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dimanche, 25 février 2007

Jalons pour une future biographie de Léo Ferré

Si l’on excepte les ouvrages de circonstance, publiés par exemple, et en nombre, à l’occasion du dixième anniversaire de la disparition de Léo Ferré, si l’on omet quelques autres volumes biographiques vraiment très succincts et si l’on exclut les documents, essais et exégèses qui lui ont été consacrés, il ne demeure qu’une biographie stricto sensu, celle que signa Robert Belleret en 1996, qu’il commença à rédiger deux ans plus tôt.

Le recul dont on commence à disposer aujourd’hui doit permettre d’aller plus loin, surtout si l’on tient compte des publications, éditoriales et phonographiques, d’œuvres inédites, comme des travaux effectués dans l’intervalle et de leur apport. Il n’existe pas jusqu’à présent de biographie « scientifique » de Ferré. L’improbable grande somme, l’utopique grand tout, se trouvant naturellement hors de portée, on peut néanmoins penser que la biographie de Léo Ferré reste à écrire. Par rapport à l’importance du poète dans son époque et à la durée de sa création artistique – près d’un demi-siècle – il m’apparaît, après réflexion, que ce travail ne peut raisonnablement compter moins de mille pages, voire davantage, qu’il doit évidemment rectifier les erreurs antérieures et combler les manques ou insuffisances, d’ailleurs explicables, des livres précédents. On attend une biographie qui rende un compte exact de la durée, qui prenne son temps et s’interdise de survoler telles ou telles années au profit de telles autres.

Les témoignages les plus importants ont déjà été recueillis, certains plusieurs fois, et publiés. Il ne peut être question de les solliciter à nouveau. Le nombre de souvenirs dont chacun dispose est forcément limité et, au-delà, fussent-ils passionnants, on ne peut que les répéter sous une forme ou une autre. Il faut, par conséquent, en reproduire l’essentiel et en demander de nouveaux à des personnes auxquelles, semble-t-il, et curieusement, personne n’a pensé. Le problème le plus évident est bien sûr que le recul obtenu a un corollaire tragique, la disparition des protagonistes.

Il faut aussi sortir de cette tendance biographique généralisée qui consiste à découper la vie du modèle en tranches et, pour Léo Ferré plus précisément, en périodes, lesquelles sont la plupart du temps déterminées en fonction des différents producteurs phonographiques qui l’ont inscrit au catalogue de leur maison. Cette hiérarchisation, en grande partie fausse, a montré ses faiblesses et c’est en cela que le recul est bénéfique. L’autre critère de découpage erroné consiste à imaginer des périodes liées à ses différentes épouses. C’est tout aussi inexact. L’erreur la plus grande consiste à croiser, autant que faire se peut, les deux critères et à aboutir ainsi à une vision parcellaire, morcelée et fausse de l’existence et du travail de Ferré. Car, au vrai, toutes et tous jouèrent tous les rôles que l’on voudra, eurent l’importance et l’influence qu’on ne leur nie certes pas, mais enfin, lorsqu’il fallut « y aller », ce fut lui qui « y alla », lui et pas un autre, pas une autre. Le seul découpage possible reste celui de réelles fractures – j’évite à dessein le terme de « ruptures », qu’on rapprocherait à tort des ruptures sentimentales – dans la vie et l’œuvre de l’artiste. À condition, toutefois, de pouvoir déterminer celles-ci avec précision, ce qui présente d’authentiques difficultés. Une vie ne tient pas dans un livre, naturellement. Une vie s’écoule en plusieurs directions à la fois, s’implique dans la durée et se dégage dans l’instant, s’équilibre sur le fil d’une simultanéité funambule, alors que la biographie, fût-elle uniquement chronologique, demeure contrainte dans l’espace-temps d’un volume.

00:00 Publié dans Recherche | Lien permanent | Commentaires (8)

Commentaires

Je suis bien d'accord sur la "nécéssité" d'une bio"scientifique de Ferré.Reste à préciser ce qu'on entend par là.
Le "Belleret" est à ce jour le plus complet,mais ilexpédie au galp les"années toscanes" qu'il apprécie moins.Pas toujours objectif.Mais peut-on être objectif ?ne faut-il pas d'une certaine façon prendre parti?
Y-a-t-il des bios "modèles?Sans doute le "Joyce" et le "Wilde" de Richard Ellmann....
Sinon, pas mal de bios agréables, qui se lisent comme des romans:le "Colett" de michèle Sarde, le "Zola" de lanoux ou le "Cendrars" de sa fille Myriam,mais elles n'ont rien de scientifique et n'y prétendent pas.L'énorme bio de Roger Vailland par Yves Courrière se lit avec passion,mais c'est un travail"journalistique" très bien fait,sans prétention à la science.
Et quand le souci scientifique domine'comme dans le "Beauvoir" de Toril Moi,adossé à Bourdieu,dans une approche socio-psychanalytique,on voit bien,quand on maîtrise le sujet,qu'elle privilégie ce qui va dans le sens de sa thèse,et qu'elle laisse de côté ce qui sort du cadre:thèse d'ailleurs vite devenue caduque par les inédits parus depuis 10 ans!
On est devant une montagne:ce que vous appelez devos voeux, c'est 10 ans de travail,une équipe pluridisciplinaire soudée,une neutralité axiologique sans faille,et qui supposent que l'on ait enfin des travaux conséquents sur ferré compositeur et sur Ferré poète,sur l'écriture:Ferré doit être là approché comme tout autre poète ou musicien:il n'est pas plus difficile,parce qu'il ne fut pas que cela
Avec un mélange d'audace et d'humilité,Ferré poète et musicien est "décodable",et le biographique ne prendra que plus de valeur.Ce n'est pas la bio qui est leprincipe explicatif:il faut inverser l'ordre des facteurs;mais je sais que vous défendez cela

Écrit par : francis delval | dimanche, 25 février 2007

Mais oui, nous sommes d'accord, c'est des années de travail et une équipe. Eh bien ?

