Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

lundi, 08 octobre 2007

Chanter Baudelaire

On sait que Léo Ferré posait le volume de vers sur son piano et cherchait. Si cela ne marchait pas très vite, il tournait la page et passait à un autre poème. C’est lui-même qui, à plusieurs reprises, a expliqué ainsi (en substance) sa manière de composer sur les textes des poètes. Dans la note Des musiques pour Verlaine, j’avais fait quelques observations sur l’origine des poèmes retenus, recueil par recueil. Dans le cas de Baudelaire, si l’on exclut L’Étranger, seule pièce du Spleen de Paris à avoir été chantée, tous les autres titres proviennent des Fleurs du mal, et pour cause. On ne peut donc tirer d’enseignement du choix de tel ou tel livre : il n’en existe qu’un.

Pourtant, quelques remarques peuvent être formulées, dont je ne suis pas sûr qu’elles aient une signification.

Au total, si je ne me suis pas trompé, Léo Ferré a mis en musique, au fil des années, cinquante-six poèmes extraits des Fleurs (je compte ici, bien sûr, la livraison de 1957, celle de 1967, les titres épars dans le disque de 1986 et les vingt maquettes de travail dont on ne connaît que les douze que Murat vient d’enregistrer). Sauf erreur, le recueil comprend cent cinquante-cinq poésies. C’est dire que Ferré a mis en musique plus du tiers du livre, ce qui est considérable. Il ne s’agit pas, toutefois, de calculer des pourcentages mais de rapprocher ces chiffres de ce qu’il disait de sa méthode de travail. Car au vrai, la table des matières des Fleurs, si l’on vient y cocher les poèmes mis en chansons, met en lumière quelques évidences. Un certain nombre de titres sont isolés, mais de grands pans se détachent. Ainsi, on s’aperçoit que :

Le Guignon et La Vie antérieure se suivent.

« Avec ses vêtements… », Le Serpent qui danse et Une charogne se suivent.

Harmonie du soir et Le Flacon se suivent.

Ciel brouillé et Le Chat se suivent.

À une Malabaraise, Bien loin d’ici, Moesta et errabunda et Le Revenant se suivent.

Les Hiboux, La Pipe, La Musique et Sépulture se suivent.

L’Examen de minuit et L’Héautontimorouménos se suivent.

Le Soleil et À une mendiante rousse se suivent.

Recueillement et À une passante se suivent. 

« Je n’ai pas oublié… », « La servante au grand cœur… » et Brumes et pluies se suivent.

Ces « ensembles » sont de deux à quatre titres. Comme on le sait, il reste encore une huitaine de poèmes dans les maquettes de Léo Ferré et peut-être cela modifiera-t-il encore ces relevés de titres.

Cela implique-t-il que Ferré, qui pouvait « tourner la page » quand la musique ne lui venait pas, parvenait quelquefois, a contrario, à mettre en musique plusieurs textes consécutifs, peut-être dans un élan d’inspiration et de travail ? Mais ces mises en musique n’ont pas été faites au même moment. Alors ? On observe cependant que Ciel brouillé et Le Chat figurent dans la même livraison ; À une Malabaraise et Moesta et errabunda également ; Les Hiboux et La Pipe aussi ; Recueillement et À une passante encore. Ou bien, justement, revenait-il parfois, feuilletant le volume, à des endroits déjà chantés et, à ce moment-là, tournait-il la page dans un sens ou dans l’autre et trouvait-il une musique pour le poème précédent ou suivant ?

Peut-on déduire quelque chose de tout cela ?

00:00 Publié dans Propos | Lien permanent | Commentaires (88)

Commentaires

je crains que vous n'ayez jamais de réponse ...On ne peut rien déduire, juste avancer des hypothèses...
Il serait sans doute judicieux de distinguer Baudelaire (un seul recueil) de Verlaine (800 pages de poèmes environ) et aussi de l'oeuvre plus éclatée de Rimbaud.L'approche a dû forcément être différente.pour choisir les textes..Pour Aragon, c'est aussi tiré de plusieurs recueils,et comme vous savez les textes sont souvent coupés-collés...Cela dit la façon de faire :trouver tout de suite la mélodie ou tourner la page a dû être la même....
Une autre question:Ferré procédait-il de même avec ses propres textes?Pensait-il à la musique en écrivant par ex"poète,vos papiers"Ou pratiquait-il avec ses textes comme avec ceux de Baudelaire....Il essaye,ça marche ou ça marche pas.....Il y eut, me semble-t-il des délais importants entre l'écriture et la mise en musique de certains textes...à moins que je fasse erreur....!

ça n'a rien à voir: Dans son dernier livre "formation", Guyotat racontant son enfance , dit avoir vu vers 46 ou 47 une pièce de théâtre au patronage intitulée "Notre-dame de la mouise"

Écrit par : Francis Delval | lundi, 08 octobre 2007

ça n'a rien à voir....
J'ignorais la pièce de théâtre intitulée 'Notre-dame de la mouise' mais je connaissais le film de Robert Péguy datant de 1940

je ne résiste pas au plaisir d'en faire connaître le 'scenario' :
L'abbé Vincent tente de construire une église dans le quartier de la Californie. Accueilli par des pierres, il doit faire face à une sinistre bande de dévoyés qu'excite un louche cabaretier. L’abbé résiste, construit peu à peu son église et régénère tous les misérables avec qui il vit et notamment le plus endurci, Bibi


Pour en savoir plus : une page internet :
http://www.marechal-petain.com/film/films1940/notredamedelamouise.htm

Ferré a-t-il vu ce film ? Je l'ignore. Mais j'imagine qu'il a pu en entendre le titre. Du reste Ferré n'a signé que la musique de la chanson homonyme

Écrit par : Dalla Guarda | lundi, 08 octobre 2007

ça n'a rien à voir....
J'ignorais la pièce de théâtre intitulée 'Notre-dame de la mouise' mais je connaissais le film de Robert Péguy datant de 1940

je ne résiste pas au plaisir d'en faire connaître le 'scenario' :
L'abbé Vincent tente de construire une église dans le quartier de la Californie. Accueilli par des pierres, il doit faire face à une sinistre bande de dévoyés qu'excite un louche cabaretier. L’abbé résiste, construit peu à peu son église et régénère tous les misérables avec qui il vit et notamment le plus endurci, Bibi


Pour en savoir plus : une page internet :
http://www.marechal-petain.com/film/films1940/notredamedelamouise.htm

Ferré a-t-il vu ce film ? Je l'ignore. Mais j'imagine qu'il a pu en entendre le titre. Du reste Ferré n'a signé que la musique de la chanson homonyme

Écrit par : Dalla Guarda | lundi, 08 octobre 2007

Tiens, c'est marrant, ça. Au vrai, Notre-Dame-de-la-Mouise fait partie de ces tournures qui sont excellentes, mais peuvent être trouvées plusieurs fois. Notre-Dame-de, c'est une forme très connue, il y a cent variations sur le thème dans les noms d'églises. On peut donc faire Notre-Dame-de tout ce qu'on voudra. De la mouise -- en un temps où le vocable "mouise" était fréquent dans le langage parlé -- était inévitable.

Je rappelle que Léo Ferré utilisait des volumes de la Pléiade. Ce n'est pas anecdotique. En effet, à partir du moment où tout Verlaine tient dans un seul tome, qu'il y ait un ou cent recueils à l'intérieur, cela ne change rien pour le compositeur qui "tourne les pages". Donc, pour Ferré musicien, un tome de Baudelaire ou un tome de Verlaine, cela ne change pas le processus de mise en musique.

