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samedi, 03 janvier 2009

Lettres d’amour

Je tente de me rappeler l’impression que me fit, en 1970, l’écoute de La Lettre. Ce beau texte amoureux n’était pas alors ressenti – du moins par moi, du haut de mes dix-huit ans et ne connaissant Ferré que depuis une année – comme quelque chose de particulièrement autobiographique, si bien que l’allusion à l’« enfant de la honte » demeurait obscure ou bien uniquement littéraire : on sait bien qu’un auteur peut écrire une chanson d’amour dans le vide, c’est-à-dire qu’elle sera non dédiée, non inspirée par quelqu’un en particulier.

 

En revanche, on était frappé par les images, le ton et naturellement la voix du chanteur. Quand l’existence de Mathieu fut rendue publique par son père, en 1974, on comprit que La Lettre était réelle. Marie apparut ensuite, dans une plaquette puis dans un disque, en photo, après avoir été en quelque sorte présentée dans la chanson L’Espoir.

 

Lorsque parut, en 1986, Lorsque tu me liras, il y eut moins (ou davantage, c’est selon) d’étonnement. Il était alors vraiment évident qu’on entendait là le texte d’une lettre authentique, adressée à Marie et dont le contenu même laissait comprendre qu’elle datait de nombreuses années auparavant. Il faut dire que, dans l’intervalle, bien des aspects de la biographie de l’auteur avaient été révélés et que son histoire était mieux connue, encore que, de son vivant, on ne soit pas allé jusqu’à la recherche biographique détaillée qui exista par la suite.

 

Qu’est-ce qui poussa l’artiste à graver, longtemps après, Lorsque tu me liras, alors que La Lettre l’avait été quelques mois à peine après sa rédaction ? On imagine qu’il existe un certain nombre d’autres lettres qui furent envoyées à Marie.

 

Léo Ferré n’aimait pas beaucoup qu’on cherche qui était le ou la dédicataire, qui était l’inspirateur ou l’inspiratrice d’une œuvre. Il estimait que ce qui comptait, c’était le résultat artistique. Ce point de vue est parfaitement compréhensible et, sans le faire totalement mien, comment ne pas lui reconnaître une pertinence ? Cependant, Christie est nommément citée dans Lorsque tu me liras : il est donc difficile de vouloir ignorer de qui il s’agit. C’est pour cela qu’on peut rêver au pourquoi de la mise en musique de ces deux lettres. Uniquement celles-là.

16:51 Publié dans Propos | Lien permanent | Commentaires (56)

Commentaires

Que ces deux lettres soient des lettres authentiques , envoyées
à leur destinataire, tantôt nommée, tantôt non,c'est de l'ordre
du probable;Mais avec Ferré, il y a toujours un doute;
La version complète de "la mémoire et la mer" est aussi
adressée à "Christie", bien que l'essentiel ait été écrit avant qu'il la connaisse...
Mais ne chipotons pas avec ces beaux textes,valorisés par la
voix de Ferré...Unique.

Écrit par : Francis Delval | samedi, 03 janvier 2009

Bien sûr, bien sûr... Au vrai, c'est purement un sentiment intuitif qui me fait penser qu'il s'agit de lettres authentiques et non de textes ayant la tournure d'une lettre, d'une adresse. Comme toujours, l'intuition pure ne permet guère le raisonnement.

Écrit par : Jacques Layani | samedi, 03 janvier 2009

Ferré mentionne Christie dans la version studio, pas sur scène (Déjazet 88).

Hypothèse : pour Ferré, les albums sont des bouteilles jetées à la mer, des soliloques figés dans leur bulle d'espace-temps. Ce sont des espaces intermédiaires, intransitifs, à mi chemin entre l'atelier du poète et la sphère publique proprement dite (plus précisément : ils ne concernent plus Ferré au-delà de leur enregistrement, c'est-à-dire en devenant des produits de consommation – sauf évidemment quand il les utilise sciemment comme interface de communication élargie pour affirmer une image de lui-même, cf. couplage et pochettes).

Mais souvenez-vous de la fin du film In the mood for love ; du temple d'Angkor, dans les anfractuosités duquel le personnage vient confier un chagrin d'amour pour s'en délester.
Je crois que les albums, au delà de leur premier degré patrimonial et de leur virtualité communicationnelle, sont exactement cela pour Ferré.
L'herbier des larmes, l'herbier des caresses.

La scène par contre est le lieu de la vie, de la communication directe, de l'éphémère. C'est là que ça se passe véritablement pour Ferré, son arène de vérité. On est dans la sphère publique, dans le transitif.
Les dangers de l'obscénité et du voyeurisme sont plus grands ; Ferré ne lâche rien sur le fond, mais il se protège légitimement d'éventuels dérapages.

Dès lors qu'on a présent à l'esprit cette double approche de l'artiste, il apparaît cohérent qu'il commue les dédicataires de ses oeuvres en public là où il les nomme en "privé", c'est-à-dire dans ses albums.

Qu'en pensez-vous ?

Écrit par : The Owl | samedi, 03 janvier 2009

Bon ben je dis des bêtises, j'aurais dû réécouter la version Déjazet 88... puisqu'il nomme quand même Christie à la fin.

Bouh ! Honni !

Écrit par : The Owl | samedi, 03 janvier 2009

Il a peut-être simplement sauté le nom, au début, involontairement.

Cela dit, je trouve votre raisonnement très intéressant, vraiment. Je vais y repenser : il faudrait voir s'il s'adapte à d'autres textes, d'autres moments. En tout cas, il me paraît se tenir, en soi.

Écrit par : Jacques Layani | samedi, 03 janvier 2009

"l'enfant de la honte" ?
Parlez-vous du passage "mon enfant de longtemps" ?
Je n'entends pas dans l'enregistrement autre chose, que ce qui est d'ailleurs retranscrit dans le Testament phonographe (La Lettre).
Merci Jacques si vous pouvez apporter un éclairage à ce sujet.

Écrit par : J. Miquel | samedi, 03 janvier 2009

La distinction entre la scène et le disque que nous propose the
owl est effectivement une hypothèse à retenir, quant à Ferré tout au moins.ce n'est pas forcément vrai d'autres chanteurs.
Il devrait essayer de l'approfondir

Écrit par : Francis Delval | samedi, 03 janvier 2009

Ah, problème. J'ai écrit n'importe quoi, sans doute. Moi aussi, j'entends "de longtemps" et je ne sais pas pourquoi j'ai écrit ça dans la note. La mémoire a des sursauts curieux. Ou bien c'est du gâtisme avancé. Je vieillis. Pauvre Mathieu !

Peut-être est-ce dû à la lecture d'une mauvaise transcription, un jour. Mais laquelle ? Dans Testament phonographe comme dans le livret du CD Barclay (celui de la première fausse intégrale), la transcription est correcte, effectivement. Veuillez considérer ce lapsus calami comme une marque de mon imbécillité caractéristique.

Écrit par : Jacques Layani | samedi, 03 janvier 2009

Ah Jacques, heureusement, personne ici ne vous prend au sérieux quand vous parlez de votre "imbécillité caractéristique". En revanche quel mystère que ce sursauts inconscient !

Écrit par : J. Miquel | samedi, 03 janvier 2009

"Qu’est-ce qui poussa l’artiste à graver, longtemps après, Lorsque tu me liras, alors que La Lettre l’avait été quelques mois à peine après sa rédaction ? On imagine qu’il existe un certain nombre d’autres lettres qui furent envoyées à Marie."

1/ Ces deux textes sont effectivement des lettres authentiques (certainement un petit peu arrangées). Alain Raemackers le dit noir sur blanc à propos de Lorsque tu me liras dans la réédition de On n’est pas sérieux quand on a 17 ans.
En outre, Ferré n’est ni Frank Zappa ni George Clinton ; niveau titres ça reste majoritairement dans le premier degré informatif. Mais il y a quand même plusieurs exceptions, et La lettre c’est comme Préface : un titre métadiscursif qui ne s’explique pas par le contenu de la chanson (refrain ou sujet), mais par la nature de son origine. Il n'y a aucune raison autrement que Ferré appelle une chanson La lettre s'il n'est pas question de lettre dedans.

2/ Puisqu'elles sont des lettres, ces chansons renvoient donc à un contexte précis : celui de l’attente du divorce et de la clandestinité amoureuse. Mais elle n'en témoignent pas du tout de la même manière.

La lettre circule avec espoir et force dans le temps, entre un présent (puissance d’invocation du dit) et un futur (fonction performative du chant) uniformément positivés. La musique est chaude (cuivre) et brillante (harpe, piano), et comme en sourdine (impression de rumeur douce). La contrainte extérieure de la séparation des amants ne se fait pas sentir. C’est un chant d’amour universel.

Lorsque tu me liras est au contraire entièrement dit. La musique est mélancolique ("lyrisme" de rigueur du violon), dépouillée (l'intrument est reculé et réverbéré, on a une impression de solitude, absolument pas de chaleur), lancinante. Ici, le locuteur stagne dans la “prison” du temps présent, et les kilomètres avalés et la rêverie ne suffisent pas à révoquer la tristesse née de la séparation contrainte. C’est une chanson de l’amour contrarié, clairement autobiographique.

