Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

samedi, 23 février 2008

« La rue c’est bath c’est bath c’est bath »

Dans son édition du 22 février 2008, Libération a publié cet article, au sujet d’une rue baptisée Léo Ferré à Paris. Cela donne l’occasion de faire le point sur cette question.

Léo Ferré, on le sait, a toujours refusé les honneurs et les embrigadements. Il n’a accepté de « récompenses » que d’organismes professionnels comme la Sacem ou l’académie Charles-Cros. La différence est d’importance : une distinction décernée à titre professionnel est la reconnaissance d’une activité, d’un métier bien fait. Elle n’est pas fondamentalement différente d’un diplôme de meilleur ouvrier de France, par exemple. Mais aucun « honneur » ne fut jamais accepté par lui : ni la Légion d’honneur que personne, bien évidemment, ne songea à lui offrir (il n’en aurait d’ailleurs jamais fait la demande, qui doit être volontaire), ni même les Arts et lettres que Lang lui proposa, par l’intermédiaire de Maurice Fleuret, alors directeur de la Musique et de la Danse au ministère de la Culture.

Baptiser Léo Ferré une artère ou un lieu, dans une ville, qu’est-ce que cela signifie ? Si c’est une « récupération » – voire une manœuvre électorale – comme on disait en des temps reculés où chacun devait en permanence se remettre en question et se méfier de tous les miroirs et de toutes les alouettes, il n’en est évidemment pas question. À l’opposé, s’il s’agit de poursuivre dans l’optique de la Révolution puisque, faut-il le rappeler, c’est elle qui instaura l’usage de donner aux voies des noms d’hommes célèbres – comme, d’ailleurs, elle a dévolu aux grands hommes la basilique Sainte-Geneviève dont elle fit le Panthéon – c’est autre chose. Cela perpétuera son souvenir de manière durable.

Reste à savoir quel endroit de la capitale pourra, si les démarches aboutissent, porter le nom de Léo Ferré. Honnêtement, je ne pense pas qu’il faille faire la moue si, d’aventure, on lui donne une rue obscure, un coin reculé ou peu prestigieux. Ces endroits doivent aussi être nommés et leurs habitants sont les mêmes qu’ailleurs. L’idéal, naturellement, serait que soit désigné un lieu parisien qui rappelle son histoire ou son œuvre. Ce serait cohérent, même si c’est le parking pour autocars de tourisme qui occupe l’ancien emplacement de l’immeuble du boulevard Pershing. Richard Martin, à Marseille, est parvenu à faire appeler Léo Ferré le passage qui mène au théâtre Axel-Toursky. Dans les programmes du théâtre, cependant, le passage est devenu « Promenade », ce qui rend peut-être mieux, mais ne manquera pas de faire rire ceux qui ont connu le passage en question autrefois.

Puisqu’on parle ici de lieux publics portant le nom de l’artiste, voici une liste rapide et certainement non exhaustive des établissements scolaires : les collèges du 16, rue Paul-Pourhiet à Scaër, de l’avenue du Languedoc à Saint-Lys et de la route de Oisseau à Ambrières-les-Vallées, ainsi que la cité scolaire (lycée et collège) de Gourdon-en-Quercy et la résidence universitaire d’Orly.

Des salles d’édifices publics également. Par exemple, l’espace Léo Ferré à la bibliothèque municipale de Quétigny, à Bagneux, à Annemasse, à Aubenas, à Bédarieux, la salle Léo Ferré au théâtre du Chêne-Noir d’Avignon, à la MJC-théâtre du Vieux-Lyon, à la médiathèque de Montigny-le-Bretonneux, à Douvres-la-Délivrande, à Francheville, à l’espace Aragon d’Ollainville, à l’espace Jean-Jaurès de Tomblaine, à Chevilly-Larue, à Saint-Quentin-en-Yvelines, à Malakoff, à Berre-l’Étang, à Brest, le Forum Léo Ferré à Ivry, la salle des fêtes Léo Ferré à Longwy...

