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mercredi, 14 janvier 2009

Une question d’interprétation

Au lu ou à l’audition d’Avec le temps, on considère habituellement que « on n’aime plus » représente l’échec. On peut facilement penser exactement le contraire, et c’est d’ailleurs, à mon avis, le sens que donne Léo Ferré à cette chute. Ne plus aimer, ici, c’est être victorieux, même a minima (« tout seul peut-être mais peinard »).

 

Évidemment, si on reste sur un plan biographique, on peut dire que Ferré veut nous faire croire qu’il n’aime plus, alors qu’on sait bien qu’en réalité, on n’oublie rien. Des deux opinions, « on oublie tout » et « on n’oublie rien », celle de Brel était plus juste : une de ses chansons portait ce titre, On n’oublie rien, mais, si elle est plus exacte, elle est malheureusement écrite en charabia (d’un autre texte de Brel, Il nous faut regarder, Catherine Sauvage disait : « C’est du belge »). On ne cesse jamais d’aimer, même si on a quitté l’autre. Personne (et heureusement) ne remplace personne. On ne « refait pas sa vie », contrairement à ce qu’on dit, mais les vies se succèdent, simplement.

 

Il reste que, du point de vue littéraire, un artiste a écrit « on n’aime plus » à la clausule d’un texte où il montre qu’avec le temps, on oublie. On a beau savoir que c’est faux, le texte, lui, est là et c’est de lui qu’on doit parler. Donc, affirmer que « on n’aime plus », c’est l’échec, est à mon avis un contresens. L’auteur nous présente ici la fin du sentiment comme une libération, donc une victoire.

 

Dans la réalité, ce n’est pas vrai, mais le texte est là, qui dit l’intention de l’auteur. Peut-être dit-il, d’ailleurs, plus que son intention. Peut-être prouve-t-il l’effort désespéré que fait un homme pour se convaincre qu’on oublie tout et le reste. Mais on tombe là dans le biographisme, dont on ne veut pas.

11:38 Publié dans Propos | Lien permanent | Commentaires (37)

Commentaires

Le brouillon manuscrit de la première version de la chanson Avec le temps, montre que l'intention initiale de Léo Ferré avait été de terminer non par "On n'aime plus", mais par "On n'en peut plus", qu'il corrigea sans doute très rapidement. (cf. Passion Ferré, Par Christophe Marchand-Kiss Éd. Textuel, 2003). Evidemment cela donne une tout autre résonance à ce texte, où l'auteur paraît plus excédé qu'autre chose.

Écrit par : J. Miquel | mercredi, 14 janvier 2009

Certes, mais c'est une version annulée par un repentir. La question demeure posée pour le texte définitif.

Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 14 janvier 2009

"On ne cesse jamais d’aimer, même si on a quitté l’autre.": est-ce qu'on ne tombe pas ici plutôt dans l'autobiographisme? Car, pour quelqu'un comme Ferré, l'amour sublimé (en bons souvenirs, en tendresse, en haine, en raison, etc.), ce n'est plus l'amour sublime.

Je crois que la chanson est malheureusement (heureusement) complètement vraie et lucide. Et l'"on oublie" jusqu'à la voix, au visage (sans être nécessairement atteint d'Alzheimer) et tout s'estompe, tout est absorbé par un effet de FADING (Barthes).

Écrit par : gluglups | mercredi, 14 janvier 2009

Autobiographisme de ma part ? Ou ai-je mal compris votre phrase ? Je pense vraiment qu'on ne cesse jamais d'aimer et qu'on n'oublie pas. Ce qui n'empêche pas de continuer son chemin, bien sûr. Je ne crois pas qu'on puisse redevenir vierge d'un sentiment. "Tout s'estompe", écrivez-vous. Ce qui s'estompe ne disparaît pas totalement. Et quand bien même, à la longue (très longue) cela disparaîtrait, demeurerait le souvenir.

Je ne dis pas que j'aime ça. Parfois, je m'en passerais bien. Mais je ne pense pas que Léo Ferré soit dans le vrai, même si la chanson est bien fichue, prenante, touchante, bouleversante, comme on voudra.

En tout cas, je ne pense pas qu'on soit autorisé à dire que « on n’aime plus » -- quand même ce serait vrai -- représente l’échec.

Cependant, je vous comprends et vous suis quand vous dites : "pour quelqu'un comme Ferré, l'amour sublimé (en bons souvenirs, en tendresse, en haine, en raison, etc.), ce n'est plus l'amour sublime".

Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 14 janvier 2009

"Autobiographisme de ma part ?": oui, c'est ce que j'ai voulu dire, parce que j'ai repris votre dernière phrase où il est question de biographisme. Alors "autobiographisme" ne convient pas vraiment... Mais j'ai voulu dire que vos considérations sur "on n'oublie rien" et sur "on n'aime plus", qui reposent sur une certaine expérience de la vie, un certaine façon de la ressentir, ne peuvent être généralisées.

"je ne pense pas qu'on soit autorisé à dire que « on n’aime plus » -- quand même ce serait vrai -- représente l’échec.": non, on serait plutôt dans le soulagement et la rectification du brouillon, signalée par J. Miquel, irait plutôt dans ce sens.

Écrit par : gluglups | mercredi, 14 janvier 2009

Sur le plan du contenu du texte, je vous suis donc. Il ne s'agit pas d'échec, plutôt de soulagement. Notre interprétation est commune -- c'est ce que j'appelais une victoire a minima : on ne s'en sort pas trop mal, avec le temps.

Pour ce qui est du domaine sentimental, je continue de ne pas être d'accord. Peut-être, c'est vrai, parce que je n'ai quitté personne, si j'ai été souvent quitté...

Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 14 janvier 2009

Regardez autour de vous: tous ces gens qui, après s'être aimés, finissent par se détester. C'est tout de même une situation fréquente! Comment parler encore d'amour?

Ferré, au moment où il a écrit Avec le temps, n'imaginait peut-être pas encore la façon dont évolueraient ses relations avec Madeleine. Mais bon, je ne vois pas comment on peut trouver de l'amour par la suite.

Écrit par : gluglups | mercredi, 14 janvier 2009

Ces gens qui se détestent ? Ou qui disent se détester ? Ou qui se le disent ? Et dans leur for intérieur ? A certains moments de l'existence ? Et ceux qui,passée la haine, finissent pour mille raisons par se supporter de nouveau, au moins dans des circonstances données (je ne dis pas vivre de nouveau ensemble).

Cela dit, je ne cherche pas à convaincre. Je suis un grand sentimental, ce doit être pour ça...

Mais on sort du texte proprement dit, et de cette question d'échec avec laquelle je persiste à n'être pas d'accord. Peut-être d'autres particiapnts voudront-ils dire un mot ?

Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 14 janvier 2009

Si l'on se réfère à certains propos de Ferré à l'époque, "Avec le temps" est un texte écrit très vite, en vingt minutes sur un coin de table..Je me méfie toujours de ce genre de déclaration,
mais il y a une "spontanéïté" dans le texte qui à la première
écoute m'a semblée évidente...Qu'il l'ait sortie sur un 17 cm
deux titres..( Que sur l'autre face il y ait "L'adieu" d' Apollinaire
me semble "complémentaire..ou est-ce le hasard ?)est significatif : Ferré ne pensait probablement pas que cette chanson deviendrait un "tube" international..
Comme il sortira en 73 un autre 2 titres "Je t'aimais bien ,tu sais" et "Marie" (toujours Apollinaire

echec ou pas?on tombe dans l'interprétation psychologique..
ce n'est sans doute pas la bonne voie

Écrit par : Francis Delval | jeudi, 15 janvier 2009

Il a parlé de vingt minutes et, ailleurs, de deux heures. Il ne faut pas s'arrêter à cela. Il voulait sans doute signifier qu'il avait fait ça rapidement.

Quand Barclay fait paraître Avec le temps en 45-tours, c'est parce qu'on ne croit pas à la chanson. Mais la leçon de ce disque a porté : ainsi, en 1973, on essaie de refaire le même coup du 45-tours "magique" : une chanson d'amour triste d'un côté, un poème d'amour triste signé Apollinaire de l'autre. La formule est la même. Malheureusement -- mon Dieu, qu'on est con chez les éditeurs (de disques comme de livres) ! -- ce qui marche une fois ne marche jamais une seconde fois. Et le 45-tours de 1973 n'aura pas le succès escompté (je veux dire : pas à la même échelle). C'est regrettable pour Je t'aimais bien, tu sais qui est une belle chanson, mais c'est une leçon pour les décideurs crétins.

Écrit par : Jacques Layani | jeudi, 15 janvier 2009

"je serai roi d'une quelconque Belgique
Vive les belgiens, à bas les flamingants"
chantait Brel dans je ne sais plus quelle chanson..