Je l'ai déjà dit dans la note Des musiques pour Verlaine, qui n'a reçu aucun commentaire. Pardon de me citer : "Les photographies que fit Hubert Grooteclaes lors de l’enregistrement du double disque Barclay, en 1964, montrent que Léo Ferré utilisait l’édition de la Pléiade. Cette observation ne vaut qu’en ce qu’elle signifie la disposition de toute l’œuvre poétique en un seul volume. Si c’est ce livre-là que Ferré posait sur son piano, on comprend que, tournant les pages, il puisse passer d’un recueil à l’autre selon sa sensibilité et sa réceptivité du moment".

S'agissant d'Aragon, l'essentiel du disque de 1961 (neuf poèmes) provient d'un seul recueil, Le Roman inachevé (Gallimard, 1956). Seul Quatorzième arrondissement (devenu Blues) provient du recueil Les Poètes.

Écrit par : Jacques Layani | lundi, 08 octobre 2007

Mon commentaire s'est croisé avec celui de Daniel. Merci pour ce rappel et ce lien. Cela confirme qu'on peut faire Notre-Dame-de ce qu'on voudra.

Cela étant, je ne suis pas certain qu'il ait eu connaissance de l'existence du film. Je pense que, si c'était le cas, il n'aurait pas repris le titre ainsi. Il y avait antériorité. N'oublions pas que le film de Pierre Gaspard-Huit, en 1955, intitulé Paris-Canaille, avait dû changer de titre pour s'appeler Paris-Coquin, parce que Léo Ferré n'avait pas accepté qu'on emprunte son titre. Je pense donc qu'il n'aurait pas, lui-même, emprunté celui du film en pleine connaissance de cause.

Écrit par : Jacques Layani | lundi, 08 octobre 2007

guyotat:"c'est à la salle paroissiale,où je vois du theâtre,Notre dame de la mouise,une pièce sur la misère en banlieue Nord"(en 1947, il a sept ans)


peu importe l'édition,il ne mamque pas d'intégrales de Verlaine, c'est juste pour rappeler l'importance du corpus...Il y a beaucoup plus de poèmes , disons médiocres ou un peu faibles chez Verlaine que chez Baudelaire,le choix des Baudelaire a pu être facilité par l'exigence d'écriture de baudelaire, que n'avait pas tjs Verlaine...surtout dans ses poèmes religieux...Je vais revoir Aragon,je sais pour le "roman inachevé", mais dans mon souvenir ,ily en avait moins.Mais je fais confiance à votre intime connaissance de l'oeuvre de Ferré

Écrit par : Francis Delval | lundi, 08 octobre 2007

Bien sûr, peu importe l'édition. Je voulais seulement insister sur le fait qu'il s'agissait d'un tome unique et qu'ainsi, on pouvait sans y prendre vraiment garde, passer d'un recueil à l'autre. C'est cela, l'important, par rapport au mode de composition de Ferré, en ce qui concerne Verlaine.

Pour Baudelaire, il n'y a qu'un recueil de vers, dans lequel les voisinages signalés dans la note me font me poser les questions que j'ai dites -- et certes, nous n'aurons certainement jamais de réponse précise.

Écrit par : Jacques Layani | lundi, 08 octobre 2007

Bien sûr, peu importe l'édition. Je voulais seulement insister sur le fait qu'il s'agissait d'un tome unique et qu'ainsi, on pouvait sans y prendre vraiment garde, passer d'un recueil à l'autre. C'est cela, l'important, par rapport au mode de composition de Ferré, en ce qui concerne Verlaine.

Pour Baudelaire, il n'y a qu'un recueil de vers, dans lequel les voisinages signalés dans la note me font me poser les questions que j'ai dites -- et certes, nous n'aurons certainement jamais de réponse précise.

Écrit par : Jacques Layani | lundi, 08 octobre 2007

Pourquoi avoir demandé à Murat de chanter ces poèmes de Baudelaire mis en musique par Léo? POurquoi l'avoir demandé à un personnage si ambigu?

Écrit par : lmv | jeudi, 11 octobre 2007

Il ne m'appartient pas de vous répondre et d'ailleurs, je n'ai pas la réponse. Mon but, ici, n'était pas d'évoquer ce disque en particulier mais le grand chantier de la mise en musique de Baudelaire : un tiers du livre.

Si Mathieu lit ceci et qu'il désire répondre à votre question, plus précisément, qu'il le fasse. Merci à lui, d'avance.

Écrit par : Jacques Layani | jeudi, 11 octobre 2007

* Dans vos considérations à propos du choix des poèmes (de Baudelaire, de Verlaine...), je verrais tout de même les limites d'un certain positivisme: sans jamais avoir été un spécialiste, je dois bien avoir 3 ou 4 éditions des oeuvres de Verlaine à la maison, alors pourquoi fonder un raisonnement à partir d'une photo où l'ont voit un exemplaire de La Pléiade? Si, comme vous le faites remarquer, Ferré a mis en musique un tiers des poèmes des Fleurs du Mal, comment pouvoir s'étonner encore que figurent dans les textes retenus des pièces qui se succèdent (qui n'ont pas d'ailleurs été traitées en dyptiques par Ferré) ? Il y a à la fois dans votre raisonnement une forme d'acrobatie déductive mais en même temps un certain prosaïsme, voire une platitude dans ce à quoi il conduit.

* Stéphane Oron a beau faire remarquer qu'il ne faut chercher aucune cohérence dans le choix des poèmes, cela n'autorise pas à faire l'économie d'une réflexion sur le sujet. Si l'on s'en tient à une forme de culte du "divin hasard" qui serait nécessaire à l'Inspiration, cela mériterait d'être un tant soit peu problématisé. Chez Verlaine par exemple, Oron évacue tout ce qui, pouvait particulièrement intéresser le chanteur Ferré. Ne seraient-ce que les "thèmes" (les titres, déjà signifiants en eux-mêmes: Romances sans paroles, Ariettes oubliées, etc.), dans lesquels on pouvait trouver quelques pistes. C'est dire qu'on ne peut se contenter non plus de réduire l'approche de Ferré à un intérêt purement biographique(la malédiction réunissant Verlaine et Rimbaud dans un (deux) disque(s) (et un livre)).

* Dans votre note sur Verlaine, vous faites remarquer que l'histoire avec Létinois n'intéresse visiblement pas Ferré, contraiment à celle avec Rimbaud. Vous donnez l'exemple de "Green". Or je ne vois pas vraiment ce qui permettait à Ferré de prétendre que le poète s'adressait à Rimbaud. Tout va à l'encontre de cette interprétation. Certes, le recueil Romances sans paroles "couvre" la fugue en compagnie de Rimbaud en Angleterre et en Belgique (1872), avec des éléments on va dire "picturaux", mais quand il y a un destinataire, c'est toujours Mathilde. "Green" ne rompt en rien cette cohérence énonciative. D'ailleurs, dans l'édition originale, ce n'était pas "Sur votre jeune sein laissez rouler ma tête" mais "Entre vos jeunes seins laissez rouler ma tête". Ce qui exclut, me semble-t-il, l'interprétation Rimbaud. Dans sa "malédiction" (et sa poésie d'ailleurs), Verlaine est moins simple qu'on ne le croit.

* L'album Ferré/Murat/Baudelaire: je ne me le suis pas procuré. Ce qui était prévisible, c'est que pour encenser Murat, on casse Ferré. La critique de Libé n'est pas inintéressante, en soulignant (pour le regretter) la dimension rhétorique, discursive des interprétations de Ferré - ce qui serait d'ailleurs à nuancer (l'album de 57, et même pas mal de titres du disque Barclay). Je veux bien admettre le caractère "bourgeois" (je disais ici "nouveau riche") des orchestrations de Defaye. En même temps, la poésie de Baudelaire n'est pas étrangère à une certaine solennité ou rigidité rhétorique. A priori, je ne vois aucun intérêt dans les interprétations de Murat, sinon la publicité qu'elle est susceptible d'apporter. Murat qui incarne tout ce que j'aime le moins dans la "nouvelle chanson française": voix molle, mélodies fadasses, arrangements toc et bâclés. Sans doute le "spleen" à la façon 2007. Je ne comprends pas du tout l'intérêt que lui porte la critique CHANSON d'avant-garde (tout est dit là dedans). Peut-être qu'il a un peu plus de cervelle que les autres (et encore), un tempérament ombrageux, etc., mais artistiquement, c'est zéro.

