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jeudi, 20 septembre 2007

La notion de « texte intégral »

Lorsque le Livre de Poche est apparu, en 1953, la maison Hachette, qui en était l’éditrice et l’avait introduit en France sur le modèle du paperback américain, prit immédiatement soin de préciser sur les couvertures : « Texte intégral ». Ce qui paraît aller de soi mais il faut savoir qu’à l’époque, il existait, notamment pour les romans, des adaptations condensées de textes parus auparavant dans des éditions plus sérieuses.

Je m’interroge sur ce qu’est devenue cette notion, en ce qui concerne deux recueils de textes de Léo Ferré.

Il suffit de comparer les tables des matières pour constater qu’entre l’édition originale parue chez Édition n° 1 en 1993 et le tirage en Livre de Poche sous le numéro 9626, en 1995, le recueil La Mauvaise graine a un peu maigri. Les titres manquants sont, sauf erreur de ma part : Et vogue vogue la galère, Qui pourrait maintenant, Le Faux poète, L’Homme lyrique, Paris, Ma vieille branche, À la folie, La Vie moderne, La rue est la galaxie de l’outrage, L’Araignée, Au premier hibou de service, Demain, La Banlieue, Les Amants tristes, Alma Matrix, Et… basta !, Words… words… words…, Je vivais dans une sorte de malédiction confortable, Je parle à n’importe qui, L’Imaginaire, Ma vie est un slalom, Death… death… death…

La couverture ne précisant pas « Texte intégral », il n’y a rien à dire, mais on peut s’étonner de la disparition d’une vieille tradition qui était pratiquement ressentie comme un contrat de confiance entre l’éditeur et le lecteur. Or, surprise, le volume a reparu sous une seconde couverture en 2000, avec, cette fois, la mention en question : « Texte intégral », imprimée en bas à gauche. Que nenni : les textes, les mêmes, manquent toujours. Il y a donc abus, sinon mensonge, de la part de l’éditeur.

Il n’y a qu’à comparer également Testament phonographe, paru chez Plasma en  1980, ayant connu une deuxième édition au Gufo del Tramonto (1990), une troisième chez La Mémoire et la mer (1998), une quatrième dans la collection « 10-18 » sous le numéro 3356 (2001), enfin une cinquième chez La Mémoire et la mer (2002) pour se rendre compte qu’entre les volumes de grand format et celui de « 10-18 », il y eut aussi une cure d’amaigrissement, plus réduite il est vrai que dans l’exemple précédent. Les titres manquants sont, sauf erreur de ma part : Adieu, La Damnation, La Femme adultère, Pacific Blues, Paris c’est une idée, Les Passantes, Tu sors souvent la mer. Là encore, la couverture ne précisant pas « Texte intégral », il n’y a rien à dire, mais on constate que la logique éditoriale qui était celle des collections de poche ne va plus de soi. Un coup d’œil au catalogue de la collection « 10-18 » pour l’année 2001 ne rassure guère : aucune allusion n’est faite à l’intégralité ou non des textes.

Alors, qu’est devenue la notion de « Texte intégral » ? Le Livre de Poche ou « 10-18 » ont publié autrefois des volumes bien plus gros. Il ne peut donc s’agir d’une simple question de format, de nombre de pages. Je ne comprends pas. Sans parler de cette autre question, plus importante encore : qui décide de couper, que coupe-t-on et pourquoi ?

00:00 Publié dans Propos | Lien permanent | Commentaires (24)

Commentaires

c'est un pb plus vaste que 10-18:on a de plus en plusd'éditions de poche qui donnent des recueils tronqués, des groupements de textes arbitraires,qui rassemblent ou des nouvelles ou des textes philosophiques qui n'ont rien à faire ensemble,collés par un tâcheron quelconque.

10-18 a donné de belles choses, par exemple l'intégrale bilingue des poèmes de Jim Morrisson, en 5 volumes.A lire absolument,c'est superbe.Ou dans les années 70 ,édité pour la première fois en Français les romans de Léonard Cohen et ses poèmes ed bilingue...En fait leur ligne éditoriale a changé de cap en fonction des propriétaires:Editions de classiques rares dans les années 60 (Sade, Rétif...)puis entre 70 et 80 un nb considérable de textes marxistes (Marx,Lenine,Trotzky,Staline,Boukharine,Bordiga, l'école de Francfort...J'en ai encore 2 mètres dans mon grenier),de la psychanalyse,de l'histoire, les revues "Change".Virage dans les années 80,tout cela disparaît:passage au roman policier,à des textes plus vendeurs,abandonnant l'édition commencée du nouveau roman et des colloques de Cerisy,au profit d'une littérature anglo-saxonne visant un public plus féminin,ou la littérature "fin de siècle" (Lorrain, Schwob,Péladan....libres de droits)

Qui décide de couper?je ne sais pas,est-ce que 50 pages de moins ,c'est plus rentable?

