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mardi, 30 octobre 2007

« Cent vingt-et-un moins moi » (Léo Ferré, Mon programme, 1969), par Francis Delval

Je remercie Francis Delval qui a bien voulu descendre une nouvelle fois dans l’arène avec un sujet important : il nous propose un texte sur Léo Ferré, la guerre d’Algérie et le célèbre Manifeste des 121.

 

 

Été 1960. Léo Ferré reçoit la visite d’Aube, la fille d’André Breton. Elle lui apporte un texte, un manifeste défendant le droit à l’insoumission des militaires en Algérie, texte qui sera connu sous le nom de Manifeste des 121, lui demandant s’il accepte de signer ce texte. Léo Ferré refuse. Les historiens Hamon et Rotman [1] auront une formule lapidaire et sans appel : « L’anar Léo Ferré se défile ».

Cette note a pour but d’essayer de comprendre le sens du refus de Ferré de figurer parmi les signataires : ils seront 121, puis très vite, 140, 180, 220 et plus…

Que penser, avec le recul, des arguments que Ferré avance pour ne pas signer ? C’était son droit, nul n’est tenu à s’engager s’il ne le désire pas... Cette décision a-t-elle modifié, infléchi son rapport en tant qu’artiste à la politique, ou est-ce une péripétie sans conséquence relevant de l’anecdote ? Nous devrons aussi tenter de comprendre certains propos tenus sur les signataires et qui, même avec le recul et le regard froid sont totalement inacceptables ; d’autant plus qu’en 1987, dans un échange avec L.- J. Calvet, il les reprendra sans changer un iota, vingt-sept ans après…

 

1) Chronologie abrégée de l’année 1960

- 5 janvier : Le Monde publie le rapport de la Croix-Rouge sur la torture en Algérie.

- 20 février : début des arrestations dans le réseau mis en place par le philosophe Francis Jeanson, réseau des « porteurs de valises », ces Français qui aident le FLN en transportant armes ou argent.

- 15 avril : conférence de presse clandestine de Jeanson à Paris.

- 25 avril : arrestation de Georges Arnaud. Publication du livre Le Déserteur de Maurienne, pseudo de l’instituteur et officier déserteur Jean-Louis Hurst.

- 10 mai : arrestation de Laurence Bataille, fille de Georges et belle-fille de Lacan.

- 17 juin : procès de Georges Arnaud [2].

- 29 juin : S. de Beauvoir et G. Halimi révèlent « l’affaire Djamila Boupacha », jeune Algérienne torturée et violée par les paras.

- 5 septembre : ouverture du procès du réseau Jeanson, sans Jeanson qui n’a pu être arrêté.

- 6 septembre : publication dans le magazine Vérité-liberté d’un manifeste, signé de 121 intellectuels. Les journaux sont saisis dans la nuit.

- 3 octobre : manifestation de la droite. Le slogan le plus courant est : « Fusillez Sartre ».

- 9 octobre : manifeste de deux-cents intellectuels de droite pour la défense de « l’Algérie française ».

- 27 octobre : meeting FEN-UNE, et pétition pour la paix en Algérie.

 

2) Qu’est-ce que le Manifeste dit « des 121 » ?

Face à la répression et aux vagues d’arrestation dans le réseau des porteurs de valises, et envers les déserteurs, face à la banalisation de la torture, quelques intellectuels liés aux éditions Gallimard décident d’agir à leur manière. Maurice Blanchot, Dionys Mascolo, Claude Lanzmann lancent un large appel aux intellectuels pour défendre le « droit à l’insoumission ». Blanchot rédige le texte, revu par Mascolo. Le texte n’appelle nullement à l’insoumission : il la défend comme un « droit ». Droit relevant de la conscience de chacun face aux exactions de l’armée. Le texte de trois pages demande donc de respecter le droit de chacun à aider s’il le désire le peuple algérien, et ainsi de contribuer à en finir enfin avec le système colonial.

Le texte est suivi de 121 signatures, qui dépasseront très vite les 220 et plus… Écrivains et philosophes en nombre (Sartre, Beauvoir, Leiris, Breton, Limbour, Tzara, Guy Debord, presque tout le nouveau roman, Butor, Simon, Sarraute, Duras, Robbe-Grillet, Schwarzbart, J.-L. Bory…), peintres (Pignon, Lapoujade, Reyberolle), musiciens (Boulez, Leibovitz), historiens (Vernant, Vidal-Naquet), cinéastes (Truffaut, Resnais), un grand nombre d’acteurs (Terzieff, Cuny, Roger Blin, S. Signoret). Parmi les amis de Ferré, on retrouvera Ch. Estienne, M. Joyeux et Catherine Sauvage, la seule artiste du monde de la variété à avoir signé !

Très vite, les sanctions tombent : universitaires radiés ou suspendus, spectacles arrêtés pour cause d’interdiction de travail frappant les acteurs, interdits de scènes ou de plateaux (Terzieff sera plusieurs années sans  pouvoir travailler), C. Sauvage interdite d’antenne pendant deux ans, d’autres seront agressés, matraqués, plus tard l’appartement de Sartre sera plastiqué par l’OAS, en représailles.

De plus, depuis le 6, la provocation à l’insoumission peut être punie de trois ans de prison ! Face à cette pluie de sanctions, de nombreux intellectuels progressistes étrangers se solidariseront avec les « 121 et plus » : Fellini, Moravia, Sean O’Casey, Heinrich Böll, N. Mailer… Il y aura un « manifeste de soutien » des intellectuels américains.

 

3) Le contre-manifeste et la pétition FEN-UNEF

Le 3 octobre, les « patriotes » descendent dans la rue ; les vitres de L’Express explosent. L’association des écrivains combattants, dont Aragon vient de démissionner, est au premier rang. Un contre-manifeste sort le 9 dans Carrefour, signé de plus de deux-cents intellectuels de droite, unis derrière le maréchal Juin : Dorgelès, Jules Romains, M. de Saint-Pierre et tous les hussards, Déon, Blondin, Nimier, J. Laurent, groupés autour de Fraigneau...

27 octobre : meeting de la FEN et nouvelle pétition, avec le mot d’ordre « Paix en Algérie », manifeste moins connu où l’on retrouve les signatures des intellectuels que les historiens accusent ordinairement de ne pas avoir signé le 6 :  E. Morin, C. Lefort, Merleau-Ponty mais aussi Barthes, Étiemble, Escarpit, Prévert, Jean Rouch, etc. Pétition dont François Maspéro dira qu’elle n’a servi qu’à apaiser les consciences de ceux qui avaient refusé de soutenir le droit à l’insoumission... Session de rattrapage, en quelque sorte...

 

4) Léo Ferré et le Manifeste

 

Et l’Algérie est-c’que tu crois que je la porte

Autrement qu’à Sakiet sur un tombeau sans risque

(Écoute-moi, version 1962) [3]

 

Quelles positions sont les siennes ? Pourquoi ce refus de signer ? Comment comprendre les propos qu’il a tenus ?

Il faut repartir de la lettre de ses dires, notamment des extraits d’entretiens compilés par Q. Dupont dans Vous savez qui je suis, maintenant ?, La Mémoire et la mer, 2003, et de quelques autres sources.

Comme la plupart des Français, il se dit « concerné », il suit les événements de près. Quant au Manifeste, il en trouve l’idée « généreuse », mais pour lui signer ne suffit pas : qui est d’accord pour aider le FLN doit aller sur le terrain, et il salue et respecte le travail de Jeanson et des porteurs de valises. Il est, quant au fond, en accord avec Malraux disant à sa fille Florence, signataire : « Va te faire tuer dans les djebels, mais ne pétitionne jamais ».

C’est le premier argument : si je suis convaincu, alors je vais sur le terrain.

Deuxième argument : « Je fais un métier public »… et je sais bien que si je signe, je ne pourrai plus faire mon métier de chanteur ; plus de radio, plus de télé, Ferré chanteur, ce sera terminé. Je veux continuer, donc je ne signe pas.

Troisième argument : « Une pétition d’intellectuels, c’est prétentieux, on signe parce qu’on a un nom connu » et, dit-il, il aurait fallu « trois millions de signatures, il fallait faire signer les ouvriers de chez Renault ». On peut parler ici d’un aveuglement de Ferré ; outre qu’une pétition de ce type n’eût pas été discrète, Renault est encore une citadelle du PCF et de la CGT. Or, la politique anticoloniale du  PC n’est plus celle d’avant-guerre. Le PC est plus nationaliste : participation de nombreux FTP au massacre de Sétif en 1945 (cinquante mille Algériens nationalistes tirés à vue, car assimilés aux fascistes), soutien à la répression de la rébellion malgache de 1947, vote en 1956 des « pouvoirs spéciaux » au gouvernement Mollet... Sa politique anti-coloniale est loin derrière… De plus, de nombreux militants ont quitté le Parti après l’invasion de la Hongrie. Il n’y aura que neuf membres du PC à signer le Manifeste

Jusqu’ici, rien de bien convaincant dans l’argumentaire de Ferré. Le plus irrecevable est le propos tenu à maintes reprises, encore en 1987 avec L.-J. Calvet  : « Les signataires étaient des planqués, dans leurs bureaux, leurs cafés, ils ne risquaient rien ». Or, il ne pouvait ignorer que la plupart l’avaient payé très cher, et ce n’est pas très sympa pour ses amis Ch. Estienne, M. Joyeux ou C. Sauvage !

Calvet suggère dans son livre « expéditif » de 2003 que « Madeleine lui a fortement recommandé de ne pas signer pour ne pas nuire à sa carrière ». Ce qui, en soi, n’est pas un argument : était-il tenu en laisse ? Si l’influence de Madeleine est plus que probable, il pouvait passer outre… Il avait son libre-arbitre [4].

Cela dit,on peut penser qu’il y a eu, au-delà de cette mauvaise foi du discours maintes fois ressassé, une prise de conscience de Léo Ferré. Il ne signe pas, mais il saute le pas d’une autre manière : il va s’engager davantage en tant qu’artiste et prendre parti tout en faisant son métier,mais autrement.

Ferré a chanté dans les années 50 des chansons satiriques, sociales, mais la politique est peu présente : Mon Général n’est pas très agressif, Monsieur Tout-Blanc très allusif, La Vie moderne amusante… Le registre va changer à partir de 1961. Ses chansons prennent une dimension nouvelle. Les Temps difficiles, fin 1961, dénonceront en public la torture en Algérie (il aurait à cette époque commencé à rassembler des documents sur la torture en Algérie et tenu un journal – à vérifier)… Puis il y aura La Gueuse, Miss Guéguerre, Y en a marre, Sans façons (manifeste anti-gaulliste), Franco-la-Muerte, Pacific blues, La Révolution, Ils ont voté… Plus tard Le Conditionnel de variétés, Words… words… words…, Le Tango Nicaragua ou la dédicace de Thank you Satan à Bobby Sands, soutien explicite à la lutte de l’IRA… Et bien d’autres textes, on ne peut tout citer.

Soyons clair : jusqu’en 1968, Ferré est quasiment le seul chanteur à intervenir politiquement en France. Une nouvelle séquence s’ouvre, de 1968 à 1977 environ, où d’autres chanteurs interviendront, en général sur des positions antiparlementaristes. Ferré n’est plus le seul : il y aura F. Béranger, Kerguiduff (bien oublié !), Glenmor et surtout Gilles Servat et Colette Magny. Ils chantent les grèves ouvrières, les luttes paysannes, le soutien aux Bretons, aux Basques, aux Irlandais, aux militants du Black Power. Quand nous réécoutons, la violence des textes nous surprend.On réenregistre les chants de la Commune (Mouloudji, Solleville). Mais cette séquence ne durera pas dix ans. Ferré, lui continuera jusqu’au bout. Enregistrant L’Europe s’ennuyait dans son dernier disque, retour aux sources, hommage aux premiers résistants.

Le refus de signer le Manifeste, malgré la mauvaise foi répétée des arguments, semble (ce n’est qu’une hypothèse) avoir pu servir de déclencheur à un engagement politique jamais inféodé à un parti ou à un syndicat. On pourrait reprendre le terme d’Alain Jouffroy : « individualisme révolutionnaire ».

À chacun de juger selon ses convictions, les éléments sont sous les yeux du lecteur.

Terminons sur une citation de Maurice Joyeux, à qui on posait la question : « Pourquoi avez-vous signé ? » et qui répondit : « [ce manifeste]… cri de révolte contre l’impuissance à mettre fin à la guerre d’Algérie, il est, que ses auteurs le veuillent on non, d’essence anarchiste, et c’est alors moi qui retourne la question : pourquoi n’avez-vous pas signé le Manifeste des 121 ? » (Le Monde libertaire, n° 64, novembre 1960).

_________________ 

[1]. Bibliographie : Hamon et Rotman, Les Porteurs de valises, Seuil, 1982 ; Droz et Lever, Histoire de la guerre d’Algérie, Seuil, 1982. Deux films à voir : La Bataille d’Alger de Pontecorvo ; Avoir vingt ans dans les Aurès de R. Vautier. De nombreux sites internet existent sur le Manifeste. Un seul donne, outre le texte de Blanchot, la liste complète des signataires et et le texte du manifeste américain ; taper dans Google : « Manifeste des 121. Tinhinane ».

[2]. Georges Arnaud, l’auteur du Salaire de la peur (que Ferré connaît : c’est par lui qu’il aurait rencontré Madeleine) est accusé de non-dénonciation de conférence de presse clandestine à Paris. Défendu par J. Vergès, il aura un fort comité de soutien, réuni autour de Kessel et Armand Gatti. Une pétition de deux-cents journalistes défendant le secret professionnel fera reculer le gouvernement. Il aura deux ans de prison avec sursis et ira vivre en Algérie jusqu’en 1970.

[3]. Sakiet : village tunisien bombardé en 1958, alors que la Tunisie est indépendante depuis 1956.

[4]. L. Ferré, Vous savez qui je suis maintenant ?, notamment pp. 199-200.

[5]. L.-J. Calvet, Léo Ferré, Flammarion, 2003.

N. B. : F. Jeanson sera amnistié en 1967 et Malraux le nommera directeur de la Maison de la Culture de Châlon-sur-Saône.

Commentaires

Ce qui est étonnant, c'est qu'il ait par ailleurs signé la pétition contre la privatisation de TF1 (qui date de 1987, je crois justement), quand Le Monde Libertaire de l'époque expliquait en gros qu'Etat ou privé, cela revenait au même.

"jusqu’en 1968, Ferré est quasiment le seul chanteur à intervenir politiquement en France.": pas d'exemple à donner, mais cela me paraît assez étonnant. Ce n'est quand même pas lui qui a inventé la chanson engagée.

Écrit par : gluglups | mardi, 30 octobre 2007

qui trouve-t-on dans les années 50-60, à part Ferré? il y eut bien Vian, avec 'le déserteur', sorti en version édulcorée enregistrée par Mouloudji,et néanmoins interdite, Ferrat? avec "nuit et brouillard"....On ne peut considérer Brel ou Brassens comme des chanteurs " engagé"....Escudero, mais je ne connais pas bien....

Écrit par : francis delval | mardi, 30 octobre 2007

Il a aussi signé contre la guerre du Golfe en 1991.

Quelques précisions :

Georges Arnaud. On dit toujours : "l'auteur du Salaire de la peur". Quand Ferré le rencontre sur le bateau qui l'emmène en Martinique, Arnaud n'a pas encore écrit ce livre. Par ailleurs, ce n'est pas lui qui présente Madeleine à Léo Ferré dans l'arrière-salle vitrée du Bar Bac le 6 janvier 1950, mais son épouse, Suzanne Girard (le vrai nom de Georges Arnaud est Henri Girard) -- laquelle Suzanne Girard est, selon Vincente de Benedetti, la fille de Francis Claude.

Ceci, uniquement pour l'exactitude chronologique et biographique.

Parmi les cinéastes signataires : Claude Sautet, alors proche du Parti communiste.

Dans Je donnerais dix jours de ma vie (de mémoire), il redit son idée : "Quand on parle de la guerre des autres, il faut aller la faire". Je pense qu'il s'en tient alors (1968) à ses arguments du temps de la guerre d'Algérie, qu'ils aient été les siens ou qu'ils lui aient été conseillés-dictés-imposés-suggérés (le mot qu'on voudra) par les uns ou par les autres. Sa position évoluera au fil du temps, non pas en ce qui concerne le Manifeste des 121 proprement dit, mais pour ce qui est des pétitions et de l'acte de signer, en soi.

Écrit par : Jacques Layani | mardi, 30 octobre 2007

le terme "chanson engagée" ne m'a jamais convaincu.je préfère parler de chanson ( ou de poème, ou toute forme d'art) d'intervention politique ( ou sociale, selon le cas)...ça peut être ponctuel, ou bien avoir un sens sur la durée...."les temps difficiles","comme une fille" c'est ponctuel ( fort contextualisés),"les anarchistes" ou "y'en a marre", non...il peut les reprendre 20 ans après...

Écrit par : francis delval | mardi, 30 octobre 2007

Léo Ferré ne voulait pas de ce terme, d'ailleurs. Dans son interview de 1966 (Panorama : "La Vie de château", INA), il dit : "Pour moi, la chanson engagée, c'est la chanson à dégager". D'autres fois, il disait : "Je suis né engagé", voulant signifier par là qu'il n'y avait pas de chanson engagée à proprement parler ; que, dès qu'on écrivait autre chose que des idioties, de la guimauve, dès qu'on parlait sérieusement, on était engagé ipso facto. Il a dit aussi : "J'étais déjà engagé dans le ventre de ma mère" : au-delà de l'excès verbal, cela signifie clairement que l'engagement est constitutif de l'être humain.

Écrit par : Jacques Layani | mardi, 30 octobre 2007

Appelons cela comme on veut, mais la satire, l'indignation, le pamphlet existent depuis longtemps, non? Les mazarinades, c'étaient déjà des "chansons engagées" en un sens...
Des chansons pacificistes, il a dû y en avoir légion après la 1ère Guerre mondiale, j'imagine. Allons plus loin: ce serait un des grands topoï ou registres de la rhétorique chansonnière.

Ce qui est peut-être nouveau, c'est l'implication individuelle d'un auteur par rapport à son oeuvre, que celle-ci fait sens par rapport à cet engagement (en ce sens (sartrien?) très particulier, le mot "engagé" - que Ferré l'ait aimé ou non - ne me paraît pas forcément être "à dégager").

Comme le souligne Francis, chacun des arguments de Ferré paraît insuffisant, en tout cas décevant. Est-ce dû aussi, le concernant, à l'initiative de Breton, par l'intermédiaire de sa fille? Un reste de rancoeur ou en tout cas de méfiance vis-à-vis des intellectuels prétentieux?

Cela dit, le passage sur le petit Youssef est tout de même très fort, d'autant plus que je ne sais pas si le sujet de la torture en Algérie ait beaucoup été évoqué à l'époque. Qu'en savait-on exactement?

Écrit par : gluglups | mardi, 30 octobre 2007

On n'en savait à peu près rien, dans la mesure où les témoignages étaient peu nombreux et où ils étaient niés, démentis. Il a fallu longtemps pour que la torture soit reconnue. Encore fut-elle, un temps, présentée comme inévitable.

La satire, les mazarinades, les chansons pacifistes, les chansonniers, comme vous le dites justement, n'impliquaient pas l'engagement profond de l'auteur. C'est cette implication, effectivement, qui est nouvelle.

Sur le plan de l'engagement, je suis d'accord avec Sartre. Je crois que Léo Ferré réfutait uniquement le mot, avec ce qu'il comportait de "mode", dans le sillage de Dylan (Les Temps difficiles) par exemple, voire de démagogie possible. Mais il ne réfutait pas une réalité, au contraire : "Je suis né engagé".

Je n'exclus pas du tout un rejet du Manifeste à cause de Breton -- j'y ai pensé -- mais nous ne le saurons jamais. Etait-ce seulement conscient ? Le seul mot de "manifeste", d'ailleurs, devait lui rappeler Breton.

Écrit par : Jacques Layani | mardi, 30 octobre 2007

Cela aurait peut-être permis une forme de réconciliation. Cela a dû conforter Breton dans son opinion négative sur Ferré (je suppose d'ailleurs, d'après ce que rappelle Francis sur l'attitude ambiguë du PCF, qu'Aragon ne l'a pas signé non plus).

Il faudrait vérifier la chronologie, mais est-ce la présence de Ferré à l'enterrement de Péret qui aurait ravivé l'intérêt de Breton pour le chanteur?

Écrit par : gluglups | mardi, 30 octobre 2007

Je ne sais pas. L'enterrement de Péret a lieu en 1959. Les deux hommes se croisent, se saluent de loin, ne se parlent pas. D'évidence, cette histoire fut un gâchis et chacun des deux regretta cette brouille, mais aucun ne fit le premier pas et personne ne tenta de les rapprocher. Pour moi, c'est une des histoires les plus regrettables que je connaisse dans le domaine artistique.

Cela dit, en 1959 -- je n'ai pas mes documents sous la main -- Ferré a participé à une soirée du CNE où il a chanté Aragon, encore inédit à l'époque et où son épouse a dit des poèmes du même. Pour cela, il s'est fait descendre en flammes par la revue surréaliste Bief, ainsi que je l'ai raconté ailleurs. L'enterrement de Péret survient un peu plus tard. Or, pour les surréalistes, tout ce qui touchait Aragon était haïssable.

Attention à une chose. Le fait qu'Aube Breton ait apporté le Manifeste à Léo Ferré n'implique pas que son père soit à l'origine de son geste. Aube Breton avait toujours apprécié Ferré et c'est parce qu'elle avait fait écouter des disques à son père que celui-ci, en 1955, avait demandé à rencontrer Ferré. Je suppose par conséquent -- je dis bien : je suppose -- qu'elle se foutait pas mal de leur brouille et qu'elle continuait à apprécier Ferré. Mais alors, pourquoi n'a-t-elle pas tenté un rapprochement ? Breton ne lui refusait rien, autant que je sache. Ou bien elle a tenté quelque chose et Breton aurait refusé ? Ou Léo Ferré ? Si c'était le cas, Ferré l'aurait dit, j'en suis certain. Elle n'a donc rien tenté, ou le refus est venu de son père, qui n'en a rien dit publiquement.

Pourquoi ? Peut-être -- toujours dans l'hypothèse où elle aurait fait quelque chose -- s'y est-elle mal prise ou a-t-elle mal choisi le moment ? J'en doute cependant.

Écrit par : Jacques Layani | mardi, 30 octobre 2007

"et c'est parce qu'elle avait fait écouter des disques à son père que celui-ci, en 1955, avait demandé à rencontrer Ferré."

Possible, mais c'est à cette même époque que Breton tente de rapprocher le mouvement surréaliste de la Fédération anarchiste, par réaction aussi vis-à-vis du PC. Les événements en Hongrie, comme le signale Francis, vont amplifier sa haine pour les communistes: Aragon était alors bien isolé, ne voulant pas se désolidariser par honneur et il n'y a guère eu que Cocteau - pourtant honteusement désigné à la Libération comme un écrivain collaborateur par le CNE - à le soutenir, par pur panache, fidélité, amitié, admiration...

Il y a donc plusieurs éléments qui rendent cette rencontre finalement assez inévitable.

Aviez-vous essayé de contacter Aube Breton lors de la rédaction de votre livre? Son témoignage serait intéressant, j'imagine.

