lundi, 04 décembre 2006
Ah, ça ira
Léo Ferré n’acceptait pas le terme d’engagement et prétendait, à juste titre, que l’artiste est engagé ou n’est pas. « Je suis né engagé », lui arrivait-il d’ajouter. C’est donc par commodité de langage qu’on utilise ici ce mot.
Ferré a pratiqué une forme de soutien artistique, sa vie durant, en réagissant essentiellement à l’amitié. C’est bien davantage pour des individus, plutôt que pour des causes, qu’il se mobilisait. En tout cas, c’était à la demande d’individus. Il a soutenu des théâtres pendant des années, chantant sans demander de cachet pour permettre à ces salles de survivre.
Sur un plan plus politique, Ferré a chanté, toute sa carrière, pour la Fédération anarchiste. Il a, depuis ses débuts, participé à des galas de soutien pour Le Monde libertaire, l’organe de la Fédération anarchiste ; pour le groupe libertaire Louise-Michel, animé par ses amis, Maurice Joyeux et Suzy Chevet ; pour Radio-Libertaire, notamment pour ses dix ans, au Palais des Sports de Paris, en 1991 ; pour le Théâtre Libertaire de Paris-Déjazet, qu’il a inauguré par des concerts non rémunérés, en 1986, et qu’il a toujours aidé jusqu’à la reprise de la salle par son propriétaire ; pour des groupes de province de la Fédération... Il a aussi donné de nombreux textes aux publications des anarchistes : La Rue, revue culturelle et littéraire d’expression anarchiste ; Le Monde libertaire ; La Cannibale ; Le Magazine libertaire... À l’ensemble de ces titres, il a également accordé de nombreux entretiens. Cette adhésion, toutefois, demeura morale, affective et fraternelle. Léo Ferré n’a jamais appartenu à quelque groupe que ce soit. Ses textes eux-mêmes évoquent, depuis toujours, ses amis libertaires : Graine d’ananar, Ni Dieu ni maître, Les Anarchistes. Les anars sont cités dans Thank you Satan comme dans À vendre, Bakounine l’est dans Le Chien...
Il a aussi donné des galas de soutien pour des journaux comme Politique-Hebdo, aux halles de Baltard, le 4 juin 1971 ; évoqué La Cause du Peuple, interdite, dans sa chanson Le Conditionnel de variété, enregistrée avec les Zoo en 1971.
Il a, à la fin des années 50 et au début des années 60, participé aux ventes et aux galas du Comité national des écrivains, auquel Aragon, qu’il venait de mettre en musique, l’avait introduit. Il a même participé, comme en 1961 et en 1988, à la Fête de l’Humanité. C’est d’ailleurs dans le cadre de cette fête qu’il est entré en scène pour la toute dernière fois, en septembre 1992, invité par Bernard Lavilliers à chanter deux chansons dans le spectacle de celui-ci. Venu tout exprès d’Italie, Ferré a donné un texte d’Aragon et... Les Anarchistes.
La dernière chanson interprétée en public par Léo Ferré, fidèle à lui-même et à ses amitiés, à ses convictions comme à sa sensibilité, est donc Les Anarchistes. On ne saurait être plus constant.
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