On comprend que Ferré ait officialisé en son temps La lettre et pas Lorsque tu me liras.
J’y vois deux raisons évidentes : ne pas faire de vague pour divorcer à bon compte, être cohérent artistiquement (la dynamique “libération sexuelle/textuelle-on rattrape le temps perdu” d’Amour Anarchie).

3/ Mais pourquoi mettre en musique Lorsque tu me liras si tardivement ? Le thème musical de la chanson est utilisé dans le brouillon de La méthode, dans La voyeuse visiteuse, et dans le Chant du hibou, dont on peut penser qu’il est initialement extrait, et dont l’écriture date des environs de 72, comme nous l’a appris Jacques dans la note “La musique, la tomate et le hibou” (d’ailleurs c’est dans les commentaires de cette note que je développais la question de la nécessité de la controverse – j’y reviendrai plus tard, puisque le débat sur la nature de ce lieu ne saurait tourner aussi court...).

Il semble que Le chant du hibou, comme La mémoire et la mer, comme Lamentations devant le mur de Sorbonne, comme Night and day, comme la BO de L’albatros, ait donc servi à Ferré de réservoir dans lequel piocher. Cela aura été aussi le seul “réservoir”, avec La mémoire et la mer, à être malgré tout officialisé dans son entier.

En ancrant par la musique Lorsque tu me liras dans une continuité thématico-biographique, dans la mesure où nous ne sortons pas du thème de la rupture 68 ici (La voyeuse visiteuse est la version présentable et présentée de l’alors inédite “salope de Cahors”), Ferré suit sa propre cohérence.
Celle de la réminiscence.

Peut-être La méthode a-t-elle engendré La voyeuse visiteuse, qui a réactivé Lorsque tu me liras. Et cette réactivation a-t-elle un sens conclusif, dans la mesure où Ferré fait le choix de placer cette chanson au terme de son album.
“Souvenons-nous car la fin approche” ?

Peut-être aussi Ferré a-t-il rempli son album de 87 avec des fonds de tiroir pour tenir ses délais : hop on réutilise sans broncher trois musiques de L’opéra du pauvre, hop on torche un texte sur Gaby, hop on reprend Le chant du hibou, ni vu ni connu, etc.). Bref, Lorsque tu me liras, ce n’est peut-être dû qu'à la dispersion finale, et au bâclage.

Who knows ?

Écrit par : The Owl | dimanche, 04 janvier 2009

juste une petite remarque sur votre dernier paragraphe;( le reste me semble assez juste )
Pensez-vous vraiment que Ferré ait fait un album 87 bâclé, avec l'art d'accommoder les restes, dont on lui a fait réputation,
qu'il n'avait plus de quoi finir un album, avec la quantité d'inédits
qui sont encore à découvrir ?
C'est de l'ordre du possible, mais je suis un peu sceptique.
Il a brassé un matériau poétique et musical suffisamment vaste ...Ses choix pour cet album sont probablement volontaires.

Écrit par : Francis Delval | dimanche, 04 janvier 2009

Effectivement, je ne crois pas au côté bâclé.

Je pense que, pour Léo Ferré, un texte ou une musique qui n'est pas connu (comprendre : régulièrement joué, reconnu, situé par son public) est comme un inédit. Je pense donc qu'il s'agit d'une volonté d'imposer son travail jusqu'alors peu identifié par le public. Il me paraît certain que, si Le Chant du hibou avait été joué régulièrement et in extenso, il ne l'aurait pas repris par fragments ici ou là. Je peux me tromper, mais je ne le pense pas. Le raisonnement vaut aussi pour L'Opéra du pauvre. Cette façon de pratiquer est constante :par exemple, De sacs et de cordes, alors diffusé une seule fois à la radio, va servir de "réservoir" durant longtemps. On est ici dans la manière de faire de l'artiste.

Par ailleurs, il faut toujours considérer l'enregistrement original et non ses rééditions. L'original est un DOUBLE 33-tours. Pourquoi donc aurait-il fait un double disque s'il avait vraiment été contraint de faire du remplissage ? Un disque simple aurait suffi.

Écrit par : Jacques Layani | dimanche, 04 janvier 2009

Tout à fait d'accord avec votre analyse.


A part cela, Jacques, ne battez pas votre coulpe pour votre "enfant de la honte"...C'est un lapsus calami explicable, et qui
eut ravi Herr Doktor Freud..!
Dans " longtemps" on entend parfaitement "honte"
l(honte)emps....vous avez associé ces phonèmes à la situation
de l'enfant caché, "illégitime".Rien que de très banal et qui nous arrive très souvent...

Pour l'an nouveau, la consultation est offerte.

Écrit par : Francis Delval | dimanche, 04 janvier 2009

« Par ailleurs, il faut toujours considérer l'enregistrement original et non ses rééditions. L'original est un DOUBLE 33-tours. »

Ah ! Jacques, une requête (un de plus !) : serait-il possible de publier sur le blog la discographie 33-tours de Ferré avec l'information qui manque à Une mémoire graphique, à savoir la répartition des chansons par faces. C'est un outil qui manque pour penser la façon dont Ferré structure ses albums.

Je croyais par ailleurs que l'album 87 était directement sorti en CD. (excusez-moi, je n'ai pas votre livre sous la main, il est chez ma maman)


« Pourquoi donc aurait-il fait un double disque s'il avait vraiment été contraint de faire du remplissage ? Un disque simple aurait suffi. »

Ce n'est pas contradictoire. Il peut très bien y avoir eu un écart entre l'intention (rattraper le retard, donner naissance au maximum de ses "enfants de longtemps" avant de disparaître) et la réalisation (Ferré dit bien qu'il ne travaille que dans la contrainte du dernier moment, on peut envisager qu'en vieillissant sa puissance de travail à ce niveau n'ait plus été la même, et qu'il se soit retrouvé pris de vitesse, incapable de pondre de nouvelle musiques tout en tenant les délais qu'il s'était fixés).


« Pensez-vous vraiment que Ferré ait fait un album 87 bâclé, avec l'art d'accommoder les restes, dont on lui a fait réputation,
qu'il n'avait plus de quoi finir un album, avec la quantité d'inédits
qui sont encore à découvrir ?
C'est de l'ordre du possible, mais je suis un peu sceptique.
Il a brassé un matériau poétique et musical suffisamment vaste ...Ses choix pour cet album sont probablement volontaires. »

Pour les textes, je ne dis pas. Mais la réutilisation telle quelle de 3 musiques de L'opéra du pauvre est-elle volontaire ?

Peu importe les motivations de Ferré (la seule valable : mieux mettre en valeur certaines musiques à potentiel). Le fait est que c'est ultra facile puisqu'il n'y a pas de mélodie chantée ; on peut mettre n'importe quel texte de durée adéquate sur ces musiques.

Or Ferré ne nous a JAMAIS habitué à interchanger des musiques associées à un texte donné sur de nouveaux textes (Cecco et Et basta ! mis à part, mais c'est artistiquement cohérent dans Et basta !, qui fonctionne comme un palimpseste) ; c'est précisément ce qu'il se refusait de faire pour les poètes, parce qu'il disait que cela devenait de la marqueterie, une tricherie.

Sur ce plan, la comparaison de Jacques ne tient pas. De sac et de cordes est une oeuvre de flux (radio) extérieure à l'artiste, et perdue (Ferré était loin d'imaginer qu'on irait publier ça un jour).
L'Opéra du pauvre est un disque voulu et contrôlé par lui, prenant place dans une discographie et alors disponible dans le commerce, au même titre que tous ses autres disques. Or il n'est pas dit que certains titres comme Des mots ou A vendre fussent « régulièrement joué, reconnu, situé par son public » ; Ferré n'a pas pour autant réutilisé leur musique.
Nous avons donc ici un exemple UNIQUE (avec la mélodie du Chant du hibou) de « resémentisation » de la musique à 4 ans d'intervalle. Et paradoxe pour paradoxe, Visa pour l'Amérique et Le faux poète sont deux chansons que j'aime beaucoup, et à vue d'oreille, je crois que je les préfère même à leurs homologues de L'opéra du pauvre.
En outre, ce n'est pas parce que Ferré fait du remplissage que l'album dans son ensemble est raté ; je le trouve plutôt réussi.
Ne soyons pas bourrins messieurs (ça c'est ma partie !) ;)

Il n'en empêche pas moins que, du point de vue du critique, ces musiques interchangeables marquent symboliquement une certaine approximation, qui vient « décrédibiliser » partiellement le travail de Ferré en tant que musicien. Il y a une certaine désinvolture dans ce choix, c'est indéniable.

Rappelons-nous néanmoins que le projet initial de Ferré pour L'imaginaire était de composer 4 musiques différentes pour un même texte, précisément pour montrer que l'art est une tricherie ; cette idée a-t-elle fait son chemin inconscient jusqu'à l'album 87 ?

Finalement, sur la fin Ferré n'aura plus su cacher qu'il n'y croyait plus ?