Écrit par : gluglups | mardi, 30 octobre 2007

Non, je ne l'ai pas contactée. Pas osé, pas pu. Je sais, il aurait fallu.

Écrit par : Jacques Layani | mardi, 30 octobre 2007

Bon, ben il va falloir confier une mission à Francis et à The Owl: envoyés spéciaux du blog.

Écrit par : gluglups | mardi, 30 octobre 2007

Contacter des personnes est très très délicat, surtout lorsqu'ont passé de nombreuses années, voire plusieurs décennies. Elles n'ont pas nécessairement envie de parler, ou bien cela remue des choses en elles. Pas facile. La qualité de leurs souvenirs est, de plus, un autre problème.

Et puis, il faut se présenter, gagner leur confiance, leur faire admettre qu'on débarque ainsi dans leur vie, un beau jour, avec modestie et de bonnes intentions. Compliqué. Je dois dire que j'ai eu beaucoup de chance dans toutes les rencontres que j'ai pu solliciter pour mes livres, qu'il s'agisse de ceux consacrés à Léo Ferré ou à d'autres auteurs. J'ai rencontré vraiment beaucoup de gens, mais ce ne fut jamais sans me coûter beaucoup, aussi.

Et franchement, Aube Breton, je n'ai pas osé. Et puis, il y avait l'affaire de la vente pour laquelle tant de monde lui tombait sur le dos, à peu près à ce moment-là.

Avant l'été, je suis parvenu à contacter, par écrit et par téléphone, Mme Bérimont et Marie-Hélène Fraïssé qui fut sa dernière compagne. Elles m'ont donné toutes deux quelques indications, tenu des propos que j'ai ajoutés au texte Avec Luc Bérimont, mais pas sur ce blog.

Écrit par : Jacques Layani | mardi, 30 octobre 2007

Aïe, ce seront donc les informations payantes? :)

Écrit par : gluglups | mardi, 30 octobre 2007

Meuh non. Mais on ne peut pas tout faire. Il s'agit de compléments, ici et là, dans le texte. Rien de suivi. Rien qui change fondamentalement le texte lui-même, d'ailleurs. Il est possible que je les ajoute si j'en trouve le loisir.

Écrit par : Jacques Layani | mardi, 30 octobre 2007

il y a certes eu pas mal de chansons politiques et satiriques au cours de l'histoire, mais, sauf erreur assez peu dans la période de l'après-guerre et les années 50 ...."un député que l'on estime" dans Paris-canaille posait pb à la radio! C'est une période de censure, de chape de plomb,qui touchait aussi la littérature (nous en avons autrefois discuté longuement)...
Prenez "le déserteur":Mouloudji a demandé à Vian de remplacer "Monsieur le Président", par "Messieurs qu'on nomme grands", car ,disait-il, on ne peut ainsi interpeller le pauvre René Coty, qui n'a aucun pouvoir réel,et ne peut rien faire pour la guerre en Algérie ou ailleurs...De 45 à 68, il y eut très peu de chansons politiques , Ferré mis à part.Les chansonniers devaient surveiller leurs propos....
Et Ferré n'est intervenu vraiment qu'après 1960 sur des questions politiques et de société réelles, renouant avec la tradition du XIXème, et du début XXème....Je connais mal le rap, mais ce que je connais me semble complètement interne au parlementarisme....J'espère me tromper....

Écrit par : francis delval | mardi, 30 octobre 2007

"qui touchait aussi la littérature": j'ai l'impression au contraire qu'en France, il n'y a jamais eu trop de problèmes pour les écrivains, que cela touchait davantage ce qui passait par les grands médias.

"Je connais mal le rap, mais ce que je connais me semble complètement interne au parlementarisme...": moi pas comprendre.

Écrit par : gluglups | mardi, 30 octobre 2007

La question de l'Algérie en tout cas était LE sujet très sensible.

Sinon, je pense que s'ajoutait à cela un certain agacement vis-à-vis de la chanson "intellectuelle", qui était celle de St Germain: ces chanteurs étaient perçus comme très prétentieux de se mêler des grands sujets.

Henri Jeanson qui exprime toute son admiration pour Ferré et Gréco dans un assez long paragraphe, regrette néanmoins chez eux cette prétention à vouloir "s'engager" (Jeanson par Jeanson).

Cocteau détestait Gréco (et toute sa clique d'"auteurs") pour les mêmes raisons. Préférait Mistinguett et Zizi Jeanmaire qui n'avaient pas ce mauvais goût-là.

Écrit par : gluglups | mardi, 30 octobre 2007

Que vient faire ici Henri Jeanson? Quel rapport entre ce journaliste et notre sujet?Le canard enchaîné a tjs détesté Ferré, (mis à part Audouard, et encore..).A propos de canard, Morvan Lebesque avait signé le manifeste, puis repris sa signature, craignant d'être viré du journal
"interne au parlementarisme" n'est qd même pas difficile à comprendre.....C'est raisonner, penser la politique à l'intérieur du jeu électoral,du système des partis, des gens qui votent, et voter , comme diasait sartre, c'est voter pour le vote
la politique existe aussi en dehors du cadre électoral...Le pays légal ne recouvre pas la pays légitime,non:elections piège à cons fut un mot d'ordre vivace en certains temps, et tjs d'actualité!!!!!!!

Écrit par : francis delval | mardi, 30 octobre 2007

Je sais bien ce que signifie parlementarisme, je vous remercie, mais je ne vois tjs pas le rapport avec le rap.

Ces questions politiques étaient largement discutées par les écrivains, intellectuels dans la presse, le Nouvel Obs par exemple et sans doute plus approfondies que dans une chanson de Ferré.

Ce que je voulais dire, c'est que cet "engagement" des chanteurs venant de St Germain était mal perçu et effectivement perçu comme "nouveau" dans la chanson (alors que la chanson a sans doute tjs eu une vocation satirique depuis des temps immémoriaux): sentiment d'un "intellectualisme" prétentieux.

Si vous m'aviez bien lu, Jeanson admirait bcp Ferré, en dehors de cet aspect, contrairement à Cocteau.

Écrit par : gluglups | mardi, 30 octobre 2007

J'ajoute qu'on peut travailler au Canard enchaîné et avoir un jugement personnel: on sait bien que le recrutement y est très sévère mais je doute, franchement, que l'on y soit embauché selon ses préférences en matière de chanson.

Cette conception (c'est Chomsky qui vous pousse à raisonner comme cela?) d'une seule et unique voix au sein d'un journal ne tient pas bcp.

Écrit par : gluglups | mardi, 30 octobre 2007

"Que vient faire ici Henri Jeanson? Quel rapport entre ce journaliste et notre sujet?": ben, on parle bien de chanson politique, non? C'est ce qu'il reproche justement à Ferré!

Cela constituerait-il un hors-sujet par rapport à votre note, cela signifierait que ce que vous, comme nous tous, vous autorisez sous les notes de Jacques serait intedit chez vous?????????????????????????????????????

Écrit par : gluglups | mardi, 30 octobre 2007

Eh, les amis, ne vous énervez pas. Je répète qu'on peut ici parler autant qu'on veut et suivre les conversations en y apportant ce qu'on désire, dans le sujet, hors du sujet, voisin du sujet. C'est ainsi qu'on a toujours procédé ici : une liberté totale du commentaire.

Je pense que Francis et vous, vous ne vous êtes pas bien compris. C'est juste un malentendu.

Amitiés à tous.

Écrit par : Jacques Layani | mardi, 30 octobre 2007

J'attends la réponse de Francis. Au besoin, ce sera un duel au petit matin. Avec The Owl pour arbitre!

Écrit par : gluglups | mardi, 30 octobre 2007

Oui, il faut mettre en place une rotation des rôles un petit peu.

Écrit par : The Owl | mardi, 30 octobre 2007

Glugups: pas de censure sur le blog de Jacques, c'est la règle!Je connais et apprécie les écrits d'Henri Jeanson, ses brillants dialogues.
Mais j'aurais aimé que ,justement,vous rappeliez qui était Henri Jeanson en le citant,afin de ne pas le confondre avec Francis, dont il est souvent question dans la note..Deux Jeanson, c'est beaucoup pour un lecteur distrait ou inattentif.
J'en ai profité pour rappeler l'hostilité dont Ferré était l'objet au "canard" dans les années 60 (j'ai arrêté de le lire vers 68....)
Quant au hors-sujet, nous ne nous en privons pas, avouons -le.......

Ce que je connais du rap français, c'est à dire peu de choses ,ne me semble pas "très " politique, nous sommes plus dans la chanson sociale;il est vrai que je suis mauvais juge par méconnaissance.....Il en va autrement du reggae,du moins de certains de ses surgeons,pas les rastafari, mais le reggae éminemment politique de Linton Kwezi Johnson par exemple.Nous sommes en plein dans la chanson politique.

Pourquoi cette référence à Chomsky?C'est un linguiste dont je déteste les théories (j'ai jadis fait un travail universitaire pour démonter ses théories non matérialistes de la langue), et encore plus l'inconsistance de ses allers-retours politiques.J'ai juste dit ici qu'il fut un chercheur très précoce.Point.

Pour la censure en littérature, nous en avions déjà discuté,elle est moins spectaculaire que dans les autres média, et a sévi surtout dans les années 50-60(pour la France) ...Combien d'éditeurs mal "pensants" de Losfeld à Nadeau,ou surtout Maspero (qui n'édita pas que des essais, souvent censurés de fait aussi-il y a des moyens de faire "disparaître" des livres,ne jamais en parler dans le presse, faire le black-out total sur tel ou tel) furent censurés.Le recours au procès pour pornographie fut largement utilisé pour interdire Bernard Noël, calaferte,ou hardellet et Michel Bernard , ou jean Douassot....sous De Gaulle...

Écrit par : francis delval | mardi, 30 octobre 2007

Le recours au procès pour pornographie: oui mais pour la politique?
J'ai le sentiment qu'on pouvait s'exprimer relativement librement dans la presse également. Sans doute le NO était-il plus indépendant qu'aujourd'hui? Enfin, cette époque de la guerre d'Algérie a dû être très difficile à vivre.

Jeanson, j'ai cité le prénom me semble-t-il et je n'ai pas pensé que vous pouviez croire que je le confondais avec l'autre Jeanson. Je ne peux en recopier les passages concernant Ferré, n'ayant pas acheté le livre.

En revanche, j'ai des propos de Jean Cocteau où il parle, je cite, des "merdes de Léo Ferré", alors même que celui-ci était encensé par les Surréalistes, qui valent leur pesant de cacahuètes. Mais ce serait trop HS je suppose...

Écrit par : gluglups | mardi, 30 octobre 2007

HS? nous avons bien discuté philo sur la note "chanter Baudelaire....Sous De Gaulle, on était vite dans la pornographie, et c'était u bon moyen pour "emmerder" les éditeurs gênants politiquement;
PS : je n'ai pas souvenir que le nouvel Obs existait en 6O.Ou alors sous un autre nom, France-observateur ou qqchose comme ça.....
Je n'ai pas pensé que vous confondiez les jeanson, mais je pense qu'il aurait été utile de préciser qu'ils n'avaient aucun rapport....

Écrit par : francis delval | mardi, 30 octobre 2007

La loi de 1949 sur la protection de la jeunesse permettait (permet toujours) d'interdire l'affichage, la publicité et la vente aux mineurs. Avec cette loi -- toujours en vigueur, j'insiste -- on peut effectivement faire un black out total sur un livre et le faire ainsi échouer totalement. De nombreux journaux et des livres ont fait les frais de cette loi qui, au départ, fut votée pour que, jamais plus, on ne puisse diffuser dans la jeunesse les idées nazies. C'est elle qu'on nomme "la censure" puisqu'officiellement, la censure n'existe pas en France.

En 1960, c'était France-Observateur. C'est dans France-Observateur qu'a paru le texte de Léo Ferré, La Liberté d'intérim (voir via l'index la note "Sur un texte de 1960"). De fait, ce journal était très libre (par rapport à la presse de 1960, tout est relatif) et très "avancé".

Sauf erreur de ma part, c'est Francis JEANSON et Henri JANSON. Donc, pas de confusion possible, même sans préciser le prénom.

Écrit par : Jacques Layani | mardi, 30 octobre 2007

Non, c'est bien Henri JEANSON.

"je n'ai pas souvenir que le nouvel Obs existait en 6O.Ou alors sous un autre nom, France-observateur ou qqchose comme ça.....": oui, bien sûr, mais c'est le même journal, les mêmes fondateurs. Ne chipotons pas, svp.

Écrit par : gluglups | mardi, 30 octobre 2007

"Le recours au procès pour pornographie: oui mais pour la politique?"

Pour ce qui est de Calaferte, la question du sexe est précisément politique.

C'est d'ailleurs assez proche de ce que prônera plus tard Ferré.

Écrit par : The Owl | mardi, 30 octobre 2007

Et concernant le rap, pour ce que j'en connais, il me semble que des groupes comme Assassin ou La Rumeur font du rap éminemment politique.

Écrit par : The Owl | mardi, 30 octobre 2007

selon les propos recueillis par Calvet,c'est bien Breton qui a envoyé sa fille, car il était brouillé avec Ferré, d'autant plus qu'il n'a pas apprécié qu'il se rapprochât d'Aragon.Un des arguments d'Aube était que C.Sauvage avait signé.
Réponse à Calvet:"ma seule façon de signer, c'est de chanter"
mais comment oser dire encore en 87 , avec le recul historique, "des intellectuels planqués dans leur bureau"...mauvaise foi? ou quoi?j'avoue ma perplexité...je ne comprends pas.

Écrit par : francis delval | mercredi, 31 octobre 2007

Ah, c'est bien Breton qui a envoyé sa fille ? J'avais complètement oublié ça. D'où Calvet tient-il cela ? Je ne suis pas chez moi, je n'ai pas le livre sous la main.

J'ai le sentiment que, des années durant, il s'en est tenu à ses raisons de 1960. C'est un réflexe que nous avons tous, souvent. On "fixe" une vérité, on finit par l'intégrer et on s'y tient tout au long de sa vie. Cela ne l'a pas empêché de signer d'autres choses, comme on l'a dit plus haut.

Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 31 octobre 2007

Francis, est-ce que vous n'excluez pas tout à fait une forme de lâcheté - vous avez rappelé que cela avait été très dur pour les signataires?

"Un des arguments d'Aube était que C.Sauvage avait signé." Catherine Sauvage figure-t-elle parmi les 121 tout premiers signataires? Je ne crois pas (pas vérifié). Soit cela signifie que Ferré n'a été contacté qu'après les premières VIP, ce qui a pu l'agacer de ne pas être dans les "122" mais dans la seconde zone, derrière les "vrais" écrivains. Soit que l'argument "Catherine Sauvage" présenté par Aube n'est pas exact.

Écrit par : gluglups | mercredi, 31 octobre 2007

Catherine Sauvage a signé dans la deuxième "vague".

De toute manière, il est bien évident qu'il était présenté par plusieurs personnes à plusieurs personnes à la fois. Ce n'est pas un seul "colporteur" qui a fait le tour de tout le monde. Par conséquent, les signatures se sont accumulées sans qu'on sache exactement combien il y en avait, jusqu'au moment où l'on a estimé -- à 121 -- que l'on pouvait rendre public le texte, en lui donnant ce nom. Tout s'est fait simultanément et non un signataire après l'autre. Si bien qu'on ne sait pas exactement quand le texte a été présenté à Léo Ferré. Or, comme vous l'observez, la date, ici, n'est pas sans importance car elle a pu influer sur sa décision.

Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 31 octobre 2007

Peut-être aussi Catherine Sauvage avait-elle dit qu'elle signerait, ou quelque chose comme ça, si bien qu'Aube Breton aurait tenu sa signature pour acquise. Il n'est pas prouvé que les signataires aient agi tout de suite, peut-être ont-ils réfléchi, ne serait-ce que vingt-quatre heures. Dans le microcosme littéraire et artistique parisien, tout cela a bien pu se produire, à mon avis. Et toujours simultanément, sans que les différents "porte-parole" puissent même se tenir au courant les uns les autres de l'avancée de leurs démarches (pas de textos, de portables, de mails).

Je fais là plusieurs suppositions uniquement mais, compte tenu de l'époque, je ne pense pas trop me tromper.

Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 31 octobre 2007

Commentaire de Gluglups, qui n'arrive pas à le faire admettre par le système :

"Non, mais apparemment, Catherine Sauvage fait bien partie des 121.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Manifeste_des_121

C'est d'ailleurs la seule du "monde du spectacle" au milieu d'intellectuels pur jus - à l'exception de Simone Signoret."

Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 31 octobre 2007

Il y a aussi Alain Cuny et Claude Sautet, qui sont du monde du spectacle.

Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 31 octobre 2007

il y eut une première liste de 121,mais avec la censure des journaux (même les temps modernes sortirent avec des pages blanches), on n'a pas connu le texte et la liste tout de suite, il y eut plusieurs vagues successives de signatures au fur et à mesure que l'info s'est répandue...cela s'est fait en plusieurs fois.Il n'y a pas eu les intellectuels importants , puis les autres,on a fait signer qui on a pu informer!

Calvet cite Ferré ,c'est lors de la "nuit ferré" du 1 janvier 88, mais enregistrée plusieurs jours avant que Ferré dit que"Etant brouillé avec Breton,c'est sa fille Aube qui est venu demander ma signature, en me disant que C.sauvage avit signée" On comprend implicitement que l'initiative vient de Breton .....même s'il y a non-dit...

mais Calvet dit des choses curieuses et non vérifiables:par exemple, il pose la question suivante:"Est-ce pour se venger de Breton qu'il s'est rapproché d'Aragon?".Il se garde d'ailleurs de répondre...Il y a pas mal de petites phrases comme ça dans son livre, comme sa charge envers madeleine qui aurait empêché Ferré de signer...Tout ceci sans preuves....de simples hypothèses...
( le livre est tellement hâtif que chaque fois que le mot breton apparaît,à propos de Lochut ou de Glenmor,le mot est référencé à André Breton.....)

Qu'il y ait eu une première liste de prestige, puis des seconds rôles est une idée à abandonner...Consultez la liste sur la page indiquée en note,la seconde est la liste complète des signataires des jours suivants....
Je sais que Jacques refuse par déontologie de discuter des livres sur Ferré....Mais Calvet ne s'est pas foulé, et ,hélas il y a pire....

Écrit par : francis delval | mercredi, 31 octobre 2007

il y eut beaucoup de signataires du monde du spectacle.C.sauvage fut bien la seule du monde de la variété!

Écrit par : francis delval | mercredi, 31 octobre 2007

"mais Calvet dit des choses curieuses et non vérifiables:par exemple, il pose la question suivante:"Est-ce pour se venger de Breton qu'il s'est rapproché d'Aragon?""

Cela ne pouvait qu'être interprété comme cela par Breton, en tout cas.

Écrit par : gluglups | mercredi, 31 octobre 2007

Je ne parlerai pas du livre mais, si c'est dans l'émission de radio de France-Culture, le 1er janvier 1988, je veux bien en parler.

Si Ferré dit : "Etant brouillé avec Breton, c'est sa fille Aube qui est venu demander ma signature, en me disant que Catherine Sauvage avait signé", c'est un souvenir remontant à vingt-huit années, ce qui est une durée importante. Et puis, ça me paraît être une façon de parler, simplement. Rien ne prouve réellement que Breton soit derrière l'initiative de sa fille.

Quand Breton envoyait des émissaires, ce n'était jamais à cause d'une brouille mais, bien au contraire, par politesse, comme une prise de contact préalable à une rencontre. Ce qu'il avait fait en 1955, en envoyant à l'Olympia où Ferré chantait le jeune Jean-Claude Tertrais. D'où la rencontre de 1956, qui suivit.

Après une brouille, je ne le vois pas du tout se servir de sa fille chérie pour une démarche de ce genre. Ou bien, il l'aurait expressément missionnée pour proposer une réconciliation, par exemple ; là, oui. Que ne l'ont-t-il fait l'un ou l'autre, d'ailleurs ! Je le regretterai toujours.

Breton a sûrement interprété le rapprochement avec Aragon comme une vengeance ou une provocation à son encontre. Mais dans l'esprit de Léo Ferré, ce n'était certainement pas ça. On peut peut-être avancer que, s'il ne s'était pas brouillé avec Breton en 1956, cette dispute se serait produite de toute façon lors de la rencontre avec Aragon. Ferré n'avait pas de ces cloisonnements : pour lui, seuls les individus comptaient.

Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 31 octobre 2007

Oui, enfin, il ne pouvait ignorer ce qu'il faisait non plus. Je doute qu'en 56, alors qu'il fréquentait encore Breton, il ait mis en musique Le Roman inachevé, dont le publication a dû etre à peu près contemporaine.
Quoi qu'il en soit, cette "coïncidence" ne pouvait être que jugée malheureuse et signifiait quand même un reniement.

Écrit par : gluglups | mercredi, 31 octobre 2007

Oui, Le Roman inachevé est sorti en 1956, mais il a raconté plusieurs fois ne l'avoir découvert que fin 1959, à la Hune (il disait : "la librairie entre les deux cafés").

Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 31 octobre 2007

Il y a quand même dans les "chants de la fureur" un appel explicite à Breton,les 26 derniers vers de la version 62 in "seghers 93"....Et Aragon a publié une version plus longue , incluant ce morceau , dans le n° 1000 des "lettres françaises" en 63 ou 64, je ne sais plus...Aragon publiant un poème dont une partie porte sur Breton...que penser?

à bientôt Dédé à bientôt
ici quelquefois tu me manques

Écrit par : francis delval | mercredi, 31 octobre 2007

Eh oui. Et Breton avait le Seghers, puisqu'il a figuré dans la vente de ses archives. Il avait aussi des photos de Léo Ferré, qui étaient dans la vente également. Il ne s'en était jamais défait. Il y a dans cette aventure, je l'ai dit plus haut, un gâchis incroyable, vraiment.

Aragon n'aurait-il pas eu, lui aussi, la nostalgie de son amitié envers Breton ? En matière de sentiments, je n'exclus jamais rien.

Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 31 octobre 2007

"Quoi qu'il en soit, cette "coïncidence" ne pouvait être que jugée malheureuse et signifiait quand même un reniement."
Tout dépend de quel point de vue on se place. Les artistes, qui ont tous des égos sur-dimensionnés (sinon comment tenir vis-à-vis des critiques ?) ne s'embarrassent pas de savoir comment est ressenti ce qu'ils décident.
Breton, par ailleurs, sans être un "artiste" se voyait tellement comme alpha/omega d'un tout "manifeste", si j'ose dire, il n'est pas étonnant, dans ce cas qu'une brouille ne s'arrange pas. Depuis quand une montagne s'aplatit-elle devant une autre ?

Écrit par : Martine Layani | mercredi, 31 octobre 2007

"Sans être un saint ni un salaud..."

Jacques, je trouve que trouve que votre Léo Ferré est décidément bien candide.
Je partage bien davantage le sentiment de Martine, à ceci près qu'à l'époque, Ferré avait de quoi se sentir souris face à la montagne Breton.

"Il y a quand même dans les "chants de la fureur" un appel explicite à Breton" (Francis): certes, mais vous oubliez 1. que les premières hostilités publiques viennent de Ferré (sa fameuse préface, qui perd quand même de sa force quand on sait qu'elle résulte d'une brouille privée) 2. que sa lettre, envoyée ou non, contenait des passages extrêmement injurieux pour Breton, indice d'un ressentiment plus que marqué.

