lundi, 26 janvier 2009
Demandez le programme !
Les programmes de spectacle sont une source d’informations très intéressante… et les vendeurs de papiers anciens le savent bien, qui demandent des sommes souvent importantes pour ces fascicules dont on ignore le tirage et qui ne relèvent d’aucune obligation de conservation. Je me rappelle une conversation d’il y a plusieurs années avec une bibliothécaire de l’Arsenal (département Arts du spectacle de la Bibliothèque Nationale) qui me confirma qu’il n’existait pas de procédure de dépôt légal pour ce type de publication. On se demande d’ailleurs vraiment pourquoi. Ces documents contiennent des textes et des images qui, tous, relèvent du droit d’auteur : or, en règle générale, aucun copyright ne figure dans leurs pages, rien n’est déposé et par conséquent tous les droits habituels sont violés, à commencer par la propriété littéraire et artistique. De plus, alors que le dépôt légal impose la remise d’exemplaires à la Nationale et au ministère de l’Intérieur, on ne voit pas pour quelle raison les programmes de spectacle échapperaient à la règle. L’Intérieur, on s’en doute, ne reçoit pas de dépôt afin de juger de la qualité littéraire des ouvrages… Par conséquent, pourquoi un texte contenu dans un programme serait-il moins susceptible d’être un brûlot susceptible de porter atteinte à l’ordre public, qu’un autre, paru en volume ?
La fragilité même des programmes suppose qu’un exemplaire qui a traversé plusieurs décennies a eu beaucoup de chance. Ils sont le plus souvent agrafés – les agrafes rouillent vite, la rouille ronge le papier – et leur couverture est la plupart du temps dans le même grammage que les pages intérieures, si bien qu’elle ne protège rien à proprement parler.
Les programmes de Léo Ferré ont souvent été le support de textes intéressants qui figurèrent là en première publication. Ils ont été repris en recueils par la suite, parfois longtemps après. D’autres, cependant, sont à ce jour demeurés inédits sous une autre forme, ce que les vendeurs de papiers anciens n’ignorent pas, qui font monter les prix grâce à cela. Par exemple, le livret du récital de 1962-1963 à l’ABC comprend entre autres le texte Pourquoi je fais un récital, témoignant d’un point de vue artistique à l’époque peu partagé. Il regroupe aussi des photographies signées Jean-Pierre Sudre. J’ai évoqué en détail ce document dans Les Chemins de Léo Ferré. Parmi les textes du programme de Bobino en 1969 (il comprenait une plaquette annexée, L’œuvre poétique de Léo Ferré), on pouvait lire l’excellente prose intitulée Bonsoir : « Nous sommes des gens de l’autre côté de la rive, du rideau… » ; on la retrouve dans la pochette du double disque Barclay enregistré en public, mais on l’aurait sans doute perdue si cet album n’avait pas existé.
Typographiquement, les programmes sont une grande satisfaction pour le curieux : mise en page, polices, publicités, témoignent de temps révolus. Les différents formats signent chacun une époque. Pour un amoureux de l’imprimerie, c’est un régal. Chaque fois que j’ai parlé d’imprimerie ici, il s’est manifesté peu d’intérêt, mais je ne désespère pas de trouver un autre amateur pour ce domaine auquel je m’intéresse depuis je ne sais combien de dizaines d’années.
Sur internet, le Passage Léo Ferré n’est pas uniquement constitué de la page principale, celle qui présente les ouvrages de et sur l’artiste. Je rappelle qu’il existe trois autres pages, dont une consacrée justement aux programmes.
12:22 Publié dans Propos | Lien permanent | Commentaires (0)
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