La désinvolture serait donc signifiante du point de vue de l'oeuvre...

Écrit par : The Owl | dimanche, 04 janvier 2009

Owl, comme de coutume, ce que je fais ne suffit jamais à vos yeux [rires]. Bah, pour vous être agréable, voici l'information demandée, uniquement en ce qui concerne le double disque en question.

Disque 1, face 1 : On n'est pas sérieux, quand on a dix-sept ans, Les Morts qui vivent, Colloque sentimental, Les Cloches (et) La Tzigane.

Disque 1, face 2 : Tout ce que tu veux, Gaby, Marie, Le Sommeil du juste.

Disque 2, face 1 : Je te donne ces vers, Le Manque, Visa pour l'Amérique, Si tu ne mourus pas.

Disque 2, face 2 : Personne, L'Examen de minuit (et) Dorothée, Le Faux poète, Lorsque tu me liras.

"Penser la façon dont Ferré structure ses albums", dites-vous : je ne suis pas du tout convaincu que Léo Ferré ait toujours choisi l'ordre des morceaux dans ses disques. Je crois -- sans trop m'avancer -- qu'il s'agit là de décisions d'ordre éditorial et que c'est l'éditeur phonographique qui décide, en fonction notamment de la place disponible sur chaque face. Le fait qu'il soit son propre producteur y changeait-il quelque chose ?

(Par ailleurs, je rappelle que ce disque, qu'on désigne toujours comme étant de 1987, est bel et bien de 1986 : enregistrement du 21 au 25 novembre. C'est sa commercialisation qui a été faite début 1987. Mais quelle date doit-on retenir ? C'est comme pour les films : le tournage ou la sortie ?)

Écrit par : Jacques Layani | dimanche, 04 janvier 2009

Mais Ferré a parfois utilisé la même musique pour des textes
différents.Outre Rutebeuf et Cecco, il y a "Vison l'éditeur" qui
reprend la musique de "C'est la fille du pirate"....et parfois mis
des musiques différentes sur un même texte....ex: "la sorgue"
version Opéra du pauvre,en 83, n'a pas la même musique que
la version 81;et "l'amour" devenu en 81 "je t'aime" avec
l'allongement du texte , a changé aussi de musique.

Écrit par : Francis Delval | dimanche, 04 janvier 2009

Merci Jacques.


"Mais Ferré a parfois utilisé la même musique pour des textes
différents.Outre Rutebeuf et Cecco, il y a "Vison l'éditeur" qui
reprend la musique de "C'est la fille du pirate"..."

Cf. ce que je dis sur le statut de De sac et de cordes.
En outre, le transfert de musique est parfaitement justifié par la métaphore "tous sur le pont et à l'abordage" du texte de Vison l'éditeur.

"et parfois mis des musiques différentes sur un même texte....ex: "la sorgue" version Opéra du pauvre,en 83, n'a pas la même musique que la version 81;"

Qu'en déduire concernant cette chanson ? Le changement fait-il sens au sein de L'opéra du pauvre ?


"et "l'amour" devenu en 81 "je t'aime" avec
l'allongement du texte , a changé aussi de musique."

C'est la musique de Je t'aime 71. Ici l'agrégation de textes fait sens.

Nous ne sommes pas dans la gratuité du transfert Gaby/Faux poète/Visa pour l'Amérique.

Écrit par : The Owl | dimanche, 04 janvier 2009

Il y a aussi deux musiques de "l'horloge", de Baudelaire, dont
une seule a été gardée sur le CD définitif.
"la chanson de la plus haute tour", de Rimbaud ,a une
musique un peu différente dans " Une saison en enfer".
La musique du "Balcon" (de Verlaine) est devenue celle de
"l'étoile a pleuré rose", de Rimbaud...Ces changements sont donc assez courants chez Ferré, même s'il n'y en a pas des masses.
Pour "De sacs et de cordes", the owl parle d'oeuvre de flux..
mais cette émission n'est pas passée qu'un seule fois à la radio ...Je l'ai entendue en 65 ou 66..l'après-midi..sur mon transistor, j'en ai un souvenir assez précis: J'étais en train de
faire de la menuiserie.!!!

Peut-être y a-t-il eu d'autres passages à la radio...Des chansons comme "Noël" ou " la fille des bois" (chantée par Ferré ) sont passées plusieurs fois également...

Ferré a laissé pas mal de choses derrière lui, sans les reprendre sur les disques..Il avait donc largement de quoi
faire un double album sans bâcler les textes ou les musiques.

Une " chanson" comme "Gaby" paraît faite à la va-vite
parce qu'elle est simple et reprend des thèmes connus.

Écrit par : Francis Delval | dimanche, 04 janvier 2009

Enfin je dis gratuité... je n'ai pas comparé ces textes avec ceux de L'opéra du pauvre, mais je nous invite à le faire.

Dans tous les autres cas jusqu'ici mentionnés (y compris Cecco, dont la parenté avec Rutebeuf se noue autour du fait qu'ils ont tous deux vécu au XIIIème siècle, Ferré soulignant cet intertexte-qui-n'en-est-pas-un par l'ancrage musical, là encore), la "capillarité" d'une oeuvre à l'autre est explicable.

Écrit par : The Owl | dimanche, 04 janvier 2009

"Il y a aussi deux musiques de "l'horloge", de Baudelaire, dont une seule a été gardée sur le CD définitif."

Il doit s'agir d'un repentir. Je pense que dans certains cas, Ferré n'était pas satisfait de son premier jet. Cela arrive à tous les artistes, même à ceux qui entretiennent le mythe de la spontanéité.


""la chanson de la plus haute tour", de Rimbaud ,a une
musique un peu différente dans " Une saison en enfer".
La musique du "Balcon" (de Verlaine) est devenue celle de
"l'étoile a pleuré rose", de Rimbaud...Ces changements sont donc assez courants chez Ferré, même s'il n'y en a pas des masses."

Certes. Mais là, il s'agit de cuisine interne puisque rien n'est publié quand Ferré opère ces changements.
Moi je parle de musiques "officialisées".

Cecco, Lorsque tu me liras, La sorgue, ce sont des recréations (arrangements différents, suppression de la mélodie, etc.).
Gaby, Le faux poète, Visa pour l'Amérique, ce sont des musiques réutilisées telles quelles. En cela elles ont un statut différent, qu'il convient de questionner.

Ce sur quoi je m'interroge, mais vous ne semblez pas le relever, c'est : est-ce que ces utilisations redondantes ont un sens ou pas ?

Autrement dit : en quoi les textes re-sémantisent-ils les musiques ?


"Pour "De sacs et de cordes", the owl parle d'oeuvre de flux..
mais cette émission n'est pas passée qu'un seule fois à la radio ...Je l'ai entendue en 65 ou 66..l'après-midi..sur mon transistor, j'en ai un souvenir assez précis: J'étais en train de
faire de la menuiserie.!!!"

Ah ah, c'est intéressant à savoir. Admettons que le feuilleton soit passé deux fois, trois ou quatre pour vous faire plaisir. Ca fait pas bézef en 35 ans. Alors que les disques sont disponibles sur des périodes beaucoup plus longues.
Vous pinaillez sur des détails.


"Ferré a laissé pas mal de choses derrière lui, sans les reprendre sur les disques..Il avait donc largement de quoi
faire un double album sans bâcler les textes ou les musiques."

Je vous prends au mot : Ferré aurait donc très bien pu enregistrer Métamec plutôt que de perdre son temps à reprendre des rengaines 50's dans le dispensable Les vieux copains.
Or il ne l'a pas fait. Pourquoi ?

Peut-être parce que l'inspiration ce n'est pas un bouton sur lequel on appuie, même pour Ferré ?!
Peut-être parce qu'à courir trop de lièvres à la fois, on risque de se retrouver le bec (de lièvre naturlich) dans l'eau ?
Peut-être parce qu'il y a une différence entre les virtualités de l'oeuvre et la réalité du travail créateur ?

Pourquoi ne voulez-vous pas admettre que Ferré ne soit pas constamment inspiré ? Qu'il n'arrive pas forcément à aboutir tous les morceaux qu'il a en train ? Du moins qu'il ne puisse plus être capable de trouver des idées dans l'urgence ?

Il faut avoir conscience combien le modèle économique qu'il a trouvé pour continuer d'enregistrer sa musique est contraignant, et noter qu'il ne l'a jamais remis en cause.
Mais ceci est un autre débat (néanmoins lié à la question de la dispersion).


"Une " chanson" comme "Gaby" paraît faite à la va-vite
parce qu'elle est simple et reprend des thèmes connus."

Vous êtes complaisant Francis : le texte s'étend pour ne pas dire grand-chose, l'interprétation semble limite improvisée avec une diction à l'avenant, et le fait de chanter sur une musique conçue pour un autre texte, que vous le vouliez ou non, c'est comme chanter sur scène avec les bande-orchestres, ça donne une impression de karaoké.

Il faut arrêter d'angéliser !

