche de Perse, dont l'écriture est fort éloignée de ce texte.Même si Ferré le considère comme l'exemple-type de "l'anti-poésie",(cf "Mon programme", où il reproche à Aragon son admiration pour Perse...Et son prix Nobel)
La première fois que j'ai entendu Ferré critiquer Saint-John Perse, c'était à la radio, vers le milieu des années 60,à propos d'une chronique de Max-Pol Fouchet consacrée à Perse dans "Lectures pour tous", émission que j'avais vue également.

Il reprochait à M.P.Fouchet d'avoir donné comme exemple de la poétique de Perse cet extrait d'"Eloges", qu'il trouvait superbe, où Perse évoquant son enfance aux Antilles et aux domestiques noires écrit:
"...et les servantes de ta mère, grandes filles luisantes, remuaient leurs jambes chaudes près de toi qui tremblait"
Rien d'hermétique...mais Ferré a été très critique en disant à peu près:"Ce n'est pas de la poésie' appeler les négresses
grandes filles luisantes, ça n'a rien de poétique..."
Bref, il trouvait Perse trop prosaïque, insuffisamment métaphorique,et M.P.Fouchet très indulgent.....Je traduis à ma façon, car je ne sais plus les mots exacts 40 ans après;
Ferré , lui ,écrira "Négresse bleue, blues d'horizon".....

Perse n'est jamais abscons, même s'il a le goût du mot rare.

Dès lors, je tendrai à lire son texte à rebours.Il dit à Perse,
"regardez ce que moi je fais", et son texte , au fond, est très ferréen:
Il commence par une référence à Gracq (grand ami de Breton),allusion au "Rivage des syrtes",-les syrtes sont des marais ou sables mouvants, mais la suite évoque à l'évidence une décharge, un dépôt d'ordure,rives élevées dans la gadoue et les papiers gelés....les 4 premières lignes tout au moins.(L'opéra des rats sera écrit peu après)
Comme vous le soulignez, le lexique et les néologismes sont très ferréens,c'est pourquoi je ne crois pas au pastiche.Ce n'est pas plus hermétique (et pas moins) que le final de "l'opéra des rats" ou que "je parle à n'importe qui",ou "Death,death, death", et bien d'autres textes encore.Ferré l'a dit, et Travelet l'a répété:c'est d'abord le phonème qui le dirige et fait naître le mot, les mots....

Ferré est un poète souvent difficile,certainement plus difficile que Perse (avec Perse, un bon dictionnaire suffit, il n'invente pas de mots, pas de néologismes, de forgeries).J'ai tendance à penser que Ferré , au fond, trouvait l'écriture de Perse vieillotte,comme la rhétorique de De Gaulle..(Cf: le chien)

Écrit par : francis delval | vendredi, 07 décembre 2007

lire "et les domestiques noires", et non "aux"

Écrit par : francis delval | vendredi, 07 décembre 2007

Vous m'ouvrez des horizons. Pour moi, comme je le disais plus haut, ce texte était un pastiche de Perse, pas tout à fait pastiche. Et les raisons que vous exposez, qu'avait Ferré de ne pas aimer Perse sont nouvelles pour moi. Je pensais qu'il lui reprochait de n'être pas intelligible. Du coup, je ne sais plus. Personne n'a envie de se joindre à notre discussion ?

Écrit par : Jacques Layani | vendredi, 07 décembre 2007

Ce n'est pas l'hermétisme qui détournait Ferré de certains poètes (Parfois oui, il trouvait Claudel incompréhensible et n'aimait pas les lettristes)...Ainsi il détestait la poésie de Marie Noël, qui est tout sauf difficile, et il avait reproché à C.Sauvage de la chanter, lui disant que Marie Noël ne lui convenait pas du tout...En outre, elle était le poète préféré de De Gaulle.Et très "catho".
Il avait comme ça des "bêtes noires",Perse, M.Noël, Isou..pour des raisons bien diférentes.Et n'appréciait que peu Mallarmé.