A propos du "charabia" de Brel: Il faut quand même
rappeler que Brel est flamand, que c'est sa langue maternelle,
mais que dans la bourgeoisie aisée flamande, en privé, on par-
lait français...Verhaeren et Maeterlinck , flamands, n'ont écrit
qu'en français, et de fort belle façon...

Le français parlé en Belgique , selon les provinces, est soit
identique au nôtre, soit idiomatique, plein de "belgicismes"
qu'on retrouve dans certains coins du Nord et du Pas-de-
Calais.La carte du français parlé en Belgique et dans le Nord
de la France est très complexe..Il y a de plus des enclaves
germanophones, et au Luxembourg, il y a 3 langues officielles apprises à l'école : Français, allemand, luxembourgeois.

Le " charabia " de Brel n'est que la résultante du français
parlé dans sa ville natale "Schaarbeck"( je ne garantis pas
l'orthographe).....Ici, dans le Nord, tout le monde comprend..
Brel chantait selon moi mieux en flamand qu'en français..
mais il l'a fait trop rarement.

Écrit par : Francis Delval | jeudi, 15 janvier 2009

Vous êtes fort gentil, Francis. Ces explications géographiques et linguistiques sont certes exactes mais, dans le cas de Brel, c'est tout simplement qu'il n'a aucun talent. Il ne sait pas écrire. Quant à sa musique, elle tient de la marche militaire conjuguée à la musique de foire. Son interprétation relève du char d'assaut. Enfin, son jeu de scène, si réputé, est une horreur absolue : le moindre geste -- et il y en a beaucoup -- paraphrase le texte. Aucun sens de l'épure. On peut regarder, dans le coffret anthologique Discorama récemment paru, son interprétation en direct de Ces gens-là, au cours de l'émission. C'est à fuir très loin et très vite.

Écrit par : Jacques Layani | jeudi, 15 janvier 2009

Je n'écoute plus Brel (sauf chanté par Scott Walker, en anglais.....), mais je vous trouve très sévère...Il a laissé
quelques chansons excellentes, comme " mon père disait",
ou "le plat pays ", très beau chanté en flamand..et "ne me quitte
pas", on ne peut le mettre comme ça à la corbeille..
Les autres, bof, "quand on n'a que l'amour" se chante dans les
mariages à l'église...Ce qui n'arrivera pas avec Ferré!!!!!

Écrit par : Francis Delval | jeudi, 15 janvier 2009

Je suis sévère, mais c'est parce que je connais très bien toute son oeuvre, depuis longtemps. Brel, c'est le type même de la fausse gloire. Franchement, les quatre strophes du Plat pays, c'est culcul-la-praline, non ? Et le texte, le texte : "Avec la mer du Nord pour dernier terrain VAGUE / Et des VAGUES de dun's pour arrêter les VAGUES / Et de VAGUES clochers que les MARE(E)S dépassent / Et qui ont à jamais le coeur à MAREE basse" ! Oui, je sais, c'est exprès. Ben voyons...

Écrit par : Jacques Layani | jeudi, 15 janvier 2009

"... dans le cas de Brel, c'est tout simplement qu'il n'a aucun talent."

Sous-texte : "Touche pas à ma star, yo !"

Cette remarque est typique d'un angle vision étroit qui est celui des lettrés, qu'il s'agisse de Brel, Ferré ou tartempion (je suppose que de votre point de vue, Bashung c'est direct la poubelle ?), toujours à aborder le texte en lui-même comme s'il s'agissait de littérature avant tout, alors que l'essentiel se trouve précisément dans le résultat final, dans la musicalité du paysage émotionnel créé à partir du texte, avec la musique et la voix.

C'est d'ailleurs pourquoi à mon sens la majeure partie des gloses parues sur Ferré, aussi intéressantes soient-elles, sont comme inaccomplies, à cause de cet angle mort qui les fait passer à côté de l'essentiel (exception : Chabot-Canet).

Séparer le texte de la musique c'est comme séparer le fond de la forme : un total non-sens.

Démonstration par l'absurde : transposons votre comparatif "qui a la plus grosse" pour la musique (ie. richesse harmonique, complexité rythmique, singularité mélodique, alchimie timbrique, expérimentation formelle) et ben Ferré c'est ça vaut pas tripette comparé à... je sais pas moi... Frank Zappa ?
(évidemment vous connaissez pas, c'est labellisé rock, c'est américain, etc.)
Ce type de comparaison stérile rend-t-il justice à Ferré ?

Tout ça pour dire que vos propos n'ont strictement aucun sens !
L'aura des artistes est aussi à la mesure du seuil à partir duquel ils sont assimilables par le public.

