vendredi, 09 février 2007
Le château de Perdrigal
Il ne saurait, à mon sens, y avoir de blog à prétention culturelle ni, comme ici, de simples « études et propos » sans un peu d’histoire, bien évidemment en liaison avec notre sujet.
Dans de nombreux entretiens, Léo Ferré a évoqué la demeure dans laquelle il s’installe en 1963, en parlant d’« une ruine du XIIIe siècle ». À mon avis, le château de Pech-Rigal date plutôt des XIVe et XVe siècles. Jean Lartigaut, érudit local, parle du XVIe dans son étude auto-éditée Les Seigneurs de Pechrigal. Les registres paroissiaux de la commune de Saint-Clair (Lot), située à sept kilomètres de Gourdon, registres que j’avais pu consulter en 1984, font en tout cas remonter l’histoire des seigneurs de Perrigal au XVIIe (1690). Mais ils n’étaient certainement pas complets.
Le nom, tout d’abord. En Quercy, un pech est une hauteur, un tertre. Le pech rigal, c’est le tertre royal, c’est-à-dire le lieu où vivaient les seigneurs locaux. Tout en haut, ils avaient bâti un repaire à peine visible en été lorsqu’on descend de Gourdon vers la vallée et que les arbres le masquent (« le bois est fermé », dit-on dans le pays), davantage en hiver lorsque « le bois est ouvert ». Léo Ferré métamorphose ce nom en Perdrigal, qui signifie par ailleurs perdrix en quercynois. Si certaines cartes indiquent Périgal ou Perrigal, on voit au passage que, musicalement, Perdrigal évoque à la fois les sonorités de Perceval et de madrigal.
Ferré a découvert le Lot lorsqu’il est venu chanter au Casino de Saint-Céré. Séduit par la région comme tous ceux qui y passent pour la première fois, il demande à son ami Serge Arnoux, dessinateur et créateur de modèles sur tissu à Saint-Céré, de lui trouver une maison à acquérir. Il achète le château à sa propriétaire, Mme Dreyfus. Seule une aile est habitable. Il fera de la propriété une SCI sous sa gérance, dont le siège est à Paris. Il y installera un peu plus tard une imprimerie. Le cadastre de la commune de Saint-Clair mentionne « Les éditions et imprimeries de Perdrigal », inscrites au registre du commerce sous le n° RC 66 B 00029. Il vivra dans le Lot jusqu’en 1968. La demeure restera ensuite plus ou moins à l’abandon durant longtemps.
Aujourd’hui, le château a été racheté, l’accès au chemin d’entrée déplacé. Vue de la route, la restauration, qui a demandé des années de travail, paraît fort bien faite, à ceci près qu’on a cru bon d’ouvrir des « chiens assis » dans la toiture, faisant ainsi de cette demeure une aberration historico-architecturale.
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Commentaires
L'imprimerie sera installée à l'extérieur du château, au lieu-dit "Baradesque basse", dans des bâtiments de ferme, à quelques centaines de mètres de Perdrigal.
Luis Miguel VALLEJO
Écrit par : vallejo | dimanche, 04 mars 2007
Bien entendu. Par "Il y installera un peu plus tard une imprimerie", je voulais dire : "dans la propriété".
Écrit par : Jacques Layani | dimanche, 04 mars 2007
Je suppose que certains d'entre vous connaissent déjà, mais comme vous ne l'indiquez pas, voici :
http://www.chateau-de-pechrigal.com/
Et en Anglais, l'histoire de la rénovation :
http://www.pechrigal.com/index.html?row2col2=Page3.html
Sait-on pourquoi Ferré ne voulut jamais vendre Pechrigal et qu'il le laissa à l'abandon jusqu'à la ruine ?
Pour quelqu'un se disant amoureux des vieilles pierres c'est un peu inconséquent.
Écrit par : The Owl | mardi, 26 juin 2007
Je connais bien Perdrigal, en précisant que je n'y suis jamais entré. Je connaissais le site en anglais, depuis longtemps mis en ligne par le nouveau propriétaire américain. Je ne connaissais pas le nouveau. La rénovation est certes spectaculaire, mais on remarque, en mettant les deux vues aériennes l'une à côté de l'autre, les aberrations. Les "chiens assis" dans un château médiéval, c'est vraiment n'importe quoi : évidemment, il fallait percer des ouvertures pour éclairer les chambres. Plus consternant encore, la petite tour intérieure qui a vu disparaître son toit pointu d'origine et a été surélevée et coiffée de créneaux. La petite tour d'angle a aussi perdu son toit pointu à quatre pans pour un toit cônique rond. Le lierre des façades arraché, bon, ça se discute, moi, je préférais avec. Depuis la rénovation, je ne l'avais plus vu que de la route puisqu'on n'y accédait plus. Ce qui me fait le plus mal, c'est qu'autrefois, il était, tout entouré d'arbres, invisible en été, de la route. Ces arbres ont été arrachés, justement pour qu'on l'aperçoive d'en bas.
Écrit par : Jacques Layani | mardi, 26 juin 2007
La surélévation des tours, de même que le passage du toit pyramidal au toit conique correspondent à un retour à leur forme historique originelle.