"Et Breton avait le Seghers, puisqu'il a figuré dans la vente de ses archives. Il avait aussi des photos de Léo Ferré, qui étaient dans la vente également. Il ne s'en était jamais défait.": pour un peu, on entendrait les violons qui iraient si bien avec cette si jolie histoire qui n'a pas pu se jouer...

Le livre: je suppose que c'est Charles Estienne qui le lui a donné ou qu'il l'a reçu de l'éditeur un peu automatiquement. J'imagine mal Breton aller le brûler dans son poêle ni même aller le vendre à Drouot, car il n'en aurait pas tiré grand chose. Et même, aucun de ses visiteurs ne s'y est suffisamment intéressé car dans cette éventualité, il s'en serait sans doute dépossédé sans grande difficulté.

Quand aux photos... Croyez-vous que Breton les ait placées sur sa commode pour raccommoder, chaque soir avant de s'endormir, ses souvenirs avec de vieux bouts de satin? Croyez-vous qu'il soit allé réclamer lui-même cette image pieuse, ou que Ferré lui ait fait l'offense de la lui donner comme à un vulgaire fan à la sortie des loges? Plus vraisemblablement, il a dû se la procurer dans un but purement utilitaire et non sentimental: par exemple l'utiliser dans une de ses revues s'il en avait eu besoin (ce qui expliquerait du reste l'absence de dédicace). Vous-même qui êtes archivistes, je suis sûr que vous avez dans vos tiroirs des tonnes de photos dont vous ignorez l'existence.

Je ne vois pas ce qui permet d'exclure le côté vengeance (à armes inégales, certes et qu'on peut comprendre: Ferré a dû se sentir humilié par cet accord préalable transformé en refus après la lecture) ni même également un besoin d'être reconnu par des poètes plus incontestables.


"Francis, est-ce que vous n'excluez pas tout à fait une forme de lâcheté": je vois que Francis se garde de répondre... Sans doute l'influence de Calvet:)

Écrit par : gluglups | mercredi, 31 octobre 2007

"il a dû se la procurer dans un but purement utilitaire et non sentimental: par exemple l'utiliser dans une de ses revues s'il en avait eu besoin" : ça, je suis sûre que non -- il ne me l'a pas dit évidemment, mais je ne le "vois" pas faire ce genre de choses utilitaires, justement. Chez lui, quand on méprise, qu'on rejette, on évite, c'est le silence, un point c'est tout.

Écrit par : Martine Layani | mercredi, 31 octobre 2007

Non, ce que je voulais dire, Martine, c'est que la photo, il l'a eue quand il encensait encore Léo Ferré, dans le but d'illustrer un article, favorable, qu'il aurait pu rédiger.

Écrit par : gluglups | mercredi, 31 octobre 2007

Je me fais souvent mal comprendre, je crois. Cette histoire de livre et de photos ne doit pas être prise pour davantage que ce qu'elle est. Je voulais dire qu'il aurait pu tout simplement jeter tout ça à la corbeille à papiers, tout bonnement, et qu'il ne l'a pas fait. Sans plus. L'allusion au gâchis est mon sentiment personnel.

Par ailleurs, je suis persuadé que chacun des deux a regretté cette situation et que, stupidement, aucun n'a fait le premier pas. Mais il n'y a pas là de violons, c'est un sentiment, c'est intuitif.

Je ne suis pas archiviste. J'en ai fait fonction, trois années durant, au rectorat. C'est terminé depuis 2004.

Je n'exclus pas le côté vengeance -- disons : revanche, plutôt. Nous n'en saurons pas davantage, jamais, je pense. je m'étais efforcé de reconstituer les faits, autant que faire se pouvait, et de citer tous les écrits surréalistes sur Ferré et non seulement ceux qu'on cite habituellement, dans un livre. Au-delà de ces faits matériels, j'ai certes risqué quelques hypothèses mais il ne sera pas possible, je le crains, d'en savoir davantage.

Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 31 octobre 2007

je ne suis pas tout le temps devant mon écran!!!!!!Pourquoi évoquer l'influence de Calvet, ce linguiste qui n'a même pas été
foutu de faire une bio correcte de Barthes....?
Une forme de lâcheté de la part de Ferré? on ne peut l'exclure,mais alors pourquoi aurait-il en d'autres temps pris le risque de récitals très politisés , où il fut souvent agressé, je ne vous apprends rien.C'est une possibilité parmi d'autres.,certes.Ce qui me choque , et c'est pour cela que j'ai proposé cette note, c'est moins son refus (d'autres, pourtant militants politiques de longue date , comme Lefort ou Morin, ne signèrent que la pétition FEN, comme Merleau-ponty ou Canguilhem, qui fut un résistant notoire au nazisme,et qui ignorait la lâcheté..
Ferré , je trouve impardonnable ses propos maintes et maintes fois répétés,traitant de "planqués"les signataires, que de plus leur notoriété aurait protégé du risque,Et vous savez qu'il n'en fut rien.....la plupart l'ont payé très cher, je l'ai dit dans ma note, et je pourrai vous donner des exemples détaillés si c'est nécéssaire.....Par ex , Michel Crouzet, ancien des jeunesses communistes et jeune assistant de lettres à la Sorbonne:exclu du PC (bon...), interdit d'enseignement pendant un an, et mutation disciplinaire à la fac de Lille,où me femme a suivi ses cours.Crouzet n'a plus touché à la politique, et il a consacré sa vie à Stendhal, éditions et 20 livres sur cet auteur.
ça n'est pas très féroce comme sanction, mais ça peut briser des gens fragiles.mais il y eut pire:agressions physiques (Vidal-Naquet),interdictions professionelles, etc

Si "lacheté" il y a , je la verrai là: s'abriter derrière des arguments intenables.
ses propos sur les signataires sont aussi inadmissibles que certains de ses propos sur les femmes, que j'ai déjà évoqués sur une autre note: on ne peut admettre qu'il ait traité les femmes de"matrices intelligentes", femmes qui seules seraient artistes car elles donnent la vie...

Ferré a parfois dit des conneries....il faut bien le reconnaître
....et ne pas excuser ses propos...Il les a assumés jusqu'au bout!

Comme tout artiste, comme tout poète, il faut faire une lecture divisée

de FerréComme benjamin Peret (un des poètes préférés de ma jeunesse),qui a fait dans "le déshonneur des poètes "une lecture divisée des poèmes des résistants Emmanuel,Aragon et Eluard, résister,il le fallait, mais ce n'est pas une raison , dit-il, pour commettre de si mauvais vers.On peut se battre en écrivant bien!
Ai-je répondu à votre propos ? Vous remettiez il y a peu à sa place the owl pour son insolence, vous l'êtes parfois aussi..Une façon d'accoucher les esprits,votre forme de socratisme?

ps: jacques, décidémént, Ferré ne sait pas compter:Les dix jours de sa vie étaient onze....Si 121 sans moi, ça fait bien 121, 121 moins moi, reste 120....Il faut revoir la théorie des ensembles.....

Écrit par : francis delval | mercredi, 31 octobre 2007

Oui, je m'étais aperçu de cette inaptitude arithmétique, plusieurs fois. Dans le DVD du TLP de 1988, il présente Mon Général et se trompe d'abord dans le nombre d'années et aussi dans le temps (avant pour après, ou le contraire ; ou plus tôt pour plus tard, quelque chose comme ça). On ne lui en tiendra pas rigueur. Il n'est pas très "chiffres".

Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 31 octobre 2007

Oui, je suis bien d'accord avec vous Francis pour ce qui concerne certains des propos que Léo Ferré tient à propos des femmes. A se demander comment il peut encore les aimer - bien sûr, il était d'une autre éducation, mais ça n'excuse pas tout, surtout quand on voit la modernité qui est la sienne sur d'autres sujets.

Il était, on le voit dans certaines réponses pour des entretiens filmés, d'une parfaite mauvaise foi ; pas méchamment, plutôt comme un enfant candide, heureux d'avoir fait une farce. La mimique allait avec.

Écrit par : Martine Layani | mercredi, 31 octobre 2007

Jacques "Nous n'en saurons pas davantage, jamais, je pense.": bien sûr mais certaines interprétations paraissent plus vraisemblables que d'autres. Dans ce cas-là, il faut arrêter de parler, car on ne peut jamais tout savoir, y compris quand on est acteur soi-même.

Revanche, oui peut-être... mais une tendance chez Ferré à démolir, violemment, qui lui a résisté. Sentiment de gêne en lisant cette lettre à Breton, comme devant certains textes consacrés à Madeleine. Je ne nie pas la part de souffrance, de sentiment légitime d'injustice, etc.

Et bien sûr, on regrette certaines choses dans sa vie, avec le temps, va... ce n'est pas si grave.

.............
Je disais que votre Léo Ferré était candide mais peut-être est-ce vous qui avez gardé votre regard de jeune homme sur lui?
.............


Francis, merci de votre longue réponse. "Pourquoi évoquer l'influence de Calvet", parce que précisément vous lui reprochiez de ne pas répondre à certaines questions...

Bien d'accord avec vous sur "ce linguiste qui n'a même pas été foutu de faire une bio correcte de Barthes" et même de faire un seul bouquin bien écrit. Ce sera vraiment le seul des élèves connus de Barthes à n'avoir pas été brillant dans ses écrits, ce qui d'ailleurs ne l'a pas empêché de faire une belle carrière. A propos, je vous conseillerais le témoignage d'Eric Marty sur les dernières années de Barthes, donc j'ai déjà parlé à Jacques et Martine. Je sais bien que Marty n'a pas les faveurs des partisans de Badiou... mais cela n'a rien à voir, bref...

Comme vous le rappelez, il faut déjà avoir le courage physique de la scène (en dehors de réactions polémiques qu'on est susceptible de déclencher. La position d'un artiste en représentation, même adulé, n'est jamais très facile). C'est à ce titre que Ferré pouvait reprocher leur situation confortable, à ces intellectuels pétitionnaires derrière leur bureau. D'autant qu'il ne pouvait pê pas imaginer, au début, les problèmes qu'on leur créerait. Donc ses "arguments", même faibles, ne sont peut-être pas d'une totale mauvaise foi.

D'autant plus qu'inversement les non-pétitionnaires ont été violemment attaqués - cf votre citation de Hamon et Rotman en ouverture de votre note: Edgar Morin, que vous évoquez, raconte que toute sa vie, il a été désigné comme un traitre: quand il a quitté le PC, au moment des 121 donc, quand on l'a accusé d'antisémitisme parce qu'il avait critiqué la politique d'Israël... Bref, on se demande si le courage n'est pas parfois de résister à une certaine terreur intellectuelle, qui devait être très violente dans les années 50-60. Je pense que Ferré, après son petit tour chez les Breton et les Aragon, devait avoir déjà pri une distance par rapport à ce milieu-là.


PS: Sondage: qui d'entre vous a signé la pétition ADN?

Écrit par : gluglups | mercredi, 31 octobre 2007

Glugups:quelques mots encore:
je ne pense pas , à la réflexion,qu'on puisse parler de lâcheté, car il n'était pas évident de dénoncer la torture en public, en 61,alors que la guerre s'éternisait et que l'OAS sévissait...Et Ferré, en d'autres occasions, a montré d'autres formes de courage, comme sous l'occupation,où, alors qu'il travaillait à RMC, radio pro-allemande, il aida à plusieurs reprises des juifs à passer en Italie, où ils étaient en relative sécurité.Il n'en a jamais parlé de son vivant, on l'a su après sa mort par ses amis de jeunesse.
je n'ai pas encore lu le livre de Marty sur Barthes, c'est dans mes projets.Lui connaît bien son sujet.
Badiou vient de publier un livre , dont un chapitre est une réponse à Marty.Le titre du livre :"De quoi Sarkozy est-il le nom?"

Terreur intellectuelle est sans doute exagéré, mais les tensions entre intellectuels étaient fortes,entre une droite qui récupéraient les écrivains collabos (Fraigneau chez les hussards!),un PCF dont les démissions et les exclusions étaient devenues une habitude, avec la Hongrie, la création de "socialisme ou barbarie" par Castoriadis,Lyotard,Lefort,les surréalistes passés chez les anars, les situs qui tiraient tout azimuth, y compris sur Ferré....Le "nouveau roman" qui semblait fonctionner comme une "chapelle", alors qu'il n'y avait d'unité que par l'éditeur,la forte présence de Sartre, une période d'une certaine âpreté pour l'intelligentsia française, qui fut par ailleurs très féconde.Mais vous savez tout cela..

La pétition ADN, j'en ai entendu parler, sans plus.Le danger me semble dépasser ce cadre .On est en train de mettre en place "la société de contrôle" que Deleuze avait prévue il y a 15 ans et plus...D'où peut venir la contre-offensive?

Écrit par : francis delval | jeudi, 01 novembre 2007

Nous signons, Martine et moi, je ne sais combien de pétitions par mois, je ne suis pas certain d'avoir signé celle-là. Peut-être que oui, mais honnêtement, je n'en sais plus rien. En général, je signe, par principe, tout ce qui est contre Sarkozy.

"D'où peut venir la contre-offensive ?", c'est ce que ce demandent tous les gens de mon âge ou à peu près. Il y a pour nous une désespérance réelle, l'impression qu'il n'y a plus d'idées, plus qu'un amollissement généralisé et la recherche d'un profit personnel, quitte à marcher sur le voisin. Nous sommes profondément tristes de cette situation.

Vous avez assez bien compris, Gluglups : c'est moi qui suis candide, souvent encore.

Écrit par : Jacques Layani | jeudi, 01 novembre 2007

un ex dédicacé à Thorez,oui, ça étonne un peu...mais Ferré a tjs eu une attitude ambigûe vis à vis du PC....Je pense qu'il n'avait pas les idées très claires en politique, anarchie comprise....Son rapport à la gauche mériterait une note, mais cela excède ma compétence, ayant peu d'archives Ferré....

Une précision, après qq recherches sur la presse et le "manifeste":
pour "Le Monde", c'était clair, Beuve-Méry avait interdit toute signature de pétition.
pour France-Observateur, seuls des isolés des pages culturelles, comme J.L.Bory ont signé.Toute la rédaction politique du journal s'était récusée.Même politique à l'express.

Ainsi on ne trouvera pas les noms attendus de journalistes comme Claude Bourdet,Jean Daniel,Lacouture,JJ Servan-Schreiber,Gilles Martinet (qui vient de fonder le psu avec Rocard et Badiou), ou Claude Estier...

J.F Revel signera, mais il n'est que prof de philo, et pas encore journaliste.

Aucune aide du côté de la presse, à part coté revue"les temps modernes"...Critique et Esprit seront plus que prudentes....

Écrit par : francis delval | jeudi, 01 novembre 2007

"Ainsi on ne trouvera pas les noms attendus de...": mais en fait, Francis, pourquoi certains intellectuels, peu suspects d'être partisans du colonialisme et même connus pour leurs positions anticolonialistes, n'ont pas signé ce manifeste? Je comprends bien que la ligne du PCF a été ambiguë, mais pas mal de noms que vous citez étaient déjà en dehors du Parti depuis bien longtemps ou n'en ont jamais été militants.

Je sais qu'E. Morin, par exemple, ne l'a pas signé mais, je dois dire, j'ai oublié ses arguments. Car je veux bien concevoir que Ferré soit confus dans ses prises de position politique, mais quand même, il y a pas mal de personnes attendues qui manquent à l'appel. Et j'imagine que ce n'est pas par lâcheté, mauvaise foi, manque de discernement, etc., et qu'ils avaient de véritables arguments.

Or ceux-ci n'apparaissent pas vraiment dans votre note. Vous évoquez bien la "session de rattrapage" du 27 octobre mais vous ne prenez en compte que le point de vue accusateur de François Maspéro qui "dira qu’elle n’a servi qu’à apaiser les consciences de ceux qui avaient refusé de soutenir le droit à l’insoumission".

Mauvaise foi de Francis, incapable d'envisager vraiment les raisons d'un choix divergent? :)

Écrit par : gluglups | jeudi, 01 novembre 2007

Non, c'est le seul commentaire que j'ai trouvé d'un signataire du manifeste sur la pétition FEN-UNEF, c'est aussi simple que ça..Si vous en avez d'autres je suis preneur.....Droit à l'insoumission, paix en algérie, les mots d'ordre étaient qd même différents, mëme s'ils ont pu se rapprocher plus tard dans le front anti-oas par ex.....Laissez la mauvaise foi au garage de temps en temps, je suis comme vous, je cherche, je propose, je me trompe, je rectifie....Rien ne vous empêche de proposer à jacques une contre-note, il sera preneur

le manifeste n'était pas un décompte des intellectuels engagés, il a fallut faire vite....dans l'urgence....

Écrit par : francis delval | jeudi, 01 novembre 2007

Comment aurai-je pu citer ceux "qui auraient dû signer et qui ne l'on pas fait"
Votre question est absurde.....Du Ionesco....ou et l'Adamov (lui a signé)

Écrit par : francis delval | jeudi, 01 novembre 2007

"Comment aurai-je pu citer ceux "qui auraient dû signer et qui ne l'on pas fait"
Votre question est absurde.....Du Ionesco....ou et l'Adamov (lui a signé)"

Les guillemets que vous utilisez ne correspondent pas une citation de moi (ni la faute, j'en profite pour le signaler, car j'en laisse tellement déjà). Je vous remercie pour l'"absurde", encore que la comparaison avec ces auteurs ne soit pas désagréable. L'absurde dans tout cela étant que c'est vous-même qui inventez cette question absurde.

C'est vous-même également qui donnez un nombre assez considérable de noms parmi les non-signataires. Ce que je vous demande, ce sont les arguments de quelques uns d'entre eux. Relisez-moi, je vous prie.

Je suis incapable de rédiger une contre-note sur le sujet.

Simplement, je m'étonne de l'aigreur de votre réponse, à croire que vous n'acceptez aucune discussion lorsqu'il s'agit d'une de vos contributions.

Écrit par : gluglups | jeudi, 01 novembre 2007

J'ajoute qu'avoir connaissance de ces arguments de non-signataires permettrait justement d'éclairer un peu plus le refus de Ferré, lorsqu'on lui a demandé de participer au manifeste.
Vous n'envisagez guère, dans les "arguments" de Ferré, que la réponse qu'il a faite à Calvet, à chaud, dans un entretien pour la radio, réalisé près de trente ans plus tard.

Si autant de personnalités, dont on ne peut mettre en cause ni le courage ni la probité intellectuelle, se sont soustraits, j'imagine qu'elles devaient avoir quelques raisons.

Écrit par : gluglups | jeudi, 01 novembre 2007

soustraites...

Écrit par : gluglups | jeudi, 01 novembre 2007

Je comprends bien la question de Gluglups mais, en ce qui me concerne, j'ignore la réponse. J'avais huit ans. J'ai le sentiment que, par la suite, on a beaucoup parlé des raisons de signer et de ceux qui l'avaient fait. Je ne sais pas si l'on a examiné vraiment les motifs de ceux qui ne le firent pas, justement. Mais je n'ai pas de lumières sur la question. Francis, il n'est pas impossible de faire d'autres recherches et de revenir plus tard sur le sujet.

Écrit par : Jacques Layani | jeudi, 01 novembre 2007

je rappelle que le manifeste s'est fait très vite, dans l'urgence,à l'occasion du procès du réseau Jeanson,texte rédigé vite, recueil des premières signatures, Sartre et Beauvoir donnent leur accord par télégramme d'Amérique du sud où ils sont en voyage, et dès qu'on a une première liste conséquente, ou publie le texte avec les premières signatures, 121...Le texte, censuré, ne sort pas, les signatures continuent d'arriver....

Pourquoi certains intellectuels progressistes n'ont pas signé?On a parlé du cas Ferré.
Pour les journalistes cités plus haut, ce peut être pour des raisons de déontologie,Bory à l'obs ne faisait que la critique de films , pas vraiment impliqué dans l'hebdo...ou parce que la direction désapprouvait le mot d'ordre de "défense du droit à l'insoumission",ce qui concrètement peut être interprété comme incitation à la désertion (ce fut la lecture du gouvernement...d'où les diverses formes de répression)

Quant aux autres non signataires, il faudrait pouvoir les interroger un par un, et comment les dénombrer?
Il y eut la pétition de la FEN, avec un mot d'ordre large "paix en Algérie", plus de 400 signataires, la plupart enseignants.....dont certains , contactés, avaient refusé de signer le M 121.....Je suppose que c'est parce que le mot d'ordre ne leur convenait pas,qu'ils n'approuvaient pas le texte Blanchot-mascolo....Pour Morin, j'ai lu son autobiogaphie il ya plus de 30 ans, et je n'ai plus le livre,je ne puis répondre, mais Gluglups le sait peut-être s'il l'a lue plus récemment,Lefort suivait la ligne "socialisme ou barbarie" et était aussi très proche de Merleau-Ponty qui n'a pas signé non plus,sans doute pour des raisons mutiples: sa brouille avec Sartre, qu'il jugeait trop proche des communistes,ou le mot d'ordre qu'il devait trouver excessif....Tous signèrent la pétition Fen, qui rassembla largement avec son mot d'ordre "paix en Algérie".....Et tous n'ont pas écrit leurs mémoires,ou donné d'explication:ils n'avaient pas à se justifier de signer ou pas, cela relève de la conscience de chacun.

Si j'ai soulevé le cas Ferré, c'est que lui s'est expliqué à de nombreuses reprises, en dénigrant les signataires, et que j'ai cherché à comprendre: Ferré est quand même un de ceux qui s'est épanché le plus sur son refus, là on sait...
Et si certains ne signèrent pas comme Jean-Toussaint Desanti et Dominique desanti, c'est qu'ils étaient porteurs de valises et non repérés par la police.On pouvait difficilement signer et porter les valises.
Autant de cas particuliers, autant de raisons diverse de signer ou de ne pas signer.

Ce pourrait être un bon sujet de recherche pour une équipe de jeunes historiens et sociologues qui ont tout le temps devant eux, et certains signataires (121 ou FEN)vivent encore, mais il n'en reste plus tant que cela...ça fait 47 ans...

Écrit par : francis delval | jeudi, 01 novembre 2007

ps: la liste de la pétition Fen , je ne l'ai jamais trouvée...Je ne connais pas la totalité des signataires, et il y avait aussi des étudiants de l'unef...

Écrit par : francis delval | jeudi, 01 novembre 2007

Juste une précision: face à la répression et aux sanctions qui frappèrent les signataires du M121, il y eut des manifestations de soutien...Plusieurs milliers de personnes descendirent dans la rue dans diverses villes de France;Il y eut un écho favorable dans l'opinion
Droz et Lever (cf.biblio) ne consacre que 3 lignes à la pétition FEN, en l'appelant "la pétition des mauvaises consciences".Ce n'est donc pas que le jugement de Maspero, mais aussi celui d'historiens (dont j'ignore les positions politiques,mais au Seuil, on était plutôt à gauche...)

Écrit par : francis delval | vendredi, 02 novembre 2007

J'ai bien cherché sur le net: impossible de trouver la liste des signataires de la pétition FEN.Je continue mes recherches...
pour revenir à le question qui m'a été posée,à savoir les justifications des intellectuels dont on pouvait attendre le soutien et qui se sont récusés ou ne se sont pas manifesté,je crains qu'on ne puisse jamais le savoir pour la plupart d'entre eux,puisque par définition, on ne peut dénombrer les non-signataires...."absurde" était excessif sans doute, impossible est plus juste....