Écrit par : gluglups | vendredi, 12 octobre 2007

PS: je reprends votre méthode, Jacques: je ne comprends pas ce que vous pouvez tirer de la juxtaposition de certains poèmes chantés. Ce serait pertinent si leurs mises en musique avaient été contemporaines. Ce qui est loin d'être sûr. Honnêtement, je trouve ces remarques un peu absurdes.
Je pense que Ferré voulait signifier surtout, en disant qu'il tournait une page (comme il aurait pu en tourner plusieurs), qu'il attendait l'inspiration (qqch comme le premier vers est donné de Valéry).
Comment prendre au pied de la lettre ce genre de déclarations?

Écrit par : gluglups | vendredi, 12 octobre 2007

Je dois redire encore ce que j’ai souvent dit : sur ce blog, je ne dis pas le droit. Quelquefois, je me contente de mettre des idées sur la table et de proposer une discussion. La dernière phrase de la note était bien : « Peut-on déduire quelque chose de tout cela ? » Je n’en étais donc pas convaincu.

J’ai bien compris, évidemment, que « tourner la page » pouvait signifier aussi : « en tourner plusieurs » ou bien : « revenir en arrière ». Quand même, je ne suis pas idiot. Cela n’empêche pas d’observer que, dans la table des matières, de grands pans se détachent. Cela dit, j’admets parfaitement que ça n’ait aucune signification particulière. Simplement, l’autre soir, regardant cette édition des Fleurs du mal – j’en ai aussi plusieurs – je me suis fait cette remarque.

Stéphane Oron répondra lui-même pour ce qui le concerne, s’il le désire. Je ne sais pas, d’ailleurs, s’il lit ce blog.

« Dans votre note sur Verlaine, vous faites remarquer que l’histoire avec Létinois n’intéresse visiblement pas Ferré » : pour cette question de Lucien Létinois, j’ai vraiment dû mal m’exprimer, car je voulais dire tout le contraire. J’ai écrit : « Ce qui m’a toujours intrigué, c’est la persistance d’Amour, paru en 1888, dans ses mises en musique et, surtout, le fait que les quatre poèmes qui en sont extraits proviennent tous du cycle « Lucien Létinois ». Je ne suis pas certain qu’il y ait une raison objective à cela ». C’était donc peut-être un hasard, mais quatre poésies extraites d’un même cycle, cela ne signifie pas un désintérêt.

Pour ce qui est de l’exemple de Green, je dis ce que disait Léo Ferré lui-même, en scène. Je ne sais pas sur quoi il se fondait pour affirmer cela. Vraisemblablement, c’était soit une réminiscence d’une biographie ancienne et fautive, soit tout simplement une provocation. Mais c’est vrai qu’il ne précisait rien, concernant Lucien Létinois.

Je ne connais de Murat que ses interprétations de Ferré. Auparavant, je vous assure que c’est vrai, je ne savais même pas qu’il existait.

« Je ne comprends pas ce que vous pouvez tirer de la juxtaposition de certains poèmes chantés. Ce serait pertinent si leurs mises en musique avaient été contemporaines. Ce qui est loin d’être sûr. Honnêtement, je trouve ces remarques un peu absurdes » : mais je l’admets volontiers, pas de problème. Encore une fois, il peut arriver que je me pose des questions, tout simplement, et que je veuille les partager. Il peut aussi arriver que je me trompe en posant de fausses questions, ce que j’avais d’ailleurs déjà répondu, en substance, à Frédéric Morino, dans les commentaires de la note De la durée comme sens.

Écrit par : Jacques Layani | samedi, 13 octobre 2007

pour "green",et la série "aquarelles",selon Antoine Adam,ces poèmes seraient adressés à sa femme Mathilde, qui l'a quitté,mais ils ont été écrits pendant le séjour en Angleterre avec Rimbaud.Certains exégèses y ont vu un travestissement de Rimbaud,féminisé.Lecture fautive selon Adam.Ferré semble attaché à la version Rimbaud....Malgré le poème "la tante",l'homosexualité est une question qui traverse de nombreux textes ,discrètement, mais présente...c'est juste un constat empirique.

Écrit par : Francis delval | samedi, 13 octobre 2007

Vous anticipez sur un des sujets que je voulais traiter. L'homosexualité dans l'oeuvre de Ferré occupe une place certaine et son évocation y est fréquente. Je ne sais pas si je parviendrai à en parler avec justesse car c'est diffus.

Écrit par : Jacques Layani | samedi, 13 octobre 2007

Jacques, j'admets bien volontiers que votre note comprenait déjà toutes ces réserves. Mais en même temps, vous ne sembliez pas tout à fait vouloir abandonner un "bon sang, mais c'est bien sûr".
Je n'ai pas relu la notice de S. Oron, mais la citation que vous en donnez me paraît quand même très contestable: Ferré choisit un certain Verlaine.
Concernant "Green" (merci à Francis d'avoir apporté ces précisions), évidemment la version qu'en donne Ferré est plus spectaculaire. Ce serait l'indice (supplémentaire?) d'un certain manque de rigueur? Apparemment, ce ne serait pas le seul à avoir lu le poème comme cela, si l'on en croit Adam. Ce qui est intéressant dans Verlaine, ce sont ses conflits (de sorte qu'on ne peut complètement rejeter ses poèmes religieux, Francis).

"Je ne connais de Murat que ses interprétations de Ferré.": et qu'en pensez-vous?

J'avoue aussi ne pas avoir voulu me gâcher le plaisir de connaître ces chansons par Ferré lui-même. Finalement, je dois être plus fan que vous!

Écrit par : gluglups | dimanche, 14 octobre 2007

je ne rejette pas les poèmes religieux, c'est une partie de l'oeuvre....Mais "les liturgies intimes" m'ennuient, et ce n'est pas (selon moi) le meilleur de Verlaine.....cela dit, les contradictions de Verlaine sont un moteur essentiel de son oeuvre,je vous l'accorde volontiers

Écrit par : francis delval | dimanche, 14 octobre 2007

Non, non, il n'y avait pas de "bon sang, mais c'est bien sûr", juste des hypothèses un peu branlantes et, comme je l'ai dit, susceptibles d'être remises en cause lorsqu'on connaîtra la totalité des titres.

J'ai lu tout Verlaine, tous ses recueils, même ceux qualifiés de "mineurs". Ce qui est fantastique chez lui, c'est aussi cette virtuosité, cette manière de faire de la poésie sous tous les angles, dans tous les registres. Ce qui est fantastique, c'est qu'il est capable de tout et de son contraire, de chanter en même temps la gloire de Dieu et l'amour acharné ("acharnel") du corps de ses amants et amantes. Il assume (presque) publiquement une bisexualité qu'on n'oserait peut-être pas assumer aujourd'hui de la même manière. En bref, il est très humain, terriblement humain.

Pour ce qui est de l'interprétation "Rimbaud" au lieu de "Mathilde Mauté" que donne Ferré, elle provient peut-être d'une découverte de la poésie dans les conditions que l'on sait, à Bordighera, et de ce qu'était à l'époque l'enseignement de la littérature. A Bordighera, d'ailleurs, il n'y en avait pas, du moins pas de Verlaine ou de Baudelaire. Mais à l'époque, même à Paris, c'était l'histoire littéraire plus ou moins anecdotique et élitiste, ce qui n'est pas contradictoire -- l'enseignement sorbonnard viré en 1968 -- et sans doute fut-il marqué par cet enseignement-là (je rappelle qu'il est donné au Who's who -- c'est-à-dire par lui-même -- comme licencié ès-lettres, en plus du droit pas achevé et d'un passage en dilettante à ce qui deviendra Sciences-po).