Le livre de poche a une politique identique de "classiques" ,avec le créneau des lycées et universités.On n'y prend plus de risques.....

Reste folio,le fonds Gallimard étant évidemment très fourni.

Jacques, vous savez bien que l'édition dépend fortement maintenant de certains trusts...Le rachat du Seuil par Lamartinière est catastrophique:des collections prestigieuses comme "L'ordre philosophique" sont menacées de disparition à court terme.2000 ex en moyenne,plus les traductions:Non rentable!!!!!!!!!

Écrit par : Francis Delval | jeudi, 20 septembre 2007

Je sais tout cela, en effet. Mais, s'agissant d'un recueil précis -- un recueil qui existe préalablement, non un regroupement arbitraire -- pourquoi l'ampute-t-on brusquement de quelques textes ici et là ? Et pourquoi ceux-là ? C'est ce qui m'étonne.

Écrit par : Jacques Layani | jeudi, 20 septembre 2007

les raisons des choix,qui le saura jamais?purement arbitraire:"allez,petit,le livre est trop gros, dégraisse",ça doit être un truc comme ça,j'imagine....

Écrit par : Francis Delval | jeudi, 20 septembre 2007

Je veux bien, mais le "dégraisseur", quels sont ses critères ? Et pourquoi la mention "Texte intégral" sur le poche de 2000 ?

Je me doute bien que personne ici ne doit connaître les raisons exactes, mais ça m'agace.

Écrit par : Jacques Layani | jeudi, 20 septembre 2007

Pour LMG, faut-il y accorder une telle importance? Car, le problème déjà, c'est qu'on ne sait pas, avec certitude, si l'ordre et le choix sont de Ferré lui-même. On veut bien croire la personne qui s'en est occupée: c'est l'arrangement de Ferré lui-même (ce qui d'ailleurs expliquerait certaines étrangetés dans la chronologie). Mais on entend aussi d'autres sons de cloche. D'où le statut assez problématique de ce recueil.

Quel est votre avis sur la question, Jacques?

Écrit par : gluglups | jeudi, 20 septembre 2007

Pour autant que je le sache, le choix de textes est de Léo Ferré lui-même.

Je ne sais pas si c'est important, c'est simplement qu'on ne sait rien des critères qui ont fait écarter tel ou tel texte. Et puis, enlever Et… basta ! ou Je parle à n’importe qui, pour ne prendre que ces deux exemples, ce n'est pas rien.

Écrit par : Jacques Layani | jeudi, 20 septembre 2007

A propos de "La mauvaise graine", si j'ai bien compris, la première édition avait déjà été amputée d'une grande partie de ses notes,non?
Ce recueil pose qd même qqs pbs:pourquoi dater LMELM d'avant 62, alors qu'il est de notoriété publique que la version dite définitive date des années 80:est-ce une façon de dire "la première version ne DOIT plus exister"?

On peut lire page 587 dans "personne"
"la terreur de Danton écrite en points tillés"

coquille typographique?

pb: la faute se trouve déjà dans le texte que l'on trouve dans la pochette du vinyl....!

"forgerie" de Ferré,ou bien n'a-t-on pas osé corrigé le maître?


Pour J.Miquel:je vous rassure, l'édition de poche de Ronsard contient tous les "amours".Le pb est qu'il y en a trop:c'est une compil de tous les poèmes d'amour,classés en fonction de leur destinataire,et qui donc ne correspond pas aux recueils composés par Ronsard.Schmidt a fait un bon travail à destination du grand public,très complet.mais qui serait inutilisable pour un travail universitaire sur Ronsard,par exemple.

Écrit par : Francis Delval | samedi, 22 septembre 2007

Je n'ai pas la réponse à ces questions. Je rappelle seulement qu'il n'existe aucune version "définitive" publiée de La Mémoire et la mer, le texte le plus récent (paru dans le deuxième tome des "Poètes d'aujourd'hui", chez Seghers, en 1986, pp. 86-100) étant sous-titré "version complète" à la demande de l'auteur. Il faut comprendre que cette version comprend les ajouts et modifications multiples, le découpage en huitains, mais que, semble-t-il, Ferré ne s'interdisait pas de reprendre encore ce texte à l'avenir, s'il le jugeait bon.