Je peux donner par ex les raisons de Jerome Peignot, car lui s'est expliqué (Peignot travaille alors à la radio avec Polac,les chemins de la connaissance,le masque et le plume..)
"Je n'ai pas signé alors que j'aurais pu...La radio nationale nous avait interdit de citer devant un micro le nom de n'importe quelle personne ayant signé ce texte.Moi, je n'ai pas signé,alors que j'avais l'âge des insoumis,parce que je n'étais pas quelqu'un placé sur le devant de la scène..."
Peignot ne signe pas parce qu'alors il est peu connu.

Dommage que les témoignages soient si rares.

Pourquoi Robbe-Grillet signe? :"Parce que l'artiste doit pouvoir utiliser tout son poids social.Ce qui ne veut pas dire mettre ses oeuvres au service de cette cause"

On trouve les témoignages de nombreux signataires, mais peu de ceux qui ont refusé...

Je crois que Léo Ferré est un de ceux qui s'est le plus exprimé, à plusieurs reprises sur près de 30 ans....Ce besoin de revenir sur cet épisode, avec la mauvaise foi dont il fut si souvent capable, même si certaines raisons sont acceptables.,cela montre que ça l'a marqué....

Écrit par : francis delval | vendredi, 02 novembre 2007

Si cela l'a marqué, c'est sans doute qu'il y avait à son refus des raisons que nous ignorons, à mon avis. Ce qui expliquerait qu'il ait maintenu jusqu'au bout les mêmes raisons, comme s'il s'agissait d'un argumentaire décidé une fois pour toutes.

Si j'entre dans le domaine des suppositions pures, je peux imaginer ceci.

Peut-être aurait-il voulu signer et céda-t-il (par gentillesse, amour, amitié, faiblesse, lassitude, le mot qu'on voudra) à l'influence de tel ou tel (on parle toujours de son épouse qui lui aurait déconseillé de signer, mais il s'agissait peut-être de la maison Barclay chez qui il entre cette année-là) ? Et alors, pour se "rattraper", écrivit-il peu après la première version des Temps difficiles, avec l'allusion à la torture ?

Peut-être le Manifeste des 121 était-il lié dans son esprit -- et peut-être inconsciemment -- à Breton ? D'où une réaction non raisonnée, affective, épidermique ? Et le souvenir constant de cela, si bien qu'il a toujours parlé de cet épisode, effectivement ?

J'assortis ces remarques de nombreux "peut-être" et de plusieurs points d'interrogation.

Écrit par : Jacques Layani | vendredi, 02 novembre 2007

je crois que nous ne saurons jamais,que l'on ne peut qu'en rester qu'à des suppositions, mais la question devait être posée, de même nous ne saurons jamais les raisons du refus de Lévi-Strauss ou de Merleau-ponty....A part qu'en tant que fonctionnaires, ils risquaient des sanctions plus sévères que les non-fonctionnaires...
Je tiens à rappeler qu'il eut aussi un manifeste moins connu, fait à la hâte, après les ratonnades du 17 octobre 61, et , je cite en substance S de Beauvoir: " toute la rédaction de l'express, sauf deux,et toute la rédaction de l'obs refusa se signer" Etrange, non? déontologie? voire...
Tout cela est bien troublant....

Écrit par : francis delval | vendredi, 02 novembre 2007

Ferré parle de Breton

GUESCLIN (in perso.orange.fr)

"(...)
Nous irons sonner le Breton
Au quarante-deux rue Fontaine
Réveille-toi Dédé - Façons
C'est Benjamin qui se ramène
Oui c'est Péret moi le filou
Le glob' trotteur des mayas tristes
Ferme ton bistre et viens chez nous
A Guesclin je suis sur la liste
Reprends tes vingt berges veux-tu
Laisse un peu palabrer les autres
A trop parler on meurt sais-tu
Y'a pas plus con que les apôtres
De la glaise où tu m'as laissé
A Clichy comme un bout d'automne
Je sais que jamais je n'irai
Fumer les cours de la Sorbonne
Mais je suis gras comme l'hiver
Comme un hiver surréaliste
Avec la rime au bout du vers
Cassant la graine d'un artiste
A bientôt Dédé à bientôt
Ici quelquefois tu me manques
Viens je serai ton mort gâteau
Je serai ton Péret de planque
(...)"

Écrit par : lmv | dimanche, 04 novembre 2007

Oui, c'est une des versions des Chants de la fureur / Guesclin / La Mémoire et la mer, dont le premier texte intégral a paru dans La Rue, n° 8, en 1970.

Écrit par : Jacques Layani | dimanche, 04 novembre 2007

Une précision, même si c'est évident, à la lecture du texte. Il s'agit là d'un dialogue imaginaire : c'est Péret qui s'adresse à Breton. Péret était resté ami avec les deux hommes. Il est mort en 1959. A l'époque où Ferré écrit cette prmeière version -- qui sera donnée par extraits dans le livre de Charles Estienne en 1962 -- Breton est toujours vivant. Il mourra quatre ans plus tard.

Écrit par : Jacques Layani | dimanche, 04 novembre 2007

Il n'empêche, ce texte fut écrit le 28 octobre 1962, environ 5 ans après la rupture (in Léo Ferré une vie d'artiste R. Belleret).
Et Madeleine écrit dans "Les mémoires d'un magnétophone", page 13 :
"(...)
La fenêtre allumée de Nadja... le souvenir d'André Breton, les correspondances bizarres que nous avions. Léo m'a dit, en regardant les dédicaces sur les livres :
-Il y a déjà sept ans...sept ans. Et immédiatement ce besoin d'écrire, de lui écrire, ce besoin d'être encore ensemble, tous les trois, comme on était, comme on était bien. Enfin, comme dit Léo - il y avait de quoi se fâcher. Moi, je ne comprends pas ça.
(...)"
Sans aucun doute une relation forte, très forte.

Écrit par : lmv | dimanche, 04 novembre 2007

Mais oui, ce fut certainement une grande histoire. J'avais fait le point des faits matériels dans un livre. Ensuite, pour les interprétations, nous pouvons parler comme nous l'avons fait ici, plus haut, au cours de cette discussion.

Écrit par : Jacques Layani | dimanche, 04 novembre 2007

En relisant les commentaires: une ou deux remarques...

Pour les propos de Ferré sur le Manifeste, propos que je me suis efforcé se synthétiser , je ne m'appuie pas sur le seul témoignage rapporté par Calvet:Il y a les entretiens avec Michel Lancelot (en 69, en 71), et ceux avec Calvet fin 87....Si les propos changent dans la forme, les arguments de fond restent les mêmes....69,71,87, belle constance dans la justification,est-ce de la mauvaise foi,était-il au contraire convaincu de la valeur de ses arguments,nous ne le saurons probablement jamais.Lui a tenu à s'expliquer,à plusieurs reprises, contrairement à d'autres non signataires , qui ne se sont jamais exprimés, pour la plupart.Trainait-il cette "affaire" comme un remords ou un regret?Allez savoir....

Je ne suis pas convaincu par l'idée que ce soit la présence de Breton sur la liste....Les objectifs du manifeste dépassaient les discordes personnelles,les signataires n'étaient pas tous du même bord.Ni celle de Boulez...Il n'aimait pas sa musique, qui en même temps le fascinait...Il a toujours cherché à la comprendre.....

Influence de ses proches?pression de Barclay?tout est possible, rien n'est certain...

Le plus important pour nous est à mon sens le changement intervenu dans son répertoire à partir de 61.Nous pouvons au moins nous accorder sur ce point.

Écrit par : francis delval | mardi, 06 novembre 2007

Je maintiens ma supposition -- je dis : supposition -- d'un argumentaire décidé une fois pour toutes. C'est toujours le cas chez Ferré lorsqu'il a été marqué par une chose, quelle qu'elle soit. On s'aperçoit alors que, longtemps plus tard, il s'en tient aux mêmes raisons, presque aux mêmes mots. Je pense vraiment qu'il a dû céder à des influences (affectives, amicales, professionnelles) et ne pas en être satisfait du tout. D'où construction d'une défense et maintien de celle-ci jusqu'au bout. En réaction, il "radicalise" son répertoire juste après.

Écrit par : Jacques Layani | mardi, 06 novembre 2007

Ce qui ne va pas, Francis, dans vos textes sur le sujet, c'est que vous refusez toute liberté à la position de Léo Ferré. Soit celle-ci relève de la mauvaise foi, soit d'une certaine forme de bêtise, soit même du jugement d'un "salaud" ("en dénigrant les signataires, et que j'ai cherché à comprendre").

"Ferré est quand même un de ceux qui s'est épanché le plus sur son refus": c'est totalement faux. Sans être nullement spécialiste de la question, une simple recherche sur Google permet de trouver aisément les arguments de ceux qui, peu suspects de colonialisme ou encore de gaullisme, connus même pour leur héroïsme sous l'Occupation (ce serait difficile de les suspecter de lâcheté), ont refusé de signer ce manifeste.

Or vous savez quoi? Leur argument est le même que celui de Léo Ferré (pê mieux dit, par écrit): on ne peut que déserter que soi-même, on ne peut appeler à déserter qqn quand soi-même on n'est pas en situation de déserter. Qu'effectivement, ce n'est pas la même chose d'être dans son bureau à Paris et être sur le terrain: les appelés risquaient beaucoup plus gros, la prison et sans doute leur vie. Certes les signataires l'ont payé, mais quelques mois seulement. Leur carrière a été ralentie? Rassurez-vous, pas pour longtemps.

Ferré pouvait légitimement trouver cet appel à l'insoumission irresponsable, de la part de qui était placé dans une situation relativement confortable.

Tout comme est votre compte rendu des choses, qui refuse d'envisager, un seul instant, la recevabilité des arguments du point de vue adverse.

Écrit par : gluglups | jeudi, 08 novembre 2007

Francis, les remarques de Gluglups me paraissent fondées et sont en tout cas dignes d'intérêt. Il n'est peut-être pas impossible d'envisager les choses, comme il vous y invite, sous l'angle qu'il indique. Prenez le temps d'y réfléchir, si vous le voulez bien. On peut toujours revenir aux discussions antérieures. Comme je l'ai souvent dit, les commentaires sont ouverts en permanence.

Écrit par : Jacques Layani | jeudi, 08 novembre 2007

gluglups: si vous lisez attentivement le texte du M121, que l'on trouve reproduit en abondance le net, vous verrez que ce n'est PAS un appel à la désertion , ni à l'insoumission: De quel droit des "intellectuels" , qui ne sont pas sur le terrain,lanceraient-ils un tel appel?
le texte ne défend que le DROIT à l'insoumission,le droit pour les appelés du contingent de refuser de participer à des opérations militaires qu'ils n'acceptent pas....En confondant le soutien aux insoumis et l'appel à l'insoumission,voire à la désertion,c'est un mauvais procès que vous faites aux signataires...Environ 220 signatures, c'est à la fois peu, par rapport à tous ceux qui voulaient en finir avec cette guerre an Algérie,et beaucoup en raison des risques réels et des sanctions qui les ont frappées.
N'oubliez pas que ce manifeste avait aussi pour but de peser sur le procès du réseau Jeanson,qui venait de s'ouvrir

Signer, ne pas signer, ce n'est pas une question de courage ou de lâcheté, mais de conviction personnelle.Quelques uns se sont expliqués, d'autres non...Des non -signataires ont montré leur courage par ailleurs (pendant la résistance par exemple, (j'ai donné Canguilhem en exemple),ou en d'autres moments de notre histoire)......

Ferré , je l'ai dit, s'est exprimé à plusieurs reprises dans différents entretiens, pendant près de 30 ans...Ne pas signer était son droit....Qu'il ne soit pas le seul à voir dans les signataires des "intellos" bien à l'abri dans leurs bureaux n'est certes pas un argument valable!Sartre et Beauvoir , rentrant d'Amérique, ont demandé au gouvernement à être inculpés, comme tous les autres signataires...De Gaulle a refusé...Mais le local des "temps modernes" fut plastiqué, et aussi l'appartement de Sartre...D'autres y ont laissé leur carrière...

Dans cette histoire très complexe,entre le jeu des partis et les positions confuses de la presse de gauche (cf remarques sur l'obs et l'express,y compris après le 17 octobre 61),les changements parfois rapides de camp et de position, il n'est pas facile de retrouver ses petits...

Je maintiens -j'ai peut-être tort- mon hypothèse, que ce refus de signer a pu conduire Ferré à une nouvelle posture,celle d'intervenir politiquement en tant qu'artiste, par le disque et le scène....

C'est ce "passage à l'acte en tant qu'artiste" qui m'a intéressé,la naissance de Ferré intervenant politique par la chanson...
Le reste , comme le maintien de l'argument des "planqués"( qu'il ne soit pas le seul à l'avoir utilisé n'est pas un argument,) relève davantage de l'anecdote:pourquoi, alors qu'on ne lui demandait rien , remettre sur le tapis, chez lancelot ou avec Calvet, cette vieille histoire?un zeste de mauvaise conscience? allez savoir....Ferré était parfois de mauvaise foi, bon,ça fait partie du personnage....

Écrit par : francis delval | jeudi, 08 novembre 2007

je tiens à signaler une bonne fois pour toute que je ne suis pas "spécialiste de la question"...J'ai essayé de comprendre les positions de Ferré à ce moment là.Je ne suis pas spécialiste de la guerre d'Algérie, ni d'ailleurs de Ferré....je suis là en "amateur",et c'est la possibilité de chercher ensemble, au risque de se tromper, qui fait l'intérêt de ce blog...J'ai pris le risque d'un sujet encore très sensible....je m'attendais à davantage de critiques , je dois l'avouer...Si je pensais que Ferré est un "salaud" ou plus simplement bête, je ne serais pas ici...Mauvaise foi, parfois oui, comme tout un chacun....

Écrit par : francis delval | jeudi, 08 novembre 2007

Francis, tout le monde a bien compris vos intentions en la matière et ne doute pas de votre sincérité, mais Gluglups n'est pas responsable du petit nombre d'intervenants. S'il n'y a pas de lecteurs ou s'ils ne désirent pas s'exprimer, personne n'y peut rien.

Le point de vue "inverse" que présente Gluglups -- que l'on ne peut certainement pas soupçonner de complaisance -- est intéressant parce qu'il se demande justement si Léo Ferré, par hasard, n'aurait pas été dans le vrai. Alors que, depuis 1960, on le suppose dans son tort. C'est quand même la première fois que quelqu'un inverse la proposition et c'est en cela qu'il faut se poser la question.

Gluglups : vous ai-je bien compris ?

Écrit par : Jacques Layani | jeudi, 08 novembre 2007

je viens de lire sur le net la lettre de démission d'Aragon à l'association des écrivains combattants:Aragon , suivant la ligne PC n'a pas signé, mais approuve le texte du M121 par un biais"Une grande conscience comme Romain Rolland l'aurait approuvé et contresigné"
(lettres françaises 13-10-1960)
Nous avons donc des cas de figures très divers, et ce n'est pas oui ou non, blanc ou noir....
ferré a fait ce qu'il a jugé bon de faire, encore une fois il ne s'agit pas de savoir qui a raison ou pas, s'il fallait signer ou pas...c'est la persistance d'un argumentaire contestable qui me fait question....

Écrit par : francis delval | jeudi, 08 novembre 2007

Ce qui nous ramène à mon commentaire du 6 novembre, ci-dessus.

Écrit par : Jacques Layani | jeudi, 08 novembre 2007

L'idée avancée par gluglups n'est pas tenable, dans la mesure où le texte n'est pas, je l'ai déjà dit, un appel à la désertion et à l'insoumission,mais un rassemblement d'intellectuels qui voulaient protéger les insoumis,en faisant en quelque sorte "bouclier"....Lisez la belle lettre du mathématicien Laurent Schwartz, parue dans "le monde diplomatique" en 2000...et qui explique bien les intentions des rédacteurs du texte.
Vous trouverez cette lettre sur google, deuxième entrée après Wikipédia ,en tapant M des 121,.....monde diplomatique...la lettre se trouve après le texte du manifeste et la première liste.
Cet écrit de Schwartz dissipe bien de malentendus

Écrit par : francis delval | jeudi, 08 novembre 2007

"le texte ne défend que le DROIT à l'insoumission,le droit pour les appelés du contingent de refuser de participer à des opérations militaires qu'ils n'acceptent pas...": vous avez raison d'apporter cette nuance, laquelle n'a pas forcément été saisie par nombre de non signataires (cf plus bas). De toute façon, je veux bien reconnaître que, tout non spécialiste que vous vous présentiez, vous connaissez bien mieux cette période de l'histoire et le M121 que moi.

"pourquoi, alors qu'on ne lui demandait rien , remettre sur le tapis, chez lancelot ou avec Calvet, cette vieille histoire?un zeste de mauvaise conscience?": je ne peux rien dire là-dessus: il manque les questions dans le livre de Q. Dupont! Voilà quand même une des limites de cet ouvrage. Bref... Je n'ignore pas non plus que Calvet appartient à une génération prompte à faire, de façon rétrospective, des procès politiques.

Pièces à ajouter dans le dossier (trouvées sur le net - en 3 clics comme dirait Jacques):

- François Furet: "Je pense du mal du Manifeste des 121. Il y avait une confusion sur la question de la désertion".
- Georges Suffert: "J'ai refusé à cause de la désertion. A la limite, JE peux déserter si j'en ai envie, mais JE ne peux pas appeler quelqu'un d'autre à déserter. C'est d'ailleurs sur ce point que je me suis fait virer du PSU. La ligne Jeanson était une ligne un peu folle, utopique".
- Alain Touraine: "Signer le Manifeste, c'était prendre une position manifestement antifrançaise, c'était de mauvaise foi car on reste membre de cette société où l'on vit; or on ne peut se placer du point de vue de l'autre société, ici l'Algérie. La société où je vis n'est pas fondamentalement pourrie. Je ne condamne pas le déserteur, mais je ne suis pas d'accord avec lui".
- Pierre Daix: "J'aurais signé à condition d'enlever les outrances, c'est-à-dire l'appel à la désertion, surtout venant de gens assis dans un fauteuil, ne risquant rien eux-mêmes".
- Alfred Grosser: "J'ai éprouvé beaucoup d'embarras vis-à-vis de Jeanson. J'étais contre avec un certain malaise. Ce qui me gênait aussi, c'était qu'on ne risquait rien".

Les propos de Ferré font bien la synthèse de tout cela, non? Et croyez-vous sincérement que ces gens aient conservé un "zeste de mauvaise conscience" par rapport à ce souvenir?

Écrit par : gluglups | jeudi, 08 novembre 2007

Bien, je pense que, cette fois, vous allez pouvoir tous deux vous comprendre. Ces derniers échanges me paraissent lever tout malentendu.

Écrit par : Jacques Layani | jeudi, 08 novembre 2007

Jacques: "Gluglups : vous ai-je bien compris ?" réponse, oui, lol. En même temps, je ne pense pas que les signataires avaient tort, on ne peut qu'être d'accord avec eux sur le fond et Ferré l'était sans aucun doute.

Le M121 est entré dans l'histoire et il vallait mieux en être, donc, pour éviter une certaine terreur intellectuelle. En même temps, faire un procès rétrospectif à Ferré, sans prendre en compte les objections - réelles - de l'époque est un peu facile.

Francis m'impute, à deux reprises, une confusion dans la lecture du Manifeste, concernant l'insoumission. Je veux bien être un imbécile et ignare sur la question. Le problème, c'est que ce n'est pas moi qui lis le texte comme cela, c'est que des gens bien plus intelligents que moi et plus concernés, plus conscients des enjeux, l'ont lu ainsi à l'époque. Or Francis ne veut même pas prendre cela en considération. Pour moi, ce n'est pas rendre compte objectivement de la position de Ferré.

Écrit par : gluglups | jeudi, 08 novembre 2007

Jacques pourra confirmer les dates, mais le récital à l'Alhambra, où "les temps difficiles" sont chantés pour la première fois en public, a lieu début novembre 61, soit deux semaines après la grande rafle du 17 octobre...malgré le silence de la presse, les faits commençaient à être connus, et il fallut du courage à Ferré pour dénoncer la torture à ce moment là.
Belleret signale que c'est à cette époque que Ferré préparait un livre sur la torture en Algérie,et accumulait les documents, livre qui ne vit jamais le jour.On ne peut PAS accuser Ferré de lâcheté ou d'indifférence.Il a agit à sa manière....

"On ne risquait rien", dit Grosser.Si, selon la loi du 6-09, cinq ans de prison pour les signataires,révocations, suspensions, agressions, violences physiques, entraves à la carrière des artistes, cf Laurent Schwartz, qui fut rapporteur de la thèse de Maurice Audin,disparu en Algérie, mais dont la thèse fut "soutenue" malgré sa mort, Schwartz, suspendu d'enseignement, et dont le fils fut enlevé par l'extrême droite...etc..

On doit à de Gaulle, et sans doute à Malraux d'avoir atténué les sanctions contre les signataires, alors que Messmer était pour l'application de la loi....Pour le général, on ne peut pas mettre Sartre en prison....Au niveau international, ça aurait fait désordre...

j'aurais préféré que les citations ci-dessus viennent de gens qui ne se sont pas "droitisés" au fil du temps, comme Daix ou Furet, mais il faut les apprécier avec leurs positions de ce temps là

Écrit par : francis delval | jeudi, 08 novembre 2007

"j'aurais préféré que les citations ci-dessus viennent de gens qui ne se sont pas "droitisés" au fil du temps": arrêtez d'être idéologique comme cela, ce n'est pas très honnête intellectuellement. J'imagine que certains signataires se sont eux aussi droitisés, allons...
"Il a agit à sa manière....": non comme bcp d'intellectuels de son temps, qui ont eu le même raisonnement, les mêmes arguments, la même position.

Écrit par : gluglups | jeudi, 08 novembre 2007

on ne risquait rien, les risques étaient réels, les deux lectures ont coexisté,ce n'est pas une question d'intelligence ou d'inaptitude à la lecture, mais il me semble assez évident que les signataires et les non-signataires avaient des positions divergentes en raison de leurs opinions politiques de l'époque, et que chacun , en son âme et conscience, a fait son choix du point de vue politique d'où il parlait....Les gens que vous citez sont intelligents, ceux qui signèrent ne le sont pas moins....Je pense-j'ose penser que tous furent sincères dans leurs choix.

Écrit par : francis delval | jeudi, 08 novembre 2007

Nous ne sommes plus dans le bain idéologique et politique de ce temps là ...Nos querelles deviennent byzantines, 47 ans après...Où est l'enjeu réel de notre discussion? Que Ferré ne fut pas le seul à utiliser certains arguments, je le reconnais volontiers.Nous intéresser d'abord à Ferré me semble logique en ce lieu..Tout dépend en fait de la lecture que l'on fait du texte de Blanchot....Les signataires et les non-signataires savaient tous ce qu'ils faisaient....Encore une fois, ce qui, moi m'intéresse c'est qu'à partir de son refus Ferré l'artiste ait changé...Et c'est l'essentiel...non?

Écrit par : francis delval | jeudi, 08 novembre 2007

"Je pense-j'ose penser que tous furent sincères dans leurs choix.": ça, c'est certain, je comprends bien votre doute derrière le trait d'union mais on ne le saura jamais: on ne peut que prendre en compte que leurs déclarations, sinon on verse dans le procès d'intention.