En outre, les lucarnes existent dès le XIIIème siècle Jacques, ce n'est pas une aberration.
La rénovation est très respectueuse de la vérité historique dans l'ensemble.
Seule le crénelage de la tour intérieure peut prêter à discussion.
Vous ne me répondez par ailleurs...
Écrit par : The Owl | mardi, 26 juin 2007
"La surélévation des tours, de même que le passage du toit pyramidal au toit conique correspondent à un retour à leur forme historique originelle" : qu'est-ce qui vous fait dire ça ? En Quercy, c'est le toit pyramidal qui est traditionnel.
Les lucarnes ? Je parle de "chiens assis". Comparez les deux photos. Il y a eu des "chiens assis" ajoutés tout au long des toitures. Il n'y a pas de "chiens assis" à l'époque -- même approximative -- de ce château.
Qu'est-ce que vous voulez que je vous réponde par ailleurs ? Vous savez bien que le château était en indivision.
Écrit par : Jacques Layani | mardi, 26 juin 2007
Ouais bon, on ne va pas se lancer dans un débat sur l'architecture médiévale Jacques.
Moi je ne fais pas de différence entre lucarnes et chiens-assis (c'est la même chose, je crois); il en existe dans les maisons, les manoirs et même les toits d'église durant tout le bas moyen-âge.
Donc il n'y en avait peut-être pas à l'origine, mais ce n'est pas un anachronisme.
Dans son site où il explique les étapes de la restauration, le nouveau propriétaire avance qu'un toit pyramidal sur une tour ronde du XIIème siècle est nécessairement un ajout ultérieur.
Le toit pyramidal étant trop endommagé pour être retapé, ils sont revenu à la convention XIIème siècle.
Écrit par : The Owl | mardi, 26 juin 2007
"On ne va pas se lancer dans un débat sur l'architecture médiévale" : ben, si, bien sûr, pourquoi pas ?
"Le nouveau propriétaire avance qu'un toit pyramidal sur une tour ronde du XIIème siècle est nécessairement un ajout ultérieur" : ce n'est pas parce que le propriétaire le dit qu'il a raison. D'ailleurs, il a aussi, sur le site en anglais, traduit le texte de Lartigaut auquel je fais allusion dans la note, qui parle, lui, du XVIe siècle. Faudrait savoir. Et je tiens que cette demeure ne remonte pas au XIIe, ni même au XIIIe comme le disait Léo Ferré. J'en parle dans la note. En Quercy, les maisons traditionnelles ont un toit pyramidal, parfois avec un prolongement concave. C'est même une particularité du coin, impressionnante et c'est souvent très beau.
Et puis, il peut parler d'ajout ultérieur, lui, avec sa foutue tour surélevée crénelée...
Écrit par : Jacques Layani | mardi, 26 juin 2007
Ah ah, on est une sacrée bande de geeks quand même !
Surtout vous Jacques.
(lol)
Écrit par : The Owl | mercredi, 27 juin 2007
Euh, excusez-moi, mais je ne comprends pas le sens du mot "geek".
Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 27 juin 2007
Je reviens sur cet article consacré à Perdrigal pour vous faire connaître le site créé par l'actuel propriétaire de Pechrigal : John MANCHEC.
Il a transformé la demeure en une sorte d'hôtel de luxe avec environ 15 chambres, l'une d'entre elles portant le nom de "chambre de Léo FERRE".
No comment...
A voir tout de même, mais pas pour le "fun"...
Qui a parlé d'une époque épique?
Écrit par : lmv | dimanche, 14 octobre 2007
J'oubliais l'adresse du site (acte manqué?) :
http:www.chateau-de-pechrigal.com/index.html
Écrit par : lmv | dimanche, 14 octobre 2007
Euh, lmv... L'adresse avait déjà été donnée en juin dernier et une discussion avait suivi (voir ci-dessus), notamment sur des questions architecturales.
Écrit par : Jacques Layani | dimanche, 14 octobre 2007
J'voulais juste parler de sa nouvelle vocation et là, le site en question, vaut l'détour. Rien à voir avec l'architecture.
Écrit par : lmv | dimanche, 14 octobre 2007
J'voulais juste parler de sa nouvelle vocation et là, le site en question, vaut l'détour. Rien à voir avec l'architecture.
Écrit par : lmv | dimanche, 14 octobre 2007
Ah oui, c'est exact. Sa nouvelle vocation est donc celle d'un hôtel de luxe, du genre "relais et châteaux". C'est la raison pour laquelle on le voit maintenant de loin, les arbres ayant été abattus pour cela, alors qu'autrefois, tout au contraire, ils le cachaient : c'était un repaire et, l'été, il était si masqué par la végétation qu'il fallait savoir que c'était là, pour le repérer de la route.
Écrit par : Jacques Layani | dimanche, 14 octobre 2007
Il y a quelques années, 2000 ou 2001, j'y suis allé j'y suis entré. Je n'ai laissé aucun grafitti sur les murs du salon ni laissé de canettes de bière vides à côté de la cheminée. j'ai juste vu le rez de chaussée le premier totalement miné par la flotte était impraticable.