Ce que je pense de Murat chantant Baudelaire-Ferré ? Je n'en avais pas parlé parce que le but de ce blog n'est pas de traiter l'actualité. Pour le CD en studio : je n'aime pas les arrangements, parfaitement superfétatoires, ni la voix de la chanteuse, inutile. Je préfère donc le DVD où l'on n'entend que la partition pour piano, que je suppose fidèle à celle de Léo Ferré (nous le saurons quand paraîtra le disque qu'il a lui-même préparé). Je trouve le jeu du pianiste un peu lourd, appuyé, mais c'est subjectif, vraiment. La voix de Murat, eh bien, vous l'avez dit, elle est molle. C'est terrible, même, qu'elle soit si molle. Cependant, le DVD permet de croiser son regard et celui-ci n'est pas mou, justement. Disons qu'il a dans les yeux quelque chose qui rattrape sa voix. Il est vrai que, pour un chanteur, ce n'est pas suffisant.

Écrit par : Jacques Layani | dimanche, 14 octobre 2007

"Mathilde,Rimbaud,Lettinois,la vieille Krantz...Il commença avec une pucelle et finit avec une putain hors d'usage.Entredeux, il aima follement".....préface des "poèmes saturniens...." l de poche.
Ferré tient apparemment pour nuls et non avenus les amours "hétéros" de Verlaine.....car là, il n'y avait pas d'amour? C'est ce qu'il nous suggère en filigrane...

Écrit par : francis delval | dimanche, 14 octobre 2007

Tiens, ce n'est pas faux. Je n'y avais jamais pensé de ce point de vue. Encore une interrogation quant à l'homosexualité ?

Mais attention : les écrivains -- tous, sans exception -- sont prêts à tout pour un bon mot. Une phrase tournée comme cette allusion à la pucelle et à la "putain hors-métier", avec la force du raccourci et de l'opposition évidente, un écrivain, quel qu'il soit, est capable d'y céder pour le plaisir, même si elle dépasse sa pensée. On est ici dans le débat éternel entre la sincérité et l'acte artistique, qui est le réel arrangé. Vous comprenez, c'est tentant, n'est-ce pas : une pucelle, Rimbaud, Lucien le "fils" et une "vieille" femme. Cela vous brosse un portrait frappant, bien fichu, pictural en diable ; ça "en jette", quoi. Aussi, gardons-nous d'une interprétation hâtive, même si elle semble juste, même si personne, si je ne me trompe, ne l'a faite.

Écrit par : Jacques Layani | dimanche, 14 octobre 2007

Si je peux me permettre, il me semble absurde de parler de mollesse à propos de Murat.
C’est un crooner, point.
Il n’a pas d’autre objet que d’être suave.

Son timbre est plutôt beau et si l’on excepte la voix féminine absolument désastreuse, notamment dans le duo (la hype a encore frappé !), les arrangements n’ont rien de superfétatoire, n’en déplaise à Jacques Layani.
A défaut d’être vraiment inventifs, ils sont réussis, et fidèles à l’esprit d’un certain Ferré.

L’utilisation des claviers permet de créer un continuum lancinant, empli de miroitements sonores, sans en passer par la sempiternelle nomenclature post-romantique de l’instrumentarium accoustique, avec violonnades et tutti quanti.

On peut trouver ça paresseux ; le fait est que c’est sobre, cohérent, classieux, intemporel, assez obsédant, et au final, absolument musical.

Le refus de l’orientation du sens par l’interprétation et l’intelligence des arrangements font sonner les mélodies de Ferré sous un soleil pour le moins assez inattendu (par rapport à ce qui a déjà pu être entrepris par les interprètes).

Ranger Murat au rang des premiers tâcherons venus parce qu’il s’éloigne résolument de Ferré, c’est vraiment se décrédibiliser en ne faisant preuve d’aucun sens des hiérarchies.

Quelqu’un a écouté le Yves Rousseau ?

Glups, sur quel Verlaine Ferré se focalise-t-il selon toi ?

Écrit par : The Owl | mardi, 16 octobre 2007

C'est une opinion. Mais ce n'est pas très important, c'est une question de goût, c'est tout.

Je maintiens que les arrangements sont parfaitement inutiles -- à mon goût -- et que la partition pour piano aurait suffi, justement sans faire appel ni à "la sempiternelle nomenclature post-romantique de l’instrumentarium accoustique" (belle formule), ni à quoi que ce soit d'autre.

Je maintiens aussi que la voix de Murat est molle infiniment. Un crooner ne donne pas nécessairement l'impression d'avoir, quand il chante, des syllabes à moitié mâchées plein la bouche. De plus, Murat oublie à plusieurs reprises de faire la diérèse, si bien qu'il se retrouve avec, chaque fois, une note en trop ou une syllabe en moins. C'est désagréable à l'oreille.

J'ajoute que le disque de Murat est un disque d'interprète en tout et pour tout et qu'il est ennuyeux de le considérer avec autant d'importance que s'il s'agissait d'un enregistrement de Ferré lui-même. Le critère, pour moi, ce sera le disque de Ferré qui paraîtra un peu plus tard. Je pense que c'est en fonction des mélodies de Ferré et de sa manière de les jouer et de les chanter (même s'il ne s'agit que d'une bande de travail) qu'on pourra juger de ce qu'il a fait, une nouvelle fois, des poèmes de Baudelaire.

Écrit par : Jacques Layani | mardi, 16 octobre 2007

Salut The Owl: "Glups, sur quel Verlaine Ferré se focalise-t-il selon toi ?" Je pense que Jacques, qui connaît davantage cette oeuvre que moi, pourrait mieux te répondre.

Il faudrait aussi que je relise la préface aux Saturniens. Bref, prendre le temps de répondre à cette question, de formuler des idées. En vrac comme ça et à chaud: une certaine idée de la voix, du chant, de la chanson - je n'oserais pas encore parler d'énonciation :) - ; un goût pour l'"en allé", le jadis, l'aoriste, le fading; une tension entre l'idée de dislocation, de la dispersion du moi et l'idée de se raccrocher à du rassurant du réel, voire du trivial; la perspective d'un "ailleurs"; un certain maniérisme (générique, (auto)citationnel, postures presque contradictoires du "je" lyrique); la mélancolie qui ne se départ jamais d'un certain humanisme (cf note sur la noirceur); un territoire de thèmes qui traversent "la bonne chanson" (du Chat noir à Trenet)... Bref, il faudrait réussir à analyser tout cela.

En ce sens, Verlaine-Rimbaud: ce serait le couple littéraire qui compterait surtout pour Ferré. Rimbaud apporte le côté éclats, projection spectaculaire de la voix, des images, bref ce qu'on retient en général de Ferré (cf réflexion de P. Ulmann rappelée par Jacques). Mais Rimbaud, dans la mesure où il a été abondamment imité au XXe siècle paraîtrait d'une certaine manière moins moderne. La petite voix verlainienne, l'impossibilité d'un statut énonciatif stable: serait-ce plutôt là qu'il faudrait chercher la modernité de Ferré?

Écrit par : gluglups | mardi, 16 octobre 2007

Très intéressant point de vue. Car au vrai, Léo Ferré a souvent dit que Verlaine était "le plus humain de tous [les poètes], le plus démuni" (de mémoire, c'est dans Dis donc, Ferré...)

