samedi, 19 mai 2007
Aspects de la recherche régionale
Dans la note intitulée Trois aspects de la recherche universitaire, j’avais évoqué des travaux publiés dans les domaines juridique, littéraire et sociologique. Dans Aspects de la recherche musicale, une étude spécifiquement consacrée à ce domaine. Voici à présent une étude consacrée au domaine régional.
Roger Klotz, « Images de Monaco et Bordighera dans une œuvre de Léo Ferré », in Recherches régionales, n° 186, avril-juin 2007. Cinq pages.
Les érudits locaux ne pouvaient pas ne pas s’emparer de Benoît Misère, afin d’y traquer la source régionale, locale, et son interprétation par Ferré, sa transfiguration en fait littéraire. L’entreprise se justifie parfaitement. On regrettera seulement qu’ici, elle soit d’une qualité discutable. La paraphrase ne saurait tenir lieu d’analyse littéraire, historique, sociologique. Il ne suffit pas de citer des passages du roman et d’ensuite répéter leur contenu en le délayant.
Klotz attribue à Ferré une symbolique du peuple monégasque réduite à Barba Chino et à tante Magdaléna. Cela n’engage que lui. Dans la galerie de personnages que présente le roman, on se demande vraiment pourquoi il n’a cru bon de retenir que ces deux-là. Car ce choix, respectable en soi, n’est pas expliqué autrement que par des extraits du livre et leur paraphrase immédiate. Tout juste si Klotz précise en cinq lignes qu’il voit en ces passages « un exposé d’ethnographie qui souligne l’imprégnation du peuple monégasque [par] certains aspects de la culture italienne ». La chose est indéniable, mais il ne suffit pas de l’affirmer, la paraphrase n’ayant pas valeur de preuve, ni même de raisonnement.
L’idée maîtresse de cette étude est que Léo Ferré veut « se libérer d’une certaine anxiété par l’évocation utopique du pays de son enfance ». C’est certainement vrai, encore fallait-il montrer où se situait l’originalité de Ferré dans ce roman, car le refuge dans une enfance idéalisée est quelque chose d’extrêmement fréquent en littérature.
Klotz poursuit l’exposé de ses choix. Tante Magdaléna serait « une mère symbolique » dont le blanc (rappelons qu’elle s’occupe de la blanchisserie) « semble symboliser les vertus mariales ». Léo Ferré, et Benoît Misère avec lui, avait bien une mère aimante et qu’il aimait. S’il eut des problèmes, ce fut avec son père, jamais avec sa mère. Pourquoi serait-il allé faire un transfert, même uniquement littéraire, sur sa tante ? En tout cas, Klotz l’affirme et cette affirmation lui paraît un raisonnement suffisant. Il s’en prend ensuite au rouge, incarnant « le mystère de la vie », selon une citation qu’il fait du Dictionnaire des symboles de Chevalier et Gheerbrant. Dont acte, cette fois encore. Ce qui lui permet de noter : « Il y a bien, dans cette manière dont Léo Ferré fait apparaître l’univers monégasque, une évocation symbolique de l’univers maternel ». C’est très possible, mais Klotz se contente de le dire. Ce n’est pas parce qu’il écrit : « Il y a bien » qu’il y a effectivement.
Il enchaîne en se demandant pourquoi Ferré a fait de Monaco un univers maternel utopique. Citation d’extraits et paraphrase, encore une fois. Ensuite, pourquoi Ferré a-t-il connu le désespoir à Bordighera ? Parce qu’il avait rompu avec l’univers maternel. Klotz écrit cela à la quatrième page. Malheureusement, on le sait depuis 1970, date de la première édition du roman. Peut-être le commentateur a-t-il quelque chose de nouveau à apporter ? Un éclairage particulier ? Non : il cite et répète en délayant.
Il conclut : « Benoît Misère est donc l’œuvre par laquelle Léo Ferré se libère de ceux qui ont encadré sa « prison » enfantine ». L’emploi de la conjonction « donc » est souvent amusant. Il laisse entendre qu’on a démontré précédemment ce qu’on expose maintenant en un résumé. Ici, Klotz n’a rien démontré du tout.
La seule idée intéressante, dans cette étude, se présente à la fin : « Léo Ferré a peut-être eu besoin de revivre en rêve son utopie monégasque parce que sa ville est pour lui une cité essentiellement populaire : il s’appuie sur un univers maternel ensoleillé et plein d’une véritable bonté pour refuser un univers fondé sur des structures sociales bourgeoises ». Dommage que Klotz n’ait pas cru nécessaire d’écrire cela au début de son article et de développer ensuite en argumentant. Pour appuyer cette idée, que fait-il ? Il cite. Et, sans doute pour laisser à Ferré le mot de la fin, il ne se livre pas ensuite à la paraphrase habituelle. Que cite-t-il ? La préface de Poète… vos papiers ! Il a tout fait à l’envers.
Remerciements : Patrick Dalmasso.
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Commentaires
pour info, un lien vers cette étude :
http://www.cg06.fr/culture/pdf/rr186-monacoetbordigherra1.pdf
Écrit par : Patrick | dimanche, 30 décembre 2007
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