Écrit par : The Owl | dimanche, 04 janvier 2009

The Owl "Le thème musical de la chanson est utilisé dans le brouillon de La méthode, dans La voyeuse visiteuse, et dans le Chant du hibou": je n'ai jamais remarqué cela pour le Chant du Hibou. Pourrais-tu préciser le minutage? Le thème apparaît dans Et Basta, me semble-t-il.

Francis: "...il y a "Vison l'éditeur" qui reprend la musique de "C'est la fille du pirate"..." En êtes-vous sûr?

Que la Lettre et Lorsque tu me liras soient des lettres réelles ou pas et qu'elles fassent référence à Mathieu et à Marie, est-ce si important?

Écrit par : gluglups | dimanche, 04 janvier 2009

Pour "Vison l'éditeur", c'est certain.La musique vient de l'opéra
encore inédit "La vie d'artiste"...

The Owl:Qu'appelez-vous "Je t'aime" 71...ça n'existe pas. Erreur sur le titre ?

Écrit par : Francis Delval | lundi, 05 janvier 2009

Gluglups : non, ce n'est pas important. C'était l'optique de la note, simplement.

Francis : en 1971, Léo Ferré chante Je t'aime (dont le texte paraîtra dans Testament phonographe) qu'il n'enregistre pas en studio. On retrouve ce texte croisé avec L'Amour 1956 ("Quant y a la mer et puis les ch'vaux") dans Je t'aime du triple album de 1982. On parle donc de Je t'aime 1982 par opposition à la version de 1971 dont la partition existe dans le recueil Paroles et musique de toute une vie. On en entend un extrait dans l'émission de télévision A bout portant (1971).

Écrit par : Jacques Layani | lundi, 05 janvier 2009

Merci pour ces précisions.Je connais le texte de T.Phonog.
Mais je n'ai pas acheté les recueils de partitions.Car mis à
part la découverte de quelques textes rares, je n'en ai pas
l'usage.
Que notre hibou ne tienne pas compte de ma remarque.

Ce n'est sans doute pas le lieu idéal que votre note, mais
il y a sur ce blog un grand vide: la quasi-absence de "Musique
byzantine"

J'ai eu le privilège d'entendre à la radio un certain nombre
des émissions de Ferré.J'avais dix ans.Je ne comprenais
pas tout, mais le type qui parlait , je le trouvais intelligent
et passionnant.Je ne savais pas qu'il chantait, ou je n'avais
pas fait le rapprochement avec ses chansons...Ce n'est qu'avec le " Baudelaire" de 57, que je l'ai clairement identifié.

Il serait bon que quelqu'un ici parle en connaissance de cause des textes de ces émissions et des choix musicaux
de Ferré.
En attendant que l'on retrouve ses émissions sur les musiques des pays de l'est....

Ces textes ne sont pas à négliger.On y retrouve bien
la langue riche et imagée de Ferré.Mais on les commente
peu, ici ou ailleurs.

Écrit par : Francis Delval | lundi, 05 janvier 2009

Je ne crois pas faire avancer la réflexion sur le thème "Lettres d'amour" mais je signale tout de même un ou deux exemples supplémentaires de chansons et musiques à utilisation multiples. Ainsi je pense à la version live de 1984 de "T'es rock, Coco !" sur une partition de L'Opréra du pauvre ou la reprise dans cette dernère oeuvre de la mélodie réorchestrée de La zizique. Des musiques également différentes pour les deux versions live de Marizibill (idem pour Le printemps des poètes). Et peut-être : "etc."

Écrit par : J. Miquel | lundi, 05 janvier 2009

Francis : "J'ai eu le privilège d'entendre à la radio un certain nombre des émissions de Ferré. J'avais dix ans".

Ah là là... Finirai-je par regretter de n'avoir "que" cinquante-six ans et un mois ?

Francis : "Il serait bon que quelqu'un ici parle en connaissance de cause des textes de ces émissions et des choix musicaux de Ferré".

Depuis 1987 avec mon premier livre, je demande à ce qu'on nous parle de musique, en général. Personne ne s'y est risqué. J'attends. J'ai dit cent fois mon incompétence en la matière. Personne ne répond à cette demande. Le livre de Céline Chabot-Canet, peu diffusé, est la seule exception et il est davantage axé sur le phrasé vocal (normal, c'est son sujet) que sur la musique.

Jacques Miquel : "Des musiques également différentes pour les deux versions live de Marizibill (idem pour Le printemps des poètes)".

Bien sûr, ces deux exemples sont frappants. On peut toutefois relever deux choses. Il n'existe pas d'enregistrement en studio de ces oeuvres, il n'y a donc pas de version de référence. Ensuite, on peut se demander si, pour Marizibill comme pour Le Printemps des poètes, l'INTENTION même du musicien-interprète n'est pas totalement différente. On passe en effet de chansons sombres et mélancoliques à des choses plus enlevées, plus ironiques, tournant carrément à la plaisanterie dans l'interprétation en scène des deux chansons comme dans les changements apportés au texte du Printemps, et une fois, même, au poème d'Apollinaire avec l'ajout de quatre vers extraits d'une scie du moment.

Ce qui nous amène à un autre propos : l'humour de plus en plus fréquent dans les interprétations en scène, lors des dernières années. Owl va nous dire -- je suppose -- que le disque de 1984 est un tournant en la matière. Je réponds par avance que c'est inexact : l'humour était déjà dans l'interprétation de Vitrines (un bref dialogue coquin avec Popaul, ajouté dans l'interprétation elle-même) en 1971 ou 1972, au Toursky. Ce n'est qu'un exemple.

Écrit par : Jacques Layani | lundi, 05 janvier 2009

"Ce qui nous amène à un autre propos : l'humour de plus en plus fréquent dans les interprétations en scène, lors des dernières années. Owl va nous dire -- je suppose -- que le disque de 1984 est un tournant en la matière. Je réponds par avance que c'est inexact : l'humour était déjà dans l'interprétation de Vitrines (un bref dialogue coquin avec Popaul, ajouté dans l'interprétation elle-même) en 1971 ou 1972, au Toursky. Ce n'est qu'un exemple."

Ce n'est pas pareil, Vitrines est une chanson satirique. Ce que ne sont ni Marizibill ni Le printemps des poètes.

Le fait de les "tordre" vers la parodie est un acte métadiscursif, dont je propose une interprétation dans la notule que j'ai écrite sur le récital aux Champs-Elysées 84, oui.

Après, que l'intention parodique persiste en 86 au Déjazet pour Marizibill, alors que le contexte d'énonciation n'est plus le même, ça c'est étonnant. Peut-être que là, effectivement, l'idée que Ferré se fait du poème, change.
Et va pour la bouffonnade.

Quant à T'es rock, Coco ! c'est comme Le chien et Il n'y a plus rien : cela participe d'une volonté d'induire un rapport critique avec le contexte de réception du matériau poétique. Ferré casse la routine avec son public, pour retrouver l'intensité, pour moquer son piédestal. J'ai essayé de l'expliquer dans ladite notule.

Vous avez raison de souligner les capillarités du live 84 Jacques Miquel, car ce sont les seules qui sont en définitive comparables à celle de l'album 87 (prendre une musique enregistrée et la mettre sous un autre texte).
Mais vous oubliez un élément de taille, que j'évoque dans mon premier commentaire sur cette page : la différence de statut entre la scène et les albums (ie. les albums studio).

Que Ferré se livre à un jeu post-moderne dans la relation directe à un tiers, la public, ce n'est pas la même chose que de bégayer entre deux albums. Et c'est précisément parce que ce n'est pas la même chose, que l'hypothèse du bâclage n'est pas à écarter pour l'album 87.

Par ailleurs, L'opéra du pauvre étant une macrostructure fondée sur le palimpseste, la convocation de La zizique (réorchestrée) fait sens. Opéra du pauvre, Et basta : même combat !


"Depuis 1987 avec mon premier livre, je demande à ce qu'on nous parle de musique, en général. Personne ne s'y est risqué. J'attends. J'ai dit cent fois mon incompétence en la matière. Personne ne répond à cette demande."

Je ne veux pas toujours ramener les choses à moi, mais enfin, vous me ferez justice en n'oubliant pas les quelques éléments de cette fichue discographie commentée qui, nourris de la lecture des textes de Musiques Byzantines, se proposent intuitivement d'ouvrir la réflexion.
(pour vous faciliter la tâche : notules de De sac et de cordes, Ferré muet, Je te donne, Il est six heure ici et midi à NY)

En outre, il y a eu sur l'ancien forum du site officiel des discussions poussées (et oiseuses ?) sur la direction d'orchestre de Ferré. Gluglups, une vraie rock-star à cette époque, pourrait revenir sur son passé glorieux et en faire une synthèse, tiens !


"The Owl "Le thème musical de la chanson est utilisé dans le brouillon de La méthode, dans La voyeuse visiteuse, et dans le Chant du hibou": je n'ai jamais remarqué cela pour le Chant du Hibou. Pourrais-tu préciser le minutage? Le thème apparaît dans Et Basta, me semble-t-il."

Pour le minutage, je ne sais pas. C'est le mouvement dit "Aria".
Mais je te retourne la question ; où entends-tu ce thème dans Et basta ? Les passages au métallophone ?
Tout ce qui est guitare est la musique (recrée) du Bateau Espagnol, mais ça vous le saviez déjà je pense.