Mallarmé n'aura jamais l'audience de Baudelaire. Est-ce pour autant que Baudelaire c'est bidon comparé à Mallarmé ?

La gloire ne saurait en outre tenir longtemps sur une absence totale de talent.
Cela saute aux yeux et aux oreilles que Brel est plus "pauvre", plus "rudimentaire", plus "beauf" que Ferré, qu'on est plusieurs niveaux en dessous. Bon, et ensuite ?
A quoi bon se battre contre des moulins à vent ?
Chassez le fan par la porte, il revient par la fenêtre.

Vous connaissez peut-être très bien l'oeuvre de Brel mais en tenant ce genre de propos vous montrez simplement que vous l'avez mal écoutée.

D'une part Ferré a aussi donné dans le registre de la "musique de foire", et Brel lui est parfois supérieur par une frénésie tourbillonnante assez unique dans la chanson (La valse à mille temps, Les remparts de Varsovie).
Et "marche" pour "marche", La chanson de Jacky ou Le moribond 72 valent mieux que Miss Guéguerre ou Regardez-les.

Brel n'a pas le génie de Ferré mais le fait est qu'il réussit à faire certaines choses que Ferré ne sait pas faire.

Je vous invite à réécouter La fanette, Ces gens-là, L'éclusier, Je suis un soir d'été, Regarde bien petit, La ville s'endormait, Les Marquises.
Elles témoignent d'un sens de l'ailleurs inexistant chez Ferré, chez qui l'espace prend forme autrement.
Et accessoirement, ce ne sont ni des marches militaires, ni de la musique de foire.

Maigre récolte direz-vous qu'une poignée de chansons. Certes.
Mais quoi que vous en disiez, pour ces quelques bijoux Brel apporte sa (petite) contribution au bien commun de la chanson (de la musique), et il n'est pas à jeter comme vous le faites.


Et puisque vous parlez de Discorama, et puisque Gluglups nous invite à réfléchir sur la notion d'ethos ; comparez donc l'image qui se dégage de Brel avec l'image qui se dégage de Ferré au travers des compilations qui leur sont consacrées et dites-nous quel type de rapport (au monde, à la star) elles induisent.
Car bien sûr, on ne saurait parler de la gloire d'un artiste sans prendre en compte les conditions de réception de sa musique.

Pardonnez-moi d'avance pour mon ton, mais il est à la mesure de votre fanatisme larvé dans le jugement un peu fort de café que vous portez sur Brel.


Pour finir, il existe des mariages où l'on joue "On s'aimera" de Ferré mon cher Francis...

Écrit par : The Owl | jeudi, 15 janvier 2009

L'écriture de Brel est souvent naïve, voire "cucul", c'est vrai...
il y a même des chansons carrément idiotes et inécoutables
comme "Quand ma maman reviendra" ou "le gaz"....
On peut néanmoins "sauver" "Jaurès"...et "Jackie", que Ferré
aimait beaucoup...Voire Zangra,inspiré par "le désert des tartares " de Dino Buzzati", et que Seghers a choisi pour le livre
d'or de la poésie contemporaine"

Quant au "plat pays", je vous disais que c'était très beau
en flamand....ça passe beaucoup mieux.

Arrêtons-nous là...Ne faisons pas un blog Brel.

Écrit par : Francis Delval | jeudi, 15 janvier 2009

Pour The Owl :

Pas un instant, je n'ai fait de comparaison entre l'un et l'autre, dans mes commentaires précédents. Ce n'était pas mon propos. C'est vous qui posez le problème ainsi.

Je maintiens que Brel est une cochonnerie intégrale, que son texte ET sa musique ET son interprétation, tous trois non dissociés, sont sans intérêt aucun et qu'il n'y a rien à sauver. Il a fait illusion en son temps et ne vaut plus rien aujourd'hui. Je peux être plus violent encore, si vous voulez.

Je ne sais pas ce que c'est que le sens de l'ailleurs, je dis que les chansons que vous citez sont de mauvaises chansons et que leur "poésie" de l'ailleurs ou d'ici ou d'autre part a toute la grâce d'une musique de foire mâtinée de marche militaire : cela s'appelle une image. Ces gens-là est une mauvaise chanson descriptive et narrative. L'interprétation de Brel est à hurler.

"vous montrez simplement que vous l'avez mal écoutée" : mais vous vous prenez pour qui ?

"Pardonnez-moi d'avance pour mon ton" : non. Cela commence vraiment à bien faire, à la longue. Vraiment. Je vous le dis depuis deux ans.