Je n'exclus pas que la motivation réelle de Ferré fût la peur de la prison, la peur de gâcher sa nouvelle carrière chez Barclay, les pressions de Madeleine, etc. Mais comme vous le rappelez vous-même, beaucoup d'autres éléments font qu'on ne pas le suspecter de cela très longtemps.

Restent alors ses arguments qui, contrairement à ce que vous dites, ont tout de même quelque chose de valable.

Écrit par : gluglups | jeudi, 08 novembre 2007

Si nous devions conclure, je dirais ceci: Le manifeste fut un évènement politique et idéologique très important, d'une part en ce qui concerne l'histoire des intellectuels et de leur intervention dans la vie politique en France,qu'il a hâté par ses effets parfois inattendus la fin de la guerre d'Algérie,en synergie avec d'autres manifestations d'autre part.Que les non-signataires avaient leurs raisons, et que leur choix était leur droit le plus strict.Je ne partage pas leurs propos sur "les intellectuels qui ne risquaient rien", mais que cela m'est personnel, et que je ne suis pas ici par prosélytisme.
Que si Ferré avait signé, le Ferré que l'on connaît n'aurait sans doute pas existé, ou alors autrement.

Que l'on retrouvera Blanchot, le plus discret de nos écrivains,en 68, la plupart des slogans et textes non signés, c'est l'invention de Blanchot, bien qu'il fût avant- guerre proche de l'Action Française...Mais j 'ai la faiblesse de préférer ceux qui passent de droite à gauche que ceux qui font le chemin inverse.

Que, Gluglups,vous m'avez poussé par vos questions à approfondir mes recherches, et qu'il est dommage que nous ayons été si peu nombreux à nous intéresser à cette question
Signons (provisoirement, car on n'avance que par l'échange conflictuel et non en se congratulant)la paix des braves...

Nous ne pouvons être en accord sur tout...le blog serait d'un triste....Merci à Jacques pour l'extrême liberté qu'il nous laisse

A quand une note de Gluglups sur ce blog?et ne me dites pas que vous en êtes incapable.....

J'annonce ma prochaine note, dans quelques semaines, comme cela le ne pourrais pas ne pas la faire: elle tournera autour de Ferré lecteur de Sartre...Nous nous écharperons quelque peu....et avec sympathie.
Je ne dis plus rien sur ce sujet......

Écrit par : francis delval | jeudi, 08 novembre 2007

"Nous nous écharperons quelque peu....et avec sympathie.": oui, tel est mon esprit, pas pour le s'"écharper" mais pour la "sympathie".

"A quand une note de Gluglups sur ce blog?" Jacques me l'a proposé une fois, mais sur un sujet que je ne crois pas encore pouvoir traiter, d'autant plus que j'ai perdu une bonne partie de mes notes. Je comprends bien aussi qu'on puisse se sentir sur le gril, en intervenant ici de la sorte. Il y a un côté plus solennel qu'un post sur un forum. Je ne crois pas maîtriser suffisamment mes sujets, comme vous autres. Je n'ai que du fumeux à proposer, de l'interprétation, du symbolique.

"Si Ferré avait signé, le Ferré que l'on connaît n'aurait sans doute pas existé, ou alors autrement.": oui, sans aucun doute. Il y a un côté raisonnable chez lui, qu'on peut trouver décevant.

Écrit par : gluglups | jeudi, 08 novembre 2007

Côté raisonnable qui est certainement le pendant de son côté démesuré : orchestre symphonique, textes fleuves, etc. C'est la conjonction des deux qui crée cette personnalité originale, forte.

Écrit par : Jacques Layani | vendredi, 09 novembre 2007

Je ne veux pas relancer le débat, rassurez-vous, mais vous inviter,lecteurs de ce blog, que vous vous y manifestiez ou pas,en conclusion , à lire ,si ce n'est déjà fait, la belle lettre écrite par le mathématicien Laurent Schwartz, que j'ai signalée plus haut...Ma note aurait probablement été différente si je l'avais lue avant, mais on ne peut tout lire.
c'est sur Google, taper M des 121,on trouve tour de suite après wikipédia, "le monde diplomatique", droit à l'insoumission.Après le texte du M121 et la première liste, il y a la lettre de Schwartz:"Au nom de la morale et de la vérité",qui dissipe bien des malentendus, évoque bien aussi l'ambiance de l'époque,et à côté de ses mots, certaines de nos questions ou de nos affirmations paraissent un peu dérisoires....Bonne lecture à tous...En attendant la prochaine note de Jacques......

Écrit par : francis delval | vendredi, 09 novembre 2007

le rapport de ce commentaire à la note est très lointain....
J'ai sorti du fond d'une de mes bibliothèques "le voyage du mauvais larron", roman de Georges Arnaud , que je n'ai pas relu depuis 40 ans....Je ne ma souvenais plus à quel point Arnaud savait être drôle, quel sens du comique!
Et j'ai vu dans la notice du livre qu'Arnaud (Henri Girard), né en 1917 , né à Montpellier, avait fait à Paris une licence de droit et suivi les cours de Sciences PO...Les mêmes études que Ferré, dans les mêmes établissements, à la même époque...Se sont-ils connus, croisés, on n'en sait rien.En 46, ils partent ensemble pour la Martinique par le même bateau....Que de hasards...non?

Écrit par : francis delval | dimanche, 11 novembre 2007

Autre question et autre hasard? sans aucune ombre de preuve: même si Georges Arnaud est un pseudo comme vous le rappelez, ce choix du pseudo correspond probablement à quelque chose.
Supputation dont je ne sais si elle peut mener bien loin, y a-t-il un rapport avec la chanteuse Michèle Arnaud qui chanta Ferré dans les années cinquante et qui fut un temps avec Gainsbourg sa voisine à St Germain des Prés, si je ne fais pas erreur?
D'accord, j'ai bien conscience que nous sommes au niveau du petit bout de la lorgnette, mais on ne sait jamais, ça peut-être éclairant sur le milieu de vie, et l'émulation artistique et intellectuelle dans lesquels l'oeuvre et la création de Ferré à ce moment-là prend corps et s'élabore. Simple idée comme ça. Tous ces gens qui vivaient comme ça un peu à la petite semaine, courant le cachet ou les contrats d'édition, dont certains allaient être connus un jour, qui se connaissaient peu ou prou, ça peut avoir une importance. De ses connaissances d'une époque, Ferré a laissé de nombreuses traces plus ou moins cryptées dans divers textes, comme le Testament Phonographe.
Mais je m'aperçois que nous nous éloignons encore un peu plus de la note support de cette discussion. Pour tenter d'y revenir, je pense que le milieu fréquenté a son importance et c'est parce qu'il était dans un milieu donné, et qu'il y avait une notoriété certaine, que Ferré a été contacté par Aube Helléouët-Breton, qui n'agissait peut-être pas en service commandé par Papa. S'il est facile de comprendre pourquoi il a été contacté pour signer le M 121, évidemment son refus est plus compliqué à interpréter et l'on sent bien que s'en tenir à ce que lui même en a dit pendant trente ans après avec une belle constance ne peut nous satisfaire, d'où la discussion passionnée qui anime le blog.
Je crains malheureusement que nous ne puissions avoir le fin mot de l'histoire. Toutefois des hypothèses fort intéressantes ont été avancées, mais je reste personnellement bien en peine de trancher. Et ce n'est peut-être pas plus mal ainsi.

Écrit par : Jean-Claude V | dimanche, 11 novembre 2007

Arnaud est un nom de famille extrêmement courant et je ne pense pas qu'il y ait un lien entre Georges et Michèle Arnaud.

Ce qui est curieux, d'ailleurs, c'est qu'Henri Girard -- dont le nom est aussi très très répandu -- choisisse pour pseudonyme Arnaud, nom fréquent à souhait. Et Georges comme prénom. Autrement dit, Georges Arnaud, c'est aussi banal qu'Henri Girard.

Le pire, c'est qu'il existait déjà un Georges Arnaud, auteur de romans populaires dans la collection "Spécial-Police" aux éditions du Fleuve Noir. Et celui-ci, surtout après le succès du Salaire de la peur, craignant la confusion, fut obligé d'ajouter à son nom l'initiale de son second prénom, en signant : Georges J. Arnaud.

Francis, je suis -- ou j'ai été -- un lecteur d'Arnaud, que j'aime beaucoup. C'est un auteur fort, "pêchu" comme on dit : il y a Le Salaire, bien sûr, mais aussi, comme vous le dites, Le Voyage du mauvais larron, La Plus grande pente, Lumière de soufre, etc. Et cette pièce qui lui valut des ennuis : Maréchal P...

Écrit par : Jacques Layani | dimanche, 11 novembre 2007

Et j'oubliais Les Aveux les plus doux et Les Oreilles sur le dos.

Écrit par : Jacques Layani | dimanche, 11 novembre 2007

Selon wikipédia (pas toujours très fiable),Georges est son second prénom,et Arnaud le nom de sa mère.Il aurait pris ce pseudo après avoir été accusé de meurtre (son père collabo..)et finalement acquitté....une histoire très embrouillée...

Écrit par : francis delval | dimanche, 11 novembre 2007

Oui, certes... Mais on pouvait cependant trouver mieux, plus original. Quant à l'histoire embrouillée, un livre, il y a quelques années, est revenu sur son acquittement. On ne saura pas. Enfin, il a été jugé, acquitté, donc il ne faut pas, théoriquement, revenir là-dessus.

Écrit par : Jacques Layani | dimanche, 11 novembre 2007

Avant d'arriver aux 121 posts, ou 120 (lol), une ultime question : l'appréciation "édulcoréé"(sic) , quant à la chanson "Le déserteur", version Mouloudji, fait référence au début de la chanson, ou à sa fin ?Force du zinterprète , ou faiblesse ?

Écrit par : HUMPHREY | dimanche, 11 novembre 2007

Je suppose que Francis voulait évoquer le début et la fin, tous deux modifiés : "Monsieur le président" devenu "Messieurs qu'on nomme grands" et surtout, la fin : "Si vous me poursuivez / Prévenez vos gendarmes / Que je possède une arme / Et que je sais tirer" devenu "Que je serai sans arme / Et qu'ils pourront tirer". C'est bien cela qui répond à la question d'Humphrey, Francis ?

Écrit par : Jacques Layani | dimanche, 11 novembre 2007

Cette chanson de Boris Vian est sans aucun doute l'une des rares chansons engagées écrites dans les années cinquante. 1954 en l'occurence soit à la charnière de l'Indochine et de l'Algérie. Nul n'a me semble-t-il sur la question évoqué les chansons Pacific blues (bien que connue seulement en 67) et Regardez-les (dès 1961). Les deux sont en effet écrites, ou du moins données au public, apparemment juste après la question du Manifeste. A vérifier.
Pour en revenir au Déserteur, je pense, mais né en 1958 je suis un peu "jeune" pour l'affirmer, que cette chanson a été connue surtout d'un public jeune autour de 1968 quand Reggiani l'a chantée, et quand le disque de Vian est sorti. Je ne sais si la version Mouloudji a eu autant d'écho. A mon sens la version édulcorée était de plus très ringarde car désactualisée: "Messieurs qu'on nomme grands" donne un côté médiéval ou du moins ancien régime et fait complainte folklorique. Vian, Reggiani et les autres ont bien fait de rétablir "Monsieur le Président". D'accord pour le pauvre René Coty, mais il y avait alors un Président du Conseil qui avait des pouvoirs plus réels ; et avec la Ve alors là on a été servis!
Quant à la fin de la chanson, la version initiale entrait en contradiction avec la tonalité humaniste de la chanson. On ne peut annoncer qu'on va tirer sur les gendarmes, si on refuse de tirer sur l'ennemi en général. Boris Vian l'avait lui-même compris et admis qui a enregistré la version que l'on connaît. La 2e fin retenue donne toute sa force intellectuelle et morale à cette chanson que je place très haut dans mon panthéon "chansonnier".
J'ajoute pour finir que j'ai beaucoup aimé, et je pense que cette info en réjouira certains sur ce blog, que le jour de la lecture imposée de la lettre de Guy Môquet, certains enseignants dans certains établissements que je connais ont eu l'excellente idée, en lieu et place de l'injonction présidentielle, de donner lecture du Déserteur: "Refusez d'obéir"...
Et cette fois adressée en lettre ouverte à un président aux pouvoirs bien réels. On ne connaît pas assez ces initiatives qui me font encore espérer en l'intelligence des hommes et des femmes.
Comme quoi, si les années de la guerre d'Algérie étaient une drôle d'époque, si le Général Frappard en était un assez gratiné peu après, l'époque où nous sommes n'est pas mal non plus dans son genre. Et des chansons comme le Déserteur ou des chansons de Ferré ont gardé toute leur (im)pertinence aujourd'hui. Gardons les bien au chaud en nous, en notre coeur et faisons les retentir autant qu'il le faudra. Elles nous aident à traverser ces "temps difficiles".

Écrit par : Jean-Claude V | lundi, 12 novembre 2007

Sur la version de Mouloudji, je me suis expliqué...Il était d'accord pour la chanter ,l'enregistrer,mais il savait bien ,et Vian aussi qu'elle serait censurée...Il en a discuté avec Vian , qui a accepté de modifier le début (Coty, président sans pouvoir, ça ne sert à rien , dit Mouloudji,de l'interpeler, il ne peut rien faire), qui élargit le champs des responsables :"messieurs qu'on nomme grands".Et également la fin,pour des raisons de censure évidente....ça n'a servi à rien, elle fut bien sûr interdite...Vian l'enregistrera plus tard ,dans son seul disque, je n'ai plus la date en tête....(Voir l'autobio de mouloudji, tome 3)

Écrit par : francis delval | lundi, 12 novembre 2007

le refrain de "pacific blues" est déjà dans "De sacs et de cordes".....la sortie tardive de la chanson en LP, en 67,désamorce un peu la force du texte...A l'époque, elle fait plutôt penser à la guerre du vietnam....

pour la référence de l'autobio de Mouloudji: "le petit invité", "la fleur de l'âge", et "le coquelicot" (posthume), diverses éditions.Dans le 3, il a écrit 3 ou 4 pages assez amusantes sur son invitation chez les Ferré, à Pershing, pour assister à la mise en musique de ses textes par Ferré..Si jacques ne les connaît pas je lui enverrai.

A propos de chanson politique, Servat écrivit "la blanche hermine",chanson sur la lutte des "partisans",qu'il réécrivit de façon plus radicale, un an ou deux après,à la suite de débats avec le public,qui trouvait qu'il ne donnait pas assez de place aux femmes dans la lutte.Elle devint " le départ du partisan"
(vers 74-75),plus offensive et plus convaincante....Cette façon " politique" de réécrire en tenant compte des critiques est assez peu répandue, et méritait d'être signalée.

Écrit par : francis delval | lundi, 12 novembre 2007

Pacific Blues, je l'ai dit ici, déjà, je crois, date de la guerre d'Indochine, fut resservi au moment de celle d'Algérie et enregistrée lors de celle du Vietnam. La chanson est plus forte que les guerres : il faut trois guerres pour égaler une chanson...

Écrit par : Jacques Layani | lundi, 12 novembre 2007

Concernant le regain d'engouement de la chanson "Le déserteur" il se situe plus vers 1964-1965 que 1968, au moment de la vogue du folk song, avec une version mi française mi anglaise interprétée par le trio américain Peter Paul and Mary qui est fit un succès international. Il s'agit de la version "Monsieur qu'on nomme grand" qui en France a alors connu plusieurs reprises dont une par Richard Anthony, que Jean Ferrat gaussa ainsi "(...) l'autre jour on a bien ri / Il parait que le Déserteur / est un grand succès de l'heure / quand il est chanté par Anthony" (in Pauvre Boris)

Écrit par : Jacques Miquel | lundi, 12 novembre 2007

C'est vrai, je me rappelle à présent Richard Anthony et l'allusion de Ferrat. J'avais oublié.

Écrit par : Jacques Layani | lundi, 12 novembre 2007

Je ne conteste évidemment nullement ces précisions qui semblent attester que la version M. le Président aurait été popularisée plus tardivement vers 1969-70, car le disque de Reggiani comme le fameux disque posthume de Boris Vian que les ados de mon âge ont connu, celui où l'on voit Vian accoudé à une voiture ancienne, datent visiblement de cette période. La censure apprise régnait très fort encore vers 64-65 et craquait tout de même fortement après, rendant possible la publication de ces enregistrements, celui de Boris Vian date de 55, après vérification, et le disque dont je parlais plus haut s'est énormément répandu chez les lycéens un peu "engagés" des années 72-76. J'en atteste. Juste avant les punks!

Écrit par : Jean-Claude Vallejo | lundi, 12 novembre 2007

Après quelques recherches je rectifie mon propos, Vian avait enregistré un disque avec le déserteur en 1956 (si intrediction il y eut c'était sans doute pour la diffusion sur les ondes), et la pochette avec les bagnoles existait déjà en 1963, mais en 45 tours avec 4 titres ( dont le Déserteur). Le 33 tour devait tout de même être plus tardif, je maintiens qu'il doit s'agir de rééditions de la fin des années 60. Pardonnez moi, vous aviez raison, Jacques Miquel. Il en va de même pour le 1er enregistrement de cette chanson par Reggiani: 1965. Je les ai pour ma part connus dans des éditions un peu plus tardives. En 1965, je ne les écoutais pas encore, je n'étais qu'à la Communale! Veuillez me reconnaître des circonstances atténuantes.
Revenons à Ferré, vous ne m'avez pas répondu, Francis ou Jacques Layani, à propos de la chanson Regardez-les: elle date bien de 60 ou 61, donc de l'époque du Manifeste. Et là Ferré intervient bien sur la guerre d'Algérie, non? Et il me semble, corrigez-moi si je fais erreur, qu'elle apparaît sur disque avant la 1ere version des Temps difficiles. Donc Ferré estime sans doute qu'il "manifeste" déjà sur scène à sa manière, avec sa sensibilité et ses textes. L'artiste est dans ses oeuvres et agit à travers elles. Pourquoi alors signerait-il? Ce n'est bien sûr qu'une hypothèse de plus. Mais si cette note suscite tant de discussions , d'interrogations en nous faisant déborder assez largement, n'est-ce pas parce que nous ressentons que cette période est tout à fait charnière pour Léo Ferré et qu'elle détermine le cours et le tour que va prendre alors sa carrière?

Écrit par : Jean-Claude Vallejo | lundi, 12 novembre 2007

Les chansons Pacific blues et Regardez-les ont été toutes les deux enregistrées le 26 avril 1961 et gravées sur le 33 tours 25 cm Barclay 80.150 interdit de publication et détruit. Les textes de ces 2 chansons semblent dater du début des années 50 : pour Pacific blues (cf. ce qu'en dit Jacques Layani ici même), pour Regardez-les elle a été coécrite avec Francis Claude avec lequel Ferré s'est brouillé au début des années 50 ; les deux hommes ne se sont réconciliés que dans les années 70 ou 80. Quant à la première version des Temps difficiles elle a été enregistrée le 11 octobre 1961.
Par ailleurs, la version initiale de la chanson Le Déserteur enregistrée par Boris Vian a également été gravée sur le 33 tours 25 cm Philips 76042 commercialisé fin 1954 ou début 1955.

Écrit par : Jacques Miquel | lundi, 12 novembre 2007

Merci de ces précisions. Fin 1960, Ferré avait donc à son répertoire depuis dix ans environ des chansons engagées contre la guerre, toutes les guerres en somme, celle de 40 qu'il a connue, celle de 14 aussi retrospectivement et les guerres coloniales en cours (1950) ou encore à venir. En revanche, les événements et le climat intellectuel autour du Manifeste sont sans doute pour quelque chose dans le choix d'enregistrer précisément ces chansons quelques mois plus tard, même si elles furent interdites d'antenne. Il reste la possibilité de les chanter sur scène comme le montrent les enregistrements publics (Alhambra en novembre 61 pour Regardez-les et Les temps difficiles). Ferré n'a pas été sans prendre position ni quelques risques,même si l'on n'est pas venu plastiquer le Boulevard Pershing. L'hypothèse a d'ailleurs été formulée ici même. Ferré semble décidé à intervenir publiquement, politiquement à ce moment-là, mais à sa façon, en artiste de la scène. Ce qui reviendra longtemps après quand il dira à certaines interpellations dans le public "La Révolution on la fait d'abord dans sa tête avant d'aller la faire dans la rue"(citation approximative entendue lors d'un récital à Nantes en mars 1979).

Écrit par : Jean-Claude V | mardi, 13 novembre 2007

On n'a pas plastiqué le 28, boulevard Pershing, mais il y a bien eu une alerte à la bombe à l'Alhambra, en novembre 1961. Prévenu, Léo Ferré a déclaré au public (en substance) : il y a une alerte à la bombe, faites ce que vous voulez, moi, je reste. Et le public est resté.

Écrit par : Jacques Layani | mardi, 13 novembre 2007

Je reviens sur "le déserteur" après avoir relu les 4 pages écrites par Mouloudji dans "Le coquelicot"...sur cette chanson.Je résume en citant quelques passages essentiels.
C'est au retour d'une tournée an Algérie que Mouloudji se voit proposer une chanson de Vian, "le déserteur".Il l'accepte, mais il demande à Vian de changer des passages qui le gênent:
"Apostropher le Président de la république-rené Coty-rétrécissait la portée de son message.La guerre d'Indochine battait son plein...Pourquoi ne pas s'adresser plutôt au monde entier,....et plus particulièrement à l'amérique et à l'Urss qui tiraient les ficelles?Je proposais donc de débuter par "Messieurs qu'on nomme grands".Vian accepta
.......Restait...la dernière phrase.Conseiller à de jeunes appellés de déserter et de tirer sur les gendarmes était une lourde responsabilité.tandis qu'ils risquaient le conseil de guerre, moi je toucherais des cachets somptueux.Vian accepta mon point de vue........J'ai appris en lisant les mémoires de Canetti que tous les chanteurs pressentis avaient refusé la chanson.Il fallait un inconscient.Ce fut moi.Je ne le regrette pas."

Il la chantera dans son récital au théâtre de l'oeuvre (Moulou ne donne jamais de date...).grand silence dans la salle pendant la chanson, puis la salle se divise en deux , les pour, les contre,"un champ de bataille"....puis ça se calma, et Moulou qui n'a pas quitté la scène put reprendre son récital.
A la suite d'une intervention à la chambre des députés,la chanson fut interdite sur les ondes, les disques et partitions retirés de la vente, l'éditeur rendit ses droits à Vian.

En sortant de la première, Mouloudji apprit que Dien Bien Phu était tombé, et que l'indochine , c'était fini."J'étais devenu l'anti porte drapeau français".
Mouloudji ne fut jamais agressé ou insulté, contrairement, dit-il , à d'autres chanteurs qui essayèrent de reprendre le chanson.Il ne donne pas de noms..L'un d'eux fut l'objet d'une pousuite à la Concorde , où l'on essaya de l'écraser avec une voiture.

Écrit par : francis delval | mardi, 13 novembre 2007

Quoi qu'on en dise, c'était quand même un temps où le débat d'idées existait vraiment, où l'on pouvait s'engueuler, voire davantage comme vous le racontez, pour une chanson. Ce fut comme ça jusque dans les années 80 -- 1983-1984 environ -- où tout s'est éteint.