Par ailleurs , aviez-vous remarqué que l'intro d'En amour 90 et de L'impossible (dans Une saison en enfer) sont identiques ? Réminiscence ?


"Pour "Vison l'éditeur", c'est certain.La musique vient de l'opéra
encore inédit "La vie d'artiste"..."

Etes-vous sûr ? N'est-ce pas plutôt le texte qui vient de l'Opéra ? Je crois que la musique a été créée pour la chanson de Jamblan. Dans votre cas, Vison l'éditeur n'est qu'une reprise telle quelle de l'Opéra (mais je croyais que Ferré n'avait plus les partitions ?), dans le mien, Ferré fait fonctionner la "capillarité de sens".

Par ailleurs Francis, vous pouvez entendre Je t'aime 71 dans l'album "Léo en toute liberté" du duo Reggiani/Mirabassi. Pris à ce tempo, ça a de l'allure. Dommage que le chant soit à chier.

Voilà, for you et dans le désordre le plus complet, j'aurai fait ma pub sans vergogne aujourd'hui.

The ocean is the ultimate solution.

Écrit par : The Owl | lundi, 05 janvier 2009

"Ce n'est pas pareil, Vitrines est une chanson satirique" :

Euh, moui... Ca reste à voir... A première vue, oui, mais quand on écoute attentivement la version des années 50, enregistrement en studio, ça se discute vraiment. J'y entends plutôt sinon de la désespérance, du moins une grande mélancolie.

"Vous me ferez justice en n'oubliant pas les quelques éléments de cette fichue discographie commentée qui, nourris de la lecture des textes de Musiques Byzantines, se proposent intuitivement d'ouvrir la réflexion".

Bien sûr. Mais je voulais parler d'un livre.

"Par ailleurs , aviez-vous remarqué que l'intro d'En amour 90 et de L'impossible (dans Une saison en enfer) sont identiques ? Réminiscence ?"

Ah, non, je n'avais pas remarqué. Voilà qui est intéressant.

"Par ailleurs Francis, vous pouvez entendre Je t'aime 71 dans l'album "Léo en toute liberté" du duo Reggiani/Mirabassi. Pris à ce tempo, ça a de l'allure. Dommage que le chant soit à chier."

Vous êtes gentil. Moi, je n'ai pas de mots pour dire ce que j'éprouve envers ce disque.

"Voilà, for you et dans le désordre le plus complet, j'aurai fait ma pub sans vergogne aujourd'hui'.

Justement, si vous pouviez ordonner vos commentaires, ça serait sympa... Ne me dites pas que vous n'avez pas le temps, moi non plus.

Écrit par : Jacques Layani | lundi, 05 janvier 2009

Pour "Vison..." , le texte ,c'est certain qu'il vient de "la vie
d'artiste"..la musique, ce n'est qu'une hypothèse..probable.

Pensons quant aux concerts à la version du "Crachat" et au
"délire" musical de Popaul , avec ses enchaînements périlleux..
dans le double album live de 72-73...
et à l'interprétation de la "damnation" par Ferré sur une autre
musique que celle qu'il mettra sur l'album "L'espoir".
Je préfère nettement la version "live".....

quant à faire de Ferré un "post-moderne",je veux bien à la limite, mais au sens américain de dissémination des arts,
et non au sens philosophique , celui de Lyotard et de Derrida.

Mais ceci sort du cadre du blog...Lisez Fredric Jameson, vous
comprendrez ce que je sous-entends

Écrit par : Francis Delval | lundi, 05 janvier 2009

mon dernier commentaire s'adressait au hibou , et non à vous ,Jacques.Vous l'aurez compris..

Écrit par : Francis Delval | lundi, 05 janvier 2009

Francis,

je ne parle pas de philosophie post-moderne mais de post-modernisme artistique.

Il m'apparaît en effet qu'au Théâtre des Champs-Elysées 84 Ferré traite son oeuvre sur le mode du syncrétisme ludique (apparition significativement groupée des titres 50's : 7 titres), du collage (Le jazz band/T'es rock, coco !, La solitude/L'invitation au voyage/L'enfance, Avec le temps/Le printemps des poètes), du recyclage (T'es rock, coco !, Il n'y a plus rien), et du détournement (Marizibill, Avec le temps, Le printemps des poètes), cette ironie étant caractéristique de l'attitude post-moderne.

On sent une très nette volonté de porter un regard distancié sur les oeuvres de son apogée publique, son soit-disant âge d'or.
C'est à la fois un acte de résistance ("je ne me laisse pas enfermer dans une image, je ne me laisse pas commander par le public, vous voulez de la musique prenez de la période toscane dans la tronche, etc.") et une approche métadiscursive (créer une nouvelle oeuvre par le simple fait d'apporter un regard nouveau dessus).

En étant récapitulatif et circulatoire, Ferré joue des collisions entre l'ancien et le moderne de son oeuvre, et opère donc un pas de côté par rapport à elle. Ce pas est précisément postmoderne.

Il me semblait que ma notule était suffisamment suggestive, je m'étonne que vous me le fassiez répéter.


En outre, il va de soi qu'il n'y a aucun esprit de système chez Ferré. Il ne s'est pas dit, "tiens, je vais être post-moderne". Cependant, il serait intéressant d'étendre cette analyse aux albums 80's.
Cela pourrait expliquer peut-être les capillarités de l'album 87.

Il faudrait aussi identifier les premières fois où Ferré décide d'être récapitulatif et circulatoire sur scène. Cela date peut-être de 79...
Allez LMELM, faut nous balancer du live là !

Enfin bon, tout ce que je raconte n'a pas l'air de susciter un intérêt foldingue donc je vais en rester là.

Écrit par : The Owl | lundi, 05 janvier 2009

Comme cela a déjà été dit et répété mille fois, on ne peut prendre le disque de 1984 comme un point de départ, dans la mesure où il s'agit d'un enregistrement public qui a été fait à ce moment-là, comme il aurait pu être fait à un autre.

Par exemple, avant.

Il me revient en effet que j'ai assisté à un récital donné à Sceaux en 1982 (j'ai chez moi la date précise), au cours duquel Léo Ferré imposait déjà à son spectacle des aspects qu'on retrouvera deux ans plus tard au Théâtre des Champs-Elysées : ironie, chansons "cassées" (je me souviens par exemple d'une version de Monsieur Barclay). Si un entregistrement public avait été fait ce soir-là, vous diriez : "C'est à partir de 1982 que..."

L'enregistrement public, quel qu'il soit, ne peut pas servir de repère chronologique, de par son caractère totalement épisodique.

Écrit par : Jacques Layani | mardi, 06 janvier 2009

On ne peut quand même pas vous laisser dire ces choses Owl : le "post-modernisme" est une création (le mot, j'entends) des années 1990. Elle existe dans tous les domaines parce que, commodément elle contient "post"qui, dans l'imaginaire général se confond avec super, plus, etc. Quand on ne sait pas à quoi ressemble une idée, on dit qu'elle est post-moderne.
Donc trouvez-en un autre qui corresponde mieux aux années 80. Le problème avec ces années-là, c'est qu'elles ont manqué d'invention, mais vous allez sûrement trouver.
En l'occurrence, Léo s'en souciait comme de sa première prière.

Écrit par : Martine Layani | mardi, 06 janvier 2009

Une petite rectification quant au terme de post-modernité, dont
Martine situe l'apparition vers 1990.
En fait, ce terme est beaucoup plus ancien, et son utilisation
remonte aux USA à 1960 environ.On l'applique aux écrivains nés vers 1930, et qui pratiquent l'ironie et une littérature de la
littérature,au second degré...(Coover, Elkin,Vonnegut, et surtout
Gaddis et l'immense William Gass, à lire absolument..Pynchon et Vollmann sont dans la continuité de ce mouvement).Puis il est
passé dans le vocabulaire de l'architecture et des autres arts..

C'est en 1979, avec le livre de Lyotard, "La condition post-moderne", rapport demandé par les universités
du Quebec, que le terme fera son entrée dans la langue
philosophique.Le post-moderne,c'est la fin des discours totalisants, la fin de la confiance dans la vertu des "Lumières",
le savoir , surtout avec la poussée informatique,étant devenu, selon Lyotard,un bien de consommation et d'échange ,et non
plus un instrument d'émancipation...Derrida, pour une partie
de son oeuvre, Baudrillard, J.L.Nancy, Guattari se réclameront
du post-moderne, ainsi que Vattimo en Italie ("la pensée faible") ou Agamben et Umberto Eco..
Habermas a analysé ce courant comme néo-conservateur.Derrida , vers la fin , l'a abandonné en grande partie..

Il convient donc de distinguer en effet le post-moderne
artistique,l'attrait pour le ténu , le fragment, et le post-moderne philosophique , qui est un questionnement du statut du savoir, dans des ouvrages où l'écriture est plus
importante que le contenu ou le référent.

Quant à parler de post-modernité pour les textes , les chansons de Léo Ferré, je n'en vois pas la nécéssité.
On a bien fait de Montaigne un précurseur du post-modernisme pour l'intérêt qu'il porte aux détails de son
quotidien.