Écrit par : Jacques Layani | jeudi, 15 janvier 2009

commentaire croisé avec the owl..le précédent n'est pas une réponse au hibou...

Écrit par : Francis Delval | jeudi, 15 janvier 2009

De Bashung, je ne dirai rien, car je tiens ici à rester poli.
Disons que le personnage est peu recommandable.Je refuse
d'en dire plus.Basta!

Écrit par : Francis Delval | jeudi, 15 janvier 2009

"vous montrez simplement que vous l'avez mal écoutée" : mais vous vous prenez pour qui ?"

Pour quelqu'un qui attend que vous sortiez de l'opinion lapidaire et que vous étayiez concrètement en quoi "son texte ET sa musique ET son interprétation" ne valent plus rien (au moins dans les chansons que je cite).

Curiosité de ma part : hormis Ferré, vous écoutez quoi comme musique ?
Hormis Ferré, qu'est-ce qui vaut quelque chose aujourd'hui ?

Écrit par : The Owl | jeudi, 15 janvier 2009

Owl, cette fois, vous m'emmerdez, puisqu'il faut vous le dire.

Écrit par : Jacques Layani | jeudi, 15 janvier 2009

La poésie brélienne :

"Tu as des seins comm' des soleils
Comm' des fruits comm' des r'posoirs
Tu as des seins comm' des trottoirs
Comm' des fruits comme du miel

Tu les recouvres
Tout devient noir
Tu les découvres
Et je deviens Pégase

Tu as des seins comm' des miroirs
Et moi moi moi je viens pour le gaz"

Sujet : commenter l'emploi de "comme", y compris dans sa répétition. Le rapprocher de la répétition de "Tu as des seins". Montrer l'audace de la progression de "Tu les recouvres" à "Tu les découvres". A supposer que Pégase soit blanc, détailler l'audace stylistique contenue dans l'opposition avec "Tout devient noir".

Autre exemple :

"Mon ami est un type énorme
Il aim' la trompette et le clairon
Tout en préférant le clairon
Qu'est un' trompette en uniforme"

Sujet : étudier la versification. Rendre l'audace de la périphrase et expliquer en quoi le grand poète est ainsi profondément subversif.

Un blog Brel, Francis ? Diable, non !

Écrit par : Jacques Layani | jeudi, 15 janvier 2009

Jacques, nous ne nous comprenons pas. Nous ne parlons pas de la même chose.

Je ne nie absolument pas que Brel soit charabiateux et pauvre dans ses textes.

Je dis juste qu'on peut-être charabiateux (dans une certaine limite) et faire une chanson qui soit réussie.

Les Beatles en sont tout de même l'exemple éclatant, non ?

Et Bashung aussi, sporadiquement. Même s'il est clairement surévalué, et s'il est un sale type à ce qu'en dit Francis (on aimerait en savoir plus Francis du coup, même si on se demande en quoi cela a à interférer avec la qualité de sa musique).

Libre à vous Jacques d'avoir l'opinion que vous voulez sur Brel, mais ce qui me fait tiquer c'est le primat du texte sur lequel se fonde votre jugement, primat qu'il me semble retrouver dans l'approche analytique de Ferré (il s'y prête ô combien mieux que Brel), qui me semble d'emblée biaisée du fait de ne pas prendre assez en compte le résultat final.

C'est ce que j'épingle.
Brel, moi je m'en fous vous savez.

Écrit par : The Owl | jeudi, 15 janvier 2009

Vous minorez maintenant vos commentaires précédents. Il faut être grossier pour vous ramener à plus de mesure, c'est un peu dur !

Écrit par : Jacques Layani | jeudi, 15 janvier 2009

Les Marquises ! Trois huitains (enfin, si on compte « Aux Marquises » pour un vers), parmi lesquels je relève uniquement les platitudes suivantes :

« Ils parlent de la mort comm’ tu parles d'un fruit
Ils regardent la mer comm’ tu regardes un puits »

C’est vraiment de la haute poésie. Quant à l’emploi du mot « comme », je rappelle que Rimbaud, un siècle avant, avait dit : « Quel con ! » au dîner au cours duquel il avait lu Le Bateau ivre, à celui qui lui objectait : « Pourquoi ne pas écrire plutôt : Je suis comme un bateau qui… »

« Et s'il n'y a pas d'hiver cela n'est pas l'été » :

Oh, c’est de la haute voltige, ça ! Inégalé !

« Les pirogues s'en vont les pirogues s'en viennent » :

Il est difficile de trouver une écriture plus originale, vraiment.