Écrit par : Jacques Layani | samedi, 22 septembre 2007

Précision : par "le texte le plus récent", j'entends bien sûr "le plus récent paru du vivant de l'auteur". Dans La Mauvaise graine, de toute manière, c'est le même texte qui est repris.

Écrit par : Jacques Layani | samedi, 22 septembre 2007

Dans l'édition bibliophile parue en 1988 (3 ou 5 volumes) aux éditions du Grésivaudan sous le titre "Poésies / L'opéra du pauvre" on trouve la version complète de La mémoire et la mer identique à celle proposée dans le Seghers de 1986 à quelques coquilles près de part et d'autre...

Écrit par : Jacques Miquel | samedi, 22 septembre 2007

Dans les cahiers n°1 (p 49) R.Horville parle de "reprise ,en version abrégée par Le Livre de poche",sans donner d'explication....y a-t-il eu simple transaction d'éditeur à éditeur?
L'allègement a-t-il été négocié ? Le pb est que les gens qui ont acheté le livre de poche, ou le 10/18 de T.phonog s'imaginent avoir le recueil entier.....Nous sommes dans la tromperie, en restant polis......

Écrit par : Francis Delval | samedi, 22 septembre 2007

L'édition de 91 n'est plus disponible....Editions n°1 appartient au groupe Hachette,et est spécialisée dans la gastronomie,l'astrologie,et le reste à l'avenant.

l'édition de poche peut encore se trouver sur amazon (restent 2 ex),et Léo Ferré et R.Horville crédités comme "auteurs".C'est l'habitude d'Amazon de créditer comme l'un des auteurs le préfacier ou le traducteur.
Que le recueil puisse être jugé "problématique" comme le dit Gluglups,je veux bien l'admettre.De là à vendre des intégrales qui n'en sont point,il y a une marge....

L'inventaire des archives Ferré étant à ce jour enfin terminé,pensons désormais à la "the" intégrale...Néanmoins,.je crains qu'il ne nous faille une longue patience....

Écrit par : Francis Delval | samedi, 22 septembre 2007

J'arrive un peu tard sans doute, absence hors de Paris exige, pour ajouter ma petite voix au concert.

Francis : "... au profit d'une littérature anglo-saxonne visant un public plus féminin" m'a rappelé une expérience datant justement des années 80. Je travaillais à cette période aux NMPP. Je me souviens avoir été particulièrement outrée d'entendre mon patron proposer "du rêve" en diffusant une collection à l'eau de rose. Je lui avait dit que toutes les femmes n'étaient pas - heureusement, et moi en tout cas sûrement pas - lectrices de ce genre d'idioties. Vexé, il avait continué sur sa lancée. Mais évidemment ils n'en ont pas retiré les bénéfices (qu'ils croyaient immenses) attendus.

Quant aux coupes dans les textes, mon sentiment est que celui qui en est responsable obéit à une réaction primaire de compréhension, tout simplement, du genre : "Hou là, qu'est-ce que ça veut dire ? Je ne comprends pas bien (donc, les autres non plus) : je coupe..."

Écrit par : Martine Layani | dimanche, 23 septembre 2007

"De là à vendre des intégrales qui n'en sont point,il y a une marge....": je ne crois pas que LMG ait jamais été présenté comme une intégrale.

Dans le genre "compliquons les choses", le bouquin de Dupond n'est pas mal non plus.

"Néanmoins,.je crains qu'il ne nous faille une longue patience....": eh oui, d'autant plus qu'à mon avis, cette oeuvre est restée insuffisamment pensée (sinon les rabâchages intégristes, mais puisqu'ils sont si intégristes que cela, qu'ils s'abstiennent en conformité avec ce que disait Ferré. A croire que la seule chose qu'ils veulent obtenir, c'est une forme de reconnaissance de Ferré, d'institutionnalisation, alors faisons comme si, en y mettant les formes. Or les formes, c'est quoi? C'est, une nouvelle fois, faire mouche dans le moche! http://larbredupoete.free.fr/lmelm/aulnoye.pdf Sans parler de cette image de gourou grotesque http://larbredupoete.free.fr/lmelm/aulnoye.jpg)
..................

Francis, cela fait bcp de questions qui tombent sur votre tête à la fois, mais j'aimerais savoir ce qui, en plus de ce que vous avez étudié dans votre article et au-delà des questions de valeur, de "qualité" on va dire, vous fait penser que Ferré est un grand poète?