Je pense qu'il était sensible au drame verlainien d'une part -- l'impossibilité de choisir entre ses deux sexualités, l'impossibilité de choisir entre l'appel de la spiritualité et celui des sens, l'impossibilité de choisir entre l'abstinence et l'intempérance, et surtout une extrême faiblesse -- à sa manière poétique d'autre part -- la musique, évidemment, et la trivialité mêlée au sublime.

Écrit par : Jacques Layani | mardi, 16 octobre 2007

ce que dit Gluglups est effectivement très intéressant.si Ferré a presque toujours mêlé Rimbaud et Verlaine dans ses albums,c'est qu'il y voyait une complémentarité ....Ils semblent pour lui inséparables.Le côté "impressionniste"de Verlaine, poésie "en robe surannée",la modernité de Rimbaud....Je ne le suis pas néanmoins lorsqu'il dit que Rimbaud paraît moins moderne pour avoir été trop imité....On a aussi beaucoup imité mallarmé ou T.S.Eliot,leur modernité est intacte.

Ce n'est pas par hasard que Rimbaud et Mallarmé sont devenus des sujets essentiels de travail pour les philosophes de notre temps qui veulent maintenir l'art face à la culture,l'amour face au sexe brut,la politique face à l'administration, la science face aux savoirs pratiques.
Je pense, pour Rimbaud aux études de Badiou,Rancière,Hollier,Deguy, Loraux ou Regnault dans leur collectif "le millénaire Rimbaud", paru en 93 pour le centenaire.
Je cite Rancière:"Il y a cent ans que Rimbaud est pris en otage.Son nom sert à substituer à la pensée du poème le jeu de quelques notions communes-adolescence,révolte,vagabondage,voyance-qui l'assimilent au bouillonnement insignifiant de la vie toujours jeune.L'impatience de Rimbaud.....est la tension vers une perception encore inconnue de la pensée à l'oeuvre et une élaboration neuve du poème comme révélation de cette pensée,le travail sur le rythme,la syntaxe,et la figure propre à faire de la langue en son entier le lieu propre de la poésie.Rimbaud n'est pas un adolescent centenaire,il est un contemporain millénaire" extrait de la préface du collectif"le millénaire Rimbaud" (Belin,93)
Collectif qui montre qu'il n'y a pas opposition entre l'étude technique du poème et l'analyse de projet poétique comme "intervention dans la pensée"
La modernité de Rimbaud me semble intacte car elle est encore (comme celle de Mallarmé) un puissant analyseur de notre temps.Comme la poésie de Pessoa et de Celan.
Baudelaire et Verlaine n'ont pas cette dimension d'actualité intacte,même si bien évidemment leurs mots et leurs sentiments,leurs préoccupations sont toujours les nôtres.La forme, chez eux ,ne nous aide plus à penser,même si elle nous séduit ou nous charme ou nous inquiéte encore....

Écrit par : francis delval | mardi, 16 octobre 2007

Rimbaud, adolescent génial, se permet du haut de ses quinze ou seize ans, de déclarer, à propos de Baudelaire : "La forme, tant vantée chez lui, est mesquine". Ben voyons...

Tout génie compris, Rimbaud n'aurait pas pu exister sans Baudelaire et Verlaine avant lui. Baudelaire ouvre la voie, et la porte du XXe siècle en même temps. Verlaine accueille Rimbaud et l'introduit dans les milieux littéraires parisiens qu'il va scandaliser. Cela, c'est l'anecdote, si l'on peut dire.

Il reste que sans Baudelaire et Verlaine, il n'y aurait pas eu Rimbaud. Il n'aurait pas quitté Charleville et personne ne l'aurait jamais connu. Qui d'autre que Verlaine aurait pu l'accueillir ? Mallarmé ? Sûrement pas. Germain Nouveau ? Il partira avec lui, mais plus tard. Le déclic déclencheur, c'est Verlaine, qui verra sa vie bouleversée à jamais par le passage du météore ardennais. C'est encore Verlaine qui, ensuite, le fera connaître par son étude Les Poètes maudits.

Je tiens que, paradoxalement, le génie de Rimbaud n'aurait pas pu exister (publiquement) seul. Je tiens aussi que ce génie s'est forcément nourri de maîtres parce que le génie ex nihilo n'existe pas : Hugo, Baudelaire, Verlaine ont accouché de Rimbaud. Avec l'assistance technique d'Izambard.

Écrit par : Jacques Layani | mardi, 16 octobre 2007

Certes, Jacques, Rimbaud est tributaire de ses devanciers,il n'aurait été rien sans Baudelaire et Verlaine,sans la commune de Paris,sans Izambard....Personne ne se crée ex nihilo....ce que j'ai voulu souligner, en m'appuyant sur des études récentes, c'est la modernité actuelle de Rimbaud:Rimbaud comme Mallarmé peuvent nous aider à penser notre présent...à penser la poésie,car nous voyons une pensée au travail, au rouet de la langue "dans son entier".Ce que vous dites est juste,ce n'est pas incompatible avec le propos cité de Rancière.
Les philosophes cités sont des gens sérieux, ce ne sont pas des exégètes délirants de Rimbaud comme le trop sinistre robert Faurisson dans son "a-t-on lu Rimbaud?"

Écrit par : francis delval | mardi, 16 octobre 2007

Exégètes délirants... La critique rimbaldienne se monte aujourd'hui à plusieurs centaines de livres et il continue d'en paraître au minimum quatre par an -- qui se répètent ou se contredisent. C'est n'importe quoi, parce qu'on n'a plus rien découvert depuis 1970 sinon une photographie où l'on n'est même pas sûr que ce soit lui.

Écrit par : Jacques Layani | mardi, 16 octobre 2007

Glups, Ferré est-il lui-même instable dans son statut énonciatif ?…
Entre quels pôles oscille-t-il ?

Francis, en quoi la langue rimbaldienne est un puissant analyseur de notre temps ?

Jacques, qu’est-ce que c’est un arrangement « utile » ?

Écrit par : The Owl | mardi, 16 octobre 2007

Je veux dire qu'un arrangement écrit par l'auteur de la musique, ou accepté par lui lorsqu'il a été écrit par un arrangeur, fait partie intégrante de l'oeuvre. Ensuite, on aime cet arrangement ou pas.

Dans le cas présent, Léo Ferré a laissé des enregistrements de travail, au piano. Je pense que point n'était besoin d'y ajouter quoi que ce soit.

Cela dit, encore une fois, c'est la sensibilité de chacun et je n'en ferai pas une histoire. Ce qui m'ennuierait, ce serait qu'on considère le disque de Murat comme la version de référence.

Écrit par : Jacques Layani | mardi, 16 octobre 2007

the owl:je n'ai pas écrit la langue,mais la modernité...question très complexe,je ne peux ni ne veux donner une réponse improvisée...Il faudrait une note entière....

jacques:la bilbliographie rimbaldienne est énorme,d'Etiemble à Bonnefoy en passant par henry Miller...On n'a rien découvert de neuf sur Rimbaud depuis longtemps, dites-vous, certes...Mais ce sont les outils qui ont évolué,outils venus de la linguistique, de la sémantique et des diverses sciences du langage, les outils de la poétique, ceux de la psychanalyse, de la sociologie ETC...;qui ont très sensiblement infléchi les lectures possibles des oeuvres littéraires.
Vous savez bien qu'une approche purement biographique ne peut en rien expliquer en son entier l'oeuvre d'un artiste quel qu'il fût.
J'ai cité Faurisson comme exemple de lecture aberrante:R.Faurisson, devenu célèbre par son négationnisme envers la shoah à la fin des années 70...Il avait déjà "nié" Lautréamont , voyant dans "maldoror" une aimable blague de potache (ce fut son sujet de thèse...à la fac de Lyon, comme il se doit)
pour Rimbaud, ça vaut le coup de raconter, même si nous sommes dans "baudelaire"

Faurisson publie en 61 dans la revue "Bizarre", éditée par Pauvert un article intitulé "A-t-on LU Rimbaud?"-LU en majuscules.l'auteurpropose une lecture du sonnet des voyelles que personne n'aurait compris.
sa thèse: le sonnet dessine un corps de femme plantureuse,un nu de Bouguereau accompagne l'article...