Après la cuisine, encombrée d'un meuble en tôle émaillée genre "Mobilux" des années 60, il y avait, en descendant quelques marches il me semble, la chaufferie et dans cette pièce, Une cage avec barreaux épais. Celle de Pépée, des autres bestiaux de cette arche des fous? je ne sais pas mais depuis ce jour là je sais que les fantômes existent.
Bravo pour tout ce travail que j'ai découvert hier et dont je suis loin d'avoir fait le tour.
Écrit par : eric basset | samedi, 16 août 2008
Soyez le bienvenu ici, Eric. Toutes les notes sont en lecture et commentaires libres.
Écrit par : Jacques Layani | lundi, 18 août 2008
Soyez le bienvenu ici, Eric. Les notes sont en lecture et commentaires libres.
Écrit par : Jacques Layani | lundi, 18 août 2008
Bonjour, je possède à la maison des photos de Hubert Grooteclaes (ma marraine travaillait dans son studio dans les années '60) montrant Léo, Madeleine, Pépée à Perdrigal! Emouvant
Écrit par : Meessen | lundi, 02 mars 2009
Ont-elles été publiées du vivant de Grooteclaes ? Acceptez-vous de les scanner et de me les envoyer (mon adresse au bas de la colonne de gauche) ?
Je m'intéresse beaucoup à Grooteclaes que j'ai (un peu) connu, y compris bien sûr pour ce qui ne concerne pas Ferré. J'ai mis en ligne un texte que je lui avais consacré et que je ne désespère pas de faire paraître un jour en librairie.
http://hubertg.hautetfort.com/
Écrit par : Jacques Layani | mardi, 03 mars 2009
Monsieur Layani, je viens de lire vos derniers articles mais je ne peux croire que vous allez d'ici peu rendre la plume! Même s'il ne s'agit que de quelques inconditionnels, ce site doit vivre...pour eux!
Souvent je me suis posé la même question que vous : aurais-je pu ou su discerner son art dans les volutes de fumée des cabarets qu'il fréquentait juste après la guerre, aurais-je été accroché? Souvent je me suis posé la question de savoir qui l'a vu, qui l'a entendu à cette époque, qui y a cru! Les témoignages ne viennent que d'autres artistes comme Francis Lemarque, Francis Blanche, Henri Salvador, Juliette Gréco....mais ils n'en ont pas tellement parlé.....Mais comme je regrette de ne l'avoir pas davantage rencontré ou de ne pas avois été près de lui lorsqu'il passait d'un cabaret à l'autre, c'eut été une belle école de la vie!
Il m'arrive fréquemment de me rendre à Paris et de flâner dans le quartier des rues Saint Benoit, Pré aux Clercs, du côté du Quod Libet ou des Assassins ; je suis à chaque fois ému!
Je le chante depuis l'âge de 12 ans et à l'époque, vous devinez aisément que je ne comprenais pas les trois-quarts de ses textes : mon père m'aidait beaucoup et le reste était analysé à force de dictionnaires....Beaucoup de ses paroles me sont encore aujourd'hui de l'hébreu.......A l'internat où mes parents m'avaient placé (tiens, un lien!), au-dessus de mon lit, j'avais punaisé la photo d'Hubert, une immense photo du visage de Pépée, uniquement le visage! J'avais 13 ans! Malheureusement, cette photo a disparu, volée sans doute ou détruite....par jalousie ou bêtise!
Je l'ai rencontré une première fois en 1970 au Festival de Spa en Belgique, j'avais 18 ans : mes jambes tremblaient et j'ai eu l'insigne honneur de manger aux côtés de Popol, en face de Ferré dont j'avais réussi à "piquer" une Celtique que j'ai gardée comme une relique pendant des années....Nous avons terminé la soirée chez Hubert à Embourg, au-dessus de Liège...Il m'avait invité à un récital donné à Louvain mais je n'ai pu m'y rendre faute de temps! Cette soirée inoubliable (comme un con, je ne disais mots mais buvais tout ce qu'il racontait) s'est terminée aux environs de quatre heures du matin..Quel souvenir et Hubert qui photographiait ces moments! Ce jour-là, il avait raconté, en s'en moquant, que Gréco qui enregistrait "Jolie Môme", était venue lui demander ce que signifiait "t'as qu'une source au milieu qu'éclabousse du Bon Dieu"!
Écrit par : Meessen | vendredi, 06 mars 2009
Merci pour vos souvenirs émus. Mais une chose m'étonne beaucoup, vraiment : Gréco (en 1961, trente-quatre ans, avec la personnalité qu'on lui connaît) n'aurait pas compris cette image ?
Gréco ?
Écrit par : Jacques Layani | samedi, 07 mars 2009
A moi, aussi, cela a paru incroyable et je me souviens que Ferré avait raconté cela en en riant et en se moquant comme il savait si bien le faire...Castanier jubilait dans son coin.... Ces souvenirs sont intacts..
Écrit par : Meessen | samedi, 07 mars 2009
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