Soyons sérieux..Dire que Ferré a fait un pas vers le post-moderne artistique n'a pas grand sens ni grand intérêt,
surtout essentiellement référencé au récital de 84..Ou alors
il fut, si l'on suit le hibou, post-moderne sans le savoir.
L'autodérision, l'attitude ludique de l'artiste ,l'intérêt pour le gratuit, on les trouve parfois chez Ferré, de là à en faire
un artiste post-moderne,il y une marge.Un pas que je ne franchirai pas, car cette caractérisation n'apporte rien à
la compréhension de l'oeuvre.
Que nous soyons parfois dans le "métadiscursif", c'est en partie vrai, mais à condition de bien redéfinir ce " concept"
dont on a abusé dans les années 80-90 dans la critique
littéraire.

Écrit par : Francis Delval | mardi, 06 janvier 2009

Merci Francis pour la mise au point.

Écrit par : Martine Layani | mardi, 06 janvier 2009

Je ne trouve pas sans intérêt les remarques de The Owl sur une évolution de l'oeuvre vers le "métadiscursif" et le "post moderne". Ce qui me gêne, en revanche, c'est cette façon de vouloir identifier Ferré à un "mouvement", à "un courant", à une "esthétique", voire à une mode pour en légitimer son écoute. Je pense que c'est ce qui agace Martine et Francis.

Maintenant, il faudrait voir comment cela fonctionne de l'intérieur et je doute qu'une appréciation de la discographie, même développée comme la tienne, puisse être suffisante (cf les réserves de Jacques, à propos du disque 84). Encore que pour moi, le "testament" de Ferré soit essentiellement ses disques.

La "poésie" ne peut-être réduite à la maîtrise d'une rhétorique, de procédés stylistiques mais c'est aussi une vision du monde, une façon d'être dans son oeuvre, une énonciation particulière dans une époque, un "ethos". En cela, on n'est pas forcément éloigné de la philosophie.

J'en reviens aux "plaquages", "recyclages" de musiques déjà utilisées: je crois que Ferré aurait été très vexé si on lui avait dit qu'il faisait du recyclage, alors que si l'on avait fait la même remarque à un "Post Moderne", celui-ci en aurait été flatté. Il est possible qu'il y ait eu une attitude post moderne non consciente d'elle-même, un manque d'inspiration, ou que Ferré opte pour la facilité, la commodité, etc., que cela corresponde à des thèmes "obsédants", à des "utopies" musicales...

Mais on pourrait faire l'hypothèse que Ferré ait fait des plaquages, des rapprochements textes/musique nouveaux parce que tout simplement, naïvement, il trouvait que ça sonnait "bien", que c'était "joli", qu'il allait en tirer une production encore plus "spectaculaire" (je ne trouve pas d'autre terme pour le moment). Je veux bien qu'on parle ici de "resémantisation" (il a besoin d'une musique jazz pour restituer l'ambiance de St Germain pour Gaby) mais cela me paraît trop restrictif: je parlerais plutôt d'une "réactivation spectaculaire". Au fond, on n'est pas loin de son écriture poétique (à base de réactivations elle aussi, de collages presque incongrus (il était tout fier d'avoir rapproché 2 poèmes dans Le Sommeil du Juste) de métaphores qui établissent un rapprochement nouveau entre deux réalités distinctes).

Dans ce "spectaculaire"-là, il y a Ferré dans son oeuvre, une vision du monde, une conception de la poésie, un ethos, une idée de sa propre voix, un "je" qui n'est pas que "biographique" mais le "je" d'un artiste. Je ne connais pas les théories des cantologues et j'ignore si c'est ce qu'ils entendent par "canteur" (comme on distingue, dans le récit, l'auteur du narrateur)...

PS1: Jacques, je ne vois pas d'incompatibilité entre l'idée de mélancolie et celle de satire. Mais je suppose que c'était surtout pour nuancer ce qui avait été dit plus haut.

PS2: Remarque... métabloguesque: honnêtement, je trouve que vous êtes, dans l'ensemble, assez désobligeants à l'égard de The Owl (surtout Francis, désolé de le préciser, avec toute ma sympathie).

The Owl intervient avec beaucoup de spontanéité et l'envie réelle d'échanger des idées, de dialoguer et une certaine conviction. Bien sûr, ses remarques sont parfois décousues, incertaines, touffues mais étant donné qu'on aborde, dans ce genre de discussions "post Notam", des tas de sujets différents, nous sommes tous sujets à cette difficulté. Dans le fond de ce qu'il dit, je trouve qu'il y a des "problématiques" intéressantes. Réellement intéressantes.

Écrit par : gluglups | mardi, 06 janvier 2009

Prolongement (peut-être pas nécessaire) de l'idée de "réactivation spectaculaire": spectaculaire ou dans l'illusion de ses effets artistiques, à laquelle on s'abandonne totalement. Quitte à ce que soit la misère, l'opéra du pauvre, la désuétude poétique. L'important, c'est de s'abîmer totalement dans les "espaces intermédiaires, intransitifs", pour reprendre l'expression de The Owl.

Écrit par : gluglups | mercredi, 07 janvier 2009

"Jacques, je ne vois pas d'incompatibilité entre l'idée de mélancolie et celle de satire. Mais je suppose que c'était surtout pour nuancer ce qui avait été dit plus haut".

Bien sûr.

"vous êtes, dans l'ensemble, assez désobligeants à l'égard de The Owl".

J'ai dit mille fois au Owl, en public et en privé, que le fond de ses propos m'intéressait beaucoup, mais que son ton était la plupart du temps difficile à accepter. Et puis, quand il m'écrit en privé, il est sympa comme tout et en public, ça change. C'est désarçonnant. Enfin, Gluglups, comme vous le savez, on peut tout me dire sur un ton posé et amical. C'est ma nature : j'accepte mieux les choses ainsi.

Il y a aussi cette question du foisonnement des idées et, tout bêtement, de la disposition typographique. Après tout, nous communiquons ici par écrit. Tout ce que vous exposez en des paragraphes structurés et bien séparés est très juste. Et au moins, on suit votre idée. Owl fait se perdre le lecteur, souvent. Ou bien alors, c'est mon intelligence qui est limitée, je peux parfaitement l'admettre.

"Ce qui me gêne, en revanche, c'est cette façon de vouloir identifier Ferré à un "mouvement", à "un courant", à une "esthétique", voire à une mode pour en légitimer son écoute. Je pense que c'est ce qui agace Martine et Francis".

Je crois pouvoir répondre que oui, sans me substituer à eux deux.

Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 07 janvier 2009

Je reviens au sujet, à partir de cette remarque de Gluglups :

"Mais on pourrait faire l'hypothèse que Ferré ait fait des plaquages, des rapprochements textes/musique nouveaux parce que tout simplement, naïvement, il trouvait que ça sonnait "bien", que c'était "joli", qu'il allait en tirer une production encore plus "spectaculaire" (je ne trouve pas d'autre terme pour le moment)".

Je ne serais pas étonné que cette hypothèse soit la bonne. Elle me paraît correspondre suffisamment à ce que nous savons tous de Léo Ferré, dont tout le talent n'effacera jamais le côté naïf -- disons enfantin -- demeuré présent en lui, à tout âge. Oui, je pense -- et cela n'est pas lui enlever quoi que ce soit -- que cet éternel petit garçon était ravi devant ce qui était "joli" (je reprends le mot et les guillemets gluglupsiens).

Car au vrai, ce qui m'a toujours intrigué, ce n'est pas le principe du collage-plaquage-rapprochement, c'est le pourquoi de tel ou tel choix. Croiser Villon et L'Amour n'a pas d'âge, très bien : mais pourquoi Villon et L'Amour n'a pas d'âge et pas (par exemple) Villon et La Fleur de l'âge ? Pourquoi les trois poèmes que l'on sait pour faire Les Passantes ? Ma question, c'est pourquoi ceux-là et pas d'autres ? Je veux dire que ce qui m'intéresse, c'est ce qui se passe dans la tête de l'auteur. Et ça, on ne le saura jamais. Je ne dis pas cela pour clore le débat, c'est vraiment mon sentiment.

Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 07 janvier 2009

Jacques a tout a fait raison et a bien dit ce que je ressens.

Pour ce qui est de ta dernière intervention : "ce qui se passe dans la tête de l'auteur", tu es bien placé pour savoir qu'on ne le sait jamais. Est-ce dommage ? C'est une autre question.

Écrit par : Martine Layani | mercredi, 07 janvier 2009

Léo Ferré, comme tout "artiste" a fait ce qu'il a voulu, que ce soit sur le plan musical ou sur le plan poétique ...Qu'il ait mis
bout à bout des textes pour en faire une chanson,qu'il ait mis
un de ses textes sur un poème de Villon, ça ne regarde que lui.
On prend, ou on ne prend pas...Qui n'aime pas cela peut aller
écouter d'autres choses.C'est le lot de tout artiste: proposer
des "choses" au public.Il prend ou ne prend pas.