J’arrête là.

Écrit par : Jacques Layani | jeudi, 15 janvier 2009

Les Marquises : des platitudes peut-être, une musique réussie, une interprétation à l'avenant = chanson réussie.

On n'écoute pas une chanson comme on analyse une poésie destinée au livre. Le commentaire de texte, ça va bien 5 minutes. C'est attaquer une mouche au bazooka.
C'est juste de la chanson.

C'est cette approche que je rejette. Vous niez la musique (mélodie, harmonies, arrangements, production) et en cela il me semble que vous passez à côté du pacte d'écoute proposé par cette oeuvre.

Écrit par : The Owl | jeudi, 15 janvier 2009

Musique de Brel :

Principe du crescendo, utilisé ad nauseam.
Principe de la valse ultrarapide, tourbillonnante et également fondée sur le crescendo, trouvé pour La Valse à mille temps – pur exercice de style, sans intérêt aucun – et repris pour Vesoul – mêmes remarques, aggravées par la redite.

Interprétation de Brel :

Le principe, c’est que mouiller sa chemise, c’est bien. À partir de là, il la mouille beaucoup. Manque de chance, ce n’est pas un gage de qualité. Johnny Hallyday trempe aussi sa liquette.
Paraphrase systématique : la gestuelle consiste à redire ce qu’il chante, vers après vers. Ces gens-là en est la meilleure illustration. Or, de même qu’une image ne doit pas paraphraser un titre (principe de tout éditeur sérieux lorsqu’il conçoit une couverture de livre, par exemple), un geste ne doit pas paraphraser un propos.

Écrit par : Jacques Layani | jeudi, 15 janvier 2009

Cela dit, je ne rejette pas la chanson et je sais de quelle alchimie elle relève. J'aime Barbara, Ferrat, Montand, Gainsbourg, Trenet, Piaf, Nougaro, Marie-Paule Belle, les Beatles, Joan Baez, Catherine Leforestier (et pas Maxime), Cora Vaucaire, Moustaki, Reggiani, Fanon, Caussimon (même hors Ferré, oui), Tachan, Vigneault, C. Sauvage, Michel Legrand et même des gens comme Nicolas Payrac, et même, tenez-vous bien, Sylvie Vartan.

Liste non limitative.

Écrit par : Jacques Layani | jeudi, 15 janvier 2009

Vraiment le taulier voit rouge quand on lui parle de Jacques Brel. Pour ma part je reste un de ses admirateurs, même si aujourd'hui je l'écoute beaucoup moins. C'est pour cela que je partage les vues du Hibou et aussi un peu celles de Francis. Je ne vais pas essayer de vous convaincre mais je reste étonné de votre emportement. Quand certains chanteurs ou auteurs ne me plaisent pas particulièrement je m'en fous. Je ne les écoute pas.
Je maintiens qu'il y a des textes réussis, poétiques, même s'ils sont mal foutus au niveau de la métrique, de la césure et de tout ce que l'art poétique comprend de règles. Pour la musique, j'adore certains airs de foire, voire de manège. Ah l'accordéon de Jean Corti ou celui d'Azzola... J'imagine que vous connaissez le SP 45trs BOF Franz. Deux valses, l'une à l'orgue de foire, l'autre sur des cordes somptueuses... on peut ne pas aimer mais j'ai du mal à l'admettre. J'adore également le Brel des Désespérés et celui des interprétations en flamand par lui ou par Liesbeth Lizst (?) par exemple. C'est vraiment un tout qui chaque fois me touche beaucoup.
Pour la gestuelle, je suis un peu d'accord avec vous pour ce qui est de la télévision. Maintenant il s'agissait surtout d'un jeu de scène fait justement pour la scène, c'est à dire pour être vu par des gens qui se trouvent à une distance de 15 à 100 mètres de l'artiste. Moi je l'ai vu à cinq reprises de 1964 à 1966 et j'ai toujours été emballé. C'était du grand spectacle.
J'ai également eu l'occasion de l'approcher (une interview d'environ une heure pour un journal de potaches qui se prenaient un peu au sérieux) et j'ai trouvé que c'était un chic type. Maintenant, c'est certain, ce n'était ni un intellectuel ni un littéraire. Mais pour moi cela n'empêche pas que son oeuvre baignait dans un climat poétique.

Écrit par : J. Miquel | jeudi, 15 janvier 2009

Je vous attendais là, Jacques. Je pensais que vous réagiriez.