Nous sommes d'accord, encore une fois : la biographie n'est pas un principe explicatif, comme vous le soulignez. Pas de biographisme. Il reste qu'on doit pouvoir disposer d'une biographie, une au moins, de référence et qu'elle ne peut compter moins de mille pages, j'en suis persuadé.

Belleret a publié son livre en 1996. Il l'avait commencé en 1994. Son travail a donc maintenant plusieurs années. Ce n'est pas faire une entorse à ma règle déontologique que de dire cela. Je me le permets donc. De plus, sans parler de ses choix qu'il faut respecter puisque ce sont les siens, il reste que des inédits ont été publiés depuis, dont il n'avait aucune connaissance. On ne peut plus faire comme si les Lettres non postées, les textes sur la musique pour la radio, Les Noces de Londres, Marie-Jeanne, etc. n'existaient pas. Pardon de me répéter, mais c'est vrai. Il faut donc penser à mettre en chantier un livre nouveau, celui que j'évoque rapidement dans cette note.

En 1996, à la sortie de son livre, je lui avais envoyé quatre grandes pages serrées pour discuter de certains points. Je lui disais aussi : "Vous avez barré la route pour dix ans". Je pense que je ne me trompais pas. Maintenant, onze années ont coulé.

Écrit par : Jacques Layani | dimanche, 25 février 2007

Ah, une chose encore puisque vous évoquez la vie de Vailland par Courrière. J'avais oublié de dire -- tant c'était pour moi évident -- que la biographie de Léo Ferré devra être ECRITE. Parce que Courrière, c'est sujet-verbe-complément. Epuisant.

Écrit par : Jacques Layani | dimanche, 25 février 2007

je conçois mal une bio de Ferré non "écrite";en général, les bios ne sont pas faites par de grands écrivains(je n' ai pas lu celles de Troyat-mais est-ce un grand écrivain?)-qui ont souvent autre chose à faire ,ou alors c'est alimentaire...c'est pour cela sans doute que beaucoup de bios sont décevantes:le "Barthes" de Calvet,le "foucault" d'Eribon laissent un goût d'inachevé...Courrière, c'est de l'écriture de journaliste pressé,mais on lit sans ennui,la vie de Vailland est un roman....mieux vaut ne pas lire les 800 pages à la file,cependant
Une bio écrite,oui:les conditions sont nombreuses,les contraintes aussi,et ce sera probablement à la génération suivante de le nôtre d'achever ce chantier:nous pouvons néanmoins lancer quelques pistes:ce qui s'écrit ici et s'écrira ici ou en d'autres lieux peut "démarrer" certaines choses,en attendant
Il y a des choses à faire dans l'immédiat,et c'est ce que je je m'efforce de dire ici ou ailleurs:ouvrons de nouveaux chantiers,en dehors de certaines institutions...N'attendons pas que l'on pense à notre place

Écrit par : francis delval | dimanche, 25 février 2007

Ah, la génération suivante ! Je me demande quand les hommes et les femmes entre vingt et quarante ans voudront bien prendre la relève. Je le dis chaque fois qu'on m'en parle. Non que je veuille abandonner, loin de là, mais je ne tiens pas absolument à ce que mon nom figure sur tous les travaux consacrés à Léo Ferré. Je ne suis pas un mandarin. J'ai fait un certain nombre de travaux dans des livres et sur internet, j'en ai encore dans mes tiroirs et ce lieu-ci s'ajoute maintenant. Je passe la main quand on voudra. Comprenons-nous bien : je suis toujours aussi passionné par le sujet mais il faut des plumes neuves.

Écrit par : Jacques Layani | dimanche, 25 février 2007

Il y a une bio dont je n'ai parlé jusqu'ici:celle d'Althusser par Yann moulier boutang,dont l'excellent premier volume (période 1918-1956) est paru en 1992,et cele fait donc quinze ans que nous attendons le second:auteur débordé?matière trop importante?priorité donnée aux inédits?abandon du projet
C'est dommage:les questions de méthode devaient figurer en fin du tome 2
Si je cite ce travail, c'est pour son axe de recherche:"LA BIOGRAPHIE CONTRE LE MYTHE",titre du chapitre premier
Voilà une formulation que l'on devrait "marteler":il y a un mythe Ferré qui encombre et risque de dévoyer toute recherche
Une bio conduite avec ce fil, n'est-ce pas ce que vous appelez de vos voeux?
c'est curieux,ce peu de commentaires:n'y a-til sur ce blog que des enseignants partis en vacances?

Écrit par : francis delval | lundi, 26 février 2007

Bien entendu, contre le mythe. Sans être iconoclaste par principe, non plus.

La tomaison est quelque chose de bien, ne serait-ce que parce qu'elle permet de faire des volumes plus maniables, plus pratiques. Mais le risque est toujours de voir la parution interrompue par épuisement de l'auteur ou, le plus souvent, par défaillance de l'éditeur qui n'aura pas fait suffisamment de bénéfices avec le tome 1 et ne voudra pas continuer.

Écrit par : Jacques Layani | lundi, 26 février 2007

Belleret: ok pour dire que c'est la seule biographie restante. Il semble avoir pris beaucoup de repairs sur le Lacout de 91 qui lui se voulait être une bio sans l'être...dans un ordre que j'apprécie car l'ordre chronologique c'est vite emmerdant.

En même temps ça se lis en une soirée

Écrit par : JB | mercredi, 28 février 2007

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