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mercredi, 29 novembre 2006

Des musiques pour Verlaine

Léo Ferré a mis en musique vingt-cinq poésies de Verlaine. On en connaît la liste et, pour plus de détails, on se reportera à Verlaine et Rimbaud, Poèmes en chansons, La Mémoire et la mer, 2004.

Cinq dates – cinq grandes étapes, plus exactement, ont pu être déterminées : 1959 (fonds INA), 1960 (fonds INA), 1962 (fonds INA), 1964 (double 30-cm Barclay Verlaine et Rimbaud chantés par Léo Ferré), 1986 (double 30-cm EPM On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans). D’autres dates sont incertaines, qui correspondent à des états divers du travail de mise en musique : mélodie (parfois partielle) sans accompagnement ; enregistrements piano et chant privés ; partition piano et chant non enregistrée.

Dans la préface qu’il consacre à l’anthologie citée plus haut, Stéphane Oron remarque qu’il ne faut pas chercher « de thèmes, d’époques, de longueur de textes privilégiés dans le choix opéré par Léo Ferré pour interpréter Verlaine et Rimbaud : il n’y en a pas ». Il a très certainement raison et cette position est, il me semble, confortée par les choix concernant les autres poètes chantés par Ferré, choix tout aussi peu raisonnés. Apollinaire, lui, ne sera même pas rassemblé dans un disque (La Chanson du mal-aimé étant un cas un peu à part).

En revanche, il peut être curieux d’étudier l’origine des poésies retenues, recueil par recueil. Quel enseignement peut-on en tirer ? Huit textes proviennent de Poèmes saturniens, six de Romances sans paroles, quatre d’Amour, deux de Fêtes galantes, deux de Sagesse, deux de Parallèlement, un de Jadis et naguère. [1]

On observe que la plus grande part est celle des Saturniens. Ce n’est peut-être pas étonnant puisqu’il s’agit du recueil que Ferré préface, en 1961, pour la Librairie générale française (Hachette), qui édite la collection « Le Livre de poche ». [2] On ignore d’ailleurs dans quelles circonstances exactes cette préface a été composée. Était-ce une commande ? Il serait légitime, en tout cas, que ce recueil soit son préféré, soit qu’il l’ait choisi lui-même, soit que la commande, si c’en est une, ait fait naître en lui un attachement supplémentaire. Dans cette édition toutefois, les Saturniens sont suivis des Fêtes galantes, recueil dont le musicien n’a extrait que deux pièces.

Ce qui m’a toujours intrigué, c’est la persistance d’Amour, paru en 1888, dans ses mises en musique et, surtout, le fait que les quatre poèmes qui en sont extraits proviennent tous du cycle « Lucien Létinois ». Je ne suis pas certain qu’il y ait une raison objective à cela. Peut-être Ferré s’est-il senti touché par l’immense chagrin du poète qui avait perdu ce jeune homme de vingt-deux ans (1861-1883), son ancien élève au collège de Rethel, à qui il s’était beaucoup attaché et qu’il nommait son « fils ». Le cycle de poèmes dans lequel Verlaine dit sa détresse ne comprend pas moins de vingt-cinq textes.

Quand Léo Ferré interprète Green en scène, il rappelle que « Verlaine écrivit Green à l’intention d’un jeune adolescent nommé Arthur Rimbaud ». À l’opposé, il n’évoque pas Létinois et ne donne la publicité du disque qu’à trois textes (en 1964 : Âme, te souvient-il ? et Il patinait merveilleusement ; en 1986 : Si tu ne mourus pas entre mes bras), le quatrième (Mon fils est mort) demeurant un enregistrement privé.

Les photographies que fit Hubert Grooteclaes lors de l’enregistrement du double disque Barclay, en 1964, montrent que Léo Ferré utilisait l’édition de la Pléiade. Cette observation ne vaut qu’en ce qu’elle signifie la disposition de toute l’œuvre poétique en un seul volume. Si c’est ce livre-là que Ferré posait sur son piano, on comprend que, tournant les pages, il puisse passer d’un recueil à l’autre selon sa sensibilité et sa réceptivité du moment. Ce serait, il me semble, la seule explication au fait qu’il se soit tenu aussi précisément à un seul cycle d’un recueil donné, mettant en musique les pièces 1, 10, 18 et 21.

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[1]. Mon fils est mort, Il patinait merveilleusement, Âme, te souvient-il ?, Si tu ne mourus pas entre mes bras (Amour), Art poétique (Jadis et naguère), Je vous vois encore, Dans l’interminable ennui de la plaine, Green, Il pleure dans mon cœur, Ô triste triste était mon âme, Le piano que baise une main frêle (Romances sans paroles), Cauchemar, Chanson d’automne, Croquis parisien, Marco, Mon rêve familier, Nocturne parisien, Sérénade, Soleils couchants (Poèmes saturniens), Clair de lune, Colloque sentimental (Fêtes galantes), Écoutez la chanson bien douce, L’espoir luit (Sagesse), Pensionnaires, Sur le balcon (Parallèlement).

[2]. Paul Verlaine, Poèmes saturniens suivi de Fêtes galantes, Le Livre de Poche classique, n° 747, 1961. Préface de Léo Ferré.

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