Écrit par : Jacques Layani | mardi, 13 novembre 2007

Pour "Regardez-les", je confirme ce que dit J.Miquel, c'est une chanson co-écrite avec F.Claude, vers les années 50, sans "cible" politique particulière.Elle a bien le style de ces années-là, avec son humanisme un peu naïf,"Nous sommes tous les enfants de la même terre", que l'on retrouve dans "Les vigiles"
Ferré la reprendra en public en novembre 61;dans le disque "flash alhambra-ABC", comme dans le reprise en 30 cm,Ferré est crédité comme seul auteur de la chanson....F.claude avait-il renoncé à la paternité partagée, en raison de la brouille, ou alors en raison du contexte guerre d'Algérie?

Écrit par : francis delval | mardi, 13 novembre 2007

Je n'ai jamais su la raison exacte de cet effacement momentané de F. Claude comme co-parolier. La brouille n'a rien à voir, je pense, puisque La Vie d'artiste ou L'Île Saint-Louis n'ont pas été touchées par cet oubli. Je crois à une simple erreur.

Écrit par : Jacques Layani | mardi, 13 novembre 2007

La version de Mouloudji selon laquelle il serait à l'origine du changement des paroles de la chanson Le déserteur n'est pas la seule. Jean Clouzet dans le Boris Vian qu'il a signé chez Seghers en 1966 (P.A. n° 150) écrit : "Le premier éditeur à qui Vian soumit sa chanson sur l'insoumission la lui retourna avec ce simple mot : "Pouvez-vous m'envoyer une autre version car il ne me paraît pas possible de l'éditer dans le texte intégral que vous m'avez présenté. Je vous prie de bien vouloir modifier certains passages qui me paraissent excessif."" Malheureusement Clouzet ne cite pas ses sources, et quant à moi j'ai le souvenir très vague que la modification apportée n'était pas vraiment consécutive à une demande de Mouloudji. Mais je ne pense pas que cela soit très important.

Écrit par : Jacques Miquel | mardi, 13 novembre 2007

Biographie de Mouloudji à paraître chez L'Archipel, en cours d'écriture par Gilles Schlesser (le fils du fondateur de L'Ecluse). On en saura peut-être davantage à ce moment-là.

Écrit par : Jacques Layani | mardi, 13 novembre 2007

l'autobiographie de Mouloudji a une particularité:c'est quelqu'un qui n'a jamais eu confiance en lui, qui se perçoit comme un dilettante, et il est si rare qu'il se mette en avant de façon positive que j'ai tendance à croire que sa version est la bonne.
en première partie du récital en question,il y eut la représentation d'une pièce de théâtre de Mouloudji "Les sargasses", pièce , dit-il qu'il a écrite, mais qu'il n'a jamais comprise,"je ne sais pas de quoi ça parle, je ne sais pas ce que le public a pu comprendre, je ne sais pas expliquer".Il était comme ça...ce n'est pas du cinéma...J'ai lu tout ce qu'il a publié, lu tous ses romans(dont certains sont excellents)....Il etait parfaitement capable de faire modifier deux vers....Il ya a moins de déchets dans l'oeuvre de mouloudji que dans celle de Vian, qui a trop produit pour être toujours égal à lui même.
J'aime bien aussi Vian....

Écrit par : francis delval | mardi, 13 novembre 2007

Ma note voulait simplement relever que comme souvent la vérité n'était pas forcément monolithique et que sans que l'on puisse mettre en cause la bonne foi de Mouloudji on peut imaginer que plusieurs facteurs sont intervenus au même moment. De toutes façons il semble bien que Mouloudji ait enregistré Le déserteur avant Boris Vian, c'est à dire en mai 1954. Mouloudji chante donc "Monsieur qu'on nomme grand..." tandis que l'auteur reste sur "Monsieur le président". Quant aux derniers vers tous les deux chantent la version édulcorée. Ceci étant j'apprécie beaucoup l'oeuvre de Mouloudji, et j'aime particulièrement les textes des 4 chansons mises en musique par Léo Ferré. J'ai l'ai vu sur scène à la fin des années 60. Surpris par le succès de ce soir-là, il a fait de nombreux rappels, jusqu'à ce qu'il avoue très modestement qu'il ne s'y attendait pas et qu'il 'avait pas d'autres chansons en mémoire. Alors il a improvisé sur les chansons qu'il avait en chantier !

Écrit par : Jacques Miquel | mardi, 13 novembre 2007

Oui, c'était un gars modeste. Je me demande pourquoi il a toujours douté de lui. Il n'avait pas d'ennemis, les femmes l'adoraient, son public lui est resté fidèle...

Écrit par : Jacques Layani | mardi, 13 novembre 2007

Francis : "il a écrit 3 ou 4 pages assez amusantes sur son invitation chez les Ferré, à Pershing, pour assister à la mise en musique de ses textes par Ferré..Si jacques ne les connaît pas je lui enverrai."

Avec plaisir, car je n'ai chez moi que La Fleur de l'âge, pas les autres tomes. Je suis preneur.

Écrit par : Jacques Layani | mardi, 13 novembre 2007

ou alors s'il voulait faire durer le plaisir , il récitait en entier "la chanson du mal-aimé", qu'il connaissait par coeur.Mouloudji gagne à être connu.Pour moi, qui fut très tôt passionné par l'oeuvre de sartre, puis évidemment celle de Beauvoir, Mouloudji fait partie du "clan", et il écrivit longtemps dans "les temps modernes"...Il avait peu d'amis dans la chanson, F.Leclerc, Brel, C.sauvage...Brassens détestait Mouloudji , à cause du succès de la chanson d'Asso, "comme un petit coquelicot"détestation réciproque , Mouloudji voyant Brassens comme un homme inabordable, qui ,dit-il, ne se déplaçait jamais sans sa "garde prétorienne", et appréciait modérément Ferré, lui trouvant dans les années 50 un côté "camelot du roi"....Lui préférant le Ferré des années 70-80..
Rappelons que mouloudji a débuté à 12 ans avec le "groupe Octobre", et qu'il ne s'est mis à chanter que dans les années50....
Pour les Ferré- Mouloudji, je suis comme J.Miquel, j'aime beaucoup les quatre chansons, plus particulièrement "rue de crimée" et l'étonnant "cache-cache" où Ferré a dû retrouver des fantasmes très personnels: aller voir sous les robes...
bon , nous voilà encore loin du sujet.......

Écrit par : francis delval | mardi, 13 novembre 2007

en fait, le passage sur les ferré est plus court que je ne le pensais...Une page, qui vient après quelques considérations sur Brel, Brassens...C'est une vision de Ferré assez ironique...voire satirique...Je peux vous la recopier demain , ça prendra 10 mn..par mail.Vous verrez ce que vous pouvez en faire.Ce n'est pas plus long que de taper les poèmes d'Aragon....

Écrit par : francis delval | mardi, 13 novembre 2007

La légende de Brassens, homme formidable, amical, compréhensif, patin-couffin, a du plomb dans l'aile, de plus en plus. Il n'aimait que ses amis, une poignée, et encore, à sa manière : il faut dire qu'eux le vénéraient et que lui, ne détestait pas cela. Tu parles d'un modeste ! Bernard Dimey, qui passait en première partie de Brassens, avait dû lui river son clou après une remarque dégueulasse et alors que Brassens ne lui avait jamais rien dit d'autre que cette vacherie ; la compagne de Dimey raconte ça dans ses souvenirs. En 1964, quand Barbara a connu un très grand succès en première partie de Brassens à Bobino, il était jaloux. Bref, pas du tout le type qu'on présente habituellement.

Écrit par : Jacques Layani | mardi, 13 novembre 2007

Merci Francis, mais n'avez-vous pas de quoi scanner ?

Écrit par : Jacques Layani | mardi, 13 novembre 2007

"Les Temps difficiles" n'est pas une chanson sur la guerre d'Algérie, il est bon de le préciser quand même.

De plus, comme elle relève essentiellement d'un genre (l'équivalent de la revue de presse au début des spectacles de Guy Bedos?) et qu'elle est traitée comme telle avec ses variations (je suppose que Ferré devait changer les paroles régulièrement et qu'il a dû en exister d'autres versions jamais enregistrées), il faudrait voir ce qui se disait à l'époque chez les chansonniers, on va dire "politiques".

Sinon, à part les amateurs de Ferré, je ne crois guère qu'elle ait été très célèbre, et en ce sens elle n'est pas comparable au "Déserteur" (malgré les précisions apportées sur le succès tardif de cette chanson). Elle aussi s'inscrit dans un registre - les chansons pacifistes et il y en a eu des tonnes pendant et après la 1e guerre mondiale, même Damia, apparemment, y a versé - et en cela, elle n'est guère différente des chansons de Ferré évoquées dans la discussion. Mais surtout, il y a cet appel à la désertion et au meurtre de gendarmes, qu'on peut trouver osé ou, comme l'éditeur cité, "excessif" voire maladroit. Rien de tel chez Ferré.

Écrit par : gluglups | mercredi, 14 novembre 2007

Avec 133 commentaires à ce jour (celui-ci est le 134e), cette note a battu tous les records. On sait bien que l'intérêt d'un texte ne se mesure pas au nombre de commentaires, cependant, une telle quantité est une première, ici.

Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 14 novembre 2007

Certes, les Temps difficiles dans ses différentes versions connues par le disque entre 61 et 66, parlent de tas de sujets et varient en fonction de l'actualité de l'heure. Il n'en demeure pas moins que l'allusion à la torture en Algérie est on ne peut plus explicite. De même que le choix d'enregistrer ou de chanter sur scène des chansons fortement teintées de pacifisme à cette époque là, même quand il s'agit de chansons écrites depuis plusieurs années ne doit rien au hasard, n'est pas neutre. Même si seul le public de Ferré en pouvait avoir connaissance. Et encore pas facilement, puisque l'on nous rappelait que l'un des disques fut interdit et détruit. Je ne parle même pas de la radio et de l'ORTF sous contrôle (ça devait déjà s'appeler comme ça).
Tout de même à part le Déserteur avec ses divers interprêtes, quelques chansons de Ferré (ajoutons encore Miss Guéguerre) - je pense qu'on en trouve aussi chez Francis Lemarque qui nous renvoie aussi dans une proximité avec Mouloudji, quelles autres chansons pacifistes étaient chantées à cette époque (toute fin des années 50, 1960-61-62) et qui les chantait? Catherine Sauvage en a peut-être chanté aussi? Mais qui d'autre?
Encore faut-il convenir avec Jacques que ces chansons dénoncent et rejettent toutes les guerres, y compris celle qui était en cours, mais sans désignation précise. De plus certaines ont un côté j'oserais dire simpliste, naïf, un peu convenu parfois, avec quelqu'un le rappelait le "nous sommes tous des enfants de la même terre". Qui peut ne pas souscrire? Il y a là quelque facilité.
Pourtant dans la même chanson il y a aussi "Prends ton fusil /Mon ami/ si tu savais t'en servir / tu pourrais t'affranchir", même si l'appel est moins direct que dans la version primitive du Déserteur (que d'ailleurs, je pense, personne n'a entendu chantée par quiconque) et ne désigne pas de cible.
A y bien regarder, en dehors de l'allusion des Temps difficiles 1e version, y a-t-il eu une chanson de l'époque, évidemment (1954-1962), qui aurait traité spécifiquement et ouvertement de l'actualité de l'armée française en Algérie? La réponse est évidemment dans la censure et donc dans l'auto-censure, puisqu'il est un peu vain d'écrire une chanson en sachant d'avance qu'elle ne passera pas. Le couplet de Ferré, et c'est tout de même un fait remarquable

[Quand on n'a pas les mêm's idées,
On se les r'fil', c'est régulier.
Fil'-moi ta part, mon p'tit Youssef,
Sinon j'te branch' sur l'E.D.F.
Les temps sont difficiles!
Réponds, dis-moi où est ton pot',
Sinon tu vas êtr' chatouillé.
Dis-moi, réponds, lâch' ta cam'lot':
Quand on questionn' y'a qu'à causer.
Les temps sont difficiles!]

est le seul à ma connaissance à passer, furtivement, en octobre-novembre 1961. Et encore, c'est vrai, ceux qui les ont alors entendus furent-ils un nombre très restreint, c'est évident, j'en suis bien d'accord. Mais au moins nous en avons la preuve enregistrée. A le replacer dans le contexte, on en mesure l'audace, et le courage de l'auteur tout de même, avec sa voix, devant son micro d'artiste de variété (mais là j'anticipe sur le disque de 1972 et d'autres événements) qui "va traînant (s)es rengaines / Le long de la longue scène / En crachant sur ceux qui (l') gênent." Je répète donc ma question: qui d'autre que Ferré a su faire ça? Et Jacques rappelait l'autre jour l'alerte à la bombe qui eut lieu à l'Alhambra justement à ce moment-là. Reconnaissons qu'il fallait avoir la moelle de dire cela dans un lieu public quelques semaines après les actes du Préfet Papon et sous la chape d'une presse muselée, sous le contrôle d'un ministère de l'information efficace, si j'en crois ce qui se dit, car âgé alors de 3 ans et vivant en province, je n'ai pas de souvenir ni même de perception vague du climat qui régnait alors, ceux qui étaient étudiants ou lycéens s'en souviennent peut-être, eux.

Écrit par : Jean-Claude V | mercredi, 14 novembre 2007

Au lycée vers 61-62,j'ai connu quelques alertes à la bombe, on faisait sortir les élèves dans la cour...mais il n'y eut jamais de bombe...Bon, c'était dans l'air du temps,la routine....j'ai connu un élève très à droite qui ne venait jamais au lycée sans son flingue....dans le contexte, ça ne paraissait pas extravagant!

Écrit par : francis delval | mercredi, 14 novembre 2007

Je dois répéter ce que je rappelle toujours lorsqu'on parle de censure. En France, la censure n'existe pas. Il n'y a qu'une manière légale de "censurer" un ouvrage ou une publication, la loi de 1949 sur les publications destinées à la jeunesse. Cette loi permet d'interdire à l'affichage et à la vente aux mineurs un titre. C'est-à-dire de le couler, de fait. Pas d'affichage (comprendre : affichage, vitrine, publicité sous toutes ses formes) égale inconnu au bataillon égale vente nulle. Interdit à la vente aux mineurs égale impossibilité de vendre même si un mineur vient expressément le demander, en admettant qu'il sache que le livre existe.

Pour ce qui est de la radio, il a existé un comité d'écoute (sic) qui "déconseillait" le passage sur les ondes au nom de la morale, des bonnes moeurs, ou, au mieux, autorisait une diffusion... après 22 heures, supposant beaucoup de monde couché à ce moment-là. Léo Ferré a fait les frais de ce comité, souvent (voir la note "Censure à la radio" dans l'index).

Avec le ministère de l'Information, ensuite, on a fait admettre un certain nombre de règles plus ou moins acceptées par les journalistes... jusqu'en 1968 où tout changea. De Gaulle ne comprenait pas que la télévision ne fût pas la voix de la France, c'est-à-dire la chose officielle.

Mais il n'existe pas de mode de censure légal. L'imprimerie et la librairie sont libres. La liberté d'expression existe.

En revanche, l'auto-censure a longtemps sévi, en particulier sous de Gaulle et précisément pendant la guerre d'Algérie. L'affaire du disque interdit n'existe pas. Le 25-cm Barclay détruit a dû l'être par auto-censure, parce qu'il contenait Mon Général et qu'en France, à ce moment-là, on ne touchait pas au Général. C'était comme ça. On ne faisait pas des choses comme ça. Le 45-tours intitulé Les Chansons interdites de Léo Ferré comprend des chansons interdites de diffusion sur les ondes, c'est tout. Elles ne furent pas interdites stricto sensu parce que rien ne l'aurait légalement permis (à part une éventuelle offense au président de la République, ultime recours). Et si elles l'avaient été -- par quelle mesure ? -- le 45-tours n'aurait pas pu exister.

Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 14 novembre 2007

J'ai connu la guerre d'Algérie... en Algérie, où je suis né. Elle a commencé en 1954, j'avais deux ans. No comment.

Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 14 novembre 2007

Pour "le déserteur": la chanson ne pouvait passer à la radio,l'éditeur fit retirer de la vente les disques et les formats papier, mais Mouloudji put continuer à la chanter.Pas de censure en scène, Jacques a raison...Fin de la guerre d'Indochine,début des troubles en Algérie, version "éducorée " ou pas, c'est quand même la première chanson appelant à la désertion en temps de guerre, depuis l'anonyme "Chanson de Craonne" , écrite lors des mutineries de 1917!

Il fallait oser, et Mouloudji étant de par son père d'origine algérienne, (un kabyle communiste...),ça ne devait pas être évident de la chanter au début de la guerre d'Algérie, même s'il ne fut jamais agressé.

Écrit par : francis delval | mercredi, 14 novembre 2007

"De plus certaines ont un côté j'oserais dire simpliste, naïf, un peu convenu parfois, avec quelqu'un le rappelait le "nous sommes tous des enfants de la même terre"."

Simpliste ou naïf pas du tout, au contraire! Surtout chez Ferré, qui n'a jamais hésité à faire des chansons de genre. Il faut un peu revenir sur cette conception des choses (68arde ? dirait...).

Si l'on en croit l'enthousiasme de la salle, la force de ses applaudissements qui paraissent à l'écoute du disque, on sent bien que la parole de Ferré vient venger en quelque sorte le silence du public. Rien à voir, effectivement, avec les applaudissements convenus qui saluent aujourd'hui le dernier combat "humanitaire" d'un chanteur qui "s'engage".

Après tout, il est normal que Ferré se mêle des combats qui agitent les intellectuels de l'époque. Il entre dans un registre, il se positionne à un certain niveau, comme il l'a toujours fait, sur d'autres sujets. Je ne doute pas de sa sincérité mais en même temps, pas je n'ai pas le sentiment convaincu que Ferré se sente hyper concerné par cette guerre d'Algérie. Je ne crois pas qu'il en parle dans les interviews de l'époque.

HS: Jacques Layani: "J'ai connu la guerre d'Algérie... en Algérie, où je suis né. Elle a commencé en 1954, j'avais deux ans. No comment."

Puisque vous l'évoquez néanmoins: a-t-il fallu choisir entre "sa mère" et Léo Ferré, façon de parler?

J'ai toujours trouvé que Ferré était un peu vache, dans la même chanson, vis-à-vis des pieds noirs. Pourtant, leur situation était terrible, tragique. Qu'il se faisait un peu l'écho d'une certaine indifférence face au drame de ces gens, que, d'un côté comme un autre, plus personne ne voulait voir. Bon, je sais bien que la majorité d'entre eux n'était pas tip top politiquement...

Écrit par : gluglups | mercredi, 14 novembre 2007

"Avec 133 commentaires à ce jour (celui-ci est le 134e)..."

C'est pour cela que Francis, grisé par l'éventualité d'un succès et l'idée de vous battre, vous et votre Baudelaire, a fait mine de ne pas comprendre tout ce que je lui disais:)

Humphrey: relis-bien la note: "ils seront 121, puis très vite, 140, 180, 220 et plus…", donc ce n'est pas encore fini...

Sacré Francis!

Écrit par : gluglups | mercredi, 14 novembre 2007

"Ferré vient venger en quelque sorte le silence du public." C'est exactement le sentiment qu'il donnait et c'est pour cette raison (entre autres) qu'on peut lui "pardonner" ce qu'on ne peut pas toujours comprendre. C'est exactement le genre de personne qui nous manque actuellement.
On peut être des millions à manifester, on reste des bêlants, alors qu'un individu représentatif - parce que non politique au sens politicien - peut faire entendre pour tous, dans les bonnes oreilles, ce silence-obligé des non-reconnus.

Écrit par : Martine Layani | mercredi, 14 novembre 2007

Bien sûr, qu'il fallut choisir entre "sa mère " et la réalité historique. Personnellement, je n'ai rien choisi du tout, puisque j'avais neuf ans et demi quand je suis "rentré" en France (les pieds-noirs disaient toujours "rentrer en France") au cours d'une année de CM2 interrompue.

Rétrospectivement, je sais bien aujourd'hui qu'il n'existait aucune autre solution. Un million de pieds-noirs ont payé le prix qu'il fallait pour sortir de la guerre. Il faut avoir l'intelligence de comprendre qu'il ne pouvait en aller autrement. La solution humaniste préconisée par Camus, d'une société "mixte" et pluri-culturelle ne tenait pas : rêve d'utopiste éclairé. Et puis, Camus est mort en janvier 1960, avant la radicalisation totale qui empêchait évidemment toute conciliation.

Les pieds-noirs ont gêné tout le monde parce qu'ils avaient une réputation d'extrême-droite (effectivement très fréquente, mais fausse comme toute généralisation) ; parce qu'il étaient soupçonnés d'être des propriétaires riches qui avaient fait "suer le burnous" selon l'expression consacrée, alors que, là aussi, la généralisation est fausse : il y avait beaucoup de petits commerçants, d'artisans, d'employés (mes parents) ; parce qu'on les croyait descendants des colons de 1830 en oubliant qu'il y avait parmi eux les Juifs d'Algérie, présents depuis le XVIe siècle et qui étaient, au départ, intégrés à la communauté arabe (mêmes vêtements, même cuisine, même mode de vie) ; c'est par la suite qu'ils ont "choisi" l'intégration dans la communauté française et que le décret Crémieux les a naturalisés français.

Bref, une réalité bien plus complexe, comme chaque fois, que ce qu'on croyait. Ce million de personnes, donc, et parmi eux des gens qui étaient là depuis quatre siècles, ont dû "rentrer" en France où ils ont été très mal accueillis. En 1962, il n'y a pas assez de logements et il faudra du travail et des écoles pour tous ces gens qui débarquent, traumatisés et pleins de colère, voire de haine. L'intégration fut longue, mais elle se fit quand même, naturellement. Il y a toujours, dans l'histoire, des communautés qui souffrent plus que d'autres, au hasard des vagues et des mouvements. De Gaulle savait qu'il s'aliénait tous ces gens-là. Il a dit en substance : les pieds-noirs m'en voudront toute leur vie, mais il n'y a pas moyen de faire autrement. Il avait raison.

Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 14 novembre 2007

Gluglups, je ne veux ni ne peux répondre à la place de Jacques, mais je ne vois pas à quoi et à quelle partie de la chanson de Ferré vous faites allusion pour le trouver vache vis à vis de la population pieds noirs. Ou bien à quels autres textes ou déclarations pensez-vous?
Je note encore un vers qui me laisse perplexe dans la version 62 des Temps difficiles à l'ABC, reprise dans le disque Flash-Alhambre en 63 où il dit:
"Fini le temps des barbaries
Le Français aime rester chez lui
Monte-Carlo est en faillite
On n'a qu'l'Algérie qu'on mérite"
Il semble revenir sur la question algérienne mais pour dire quoi? Je peux comprendre les 3 premiers vers: la guerre est terminée, l'Algérie n'est plus française, repli sur l'hexagone, sans doute, et si Monte-Carlo est en faillite, rien n'va plus ! Soit. Mais le 4e vers m'est obscur, même s'il doit faire référence de manière critique à la situation que nous évoquons dans cette discussion et aux "événements" récents qui sont maintenant du passé que peut-être on voudrait oublier. La formulation est ramassée (c'est le propre de l'écriture de chansons), dense, trop? Il ya un rapport, c'est certain, mais quelqu'un a-t-il une explication ou à défaut une interprétation? Que pouvait-on comprendre en 62-63 à ce trait?
Peut-être une autre note pourra-t-elle se pencher sur le pourquoi de tant de commentaires sur ce sujet? Et nous engagerons une discussion sur cette note! Blague à part, c'est vrai qu'il doit bien y avoir une raison.