PS: "L'inventaire des archives Ferré étant à ce jour enfin terminé": je ne sais pas si cela l'est complètement encore. A 40 000 euros on peut espérer que ce sera le bon! (cliquer sur ma signature. Article trouvé aujourd'hui en cherchant le blog de Jacques sur google)

Écrit par : gluglups | dimanche, 23 septembre 2007

La bonne adresse (en principe...)

Écrit par : gluglups | dimanche, 23 septembre 2007

Selon la note de Jacques,l'édition de poche de 2000 porte la mention "texte intégral",alors qu'il s'agit d'une version abrégé du recueil.

selon mes sources, l'inventaire est achevé....

Votre question est une bonne question, mais je serai incapable d'y répondre rapidement, à l'improviste ,sur le blog...Mon article aura peut-être une suite,sous forme de réponse au courrier des lecteurs qu'a reçu François André.....Autant me demander ce qui me fait penser que Ponge ou Césaire ou Gherasim luca sont de grands poètes...Leurs écritures n'ont rien à voir,elles sont très différentes....Disons , pour faire dans le raccourci élémentaire que pour moi ,un poète qui compte est un poète qui met en oeuvre une écriture qui lui est propre

Écrit par : Francis Delval | dimanche, 23 septembre 2007

j'ai été interrompu....Un poète qui "creuse dans la langue une langue "étrangère" qu'il est le seul à parler, à écrire, même s'il n'est jamais possible d'éviter l'intertextualité....Ferré ou Gatti sont de ceux -là...

Je sais que ça ne peut vous satisfaire ,mais en deux mots, difficile de mieux dire.

Écrit par : Francis Delval | dimanche, 23 septembre 2007

glugups: j'avais déjà lu en ligne cet article du Figaro.....Je n'ai rien à en dire ....Ce genre d'imbroglio pour héritage des droits d'auteur dit être assez fréquent

Écrit par : Francis Delval | dimanche, 23 septembre 2007

"Selon la note de Jacques, l'édition de poche de 2000 porte la mention "texte intégral", alors qu'il s'agit d'une version abrégée du recueil" :

Je confirme que c'est bien le cas et là, il s'agit vraiment d'abus, il me semble.

Je connais aussi l'article en question.

Écrit par : Jacques Layani | dimanche, 23 septembre 2007

gluglups:J'avais vu le programme des journées Ferré.Comme je ne fréquente presque jamais ce genre de manifestations (les colloques en général, où l'on n'apprend rien la plupart du temps,les universitaires remplissant leur quota d'articles à publier avant tout),je n'en dirai donc rien...
"j'préfère ma taule et mes bouquins..."

Martine:quand je parlais de littérature anglo - saxonne pour 10-18, je ne pensais pas au roman sentimental à l'eau de rose.Ils ont sorti le fonds Bourgois ,Jane Austen,Edith Warthon,Violet Trefusis,par ex, ou Doris Lessing....Type de littérature que les éditions des Femmes avait aussi édité (V.Woolf,Anaîs Nin...),qui donc concerne aussi les hommes...
Par contre les trois quarts de leurs romans policiers visent plutôt les femmes....Mais ce n'est pas Harlequin ni "j'ai lu"Désolé d'avoir été imprécis

Écrit par : Francis Delval | dimanche, 23 septembre 2007

C'est drôle, c'est ce que Jacques m'a dit après avoir lu mon commentaire...

Par ailleurs, à votre avis (et hors de propos, je vous l'accorde) y a-t-il beaucoup d'hommes à lire la littérature écrite par des femmes ? Parce que j'ai cette impression, peut-être fausse, qu'ils sont peu nombreux.

Écrit par : Martine Layani | dimanche, 23 septembre 2007

Je ne vois pas de raison valable de ne pas lire les livres écits par des femmes...Vous savez bien qu'il y a beaucoup d'écrivains femmes de talent, voire de génie ,de V?Woolf à Colette,et de Gertrude Stein à Djuna Barnes on Karen Blixen?en tout cas, mo je les lis.On trouve moins de poètes que de romancières par contre....

Écrit par : Francis Delval | dimanche, 23 septembre 2007

Oui, je sais. Et je saisis bien qu'on a déjà eu cette discussion.

Disons qu'il s'agit d'un sentiment et que par conséquent, celui-ci revient de temps à autre, comme la marée. Dans le camp des seconds couteaux lents sont les jours et courtes les semaines.

Écrit par : Martine Layani | dimanche, 23 septembre 2007

gluplups: Par inventaire, je ne pensais pas à l'inventaire juridique des oeuvres donnant lieu à droit d'auteurs,mais au dépouillement des archives,inédits,brouillons,etc...qui est de fait terminé.

Écrit par : Francis Delval | lundi, 24 septembre 2007

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