00:00 Publié dans Lieux | Lien permanent | Commentaires (4)

mardi, 27 février 2007

En Angleterre

Puisque les voyag’s forment la jeunesse

T’en fais pas mon ami j’vieillirai

(LE BATEAU ESPAGNOL)

 

J’ai raconté ailleurs ce qu’avait représenté pour Léo Ferré le tournage du film de Basil Dearden, Cage of gold (La Cage d’or), en 1950. Je n’y reviendrai pas ici.

Il reste que, de ce séjour effectué en Angleterre cette année-là, le Ferré presque inconnu sinon des habitués des cabarets où, jusque là, il a pu se produire, a rapporté une bonne moisson de textes.

Une chanson, enregistrée en public en 1950 au cabaret Le Trou, 9, rue Champollion, Madame Angleterre, sera disponible au disque en 1998.

Dans ce qui sera le recueil Poète… vos papiers !, publié en 1956, on relève le poème Angleterre.

Il écrira en 1950 Les Noces de Londres, texte qui paraîtra en 2000.

Dans ce qui deviendra le projet inachevé des Lettres non postées (paru en 2006), on trouve Lettre à l’Angleterre.

Je ne prétends pas que ces textes aient été composés en Angleterre à ce moment précis. Quand j’écris qu’il « a rapporté » des textes, cela signifie qu’ils lui ont été incontestablement inspirés par ce voyage.

Il est très vraisemblable que le « poème lyrique » Les Noces de Londres aurait pu connaître la destinée de De sacs et de cordes qui en est à peu près contemporain, c’est-à-dire être joué à la radio nationale, interprété par quelques grands noms du moment. Auquel cas, l’œuvre enregistrée aurait été archivée et peut-être aurait-elle pu paraître au disque un jour ou l’autre. Madame Angleterre est d’ailleurs partiellement repris dans De sacs et de cordes.

Les autres voyages que fit Léo Ferré au cours de sa vie n’ont pas donné autant de fruits. De Martinique, il ramena en 1947 Mon Général et La Messe noire, mais on ne trouvait pas là de rapport avec le pays. On ne connaît pas, je crois, d’œuvres multiples ramenées du Japon, du Québec, d’Allemagne, d’Algérie, d’Espagne… Peur-être certains textes ont-ils été écrits lors de séjours dans ces pays, mais ils n’en portent pas la marque et ne peuvent par conséquent être recensés. Si les œuvres faisant allusion à l’Espagne sont très nombreuses, elles n’y ont pas été composées, puisque Ferré s’était interdit d’y aller du vivant de Franco, décédé en novembre 1975. De ses déplacements ultérieurs dans ce pays, je ne sais s’il rapporta quelque chose.

00:00 Publié dans Lieux | Lien permanent | Commentaires (13)

vendredi, 09 février 2007

Le château de Perdrigal

Il ne saurait, à mon sens, y avoir de blog à prétention culturelle ni, comme ici, de simples « études et propos » sans un peu dhistoire, bien évidemment en liaison avec notre sujet.

Dans de nombreux entretiens, Léo Ferré a évoqué la demeure dans laquelle il sinstalle en 1963, en parlant d« une ruine du XIIIe siècle ». À mon avis, le château de Pech-Rigal date plutôt des XIVe et XVe siècles. Jean Lartigaut, érudit local, parle du XVIe dans son étude auto-éditée Les Seigneurs de Pechrigal. Les registres paroissiaux de la commune de Saint-Clair (Lot), située à sept kilomètres de Gourdon, registres que javais pu consulter en 1984, font en tout cas remonter lhistoire des seigneurs de Perrigal au XVIIe (1690). Mais ils nétaient certainement pas complets.

Le nom, tout dabord. En Quercy, un pech est une hauteur, un tertre. Le pech rigal, cest le tertre royal, cest-à-dire le lieu où vivaient les seigneurs locaux. Tout en haut, ils avaient bâti un repaire à peine visible en été lorsquon descend de Gourdon vers la vallée et que les arbres le masquent (« le bois est fermé », dit-on dans le pays), davantage en hiver lorsque « le bois est ouvert ». Léo Ferré métamorphose ce nom en Perdrigal, qui signifie par ailleurs perdrix en quercynois. Si certaines cartes indiquent Périgal ou Perrigal, on voit au passage que, musicalement, Perdrigal évoque à la fois les sonorités de Perceval et de madrigal.