Écrit par : francis delval | samedi, 08 décembre 2007

je cite les quelques lignes sur Perse,tirées de "mon programme", ce recueil que beaucoup ne possèdent pas:
Lisez John
Il ne vous en restera rien
Lisez le comme un modèle de ce qu'il ne faut pas faire
pas lire, comme un modèle de l'anti-poésie.(...)
Je disais un soir à Aragon
-Perse, c'est de la
-Pardon, dit-il, c'est le plus FIRST des poètes LIVING et je fais tout pour qu'il ait sa nobel
Et bien, il n'a pas craché dessus, à la nobel,lui!
Perse?
Faut le faire"

Pour Ferré,Perse n'est pas un poète,mais un anti-poète:reste à savoir ce qu'il entend par là.Quand nous parlons pour Wittgenstein d'antiphilosophie, c'est que son propos est de mettre fin à la métaphysique,qu'il réduira à des jeux de langage.
Je ne connais pas de propos de Ferré sur Ponge, mais il devait aussi être à ses yeux un "anti-poète",récusant toute "inspiration" au profit du seul travail sur les mots.
Je suis un cas, peut-être, car outre Ferré, Perse et Ponge font partie de mon petit panthéon portatif...avec J.Roubaud.

Ne le dites pas aux ferréens intégristes, si ça existe.

Écrit par : francis delval | samedi, 08 décembre 2007

Ponge ? Pourquoi pas. Ses mots -- et sa vision -- sont un peu l'analogue de certaines écoles abstraites, en peinture. J'y souscris volontiers. Mais là comme en peinture, il faut y regarder de près pour connaître le vrai du faux. Finalement, sans étude, on ne choisit rien, pour enfoncer un peu plus la porte...

Écrit par : Martine Layani | samedi, 08 décembre 2007

Je penserai volontiers qu'en poésie, il n'y a guère d'oeuvre facile, et que , oui sans étude, on passe à côté de l'essentiel;
Ponge , on ne peut se contenter de le survoler: si on ne travaille pas,on passe à côté.Le poème "le pré" fait dix pages."la fabrique du pré", ce sont 270 pages de brouillons, de ratures , de réécritures, qu'il a accepté de publier à la demande de Skira.Le travail préparatoire montre que ce n'est pas "n'importe quoi".
Ferré, c'est aussi souvent difficile, parfois hermétique.Et les poètes qu'il aime le sont souvent aussi."Une saison en enfer" n'est pas d'une clarté aveuglante, et l'on glose encore à l'infini sur certaines formulations.
De même Apollinaire,"la chanson du mal-aimé" est pleine d'allusions érudites, savantes, qu'on est toujours en train de discuter."Zone" également.(nous attendons toujours l'enregistrement de Ferré....)
Breton,Péret ne sont pas des poètes faciles non plus.Pas plus que Char, que, je pense (l'ai-je lu quelque part?) Ferré appréciait.
S'il avait une dent contre Perse,ce n'est pas pour son "hermétisme",car il n'est guère plus difficile que les précités,mais plus pour son côté rhétorique ampoulé,bien qu'il y ait des pages admirables.Mais je comprends qu'il puisse ennuyer.

Si par curiosité vous voulez voir ce qui se fait actuellement en poésie, allez sur le site "Sitaudis",il y a un grand choix, c'est parfois surprenant.On trouve d'ailleurs beaucoup de poèmes de philosophes, et pas toujours très clairs (Pierre Alféri (qui écrit aussi des chansons),Philippe Beck, Eric Clemens et des dizaines d'autres à découvrir).Cette nouvelle génération me semble fortement influencée par Pessoa,Celan,Luca, mais aussi par la grande poésie moderniste américaine (T.S.Eliot, Pound,Cummings, Stevens, W.C.Williams, Kerouac).


Ferré n'est pas un romantique égaré ,mais d'abord un poète de la modernité.C'est cet aspect là qui me semble le plus remarquable.Et il doit plus que Perse donner du fil à retordre à ses traducteurs, du moins pour une bonne partie de son oeuvre.

Écrit par : francis delval | samedi, 08 décembre 2007

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