VOYELLES: c'est VOIS-ELLE
pour LA voir:il faut mettre le A à l'envers,et voilà pour le sexe,on couche le E, et voilà les deux seins de neige,couchons le I, voilà les lèvres,renversons le U, on a l'ondulation de la chevelure,quant à l'O, l'oméga violet,c'est l'intense sensation du septième ciel.On voit Elle dans "voyelle",et faurisson s'en prend à la pruderie des profs de lettres et au verbiage des philosophes qui ne savent pas ce que c'est que lire vraiment un poème..Faurisson , c'est hippias le sophiste répondant à Socrate: le beau, c'est ine belle femme.un beau poème ne peut être qu'un beau corps de femme.Passons, le reste est à l'avenant, et jen'ai pas l'article en son entier
faurisson se fera remonter les bretelles par Etiemble qui l'étrillera de belle façon.

mieux vaut lire la bio-graphie de Pierre Michon, "Rimbaud le fils",l'inscription des signifiants du roman familial en forme de machine à poèmes, et le rôle matriciel
des vers latins..Le petit (par le nombre de pages) roman de michon nous fait avancer plus que dix thèses.Puissance de l'écriture.
Guy Goffette a tenté la même chose pour Verlaine:"Verlaine d'ardoise et de pluie", mais c'est moins réussi .(ces deux petits livres en collection folio)
Cela dit, je ne suis pas spécialiste de Verlaine et Rimbaud, de Ferré non plus...Mais faut-il laisser faire les spécialistes?

Jacques, je suis étonné quand vous dites que les études rimbaldiennes, c'est n'importe quoi parce qu'on n'a rien découvert de nouveau concernant Rimbaud depuis longtemps,est-ce un raccourci,ou un agacement compréhensible face à des faurissons ou des trissotins qui encombrent le marché de livres inutiles pour dire autrement ce que tout le monde sait déjà?

Écrit par : francis delval | mardi, 16 octobre 2007

Ce ne sont pas les études rimbaldiennes qui sont n'importe quoi, c'est le fait de ressortir ad nauseam les mêmes choses. Vers 1988 ou 1989, je n'ai lu QUE des études rimbaldiennes durant un an. Autant dire que j'en ai lu beaucoup. A n'en plus pouvoir. Les unes étaient dépassées, les autres se répétaient ou, dans le pire des cas, se contredisaient. Je feuillette les quatre à six parutions annuelles, elles ne font vraiment que répéter ce que l'on sait. Je n'ai rien vu de neuf, vraiment rien, ces dernières années.

N'allez surtout pas croire que je n'aime pas le gamin de Charleville ! Il me passionne. Qui ne l'aime pas, ce jeune crétin ? Je dis crétin, mais c'est affectueux. Il y a une chose que je ne lui pardonne pas, c'est toujours d'ordre biographique : en 1875, lors de leur dernière rencontre, il roue de coups Verlaine et le laisse pour mort sur le bord du chemin. Ils ne se reverront jamais. Et l'autre Lélian, qui a fichu sa vie en l'air pour lui, et celle de sa femme en partie, et celle de son fils Georges aussi, l'autre ne l'oubliera jamais et consacrera son énergie à le faire connaître.

Enfin, je l'aime bien, Rimbe.

Écrit par : Jacques Layani | mardi, 16 octobre 2007

-si on regarde la biblio de Rimbe depuis 15 ans, on voit bien un déplacement de l'intérêt: une masse de livres sur le Rimbaud aventurier, le marchand d'armes, le fumeur de hasch, le poète est souvent laissé de côté:il y a un déplacement du "mythe"
-en refeuilletant le livre de Roubaud "la vieillesse d'Alexandre" (histoire de l' alexandrin...) et l'article de F.Regnault " Comment dire du rimbaud" (quoique philosophe, Regnault a travaillé comme "dramaturge" pendant 30 ans, avec Chéreau puis avec Brigitte Jacque;il a fait un gros travail sur les pb de la diction du vers....),je me suis fait la remarque suivante :Ferré, dans ses mises en musique respecte bien dans l'ensemble les règles de la métrique et de la prosodie,qu'il connaît bien, qu'il a manifstement étudié de près.Ce n'est pas tjs évident dans les enregistrements maison où il cherche,rature,reprend....Baudelaire, Verlaine, et surtout Rimbaud ont "perturbé",voire subverti les règles classiques...
Dire Rimbe, pas facile, déplacement des césures, rejets, contre-rejets,enjambements,déplacement des accents.

Je n'ai pas encore réécouté Murat, mais je vais le réécouter dans cette perspective:j'ai l'impression qu'il ignore tout de la métrique et de la prosodie, ou qu'il s'en fiche, d'où ce que vous appellez "mollesse de la voix"......non?

Écrit par : francis delval | mercredi, 17 octobre 2007

C'est surtout la diérèse qu'il ne respecte pas systématiquement. Je ne pense pas qu'il l'ignore, mais elle n'est pas toujours présente, d'où un chant bancal. Or, Baudelaire qui, à l'époque, ne pouvait pas encore s'affranchir de cette règle, a bien composé ses vers diérèse comprise.

Non, non, mollesse de la voix, c'est stricto sensu. Sa voix me paraît molle, sans énergie, sans vigueur, sans force, sans sensualité (voire sans sexualité), sans "découpe" claire des mots, sans articulation réelle. Gluglups aussi a ce sentiment, je crois.

Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 17 octobre 2007

Sur le terrain moral, Jacques, Verlaine n'a pas dû être facile non plus: il devait avoir des accès de violence et ne pas être un personnage très rigolo. Il a eu des amis qui ont accusé Rimbaud de sa déchéance. Mais on se creuse toujours soi-même son propre enfer.

"Verlaine accueille Rimbaud et l'introduit dans les milieux littéraires parisiens": à propos, Verlaine a présenté Rimbaud à Victor Hugo. Celui-ci les a reçus à son domicile. Cela paraît incroyable, comme scène et à mon avis, la photo vaudrait plus chère que celle de RTL...

Francis: je ne dénie pas à Rimbaud son génie ni sa modernité, bien sûr. Comment le contester? Tout le XXe siècle, les Surréalistes en tête, a été marqué par lui, et la poésie (Baudelaire excepté?) avant lui a pris un sacré coup de vieux. Néanmoins, je pense à un texte de Paul Veyne (pas le temps de chercher les références), dans lequel il constate (pour le regretter un peu, je pense) que notre goût moderne pour l'éclat, l'image dense et surprenante a fait que du coup nous sommes incapables de lire et d'apprécier la poésie antique, qui nous paraît bien lointaine et affadie désormais. Je ne crois pas pour ma part que la poésie se réduise à des métaphores du type rimbaldien. Je dois même dire que cet été, j'ai été un peu agacé par le texte d'une pièce du jeune Claudel, très influencé comme on le sait par Rimbaud. Pour moi, la nouveauté ou l'audace des métaphores dans l'écriture de Ferré - je pense à un des points de votre article, bien sûr - ne constitue pas réellement un argument.

Quand je parle de la modernité du lyrisme de Verlaine, je pense justement à un après Surréalisme: un "je" qui, "métadiscursivement", de façon "critique", affirme sa présence et sa disparition tout à la fois (en espérant aussi avoir un peu répondu à The Owl...).