"Quand certains chanteurs ou auteurs ne me plaisent pas particulièrement je m'en fous. Je ne les écoute pas" : mais je ne l'écoute pas, plus jamais depuis des années et des années. Il se trouve simplement que je sais tout ça par coeur. Cela date d'autrefois, quand tout rentrait tout seul dans ma tête.

En outre, je ne voulais pas parler de lui, mais d'une interprétation d'Avec le temps, au départ. J'ai même dit dans la note que Brel était plus dans le vrai (On n'oublie rien). Seulement, comme toujours, je trouve normal que la conversation dévie ou dérive, je l'accepte et réponds.

Franz est un film complètement raté, et Far-West aussi. Sans intérêt. Des rêves d'enfant mal écrits, mal tournés, mal interprétés. Barbara aussi est mauvaise, là-dedans.

Écrit par : Jacques Layani | jeudi, 15 janvier 2009

Monsieur Layani, ah ! qu’il est bien dommage de vous savoir vous bagarrer autour de Brel alors que vous êtes capables de porter aux nues Léo Ferré ! Regrettable. Décevant. D’habitude je vous lis avec grand intérêt. Pourquoi ne pas examiner vos motivations avec sincérité ? Seriez-vous capable de vous remettre en question ? En vous posant tout bonnement la question suivante « qu’est-ce qu’une chanson ? », et puis « une bonne chanson » ?
Sous quels aspects le texte de « On n’oublie rien » passe à vos yeux pour du charabia ? (pas à vos oreilles tant il semble que vous reléguiez la musique à la portion congrue). On sait que Brel n’a jamais encaissé Ferré, cela vous donne-t-il pour autant le droit et/ou la naïveté de ridiculiser le premier ? Le texte « Ne me quitte pas » vaut largement celui de « Avec le temps ».
Je ne croyais pas possible qu’on puisse écrire en 2009 : « dans le cas de Brel, c’est tout simplement qu’il n’a aucun talent. Il ne sait pas écrire. ». Je ne place pas Ferré au-dessus de Brel, ni Brel au-dessus de Ferré. Ce genre de comparaison, de classement, est digne du rayon de supermarché, de la comparaison des étiquettes ou alors de l’exploit sportif… Ferré court plus vite que Brel, Ferrat moins vite que Brel, mais Brassens les a sur la distance. Soyez sérieux. Je vous demande d’examiner le texte de « Orly », sans la musique, quand bien même il est difficile de le faire.
C’est marrant, Ferré n’aurait jamais supporté vos propos au sujet de Brel.

Écrit par : Jean-Bastien Lesueur | jeudi, 15 janvier 2009

"C’est marrant, Ferré n’aurait jamais supporté vos propos au sujet de Brel" : tiens, vous faites parler les morts ! Qu'en savez-vous ?

Orly, c'est une très mauvaise chanson.

C'est plaisant. Depuis le début de cette discussion, qui n'était pas mon propos principal, mais vraiment pas du tout, chacun vient me citer tel ou tel titre. Et alors ? Tout ça est très mauvais.

De plus, je n'ai jamais fait le moindre parallèle entre l'un et l'autre et, comme Owl, vous remettez ça sur la table. Vous dites tous la même chose, cela ne donne pas raison. Il n'est pas question de faire des parallèles ni des comparaisons. Je trouve Brel très très très mauvais et c'est tout. Brassens aussi, d'ailleurs.

Ce n'est pas la première fois que je tiens ce genre de propos. Ici peut-être mais ailleurs, je l'ai déjà dit. J'ai répété cent fois que la rencontre Brel, Brassens, Ferré dont on nous parle depuis 1969 était une imbécillité consternante et que les rencontres avec Nougaro ou Gainsbourg, moins longues, moins formelles, étaient cent fois plus intéressantes.

Mais là, j'ai osé toucher Brel, l'intouchable. Shame on me.

Écrit par : Jacques Layani | jeudi, 15 janvier 2009

Ce que j'en sais ? Eh bien, il existe ces interviews où Ferré reconnaît le talent de Brel (il me semble que Brel dans une certaine mesure ne le lui rendait pas). Je n'invente rien. Par ailleurs, je dis simplement que vous perdez de votre crédibilité à écrire ainsi sur Brel et son œuvre. Comme quoi votre amour démesuré pour Ferré vous aveugle.