C'est une philosophie sommaire, mais c'est comme ça.Je prends, ou ça m'indiffère ou je refuse.

Il y a des textes de Ferré que j'apprécie peu (certains poèmes des " Vers pour rire" par ex..), mais c'est mon problème et non celui de Ferré. Si d'autres les apprécient,
pourquoi pas ?

Les lecteurs ou auditeurs prennent ce qui leur plait..

Cela dit, on peut (on doit ?) travailler aussi sur ce que
l'on aime moins quand on s'intéresse à un artiste, un écrivain,
voire un philosophe.
On peut aussi étudier ce qui nous est contraire.Sinon, on n'avance pas....On tourne en rond dans son petit espace douillet....
Les échanges polémiques ne manquent pas ici.Heureusement, car le consensus perpétuel serait d'un
ennui profond.Mais si The Owl faisait un pas vers plus de cohérence dans ses propos, j'en serais ravi...

Écrit par : Francis Delval | mercredi, 07 janvier 2009

Francis, en quoi mes propos sont-ils incohérents dans ce fil de commentaire ? Décousus, je veux bien, mais incohérents ?

Jacques, en quoi mon ton est-il incommodant dans ce fil de commentaires ?

Par ailleurs vous déformez mes actuels propos. Relisez-moi je vous en prie.
Je ne fais pas du live 1984 le départ de quoi que ce soit. J'y vois juste une dimension à laquelle Ferré ne nous a pas habitués les décennies précédentes et que l'on peut rapprocher du geste des post-modernes (je ne cherche pas à labelliser au forceps Ferré pour légitimer son écoute, c'est faux, dans mon esprit j'utilise le terme "post-moderne" pour les facilités de la conversation, mais rigueur définitionnelle des philosophes oblige, c'est apparemment contre-productif).
Et je me demande si l'on peut étendre cette dimension aux albums studio. C'est à dire après et AVANT 1984 (votre remarque ne tient pas Jacques).

Je ne vois pas en quoi c'est incohérent, franchement.

Glups, quelle vision du monde Ferré charrie-t-il à travers le "spectaculaire" de la concaténation (si j'ai bien compris ce que tu veux dire) ? Quel ethos ?

Écrit par : The Owl | mercredi, 07 janvier 2009

C'est systématique, chaque fois que je fais une remarque, vous me répondez qu'elle ne tient pas. On ne peut pas avancer.

Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 07 janvier 2009

Je vous concède volontiers que vos propos ne sont pas incohérents...En demandant plus de cohérence,je visais
surtout votre mode d'exposition , ce côté décousu que vous
reconnaissez vous même, et qui fait que votre raisonnement
est parfois difficile à cerner.
Vous parlez d'éthos..ce vieux concept d'Aristote, habitus en latin...termes réactivés par Bourdieu...On ne peut pas le prendre
comme synonyme de "Vision du monde".
L'éthos est une "habitude", une "seconde nature", que nous avons intériorisée par l'influence du milieu ( la famille) et par
l'éducation.Et dont nous n'avons pas forcément conscience.C'est une "coutume", un "caractère"...etc.

Une vision du monde , c'est autre chose qu'un habitus.
Là, des choix raisonnés sont possibles.

Quant à ce que vous entendez par "spectaculaire de la concaténation", désolé, mais je ne comprends pas ce que
vous entendez par là....Ecrivez plus simplement, et on entendra davantage votre voix..
Expliquez-moi..

Écrit par : Francis Delval | mercredi, 07 janvier 2009

commentaire croisé avec celui de Jacques.
Je m'adressais à the Owl...

Écrit par : Francis Delval | mercredi, 07 janvier 2009

Mon mode d'exposition est décousu parce que ma pensée est en train de se construire. Je ne viens pas avec une théorie clé en main. Je cherche.

Quant à l'èthos, il ne faut pas le confondre avec l'éthos. Gluglups parle de l'èthos, qui ressort du champ de la rhétorique.
Je n'ai pour ma part pas assez réfléchi sur la façon dont Ferré refaçonne son èthos dans le temps. Je pense que Gluglups en parlera mieux que moi.

Par "spectaculaire de la concaténation" je me laissais aller à mon goût de l'analogie pour désigner la façon que Ferré avait de fusionner des poèmes (en apparence ?) séparés pour former une nouvelle oeuvre.

Ce "spectaculaire de la concaténation" avancé par Gluglups pourrait aussi fonctionner dans la façon que Ferré à de fusionner certains textes avec certaines musiques.

Mais d'un point de vue "spectaculaire", le résultat est-il si différent entre les monologues de l'enfant et du vers luisant dans L'opéra du pauvre et Visa pour l'Amérique/Le faux poète ?

Est-ce réellement plus "spectaculaire" ?

Écrit par : The Owl | mercredi, 07 janvier 2009

Raison pour laquelle j'avançais ce matin la question du pourquoi de tel ou tel choix. Qu'est-ce qui se produisait dans sa tête à ce moment-là (je parle du ressort du fonctionnement créatif) ? Mystère.

Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 07 janvier 2009

"Je n'ai pour ma part pas assez réfléchi sur la façon dont Ferré refaçonne son èthos dans le temps."

En fait si, c'est très exactement ce que je suis en train de faire. Mais sans le bagage théorique de l'analyse universitaire.

Alors Glups, tu l'envoies ta purée ? ;)

Écrit par : The Owl | mercredi, 07 janvier 2009

Gluglups n'ayant pas accentué "ethos", il est difficile de dire s'il
le prend au sens de Durkheim/Bourdieu ( disposition,habitus)
ou au sens de la vieille rhéthorique, réactualisé par Barthes, mais très peu utilisé.
Avec le contexte, il n'est pas évident de trancher...

Vous voulez travailler sans " le bagage théorique de l'analyse universitaire", mais en employant le vocabulaire de ce genre
d'analyse.
N'est-ce pas légèrement contradictoire ?

Écrit par : Francis Delval | mercredi, 07 janvier 2009

Que deviennent les "lettres d'amour" dans tout cela?...

The Owl, faites-nous une note...ce n'est pas si difficile...C'est
même plus simple que les commentaires...

Écrit par : Francis Delval | mercredi, 07 janvier 2009

Francis: "Vous parlez d'éthos..ce vieux concept d'Aristote, habitus en latin...termes réactivés par Bourdieu...On ne peut pas le prendre
comme synonyme de "Vision du monde".
L'éthos est une "habitude", une "seconde nature", que nous avons intériorisée par l'influence du milieu ( la famille) et par
l'éducation.Et dont nous n'avons pas forcément conscience.C'est une "coutume", un "caractère"...etc."

La notion d'ethos, que j'ai utilisée, est de plus en plus utilisée aujourd'hui dans la critique littéraire et n'est pas aussi restrictive que son sens dans la rhétorique ancienne (en gros l'aura morale de l'orateur). C'est une notion complexe, qui à mon avis, a beaucoup d'avenir dans les études littéraires, parce qu'elle renouvelle considérablement la notion d'énonciation.

J'ai très rapidement cherché un topo là-dessus sur internet car je n'ai pas beaucoup de temps et je ne me sens pas capable d'expliquer précisément la notion. J'ai trouvé une page (cliquez sur ma signature), dont je n'ai lu que le début. Je ne sais pas trop ce que le reste vaut (et l'article se restreint à l'ethos dans l'autobiographie) mais la petite intro propose une définition pas très digeste, mais assez complète:

"Issue de la rhétorique ancienne, la notion d’ethos a connu au cours des dernières décennies un certain regain d’intérêt, si bien qu’elle est aujourd’hui réactualisée dans divers champs de la théorie contemporaine. À l’origine rattaché à l’art oratoire, l’ethos désigne la composante de l’argumentation qui correspond à l’image que le locuteur construit de lui-même dans son discours en vue d’inspirer confiance. Pour Aristote, l’ethos se rapporte uniquement à l’instance d’énonciation à l’intérieur du discours, mais il en sera autrement pour d’autres traditions comme celle de la rhétorique classique où l’ethos concerne la personne même de l’orateur, dépendant à la fois du statut social et des mœurs de ce dernier, se situant donc en dehors des limites du discours. Aujourd’hui, la pertinence de la notion déborde le strict domaine de l’éloquence et se trouve associée à divers champs disciplinaires tels que la linguistique de l’énonciation, l’analyse du discours, la rhétorique contemporaine, la sociologie des champs. Selon les approches, elle permet de prendre en compte la vocalité spécifique du texte qui suppose une source énonciative dont le lecteur doit construire la figure à partir de divers indices textuels ; dans d’autres cas, elle permet de s’arrêter à la dimension discursive de la posture de l’écrivain, dans sa manière singulière d’occuper une position précise dans le champ littéraire ; ou, encore, elle se donne à saisir comme partie constituante de l’identité littéraire. Est ainsi reconduite la possibilité de considérer l’ethos selon une perspective discursive qui recherche l’efficacité de la parole à l’intérieur de l’échange verbal ou selon une perspective interactionnelle sociale et institutionnelle, donc extérieure au discours du locuteur. Les différentes approches peuvent être complémentaires, l’efficacité de la parole n’étant « ni purement extérieure (institutionnelle) ni purement interne (langagière) », comme le précise Ruth Amossy à propos de l’approche à la fois pragmatique et sociologique de la rhétorique contemporaine qui permet ainsi « de travailler dans la matérialité du discours et d’analyser la construction de l’ethos en termes d’énonciation et de genre de discours » et « de souligner la dimension sociale de l’ethos discursif, mais aussi sa relation à des positions institutionnelles extérieures. "

Honnêtement, je pense qu'il serait très intéressant d'appréhender Ferré par cette notion (j'en avais déjà parlé sur l'ex forum, il y a deux ans). Mais effectivement, il faudrait arriver à le faire de façon sensible et intelligible.