Écrit par : Jean-Claude Vallejo | mercredi, 14 novembre 2007

C'est une adaptation de l'expression "n'avoir que ce qu'on mérite". Par exemple, "on a les amis qu'on mérite", variante : "on N'a QUE les amis qu'on mérite".

Ici, donc, "on n'a que l'Algérie qu'on mérite". C'est-à-dire la part d'ailleurs, de rêve supposé par le voyage : le Français aime rester chez lui, il ne voyage pas, il ne va plus à Monte-carlo (pris comme symbole du luxe, de l'opulence, du soleil, de la douceur de vivre). Bref, tout ça, c'est terminé, le temps des barbaries aussi (sous-entendu : on regrette les barbaries, prises comme une non-routine), il n'y a plus rien (déjà !).

C'est comme ça que je le comprends. Ce n'est qu'une interprétation dont je ne suis pas certain.

Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 14 novembre 2007

Je vous suis assez sur cette interprétation, Jacques, même si tout n'est pas bien clair, faut-il aller encore un peu plus loin, si l'Algérie en 62 représente une défaite pour la France, est-ce à dire que cette défaite on ne l'a pas volée? Je m'avance peut-être beaucoup. C'est une hypothèse que je formule timidement, sans certitude également, que l'on m'épargne une volée de bois vert!

Écrit par : Jean-Claude Vallejo | mercredi, 14 novembre 2007

"est-ce à dire que cette défaite on ne l'a pas volée?" : oui, c'est ça. Je le sens aussi comme ça. Ce qui n'est pas dit, c'est pourquoi on ne l'a pas volé. Le raccourci de la chanson ne permet pas toujours tout, surtout dans les chansons satiriques, liées à l'actualité.

Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 14 novembre 2007

jean -Claude:les vers de la deuxième version que vous citez prennent un autre résonance quand on cite le précédents:
"les français ça n'est pas raciste
ça aime les juifs les anarchistes
Les pieds d'cochon les pieds-paquets
Les pieds au cul les pieds qu'tu sais
les temps sont difficiles"
référence aux pieds-noirs? probable, ce que confirmerait le couplet suivant....J'ai toujours trouvé ce passage d'un humour douteux....


Il faut aller lire ou relire dans "situations V", l'article de Sartre "Le colonialisme est un système" pour bien comprendre la situation des colons en Algérie,système complexe , où les "riches colons" ont prospéré en spoliant les algériens de leurs bonnes terres, les obligeant à ne plus planter de blé, et à le remplacer par la vigne, et le vin, les algériens n'en avaient que faire, et les petits colons, ouvriers ou petits fonctionnaires furent d'abord ausi des victimes du système colonial.Je trouve le couplet de Ferré plutôt douteux s'il renvoie aux pieds-noirs.....Ce qui n'est pas certain..

Écrit par : francis delval | mercredi, 14 novembre 2007

Je pense qu'il renvoie effectivement aux pieds-noirs, mais dans le contexte que je décrivais plus haut : des gens pas aimés parce que pas connus ; on les prenait tous pour de riches colons, comme je le disais, comme vous venez de le confirmer. Léo Ferré n'échappait pas à la règle, du moins dans l'instant et dans cette chanson. Hormis cela, il n'a évidemment jamais détesté personne par principe, parce qu'il s'agissait d'un pied-noir, ou d'un Turc ou d'un Japonais ou de qui on voudra.

Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 14 novembre 2007

"les pieds qu'tu sais": oui, c'est bien à ce passage que je pensais, dont le caractère allusif me paraît à la fois révélateur d'un côté presque tabou sinon ironique, enfin, je ne sais pas expliquer. Comment le comprenez vous exactly?

Merci à Jacques pour ses développements intéressants, qui paraissent très justes.

Martine, même sentiment: impression que les artistes ou intellectuels n'apportent plus, sinon de l'espoir, un élan libérateur, protecteur presque. J'entendais l'autre jour Fellini à la radio. Y en aura plus des comme ça, comme on dit.

Écrit par : gluglups | mercredi, 14 novembre 2007

( Maître double g (alias Gluglups) , je chausse mes nulettes, mais, qui joue en première ligne ?(les 121?)
Petit aparté, les "ducorées", c'est pas vrément juste, mais bon, j'ai pas tout lu Freud comme toi, comme vous , scuse, alors un spécialiste parmi nous, on va finir par comprendre "moulou" ."Le mot d'esprit et ses rapports avec l'inconscient, c'est pas tout neuf".)

Écrit par : HUMPHREY | mercredi, 14 novembre 2007

Mille pardons d'appauvrir le débat, mais depuis que je connais cette chanson (Les temps difficiles II) je n'ai jamais pensé un seul instant que la périphrase "Les pieds qu'tu sais" faisait référence aux Pieds-noirs. J'ai - sans doute à tort - imaginé quelque chose de plus graveleux et très proche du pied dont on parle dans l'expression "prendre son pied"... Hélas...

Écrit par : Jacques Miquel | mercredi, 14 novembre 2007

Je vous rejoins les uns et les autres, et en effet le sens de cette expression "les pieds qu'tu sais" pose réellemrnt problème. Je ne l'avais jamais comprise auparavant, et je me demandais toujours de quoi il pouvait bien être question, si l'on n'avait pas présent à l'esprit le contexte de l'époque. Le problème c'est qu'en effet, Francis, c'est douteux, une pointe de mépris peut être perceptible. Ce que vous avancez, Jacques, me paraît plausible et votre indulgence vous honore; et je comprends mieux,Gluglups, votre remarque de tout à l'heure.
Ferré se fait sans doute l'écho d'une certaine incompréhension mêlée de crainte ou d'une certaine prévention, présentes en France métropolitaine précisément à cette époque 62-63: d'un côté compassion pour ceux qui avaient tout ou beaucoup perdu et qu'on "rapatriait", d'un autre côté peur que les mêmes viennent prendre chez eux des places dans l'économie ou l'administration, à une époque où après la reconstruction l'on commence juste à trouver un peu d'aisance au début encore des 30 glorieuses. Crainte qui a dû se faire jour un temps dans les milieux modestes notamment.
Oui, c'est le problème de la chanson satirique qui réagit à chaud en reprenant dans l'air du temps des sentiments populaires, j'irais jusqu'à dire populistes, pour faire rire à bon compte, et qui manque parfois de discernement. Le simplisme et le réducteur appliqués à du complexe.
Cela me laisse un drôle de sentiment mélangé et qui montre que Ferré n'était pas à l'abri de quelques dérapages lorsqu'il écrivait dans cette veine. C'est au moins ambigü. Je suis peut-être dans la sociologie historique de comptoir.
Il est difficile d'affirmer, mais la question, autour de ces vers, demeure. je dis bien autour de ces vers et pas de ces verres qui conviendraient pourtant mieux à un sociologue de comptoir justement (autodérision).

Écrit par : Jean-Claude Vallejo | mercredi, 14 novembre 2007

A la lecture du commentaire de Jacques Miquel, j'avoue aussi que j'avais un peu compris cette expression comme lui.

Écrit par : Jean-Claude Vallejo | mercredi, 14 novembre 2007

Je ne crois pas que "prendre son pied" se disait alors. Il ne me semble pas. Non, non, c'est bien ce qui a été dit : les pieds-noirs.

Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 14 novembre 2007

Sans trop vouloir polémiquer, je me souviens avoir acheté le 25 cm "FlashAlhambra ABC" en 1966 (3 ou 4 ans après sa sortie) et il est certain que j'ai tout de suite interprété l'expression comme une trivialité par rapport à l'interjection "quel pied" ou "prendre son pied" je pense largement répandue dès cette époque. Je crois qu'on entend le public rire à cette dernière expression (les pieds qu'tu sais)et je ne vois pas ce qu'il y aurait eu de risible s'il s'agissait des Pieds-noirs.

Écrit par : Jacques Miquel | mercredi, 14 novembre 2007

Jacques Michel: le passage est incompréhensible autrement. Pour moi, il n'y a aucun doute là-dessus. Ce n'est pas pour bêtement polémiquer: il est bon d'échanger ici, sans crainte, nos interprétations de certains passages. J'ai bcp appris ici ou dans l'article de Francis sur des expressions auxquelles je n'avais jms prêté attention. Parfois, je suis moyennement convaincu, mais bon, je prends cela en compte désormais.

Déjà ce sont LES pieds, pas le pied et comment expliquer" que tu sais"????

Il y a une sorte de tabou aussi là-dessus, un silence, ce qui provoque d'autant plus le rire on va dire un peu interdit. La guerre d'Algérie, c'est aussi cette histoire-là. Pê que Jacques ou Francis, qui connaissent mieux le sujet que moi, sauront expliquer ce rire - qui peut aussi s'interpréter comme un rire mécanique après la déclinaison des "pieds" dans un registre trivial - plus finement que moi: je le perçois un peu comme ça. Maintenant, qu'est-ce que Ferré a dans la tête?

En plus, dans une chanson qui évoque quand même le sujet de l'Algérie, il y a une cohérence qui interdit le doute.

Les pieds noirs étaient mal vus par un certain milieu - à gauche en particulier - parce que colonisateurs, riches, vulgaires (à cause de l'accent j'imagine), soupçonnés de bénéficier d'attributions de logements etc etc., bref par pure idéologie ce qu'explique Jacques Layani plus haut ou par une forme de préjugé débile. Je ne peux que témoigner de ce que, petit, j'ai entendu sur les pieds noirs de nombreuses années plus tard, car mes parents connaissaient plus ou moins une famille de rapatriés. Il y avait une gêne persistante. Y compris chez des esprits éclairés, pas sectaires. En fait, les pieds noirs emmerdaient tout le monde, à gauche comme à droite, dans le sens où c'était un sujet embarrassant. A gauche, ils n'étaient absolument pas perçus comme des victimes - comme quoi, l'idéologie rend aveugle.

Aujourd'hui, cela paraît insensé et incompréhensible.


PS: je suis tout à fait d'accord pour dire que la chanson fait des allusions très soutenues à l'Algérie, dans un contexte chaud, mais, à mon avis ce n'est pas le sujet.

Écrit par : gluglups | jeudi, 15 novembre 2007

Oui, Léo Ferré n'a pas dit "j'écris une chanson sur l'Algérie". Il fait une revue de presse sur le mode satirique et dans cette revue de presse, parmi d'autres sujets d'actualité, il y a aussi forcément l'Algérie à ce moment là. Plus rien évidemment dans la dernière version en 66. On ne s'y intéresse plus dans l'opinion. L'explication sur "les pieds qu'tu sais" est tout à fait convaincante et cohérente. Vous avez éclairé ceux qui d'abord autrefois ne l'avaient pas comprise. Même si les rires de l'enregistrement public en effet sont un peu difficiles à comprendre, rires gênés? malaise? liés à une pitrerie en scène, invisible pour l'auditeur? Tout comme est difficile à percevoir l'opinion personnelle de Ferré à travers cette saillie. Les Temps difficiles: une "chanson de saillies" comme aurait dit Bobby Lapointe.
Une chose est sûre: aujourd'hui, l'écoute de ces chansons d'actualité a fortement besoin d'être recontextualisée.

Écrit par : Jean-Claude V | jeudi, 15 novembre 2007

Je conviens que l'argumentaire de Gluglups renforçant celui du Taulier est assez convaincant d'autant que le pluriel (les pieds qu'tu sais) semble effectivement orienter ce passage vers le contexte pieds-noir. Je signale toutefois au passage que l'expression "prendre son pied" remonte à l'Antiquité, et qu'en France au 20ème siècle sa connotation érotique est assez courante dès les années vingt d'abord au sens de plaisir féminin puis plus généralement pour signifier une jouissance intense dans n'importe quel domaine. L'expression est devenue vraiment à la mode dans les années 60 (cf. Claude Duneton in La puce à l'oreille, Balland, 1990).

Écrit par : Jacques Miquel | jeudi, 15 novembre 2007

Ces vers valaient-ils tant de gloses?Il était évident, en 63, quand le disque est sorti, qu'il s'agissait (et le contexte:raciste, juif, algérie... ne laisse aucun doute) d'une allusion aux pieds-noirs.
Il s'est d'ailleurs développé par la suite, surtout au cinéma, une tradition du comique pied-noir,du moins bon (R.Hanin) au pire, (les navets de Philippe Clair).Ils souvent , au cinéma, sépharades...Comme si tous les rapatriés étaient "naturellement" juifs.

C'est curieux, cette avalanche de commentaires, moi qui pensait que le note n'intéresserait pas grand'monde,mais, c'est comme "Chanter Baudelaire",on sort souvent du sujet,et c'est l'intérêt de ce blog...de pouvoir aller dans les marges.

Écrit par : francis delval | jeudi, 15 novembre 2007

Pour ce qui est de l'expression "prendre son pied", je la pensais plus récente. J'apprends donc tout ça. Merci, Jacques.

Écrit par : Jacques Layani | jeudi, 15 novembre 2007

Je ne suis pas certain que les plus jeunes des lecteurs de ce blog comprennent davantage les allusions d'une chanson comme "la complainte de la télé", aussi fortement contextualisée,avec l'évocation de nombreuses émissions célèbres de ce temps là où il n'y avait qu'une chaîne.Moi-même, je ne souviens plus bien du contenu exact de certaines émissions évoquées..A vingt ans, on ne passait pas trop de temps devant la télé.Elle évoque aussi les affaires coloniales, avec "l'affaire Ben Barka".....Cette chanson aurait besoin d'une explication de texte, avec recherche dans les archives des hebdo de télé de l'époque.
On a parlé de chanson "situationniste", car elle dénonçait "la société du spectacle", ce qui n'a pas grand'sens.C'est un contresens sur l'expression.Et les situs ont fortement critiqué ferré dans les années 50...Est-ce l'influence d'isou sur debord?
Attendons que jacques revienne de sa mise au vert (au verre ?)........

Écrit par : francis delval | vendredi, 16 novembre 2007

En direct du Lot : La Complainte de la télé n'est effectivement presque jamais citée, par rapport aux Temps difficiles. Pas davantage, C'est la vie qui comprend aussi des allusions à l'actualité.

Je squatte un ordinteur d'ami, je ne peux m'attarder.

Écrit par : Jacques Layani | samedi, 17 novembre 2007

C'est un peu la même chose pour la chanson T'as payé ("chanson vulgaire"). Si les chansons contenant des allusions au chef de l'état-général (Sans façon...), restent pour nous compréhensibles de façon immédiate, pour les plus jeunes, nés disons après 68, c'est peut-être moins clair. De même pour celles qui sont contenues dans les 2 versions successives publiées en 69 de La Révolution. Peut-être aussi certaines allusions contenues dans Le Conditionnel de variété (1972) nécessitent-elles désormais quelques éclaircissements.
Ces chansons d'intervention directe sur l'actualité se trouvent donc comprises entre 1961 et 1972. Avant, pas besoin de notes explicatives. Monsieur Tout-blanc ne pose pas de problème, le rôle historique de Pie XII étant bien connu. Dans les chansons antérieures à 1961, les allusions un peu précises à des faits, des personnes ou des événements, quand il y en a, relèvent de la culture générale, y compris historique). Dans les autres chansons et dans celles d'après 1972, il en va de même, ou bien est-ce parce que nous avons une plus grande proximité chronologique avec elles. Les chansons dans lesquelles on ne trouve pas d'allusions très datées politiquement ou relevant du fait divers ou de société, ou se référant à des personnalités de l'époque, à ce qu'on appelle aujourd'hui des people, ont donc plus de chance d'être intemporelles! C'est une belle lapalissade.
Toutefois, si l'on considère les dates de 1961 et de 1972, et sans vouloir définir des périodes qui ne sauraient rendre compte du travail créateur de Léo Ferré, on peut peut-être constater que suite à la question de l'engagement qui lui était posée par la signature ou non du Manifeste des 121 (puisque c'est de là qu'est parti toute la discussion) il répond de cette manière, en chanson, de temps à autres, à la sollicitation politique et intellectuelle dont il est l'objet. Il envoie ainsi par flashes quelques prises de position. Il faudrait regarder ce qu'il en est dans les textes en prose qu'il écrit alors. Et là, il faut distinguer entre ceux qu'il publie immédiatement et les autres, ou les écrits plus intimes. Il semble qu'après 1972, Ferré prenne de la distance, du moins en chanson, car il y aura tout de même vers 1980 la lettre ouverte à Peyrefitte, et sans doute d'autres écrits, et des interviews où il exprime des points de vue politiques. Et puis, sur scène, jusqu'à la fin, des annonces ou des commentaires en prise avec l'actualité du moment. Cela faisait un peu partie de ce qu'on attendait de lui, de son personnage. Ce qui n'enlève rien à sa sincérité d'ailleurs. Mais les notations de circonstances me semblent absentes des textes après 1972. Et encore, au bout du compte, sur la péride 61-72, ça ne fait pas un si grand nombre de textes que ça eu égard à sa discographie.
On peut admettre aussi, je pense que ces textes d'humeur trop dévolus à l'intervention immédiate ne sont peut-être pas les meilleurs, les plus impérissables... puisqu'ils sont par essence périssables. Décidément, même mort, comme on le voit ici encore La Palisse sévit toujours. Qu'on veuille bien m'en excuser.

Écrit par : Jean-Claude V | samedi, 17 novembre 2007

Il ya aussi Ils ont voté que Ferré a continué de chanter sur scène en l'adaptant au fil du temps et des changements de présidents. Même chose avec la fin de Salut, beatnik. Chansons en continuelle réactualisation. Alors que je ne crois pas qu'il ait rechanté des chansons comme T'as payé ou Les Temps difficiles au-delà du moment de leur création. Pour les Temps difficiles, il annonce la version 1966 comme "dernière édition", ce qui renvoie bien à une conception et à une fonction journalistiques de ces couplets. En même temps qu'il décide clairement qu'il ne reviendra pas à cette forme. La Révolution et le Conditionnel sont d'une nature pamphlétaire différente. Je n'ai pour ma part jamais entendu en récital La Complainte de la télé dans les décennies 70-80 et début 90. Ce que je disais pour les textes d'après 1972, vaut donc surtout pour les enregistrements studio. Si allusion à l'actualité il y a parfois, elle reste discrète et très "poétisée", comme la référence à la guerre des étoiles de Reagan dans l'Opéra du Pauvre (1983), "En ces temps des Pershings dans la province de Moscou" ou le Tango Nicaragua, réactualisation du "Tango idiot" du Feuilleton lyrique La Nuit (1956) sur lequel s'appuie largement l'Opéra du Pauvre. La version 1956 ne contenant aucune allusion à la situation géopolitique du moment. Ferré revient en 1986, dans Personne, sur la politique reaganienne, discrètement et allégoriquement: "Une fusée Pershing dans un nid de colombe". A la différence des quelques textes évoqués précédemment, échelonnés de 61 à 72, les allusions ne sont pas directes et figurent dans des textes dont ce n'est pas particulièrement le propos (ce qui ne veut pas dire que ces allusions soient hors de propos). Ces quelques textes de Léo Ferré conservent donc un intérêt documentaire et ne permettraient certainement pas si on se limitait à eux de faire vivre son oeuvre. La dimension pamphlétaire est présente chez Ferré, mais la satire et la critique sociale ou politique résonnent sûrement plus efficacement et plus subtilement à travers la dimension poétique de son écriture. Une chanson comme l'Oppression vaut pour toutes les formes d'oppression et pour tous les temps. En espérant ne pas être trop confus dans cette tentative d'approche de cet aspect de l'oeuvre, probablement discutable.

Écrit par : Jean-Claude V | dimanche, 18 novembre 2007

Il me vient à présent l'idée d'une piste de recherche sur les médias (presse papier, radio, TV) à travers les chansons de Ferré. Et notamment celles qui ont été citées plus haut. La présence des journaux est assez précoce dans les textes de Ferré, au moins depuis Paris-Canaille, il vaudrait la peine d'en faire l'inventaire, mais l'intention critique se fait jour avec Vitrines et surtout fin des années 50 avec La Vie Moderne: "Les journaux c'est comme les pansements....", expression qu'on retrouve dans T'es rock, Coco!
Il y a la presse pourrie que les anglo-saxons nomment Tabloïds "Tâter du Vadim à la une" et autres allusions à Margaret ou Soraya, la presse aux ordres (la TV notamment), et puis "les journalistes honnêtes" (dont fait partie le poète Max Pol Fouchet)* dans La Révolution et enfin dans La Cause du Peuple et la liberté de la Presse en question en 1972 dans le Conditionnel. Journalistes qui s'opposent à cet "écrivain (qui ) bouffe au Figaro" dans les Temps difficiles. Encore en 1975-76, La Mort des loups: "Les images s'effacent tôt dans le journal que l'on t'apporte / et les nouvelles te font mal jusqu'à la page des spectacles". Mais là ce n'est pas la presse qui est critiquée elle est seulement ici le média.
Les évocations de la Radio tournent plus souvent autour des émissions de variété, SLC, Hit parade, "dégouliner du Moreno".... La télévision, c'est aussi tout un chapitre. Puisque c'est un "honneur à ne paraître / jamais à la télévision" devenue par la suite "télévi-con". Ferré désigne surtout une télévision instrument du pouvoir, et du pouvoir gaulliste, outre son côté abêtissant, anesthésiant. Ce qu'il dénonce à de nombreuses reprises, au détour de nombreuses chansons de ces années-là. T'as payé, Les différentes versions des Temps, la Complainte, C'est la vie ("boîtes de con-centrés"), les allusions au représentatif Zitrone dans diverses chansons des années 60. La télévision est encore nettement dénoncée dans La Révolution, enfin la télé du pouvoir gaulliste:
La télévision ça se vise
La télévision ça divise
La télévision ça litige
Et quand ça litig' ça s' corrige
Ca s' met dans un communiqué (bis)
Trafiqué d'préférence.
Ce début de défrichage appellerait évidemment un travail plus approfondi et organisé. Cela aurait un intérêt. A moins que ça n'ait déjà été fait. Mais si c'est le cas, quelqu'un me le fera sûrement remarquer. A bientôt.

* Qui aurait une idée sur la raison pour laquelle la référence à Max Pol Fouchet, présente dans le 1er enregistrement 45 tours à Bobino, disparaît dans la version qu'on retrouve enregistrée quelques jours plus tard sur le 33 tours toujours à Bobino, en janvier-février 69, au profit justement de l'expression plus englobante de "journalistes honnêtes"? La réponse est probablement très simple, sauf s'il s'est passé quelque chose entre temps.

Écrit par : Jean-Claude V | dimanche, 18 novembre 2007

je pense que c'est parce que M.P.Fouchet n'a pas été le seul journaliste "honnête" viré de la télé gaulliste, et qu'il ne pouvait les citer tous ( Roger Louis par exemple, et d'autres dont les noms ne me reviennent pas pour le moment).....ça doit être aussi simple que ça.
Ferré a aussi été quasiment le seul à oser dire ce qu'il pensait de ses "confrères", ce qui ne se faisait pas dans le showbizz (Halliday, Dalida, Moreno,Aznavour...Bob Azzam ,qui lança la chanson idiote "brigitte bardot", si ma mémoire est bonne..).le dire sur scène, l'enregistrer....Mais aussi dans la presse..Il trouvait les textes de Ferrat très chiants , même s'il appréciait sa voix...etc....
je ne pense pas que ce travail ait été fait de façon approfondi et systématique.Seul Jacques pourrait vous répondre.....

