samedi, 02 juin 2007
De la reconnaissance
Si tous les dictionnaires biographiques consacrés à la chanson comportent bien sûr une notice plus ou moins longue dévolue à Léo Ferré, on trouve aussi une notice dans (au moins) deux ouvrages consacrés à la musique et aux musiciens.
Dans le Dictionnaire illustré des musiciens français (Seghers, 1961), on peut lire : « Ferré (Léo). Né à Monaco en 1916. Auteur de chansons, dont il écrit le plus souvent texte et musique (Le Piano du pauvre, Monsieur mon passé, Paris-Canaille, Paname, Les Poètes, Jolie môme, Vingt ans, etc.), il a composé une Symphonie interrompue et un oratorio pour quatre soli, chœurs et orchestre sur La Chanson du mal-aimé d’Apollinaire ainsi que deux concertos et un opéra. Il a mis en musique les poèmes de Rutebeuf, Baudelaire, Aragon : « Léo Ferré rend à la poésie un service dont on calcule encore mal la portée… » et ses chansons avec Seghers (Merde à Vauban) et J.-R. Caussimon (Comme à Ostende) sont déjà classiques. Il a publié un recueil de poèmes : Poète… vos papiers ! »
Dans l’ouvrage de Frank Onnen paru en Belgique, Encyclopédie de la musique (collection « Références », n° 6, éditions Séquoia, 1964), est écrit : « Ferré, Léo, chanteur et comp. monégasque (Monaco 24. 8. 1916). Il écrit les textes et la mus. de ses chansons. Est également l’auteur d’un oratorio et d’une Symphonie interrompue ».
Que peut-on observer à partir de là ? Tout d’abord que, chez Seghers, Ferré est reconnu comme musicien (le Dictionnaire illustré des musiciens français est un ouvrage sérieux, dans lequel Ferré figure aux côtés des plus grands compositeurs) avant de l’être comme poète puisqu’il n’entrera que l’année suivante (1962) dans la collection « Poètes d’aujourd’hui », sous le numéro 93 présenté par Charles Estienne. Quand l’Encyclopédie de la musique le fait entrer à son tour dans ses pages, la reconnaissance en question franchit les frontières françaises.
Certes, c’est peu de chose, en quantité, encore que cette recension ne soit certainement pas exhaustive. Ce qu’il est peut-être intéressant de remarquer à présent, c’est ceci : Léo Ferré est reconnu comme musicien dans une période où il ne l’est pas nécessairement comme poète, en tout cas pas chez les poètes « du livre » qui tiennent la poésie chantée pour peu de chose. Puis, quand il sera plus volontiers tenu pour poète, ce sera au moment où lui voudra se tourner davantage vers la musique et là, c’est la critique musicale qui le recevra peu ou mal. Autrement dit, une reconnaissance qui paraissait être acquise a (au moins partiellement) disparu lorsque l’artiste a la possibilité de toucher de plus en plus à la musique symphonique, ce qui, personne ne l’ignore, était son rêve d’enfant.
Ce qui nous renvoie à la question posée il y a quelques mois dans ce carnet : Ferré, qu’est-ce que c’est ? et peut nous conforter dans la proposition de réponse qui avait été faite, toujours ici : un OVNI artistique.
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