The Owl: "Glups, quelle vision du monde Ferré charrie-t-il à travers le "spectaculaire" de la concaténation (si j'ai bien compris ce que tu veux dire) ?"


Je n'ai jamais parlé du "spectaculaire de la concaténation". Donc je suis embarrassé pour te répondre. Tu as le chic pour ramasser, agglutiner des termes qui, chacun, demandent une réflexion. Je comprends bien que pour gagner du temps on doive parfois user de raccourcis. Mais franchement, tu deviens illisible. "Concaténation", qu'entends-tu par là? Je n'ai pas utilisé ce terme, lol.

"quelle vision du monde Ferré charrie-t-il à travers le "spectaculaire" ": vaste question, à laquelle je ne saurais répondre maintenant (et sans doute jamais) et je ne suis pas sûr que dans l'idée de "spectaculaire" ce soit une vision du monde mais plutôt une façon d'être dans le monde dans l'énonciation même.

Écrit par : gluglups | jeudi, 08 janvier 2009

Oui, en effet, on emploie de plus en plus la notion d'ethos ou
d'habitus dans les champs littéraires et linguistiques, mais il faut
être prudents, car ce concept pourrait très vite devenir ce que
Bourdieu appelait une problématique omnibus, c'est à dire
que , utilisée dans plusieurs domaines, elle perde toute efficacité et pertinence.
A consommer avec modération.

Écrit par : Francis Delval | jeudi, 08 janvier 2009

Francis: "Vous parlez d'éthos..ce vieux concept d'Aristote, habitus en latin...termes réactivés par Bourdieu...On ne peut pas le prendre
comme synonyme de "Vision du monde".
L'éthos est une "habitude", une "seconde nature", que nous avons intériorisée par l'influence du milieu ( la famille) et par
l'éducation.Et dont nous n'avons pas forcément conscience.C'est une "coutume", un "caractère"...etc."

La notion d'ethos, que j'ai utilisée, est de plus en plus utilisée aujourd'hui dans la critique littéraire et n'est pas aussi restrictive que son sens dans la rhétorique ancienne (en gros l'aura morale de l'orateur). C'est une notion complexe, qui à mon avis, a beaucoup d'avenir dans les études littéraires, parce qu'elle renouvelle considérablement la notion d'énonciation.

J'ai très rapidement cherché un topo là-dessus sur internet car je n'ai pas beaucoup de temps et je ne me sens pas capable d'expliquer précisément la notion. J'ai trouvé une page (cliquez sur ma signature), dont je n'ai lu que le début. Je ne sais pas trop ce que le reste vaut (et l'article se restreint à l'ethos dans l'autobiographie) mais la petite intro propose une définition pas très digeste, mais assez complète:

"Issue de la rhétorique ancienne, la notion d’ethos a connu au cours des dernières décennies un certain regain d’intérêt, si bien qu’elle est aujourd’hui réactualisée dans divers champs de la théorie contemporaine. À l’origine rattaché à l’art oratoire, l’ethos désigne la composante de l’argumentation qui correspond à l’image que le locuteur construit de lui-même dans son discours en vue d’inspirer confiance. Pour Aristote, l’ethos se rapporte uniquement à l’instance d’énonciation à l’intérieur du discours, mais il en sera autrement pour d’autres traditions comme celle de la rhétorique classique où l’ethos concerne la personne même de l’orateur, dépendant à la fois du statut social et des mœurs de ce dernier, se situant donc en dehors des limites du discours. Aujourd’hui, la pertinence de la notion déborde le strict domaine de l’éloquence et se trouve associée à divers champs disciplinaires tels que la linguistique de l’énonciation, l’analyse du discours, la rhétorique contemporaine, la sociologie des champs. Selon les approches, elle permet de prendre en compte la vocalité spécifique du texte qui suppose une source énonciative dont le lecteur doit construire la figure à partir de divers indices textuels ; dans d’autres cas, elle permet de s’arrêter à la dimension discursive de la posture de l’écrivain, dans sa manière singulière d’occuper une position précise dans le champ littéraire ; ou, encore, elle se donne à saisir comme partie constituante de l’identité littéraire. Est ainsi reconduite la possibilité de considérer l’ethos selon une perspective discursive qui recherche l’efficacité de la parole à l’intérieur de l’échange verbal ou selon une perspective interactionnelle sociale et institutionnelle, donc extérieure au discours du locuteur. Les différentes approches peuvent être complémentaires, l’efficacité de la parole n’étant « ni purement extérieure (institutionnelle) ni purement interne (langagière) », comme le précise Ruth Amossy à propos de l’approche à la fois pragmatique et sociologique de la rhétorique contemporaine qui permet ainsi « de travailler dans la matérialité du discours et d’analyser la construction de l’ethos en termes d’énonciation et de genre de discours » et « de souligner la dimension sociale de l’ethos discursif, mais aussi sa relation à des positions institutionnelles extérieures. "

Honnêtement, je pense qu'il serait très intéressant d'appréhender Ferré par cette notion (j'en avais déjà parlé sur l'ex forum, il y a deux ans). Mais effectivement, il faudrait arriver à le faire de façon sensible et intelligible.

The Owl: "Glups, quelle vision du monde Ferré charrie-t-il à travers le "spectaculaire" de la concaténation (si j'ai bien compris ce que tu veux dire) ?"


Je n'ai jamais parlé du "spectaculaire de la concaténation". Donc je suis embarrassé pour te répondre. Tu as le chic pour ramasser, agglutiner des termes qui, chacun, demandent une réflexion. Je comprends bien que pour gagner du temps on doive parfois user de raccourcis. Mais franchement, tu deviens illisible. "Concaténation", qu'entends-tu par là? Je n'ai pas utilisé ce terme, lol.

"quelle vision du monde Ferré charrie-t-il à travers le "spectaculaire" ": vaste question, à laquelle je ne saurais répondre maintenant (et sans doute jamais) et je ne suis pas sûr que dans l'idée de "spectaculaire" ce soit une vision du monde mais plutôt une façon d'être dans le monde dans l'énonciation même.

Écrit par : gluglups | jeudi, 08 janvier 2009

Glugups:l 'article dont vous avez cité le début situe bien l'ethos
dans la sociologie des champs,donc il reprend sans le dire le sens que Bourdieu lui a redonné, que ce champ soit linguistique,
poétique ou scientifique, ou littéraire et rhétorique.ce n'est pas
une nouveauté à proprement parler.

Quant à l'accentuation d'ethos, selon l'écriture du mot dans la Grèce ancienne,on peut l'oublier, et aussi la notice de Wikipédia
où on la (re)trouve....Personne n'accentue "ethos" comme dans
le "Bailly"..sauf coquetterie d'helléniste.

La dernière phrase du long paragraphe que vous citez rejoint
parfaitement les thèses de Bourdieu..(qu'on peut ne pas partager )

Quant au spectaculaire de la concaténation, the Owl ne désigne-t-il pas simplement le "collage" de textes , comme
le jazz-band et t'es rock, coco...ou la solitude et l'invitation
au voyage...ou le texte " les passantes", fait de collages de morceaux poèmes courts....( on en trouve une version très
étonnante dans l'émission faite avec Averty..où Ferré la chante couché sur le dos, avec les fantaisies d'Averty en plus)

Je pense avoir saisi ce que the owl veut faire passer..Mais il
devrait pratiquer une ascèse du langage, dire les choses
simples plus simplement.

Écrit par : Francis Delval | jeudi, 08 janvier 2009

"La Lettre " me faisait peur au début.
La chanson commence par "Ton ombre est là, sur ma table..." j'avais l'impression qu'un fantôme était dans la pièce..

Puis , j'ai réalisé que "l'ombre" était le noir de l'encre, donc l'écriture d'une personne bien aimée: Léo était en train de lire
"La Lettre" non de l'écrire.
Cela reste mon sentiment aujourd'hui.

Écrit par : Béatrice | jeudi, 12 mars 2009

Ah, voilà une interprétation originale. C'est la première fois que j'entends dire cela, mais peut-être avez-vous raison, ce n'est pas impossible. Pour moi, c'était effectivement un "fantôme", dans le sens où il s'agissait de la présence, imaginée, de l'être aimé, présence exacerbée par, justement, son absence : une obsession, en quelque sorte. Et cela ne me faisait pas peur.

Mais votre interprétation n'est pas à exclure.

Écrit par : Jacques Layani | jeudi, 12 mars 2009

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