Écrit par : gluglups | mercredi, 17 octobre 2007

Oui, des gens comme Lepelletier, avocat et ami de Verlaine, et son premier biographe (Mercure de France, 1907) ont chargé la barque Mathilde et agoni Rimbaud. Mais c'était un reéflexe d'amitié, certainement, et ils ne disposaient d'aucun recul.

Je pense que Verlaine a dû être terrifiant, parfois, lorsqu'il était ivre et brutal, c'est vrai. Tout cela, c'est de la faiblesse, cependant.

En effet, j'imagine les titres : "Hugo, Verlaine et Rimbaud réunis pour la première fois. Notre photographe Jean-Pierre Ce Soir était là. Une rencontre mythique". Niveau de la conversation : "Vous êtes tous les trois dans la collection Poètes d'aujourd'hui". Hugo : "On n'est pas les seuls. Et puis, ça ne veut pas dire grand-chose, cette façon de compartimenter". Verlaine propose un récital à trois : une rencontre de géants !

Plus sérieusement, le goût de l'éclat commencé avec Rimbaud ne m'empêche pas d'apprécier Lamartine et, plus anciennement, Racine ou, plus loin encore, Ronsard. Et, plus haut, Villon. La poésie antique est, il est vrai, plus lointaine.

Les surréalistes n'aimaient pas Verlaine, ils parlaient d'"une surestimation routinière" à son propos. C'est une de leurs erreurs.

Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 17 octobre 2007

"Les surréalistes n'aimaient pas Verlaine, ils parlaient d'"une surestimation routinière" à son propos. C'est une de leurs erreurs.": pas une de leurs seules... Je crois en revanche qu'Eluard a défendu Verlaine.

Bravo, Jacques: vous êtes bon pour solliciter un emploi à Paris Match :)

Je reviens aux questions de métrique. Ferré était très respectueux de cela (sauf parfois, à la fin du couplet: mélodiquement, pour conclure, on est obligé d'appuyer le E muet final: "... sur les grèveuh"). Une exception tout de même: "Le Bateau Ivre".

J'avoue être un peu gêné, l'ayant appris à l'école avec la prononciation correcte, par le: "Com' je descendais des fleuves impassibleueueueuh". D'autant plus qu'ici, mélodiquement, la "béquille" ne se justifie absolument pas. Par ailleurs, dans la version studio, à deux endroits, il y a une liaison fautive. Un ZEU sur la langue ce jour-là? (ou une anticipation du parler de Ségolène Royal :) )

Écrit par : gluglups | mercredi, 17 octobre 2007

Le Bateau ivre est un texte difficile, et l'avoir mis sur une musique pré-existante n'a rien simplifié. D'autant qu'il y a une alternance de texte parlé, scandé ("Où je voulais"), chanté (les quatrains devenus "refrain"). L'exécution publique peut conduire à des erreurs, surtout que Le Bateau ivre venait en fin de récital, mais je n'ai pas en mémoire les liaisons fautives du disque en studio. J'écouterai de nouveau. S'agit-il vraiment de fautes ou bien est-ce un sssssifffflement comme cela lui arrivait parfois ?

Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 17 octobre 2007

Pardonnez-moi de me citer (sur le défunt Forum Léo Ferré):

"Passons sur les erreurs de prononciation du vers régulier, dans "Le Bateau ivre" surtout (le traitement musical adopté par Ferré la respecte généralement, sauf lorsqu'il s'agit de "cheville", de "ponctuation" absolument nécessaires pour la mélodie, comme, par exemple, à la fin de "Soleils couchants": "Couchants sur les grèveeeeeus", car il était impossible de terminer la chanson sur un "Couchants sur les grèv'"): diérèses pas toujours faites, liaisons omises, ou le premier vers prononcé ainsi: "Comm' je descendais des fleuves impassibleeeus"... On peut considérer qu'il s'agit d'un "choix" d'interprétation, d'un choix "esthétique", etc.

En revanche, on appréciera beaucoup moins le pluriel d'"échouage" (le mot est au singulier chez Rimbaud), que souligne atrocement une liaison fautive: "Echouages Zhideux" ( alors que le h de "hideux" est aspiré). Dans ce Zenregistrement du poème de Rimbaud, Léo n'a décidément pas de Zanche avec ses liaisons puisque, juste auparavant, il a commis le même Zenre d'erreur, en prononçant le vers "Je sais les cieux crevant en éclairs, et les trombes" de cette façon: "Je sais les cieux crevants Zen éclairs..."

J'espère ne pas gâcher vos auditions futures du "Bateau ivre" parce qu'une fois qu'on s'est rendu compte de ces fautes malheureuses, l'écoute en est parasitée, on ne fait plus qu'attendre ces effets trash. On peut toutefois se rabattre sur l'enregistrement Dejazet, où, à ma connaissance, on ne les retrouve pas."

Écrit par : gluglups | mercredi, 17 octobre 2007

Pourquoi diable la poésie se réduirait à des métaphores de type rimbaldien?Je n'ai jamais pensé ni écrit cela nulle part!
la métaphore n'a pas attendu Rimbaud, elle est aussi vieille que la poésie,non?

the owl:à propos de la modernité
Je me réfère aux concepts avancés par Alain Badiou ,notamment dans le collectif "la politique des poètes",du collège international de philosophie ,dès 88;il avance le thèse qu'il existe un âge des poètes,qui commence en gros après la Commune et s'achève dans les années 60.Période où la philosophie, suturée à la science et à la politique (divers positivismes,marxisme,etc..),ne joue plus pleinement son rôle et où la poésie prend en charge la défaillance de la philosophie.Mais pas toute la poésie:
Quelques poètes maintiennent l'exigence de sens,mais le font en poètes et non en philosophes.On citera rimbaud et mallarmé,Trakl,Pessoa, Mandelstam,Celan.
rimbaud assigne au poème une tâche dans ses lettres:"C'est faux de dire:je pense.On devrait dire:on me pense"Le cogito, le "je pense" est destitué,le poème n'est que la dictée de l'être.Chez Mallarmé, le poème est pensé comme autonome,l'auteur est "absenté"en tant que sujet.Rimbaud n'a que sarcasmes envers "la poésie subjective"....

ces poètes nous aident à penser notre époque en cela qu'ils proposent sans le théoriser une nouvelle pensée du sujet et de la création,qui est bien de notre temps,celui de la pensée de quelque chose comme de "l'inconscient"....

Il faudrait plusieurs pages pour expliciter ces quelques lignes qui risquent de sembler abconses,vues et lues de l'extérieur.Quand on est à l'intérieur de la problématique,ça semble de l'ordre de l'évidence.

Écrit par : francis delval | mercredi, 17 octobre 2007

Désolé d'intervenir encore: je relis ce post et voici ce que je disais également:

"Chipotons, chipotons... On a suffisamment critiqué les interprètes de Léo qui se trompaient dans les paroles. Ou qui les changeaient.

J'en ai relevé quelques unes chez Ferré, Zinterprète des poètes.

Dans "La Mort des Amants" de Baudelaire (version Odéon), Léo dit "sous des ciels plus beaux", au lieu de "sous des cieux plus beaux". Erreur qu'il ne commet plus dans les enregistrements postérieurs. De toute façon, dans ses propres textes, il semble préférer le pluriel "ciels" à "cieux"...

[passage sur Le Bateau ivre cité plus haut]

Il y a aussi un problème dans "Frères humains". C'est au début:

"Frères humains qui après nous vivez
N'ayez contre nous les coeurs endurcis
Car si pitié de nous pauvres avez
Dieu en aura plus tôt de vous merci"

Or, Ferré ménage une pause après "de vous", de sorte que l'on comprend que les morts nous disent "Merci!" et que Dieu aura "pitié" de nous, à notre tour. Comme si "en" reprenait "pitié", et comme s'il y avait ensuite une formule de remerciement. En gros, on obtient:

"Car si pitié de nous pauvres avez
Dieu en aura plus tôt de vous. Merci"

En réalité l'expression "en avoir merci de " est lexicalisée dans la langue ancienne et signifie "avoir miséricorde de qqn, lui rendre grâce". "En" ne pronominalise donc pas "pitié" et il n'y a pas un "merci" au sens moderne.