Pour revenir à nos moutons… au sujet de « Avec le temps »... il y a chez Ferré bon nombre de contradictions, d’ambiguïtés, ce qui en fait un artiste passionnant. Ce qui est intéressant c’est bien la « fabrication » d’une chanson, l’altération du texte pour satisfaire la mélodie, ou le contraire. C’est en ça que l’artiste est un artiste, dans cette mise en scène, dans cette « falsification », dans cette réécriture du « on n’en peut plus » en « on n’aime plus », qui souligne une fois de plus le fantastique talent que possède Ferré. Lui seul savait ce qui « allait » le mieux à ses chansons.
Sur ce texte (« Avec le temps »), il convient je pense et pour une fois de ne pas lire entre les lignes, il n’y a dans cette chanson aucune ambiguïté. La meilleure des qualités de Léo Ferré n’est elle pas la lucidité ? Alors ne cherchons pas midi à quatorze heures, avec le temps, non seulement on oublie mais on n’aime plus. Ce qui ne veut pas dire qu’on n’aimera plus personne d’autre. Il s’agit de la constatation d’un échec qui en fait apporte un soulagement « peinard ». Ferré nous dit en définitive qu’il n’y a pas de quoi en faire un plat. Toujours cette lucidité implacable, sans issue. J’applaudis.

Écrit par : Jean-Bastien Lesueur | jeudi, 15 janvier 2009

Ces endroits où il reconnaît le talent de Brel... Il était gentil, Léo Ferré, très gentil. J'ai lu d'autres textes où il disait tout à fait le contraire. Ils ne sont pas (encore) publics.

Mon amour pour lui ne m'aveugle pas, puisque, pour la centième fois, je n'ai tenté ici aucun parallèle, j'ai même dit que c'était Brel qui, sur le fond, avait raison. Alors ?

Je ne suis pas d'accord avec vous pour ce qui est de l'échec. J'ai déjà dit pourquoi plus haut.

Écrit par : Jacques Layani | jeudi, 15 janvier 2009

Je conçois qu'il puisse en être autrement, votre lecture de "Avec le temps" est tout aussi légitime.

En ce qui concerne Ferré, Brel et même Brassens (cette rencontre dont vous parliez plus haut), je crois que Ferré était celui qui avait le plus besoin d'être aimé et/ou d'aimer (?), et celui qui a souffert le plus de ce fiasco, non pas par la médiocre teneur de leurs échanges mais à cause de l'impossibilité d'aller plus loin, d'en faire quelque chose.

Je vous accorde aussi qu'il est possible que Ferré, en privé, ne cachait pas ce qu'il pensait réellement de l'œuvre de Brel. Pourtant, il me semble qu'il était capable de reconnaître ce qu'était une bonne chanson dans le travail de Brel.

Plus important, il me semble que c'est faire fausse route que de dissocier complètement texte et musique (surtout à partir de la fin des années 60). Même si en règle générale les textes de Ferré tiennent la route dans un recueil de poèmes. Ferré, certes, travaille sur la langue, celle-ci est même spectaculairement contemporaine, bien plus que celle de Brel et de Brassens à mon sens, tout comme l’imagerie qu’il utilise. Il se permet des écarts de langage, en bon poète. Il transgresse, et joue des effets de mode, il est de son époque. En 1969, dire “c’est extra” ça faisait branché non ?

Comme vous je trouve dommage (voire criminel) que les revues de poésie ne lui aient pas ouvert leurs pages. Quelle bévue, quel aveuglement ! Et dieu sait qu’il y en avait dans les années 70/80 des publications qui tenaient la route, avec l’avènement de la photocopie, de l’impression rapide, etc. On digérait à l’époque, avec un sacré retard, la beat generation, entre autres, alors que nous avions sous les yeux un Ferré dont on comptait les jours. A moins que tout simplement ce dernier se soit voulu chanteur, musicien, auteur-compositeur-interprète, -avant tout- et pas forcément dans cet ordre.

Écrit par : Jean-Bastien Lesueur | jeudi, 15 janvier 2009

Ca commence à déraper , à vivre !
Glups , nous parlant d'amour, merci The owl, et bonjour à Alan ; mince , y'a pas de verb'.

Écrit par : HUMPHREY | jeudi, 15 janvier 2009

Justement, Humphrey, je trouve que ça dérape un peu trop depuis quelques jours et ça me déplaît souverainement. J'étais parvenu à maintenir deux ans durant un climat amical et je préférais ça.

Du coup, j'ai mal accueilli Jean-Bastien Lesueur qui parle pour la première fois, et ça ne me ressemble pas. J'ai aussi dû être grossier et j'ai horreur de ça. Bref.

Écrit par : Jacques Layani | jeudi, 15 janvier 2009

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