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jeudi, 04 janvier 2007

Le pain retrouvé, II : de la re-sémantisation

Après l’évocation du « pain perdu » qu’on peut estimer retrouvé, du provignement ou du palimpseste, s’est posée, dans la discussion qui a suivi, la question de savoir si cette réutilisation par Léo Ferré de fragments de textes dans des œuvres différentes aboutissait ou non à une re-sémantisation.

Examinons le cas le plus extrême, celui de la chanson Je t’aime, figurant dans le triple album de 1982 (enregistré du 4 au 18 décembre 1981), chanson qu’on retrouve dans l’enregistrement effectué au TLP-Déjazet en 1988 (disque et DVD). De quoi s’agit-il ? D’une nouvelle version de la chanson L’Amour (dite L’Amour 1956 par opposition à L’Amour 1961), croisée ici avec la chanson Je t’aime (dite Je t’aime 1971) qu’on connaissait pour l’avoir entendue en scène, notamment lors de la tournée effectuée avec le groupe Zoo – mais accompagnée uniquement par Paul Castanier au piano – qui n’avait jamais été enregistrée mais se trouvait publiée dans le recueil Testament phonographe. Or, après L’Amour 1956 et Je t’aime 1971, Ferré enchaîne sur… L’Amour 1956. C’est la réunion de ces trois interprétations qui donne la chanson Je t’aime du triple album. On est donc en présence du schéma A + B + A = C, à ceci près que C porte le même titre que B et que le tout est chanté sur une musique qui n’est ni celle de A en 1956, ni celle de B en 1971, mais bien celle de C en 1981. Compliqué ? Certes, mais combien représentatif du travail de Léo Ferré, certaines fois.

J’ai choisi cet exemple à dessein car il présente une évidence. Si re-sémantisation il y a, elle est le fait de la musique, puisque les deux textes ne sont en rien modifiés. La réunion A + B + A et son interprétation entièrement nouvelle mettent-elles l’auditeur en présence d’une œuvre à part entière ? On conviendra que la solution qui consiste à appeler cela « pain perdu » n’est pas satisfaisante parce que pas suffisante.

L’Amour 1956 est une poésie érotique « décrivant » purement et simplement l’amour physique, chantée initialement sur un ton à la fois doux et enlevé. Je t’aime 1971 est une suite de métaphores érotiques, interprétée à l’origine sur un ton saccadé et un tempo rapide culminant sur le vers « D’être à la fois ma sœur mon ange et ma lumière » dans une montée de la voix qui fragmente la syllabe finale et prononce le dernier e muet. Je t’aime, dans l’association A+ B + A, est ramené à une chanson douce, sur un tempo lent. La partition pour orchestre symphonique indique « Adagio », ajoute à l’ampleur du texte et, sans en réduire l’érotisme, le rend plus calme, comme moins charnel.

00:00 Publié dans Jalons | Lien permanent | Commentaires (1)

Commentaires

J'ajoute que Je t'aime 1971 est présent (un extrait seulement) dans sa version initiale dans le documentaire A bout portant, qui fut diffusé sur la première chaîne le 8 octobre 1971 et rediffusé sur Paris-Première le 5 avril 1996.

Écrit par : Jacques Layani | jeudi, 04 janvier 2007

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