Écrit par : francis delval | dimanche, 18 novembre 2007

"En ces temps de Pershing dans la province de Moscou" n'est pas une allusion politique;Ferré habitait dans les années 50 Boulevard Pershing, dans le quartier de "Moscou", vers la porte Maillot....C'est une référence à ces années-là.
Le contresens n'est pas évident à éviter...si on isole une phrase...D'où l'intérêt de votre idée de recherche...

Écrit par : francis delval | dimanche, 18 novembre 2007

Sur M P Fouchet, c'est aussi ce que je pensais. C'était au cas où quelqu'un aurait su qq chose,mais il n'y a sans doute pas matière.
Sur la question Pershing, en effet je me suis laissé piéger, il faut relire le texte dans son entier et rien ne légitimait mon interprétation. La référence est autobiographique. Merci d'avoir rectifié.
Seul le vers de "Personne" en 86 a ce sens politique, clairement, avec "une fusée Pershing". C'est Moscou qui m'a induit en erreur.
Si ce travail systématique n'a pas été fait, en effet, je crois qu'il mériterait de l'être et constituerait une grille parmi d'autres pour appréhender l'oeuvre multiple, multiforme, de Ferré. Elle est tellement multiforme qu'elle nous fait beaucoup parler et entraîne nos discussion et nos réflexion vers des prolongements nombreux, nous fait ouvrir des perspectives. Une oeuvre qui reste stimulante pour l'esprit.
Attendons que Jacques revienne en effet et prenne connaissance de nos derniers échanges. Peut-être aura-t-il des infos sur des articles ou des mémoires ayant traité des rapports de Ferré avec les médias. Ferré et ses rapports aux médias en tant qu'artiste, en tant qu'homme et homme de spectacle, peut-être que certains en ont déjà traité, mais à travers ses chansons, je n'ai pas l'impression que cela l'ait été, ou alors très parcellairement, pas de nature à donner une vue d'ensemble pertinente. Et si quelque chose a déjà été fait, rien n'empêche d'aborder cette question d'une autre manière. Nous verrons.

Écrit par : Jean-Claude Vallejo | dimanche, 18 novembre 2007

je voudrais rectifier à propos de Pershing: vous pourriez avoir raison: Ferré habitait effectivement Bd Pershing, dans la quartier de la porte Maillot.Je crois me souvenir que ce quartier s'appelait autrefois, ou avait été baptisé populairement "Moscou"....pour des raisons que je ne connais pas....

Dans la première version d"alors vint le printemps", qu'on trouve dans la brochure "Mon programme" parue début 69,on a
"En ces temps de Pershing dans la province de Maillot, en ces temps de la réalité objective....etc"
Mais dans la réécriture du texte pour le final de "l'opéra du pauvre", on trouve "En ces temps des Pershings dans la province de Moscou"

Le passage du singulier au pluriel pourrait effectivement désigner les fusées, sinon , il n'est pas compréhensible, et "moscou" remplace "maillot"...Votre lecture est donc plausible, bien qu'il n'y ait rien dans le contexte qui fasse penser à la guerre froide.....
avec Ferré et ses nombreuses réécritures, il faut toujours tout vérifier.

Écrit par : francis delval | dimanche, 18 novembre 2007

Nous pourrions avoir raison tous les deux. Il aurait ainsi opéré un rapprochement et un glissement de l'évocation de son ancienne adresse et d'une écriture antérieure vers une signification plus mondiale et géopolitique, un clin d'oeil à une actualité des années 80, par le passage au pluriel et le jeu sur une dénomination populaire du quartier. Cette situation de l'ancien Bvd Pershing dans un secteur autrefois dénommé "Moscou", imaginons, par une sorte d'ironie, trouvait alors une résonance nouvelle qui ne pouvait pas manquer d'éveiller chez Ferré une attention toute particulière, suggérant une lecture double, que lui du moins entendait comme double en jouant sur les mots, les sens et ce pluriel qui fait passer de l'un à l'autre. Cela ne paraît pas impossible chez lui et pourrait illustrer certain mode de cheminement de sa pensée et de son écriture, qui progressent souvent par associations, ce qui donne souvent une impression assez débridée et de grande liberté. Vous avez vous-même déjà travaillé sur les procédés d'écriture de Ferré, Ne pensez-vous pas qu'il y a là encore une autre de ses caractéristiques. Pas toujours facile à repérer, mais c'est l'occasion d'une glose qui me paraît loin d'être anodine ou anecdotique.

Écrit par : Jean-Claude Vallejo | dimanche, 18 novembre 2007

Recherche sur Wikipédia: Le programme IDS, Initiative de Défense Stratégique, dit Guerre des étoiles a été initié et lancé par Reagan le 23 mars 1983, date à laquelle il est connu du monde entier par un discours du président US. L'Opéra du Pauvre est enregistré du 10 au 20 avril1983. C'est une info qui fait grand bruit et Ferré réagit à chaud. On peut très bien envisager qu'il remanie son texte au moment de l'enregistrer en studio à Milan. Les dates concordent trop bien pour qu'on puisse écarter cette hypothèse.

Écrit par : Jean-Claude Vallejo | dimanche, 18 novembre 2007

Belleret fait la même lecture que vous,disant que Ferré a fait preuve "d'un sens de l'à propos géopolique sidérant" en transformant Maillot en Moscou, et en mettant Pershings au pluriel,et réussissant par là " un camouflage existentiel"de dernière minute....
C'est sans doute plus compliqué.Je me souviens bien avoir entendu ce quartier des Ternes être appelé "Moscou", notamment par un oncle qui y habitait dans les années 50....Expression probablement tombée en désuétude,et je ne vois qu'une explication possible:De Pershing, en descendant l'avenue des Ternes, on tombe sur la cathédrale orthodoxe Alexandre-Newski, construite vers 1860, et qui fut un point de ralliement des diverses vagues d'immigration russe....ce n'est pas forcément la bonne explication.Une hypothèse plausible, sans plus.
Nous sommes là face à un noeud de signifiants complexe, comme presque toujours dans l'écriture de Ferré.

Écrit par : francis delval | lundi, 19 novembre 2007

En direct du Lot.

Je confirme que le vers initial est "En ces temps de Pershing dans la province de Maillot", devenu "En ces temps de pershings dans la province de Moscou". La première fois que j'ai entendu cette seconde version, je me suis marré parce que la première, je ne sais pourquoi, m'était restée gravée dans la tête depuis des années. Alors, j'ai immédiatement vu la réécriture.

Max-Pol Fouchet avait accueilli Ferré (Paris et Madame la Misère) dans son anthologie de poésie parue chez Seghers en 1958. Ils s'aimaient bien. Je suppose que c'est pour ça que Léo Ferré a salué Max-Pol Fouchet dans la première version de La Révolution. Très vite, cependant, la purge à l'ORTF a pris de l'ampleur et il a cru devoir étendre son salut à l'ensemble des journalistes licenciés. C'était effectivement la moindre des choses, compte tenu de la tournure que prenaient les événements.

Jean-Claude, le travail que vous proposez, et dont je ne pense pas qu'il ait été réalisé, faites-en une note et envoyez-la moi, si vous voulez. D'accord ?

A part ça, je sue sang et eau sur un nouveau texte à paraître à mon retour, quelque chose de long avec des éléments nouveaux.

Écrit par : Jacques Layani | lundi, 19 novembre 2007

Bien sûr, Jacques, que j'en suis d'accord, mais laissez moi un peu de temps, pour la mise en forme, j'ai des moments où les idées viennent de façon fulgurante, mais ensuite l'aboutissement est assez lent et laborieux. Cela va se faire, la question me travaille et me passionne.
Bon courage pour votre prochaine note. Vous n'imaginez pas à quel point je compatis! Bon séjour dans le Lot et à bientôt.

Écrit par : Jean-Claude Vallejo | lundi, 19 novembre 2007

(sans rapport avec la note....)
Jean-Claude, vous évoquiez des modifications apportées en récital à "Salut, beatnik"...Je ne connais que la version disque.Vous souvenez-vous d'autres fins pour cette chanson?

Pour votre note, n'hésitez à me contacter si vous avez des questions, ceci dans la mesure où je suis , semble-t-il, le moins jeune sur ce blog, donc avec une mémoire plus ancienne, si elle ne défaille pas trop.Jacques pourra vous donner mon adresse e-mail si vous le souhaitez.

"une fusée de Pershing dans un nid de colombe" ("Personne") me fait repenser aux anomalies liées à cette chanson , dont je crois avoir déjà parlé:

Il y a dans le texte , sur le feuillet inséré à l'intérieur du 30 cm 2 grosses fautes d'impression:

"le rêve d'un bateau ancré dans une marre" (sic)
et:
"la terreur de Danton inscrite en points tillés" (re-sic)

Or, ces vers sont repris tels quels dans le recueil "la mauvaise graine", comme si on n'avait pas osé les corriger.

Et je viens de voir sur un site internet la même faute reprise, ça fait beaucoup.A moins que ce ne soit une blague de Ferré, ce qui est improbable...
Que penser?

On trouve des choses de ce genre dans "De sacs et de cordes", où "ardents repaires" est devenu "ardents repères" dans le texte du livret, et de plus la faute est reprise deux fois dans les notes explicatives...malgré la bonne référence à "ma rousse de neuf ans"....
Nous devons être attentif à ne pas gloser à l'infini sur des fautes de copie ou d'impression...

Si les lecteurs ont repéré d'autres bévues, qu'ils les signalent..

Bon courage, Jean-Claude, et , Jacques, ne nous revenez pas de vacances épuisé...!Le Lot doit avoir de belles couleurs en cette saison...

Écrit par : francis delval | mercredi, 21 novembre 2007

Pour Francis:
Je me souviens de quelques récitals (vers la fin des années 70 et années 80) où Ferré modifiait les noms de chefs d'états, à la fin de "Salut, Beatnik!" suivant les époques, Johnson a été remplacé par Nixon, je me souviens bien de Carter et encore plus d'un Reagan bien appuyé d'une moue de dégoût. Je me souviens d'un "les Fidel, les Brejnev" (au lieu de Mao). Je me demande si charlot (de Gaulle) n'était pas remplacé, mais par quoi ou qui? Il a dû y avoir les Pompon (ça je crois m'en souvenir et pourtant Pompidou était déjà mort depuis quelques années au moment de ce récital), les Giscard... C'était juste de l'adaptation: les présidents passent... sauf Fidel! Mais pour combien de temps encore?
Je vous remercie beaucoup de l'aide que vous me proposez, elle ne me sera pas inutile. J'ai commencé à reprendre les textes et à faire un relevé systématique, quelques idées de plan se précisent, mais il faut beaucoup vérifier, en effet. Et nous ne pouvons occuper le blog pour ce travail préparatoire. Effectivement, il me paraît souhaitable que Jacques nous sommunique à l'un et à l'autre nos adresses e-mail respectives. Par ailleurs, mon autre difficulté est qu'il faut être sur pas mal de sujets à la fois, d'où des lenteurs pour arriver à boucler. A bientôt.
Amicalement.

Écrit par : Jean-Claude Vallejo | mercredi, 21 novembre 2007

Dans le prolongement de nos diverses considérations sur la chanson Le déserteur voici ce que j’ai relevé dans la monographie consacrée à Mouloudji par Boubeker Ourabah & Jean-Paul Ollivier in Chansons d’aujourd’hui (n° 14 éd. Seghers, 1971) :

« [Mouloudji] a chanté pour la première fois Le Déserteur de Boris Vian – et c’était bien avant que l’auteur ne le chante – le jour de la prise de Dien-Bien-Phu. Il fallait le faire ! Cette chanson par excellence engagée, risquait de « semer le trouble au sein de l’armée ». On raconte même que des soldats l’entonnaient à Marseille en 1954, sur les bateaux en partance pour l’Algérie. Elle fut censurée bien qu’il ait modifié le texte initial. A l’agressivité de la version de Boris Vian, il a substitué une non-violence à laquelle il demeure toujours attaché (…). Alors que Boris Vian écrit dans la première version* : « Prévenez vos gendarmes / que j’emporte mes armes/ et que je sais tirer » chez Moulou, au contraire, la situation est inversée : il accepte qu’ils tirent sur lui, et les prévient qu’il n’aura pas d’armes, car "on savait très bien, que je n’aurais pas pris une arme pour tirer sur les gendarmes." Il n’en demeure pas moins que cette chanson lui a causé un énorme préjudice puisqu’elle a considérablement freiné sa carrière. »
* Cité par Les Lettres françaises du 14-4-1966.

Ce texte établit implicitement que Mouloudji est l’auteur des modifications apportées à la chanson de Boris Vian, ce qui est quand même assez étonnant. Par ailleurs, la bataille de Dien-Bien-Phu s’est déroulée du 13 mars au 7 mai 1954. Quant au disque de Mouloudji sur lequel fut gravé Le Déserteur (33 tours 25 cm Philips 76.042) il a été commercialisé fin 1954 ou début 1955.

Écrit par : Jacques Miquel | samedi, 29 décembre 2007

J'ai aussi ce livre. Je n'avais pas pensé à chercher cela. Tout ça est quand même confus. Attendons Schlesser, qui nous en dira peut-être davantage dans la vie de Mouloudji qu'il prépare.

Écrit par : Jacques Layani | samedi, 29 décembre 2007

Oui,si l'on en croit l'autobiographie de Mouloudji,les modifications ont été négociées avec Boris Vian.Je ne vois pas ce qu'il y a d'étonnant..Il était le seul à accepter de la chanter, et Mouloudji , poète de talent et bon romancier,était quand même capable de modifier deux vers et de négocier avec Vian,qu'il connaissait assez bien, de par leurs liens avec le clan Sartre-Beauvoir.
Par contre, Mouloudji n'a jamais écrit que ça avait freiné sa carrière, pas à ma connaissance, du moins.La chanson ,il l'a chantée souvent pendant la guerre d'Algérie,il n'a jamais eu de pb , malgré, dit-il son physique kabyle.

Écrit par : francis delval | samedi, 29 décembre 2007

Mouloudji n'a appris,comme le public, la prise de Dien-bien-phu qu'après son récital,où il avait chanté la chanson pour le première fois.Vian a gardé , sauf pour le début,les modifications de Mouloudji,ce qui confirme son accord.
Rappelons que Vian habitait près de J.Prévert, ils partageaient la même terrasse...Et Mouloudji connaissait très bien Prévert,depuis les tournées du groupe Octobre vers 33-34,quand il était gamin.Il a vécu longtemps au milieu des écrivains:Prévert,M.Duhamel,Desnos,Sartre,H.Thomas,Audiberti
Marcel Aymé,bien d'autres encore.Je ne comprends pas l'étonnement de J.Miquel....

Écrit par : francis delval | dimanche, 30 décembre 2007

Vous savez Francis, je ne doute pas du talent de Mouloudji et de sa capacité à améliorer un texte quelqu'en soit l'auteur. Mais ce qui m'étonne quand même c'est que Vian ait accepté et adopté des modifications qui inversaient le sens de son texte.
Quant à ma précédente note il convient de rectifier une erreur : le 25 cm Philips 76.042 paru fin 1954 et sur lequel est gravé Le déserteur est un disque de Boris Vian, et non de Moulouji ; celui-ci a bien enregistré cette chanson en mai 1954 au moment de la bataille de Dien-Bien-Phu.
Bonne année à tous et longue vie à "études & propos" !

Écrit par : Jacques Miquel | dimanche, 30 décembre 2007

Boris Vian a tellement écrit en si peu de temps qu'il ne devait pas être à trois mots près.Il a bien dû se rendre compte que sa version n'était pas tenable:un déserteur, qui refuse de faire la guerre, mais qui est prêt à descendre des gendarmes,ça n'est pas très cohérent, et n'aurait pas passé à cette époque.
Je profite de l'occasion pour rappeler qu'Audiberti (c'est à la suite d'un défi lancé par Audiberti que Mouloudji s'est mis à la peinture vers 46-47) a laissé quelques chansons ou poèmes mis en musique.On connaît celles enregistrées par Nougaro,du film de Baratier, "La décharge", en 76,et quelques autres.
On connaît moins celles écrites pour "la poupée", premier film de Baratier, de 62.Film que je n'ai pas revu depuis!Mais le film et les chansons sont inoubliables:Dufilho,jouant le rôle d'un viel indien et chantant une chanson loufoque d'Audiberti
dans un rocking-chair, comment oublier cela?
On est loin de Ferré...Mais aller dans les marges de temps en temps,c'est bien aussi....Ferré n'est pas seul au monde...
J'aimais bien Nougaro, mais je l'ai lâché dans les années 80,ce qu'il faisait alors m'intéressait moins.

Écrit par : francis delval | dimanche, 30 décembre 2007

A la suite de Francis, encore quelques pas dans les marges avec Audiberti et Nougaro. Je n'ai pas vu le film tourné par Baratier "La décharge" rebaptisé "La ville bidon" et je ne connais de la B.O.F. que deux titres signés Nougaro pour les paroles et Michel Legrand pour la musique : "La décharge" et "Sa maison" enregistrés sur disque Philips en 1971. J'ignorais la présence de textes d'Audiberti dans ce film. En revanche la collaboration Audiberti / Nougaro apparaît sur disque Philips en septembre 1973 avec "Rue Saint-Denis". Les paroles ont cela d'original qu'aux strophes signées Audiberti succèdent celles dues à Nougaro avec je trouve une réelle complémentarité et une belle complicité posthume. La musique est de Nougaro et Vander. Tous les deux composent la musique du poème d'Audiberti "Perle brune" enregistré par Nougaro en novembre 1975 pour Barclay. Enfin c'est encore Nougaro et Vander qui mettent en musique "Nous n'avons pas de passeport" poème d'Audiberti extrait du toman "Septième". La chanson est interprétée par Nougaro et fait partie de la B.O.F. "L'ordre et la sécurité du monde", un film de Claude Anna de 1978. Je ne connais pas d'autres oeuvres d'Audiberti mises en musique par Nougaro, qui a en réalité musiqué très peu de poètes. En dehors d'Audiberti je ne vois que "Chanson de Pirates" de Victor Hugo enregistrée en 1977 sur disque Barclay...
Jacques Audiberti et Claude Nougaro se sont connus en 1952 et leurs relations devinrent très étroites du début des années 60 à la disparition du premier cité en 1965. "La chanson du maçon" de Nougaro est un hommage à Audiberti qui rend bien compte de l'importance de l'influence exercée par le poète antibois sur le toulousain.
Celui-ci appréciait par ailleurs beaucoup Léo Ferré sur lequel il a écrit en 1974 un poème-portrait en guise d'introduction à son interprétation de "La chanson du scaphandrier". De plus Nougaro se déplaçait à l'occasion pour assister à des récitals de Ferré sur scène, comme celui de l'Olympia en novembre 1972 où le hasard nous avait placés côte à côte...

Écrit par : Jacques Miquel | dimanche, 30 décembre 2007

Et je dois rappeler, une fois encore, le texte de la rencontre entre Ferré et Nougaro dans le livre de Michel Lancelot, Campus, Albin Michel, 1971.

Écrit par : Jacques Layani | dimanche, 30 décembre 2007

Effectivement cette rencontre fut assez houleuse mais par la suite Léo Ferré n'a jamais manqué de dire du bien de Nougaro. Plusieurs fois je l'ai entendu dire à son endroit que c'était "un type pas mal". Ce qui semblait être un compliment dans la bouche de Ferré. Je crois qu'il avait particulièrement apprécié que Nougaro lui envoie un exemplaire de son interprétation du "scaphandrier" en 1974...

Écrit par : Jacques Miquel | dimanche, 30 décembre 2007

Oui, oui, il s'agissait d'un accrochage à un moment précis, sans conséquences, bien sûr. La rencontre est toutefois intéressante dans son ensemble et c'est pour cela que je la rappelle chaque fois, comme j'ai rappelé dans une note celle avec Gainsbourg.

Écrit par : Jacques Layani | dimanche, 30 décembre 2007

Jacques a raison, il n'y a pas de texte d'audiberti dans la ville-bidon...J'avais un doute,je ne savais plus si "la décharge"était ou non de Nougaro...ou d'Audiberti! (et mes LP de Nougaro sont rangés dans des placards,j'ai eu la flemme de vérifier.
Rue saint-denis, oui...c'est audiberti, et les chansons de "la poupée" par Dufilho.
Je l'ai déjà dit, mais j'ai été étonné en écoutant "soleil' de Bérimont et Ferré:ma première réaction a été "C'etait une chanson pour Nougaro!"
Le scénario et les dialogues de "la décharge" sont de Christiane Rochefort...et Baratier.

Écrit par : francis delval | dimanche, 30 décembre 2007

Ah oui ! Soleil aurait bien dansé avec ce Toulousain cher à mon coeur.

Comme Léo Ferré a dit n'aimer pas le jazz, certains font comme s'il ne pouvait en écrire. Pourtant quand il écrit des blues, ils sont formidables (cf. la chanson éponyme ou C'est extra).

Écrit par : Martine Layani | dimanche, 30 décembre 2007

"Le déserteur" (suite).
Relevé sous la plume de Raoul Bellaïche dans le livret du CD "Boris Vian" publié en 2001 (Mercury 548 825 - 2) :
"(...) Boris écrit Le déserteur, une chanson qu'il dépose à la Sacem le 15 février 1954, quelques mois avant la chute de Dien-Bien-Phu, signal de la défaite française en Indochine. Bien que Vian en ait modifié la fin ["Que j'emporte des armes / Et que je sais tirer" devient "Que je n'aurai pas d'armes / Et qu'ils pourront tirer"] et qu'il la considère comme "violemment pro-civile", cette chanson est très mal reçue au cours de son unique tournée de l'été 1955 [notamment à Dinard]. Conçue sous la Guerre d'Indochine elle poursuit sa "carrière" de chanson interdite tout au long de la Guerre d'Algérie (...) Second interprète "historique" du Déserteur Mouloudji remplace avec l'assentiment de l'auteur "Monsieur le Président" par "Messieurs qu'on nomme grands". Des journalistes lui reprochent d'avoir "édulcoré" la chanson ! Moulou s'emporte : "Mais ils n'avaient qu'à venir au moment où je l'ai créée : ils auraient vu que je m'appelais Mouloudji, que j'avais un nom arabe, et que j'ai créé cette chanson le jour de la prise de Dien-Bien-Phu !" (...)

Écrit par : Jacques Miquel | vendredi, 25 avril 2008

juste une info, qui a sa place ici:Du film de Vautier,"Avoir vingt
ans dans les Aurès", que j'ai pi enregistrer à la télé il y a une
dizaine d'années, il ne reste plus qu'une seule copie.
Et TF1 l'a achetée pour être sûr que le film ne soit plus jamais
diffusé....Merci à TF1 pour tous les jeunes qui ne l'ont jamais vu
et ne le verront jamais.

Écrit par : Francis Delval | jeudi, 11 septembre 2008

Je prends note de cette information. Mais avec les moyens techniques d'aujourd'hui, on doit pouvoir faire des DVD à partir d'enregistrements de télévision, même si la qualité n'est pas la meilleure, et les faire circuler.

Écrit par : Jacques Layani | jeudi, 11 septembre 2008

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