Ferré a découvert le Lot lorsquil est venu chanter au Casino de Saint-Céré. Séduit par la région comme tous ceux qui y passent pour la première fois, il demande à son ami Serge Arnoux, dessinateur et créateur de modèles sur tissu à Saint-Céré, de lui trouver une maison à acquérir. Il achète le château à sa propriétaire, Mme Dreyfus. Seule une aile est habitable. Il fera de la propriété une SCI sous sa gérance, dont le siège est à Paris. Il y installera un peu plus tard une imprimerie. Le cadastre de la commune de Saint-Clair mentionne « Les éditions et imprimeries de Perdrigal », inscrites au registre du commerce sous le n° RC 66 B 00029. Il vivra dans le Lot jusqu’en 1968. La demeure restera ensuite plus ou moins à l’abandon durant longtemps.

Aujourdhui, le château a été racheté, l’accès au chemin d’entrée déplacé. Vue de la route, la restauration, qui a demandé des années de travail, paraît fort bien faite, à ceci près qu’on a cru bon d’ouvrir des « chiens assis » dans la toiture, faisant ainsi de cette demeure une aberration historico-architecturale.

00:00 Publié dans Lieux | Lien permanent | Commentaires (24)

mercredi, 07 février 2007

Tentative de reconstitution du boulevard Pershing

L’appartement qu’occupait à Paris Léo Ferré n’existe plus, on le sait. Voici une tentative de reconstitution des lieux, faite uniquement d’après des documents déjà rendus publics : quelques photographies parues dans la presse ou dans des ouvrages, quelques articles de journaux et le Bottin pour 1960, le tout en complément d’un début de reconstitution que j’avais primitivement esquissée dans Les Chemins de Léo Ferré.

Adresse : 28, boulevard Pershing, Paris XVIIe. Téléphone: Étoile 74-95. Métro : ligne 1, station Porte Maillot.

 

La voie est entièrement pavée.

 

L’immeuble appartient à la ville de Paris. Aujourd’hui, c’est un parking pour autocars.

Un porche donnant sur une cour pavée où sont garées les voitures et où sèche le linge.

À gauche du porche, lorsqu’on le regarde de face, au 28 bis, le Luna-Bar, avec de petits rideaux tendus aux vitres, une terrasse constituée d’une table et de deux chaises disposées sur le trottoir. Téléphone: Étoile 54-53.

À droite du porche, un horloger, au 28, Avron et Cie, dont l’enseigne est « Au véritable carillon ». Téléphone: Étoile 53-43.

Plus loin, un garagiste.

De l’autre côté de la voie, un grand terrain sur lequel se dressait autrefois le Luna-Park (d’où le nom du bar). Aujourd’hui, s’y trouvent l’hôtel Concorde-Lafayette et le palais des Congrès.

Sous le porche, à droite lorsqu’on entre, un escalier.

Au premier étage, une porte sur laquelle est punaisée la photographie des saint-bernard Arkel, Canaille et Egmont. Plus tard, la porte sera parfois ouverte par Pépée, chimpanzé femelle. On est chez Léo Ferré, que le Bottin signale comme compositeur de musique.

Selon les sources, il s’agit d’un appartement de deux ou de trois pièces.

Dans la grande pièce tendue de rouge, aux plinthes rouges, un tapis aux tons bleus sur un parquet sombre, un lampadaire filiforme à abat-jour conique étroit et haut, un piano de bois clair au-dessus duquel a figuré, un temps, un portrait de Beethoven, une longue table, des toiles de Gabriel Terbots, un poêle installé dans une cheminée, des niches avec des étagères à livres, un fauteuil, un canapé.

La gouttière coupe en travers l’appui métallique de la fenêtre qui donne sur le boulevard et se trouve juste au-dessus de la boutique d’horlogerie.

Les toilettes sont installées dans la cuisine.

Léo Ferré a vécu là de juillet 1951 à 1963 (environ février-mars). Il part ensuite s’installer dans le Lot.

00:00 Publié dans Lieux | Lien permanent | Commentaires (4)