Vous me direz que la pause faite par Ferré n'induit pas forcément une ponctuation forte, mais comme il la répète systématiquement, cette pause, on finit par le croire.

Maintenant, je passe pour un cuistre. En fait, moi je m'en fiche plutôt (sauf pour les fautes de liaison qui font vraiment moche, a fortiori dans Rimbaud). Mais on comprendra mieux que les "puristes" puissent être chiffonnés par ce genre de trucs.

PS: je crois que Ferré avait remercié Francis Blanche de lui avoir signalé une erreur dans je ne sais plus quelle chanson (du style un subjonctif derrière "après que")."


J'avais aussi relevé une erreur chez Rutebeuf: "froid au cul quand bise vente" et non "droit".

Écrit par : gluglups | mercredi, 17 octobre 2007

Curieux, je n'avais jamais entendu ces fautes, ou bien je n'y avais pas prêté attention. Votre oreille est impitoyable. Effectivement, maintenant, je risque de n'entendre que ça.

Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 17 octobre 2007

Nos commentaires se sont croisés.

Pour Villon, je pense qu'il s'agissait d'un simple penchant de Ferré à rythmer ainsi. Il est certain qu'il avait bien compris le sens du texte.

Cette histoire de "ciels" et de "cieux", je l'avais remarquée aussi. Les deux s'emploient couramment en poésie.

On peut ajouter un changement de mot dans Les Assis : "S'entremêlent pour les matins et pour les soirs" devenu "S'entrelacent" -- ou inversement, je ne sais plus ! -- dans une interprétation publique. Mais là, ce doit être plutôt de l'ordre du lapsus.

Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 17 octobre 2007

Francis, sur votre citation d'Alain Badiou: "rimbaud assigne au poème une tâche dans ses lettres:"C'est faux de dire:je pense.On devrait dire:on me pense"Le cogito, le "je pense" est destitué,le poème n'est que la dictée de l'être.Chez Mallarmé, le poème est pensé comme autonome,l'auteur est "absenté"en tant que sujet.Rimbaud n'a que sarcasmes envers "la poésie subjective"...."

Ne pourrait-on pas dire cela de Verlaine? "Je devine, à travers un murmure,/ Le contour subtil des voix anciennes/ Et dans les lueurs musiciennes,/ Amour pâle, une aurore future!". Bon, c'est sûr que la formule chez Rimbaud se retient mieux. Voir du "concept" dans cette lettre me paraît un peu exagéré (et même, j'ose poser la question: le jeune Rimbaud mesurait-il l'importance de ce qu'il déclarait?).

PS: oui, en effet, vous montrez surtout la cohérence de certaines métaphores. Je pensais plutôt à votre conclusion sur l'"écriture sidérante" et votre citation de Rimbaud. J'aime beaucoup d'ailleurs votre expression "le sens toujours-déjà déplacé".

Écrit par : gluglups | mercredi, 17 octobre 2007

Il faudrait demander à Rimbaud....

Pour Rutebeuf, "froid au cul"est la bonne version."Droit au cul est une erreur de lecture du texte ancien.
F.Blanche avait trouvé une faute de verbe dans "les tziganes",mais je n'ai jamais eu le texte de la chanson sous les yeux...Il y a un passage pas clair, "Que le temps t'ait hâlé le teint de cuivre et d'or",un subjonctif curieux...C'est ce qu'on entend...C'est peut-être pas ça.....
il y a aussi une version des "assis" où les pieds "s'entremêlent "au lieu de s'entrelacer...Qui n'a jamais commis de lapsus?

Écrit par : francis delval | mercredi, 17 octobre 2007

"j'ose poser la question: le jeune Rimbaud mesurait-il l'importance de ce qu'il déclarait?"

Eh eh, voilà une question d'importance, qui s'étend d'ailleurs à tout ce que Rimbaud a pu théoriser dans ses lettres et ailleurs. Il y a toutes les chances, objectivement, pour qu'il n'ait rien mesuré du tout. Trop jeune, trop immature, trop "encombré" peut-être par son propre génie. Trop péremptoire, aussi.

Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 17 octobre 2007

Moi, j'entends tout simplement : "Le temps t'a hâlé le teint de cuivre et d'or / Le soleil est jaloux quand tu sors", donc aucun problème.

La difficulté doit venir de l'allitération : "Le Temps T'a hâlé le Teint", ajoutée à un soupçon d'accent méridional toujours conservé : "Le tinng t'a". Le mélange donne : "Le Tinng T'a hâlé le Teint".

Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 17 octobre 2007

"ajoutée à un soupçon d'accent méridional toujours conservé": ou à un "pittoresque" "tzigane"?

Je crois qu'il est fait mention de cette remarque de F. Blanche dans le Mira-Milos (flemme de rechercher, désolé).

Écrit par : gluglups | mercredi, 17 octobre 2007

Non, c'est vraiment une question d'accent. On l'entend en de nombreux endroits. Par exemple, dans certaines versions de Nous deux, en public, surtout : "Cette channnsonnn de finnn d'automnnne".

Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 17 octobre 2007

"Il y a toutes les chances, objectivement, pour qu'il n'ait rien mesuré du tout. Trop jeune, trop immature, trop "encombré" peut-être par son propre génie. Trop péremptoire, aussi.": même sentiment que vous. Sauf qu'on peut être péremptoire, quand on est Rimbaud et qu'on a écrit si jeune les poèmes que l'on connaît.

Écrit par : gluglups | mercredi, 17 octobre 2007

la jeunesse de Rimbaud n'entraîne pas nécéssairement qu'il fut immature intellectuellement et pas totalement maître de ses assertions.Péremptoire, il l'a toujours été.Il y a eu assez d'écrivains et d'artistes précoces pour tenir bon ,parier sur la lucidité de Rimbaud....Léopardi ou Stuart Mill,Lautéamont,Radiguet (que je n'aime guère, mais c'est affaire de goût), ou Noam Chomsky,.....Sans oublier Mozart.!
Que Rimbe ait été aussi un "sale gamin" ne change rien à la lucidité.

Nous oublions un peu Baudelaire.Je veux dire, pour qu'il n'y ait pas de confusion sur mes positions, que Baudelaire est le premier grand poète de la modernité,au sens où l'a bien montré Walter Benjamin,mais de la modernité du XIXème,celle du Paris du capitalisme triomphant, des passages parisiens.Rimbaud, Mallarmé sont modernes autrement,par une "pensée" qui concerne encore notre présent

Aussi j'en veux à BHL d'avoir écrit un aussi mauvais roman que "les derniers jours de Charles Baudelaire",et de dire sur son site perso qu'il DEVAIT avoir le Goncourt, 11 voix pour ,une contre:celle d'André Stil, qui refusa parce que BHL était anticommuniste!Laissons les paranos de côté......

Écrit par : francis delval | mercredi, 17 octobre 2007

Eh oui, c'est ça qui est fantastique. Après la réunion de poètes où Verlaine l'introduit et où il a lu Le Bateau ivre, un des participants lui demande : "Pourquoi ne pas dire plutôt : Je suis comme un bateau qui..." Et le gamin, superbe : "Quel con !" Hop, descendez, on vous demande.

Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 17 octobre 2007

Commentaires croisés...

Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 17 octobre 2007

Je persiste : la justesse de ses assertions et sa lucidité ne garantissaient en rien les conséquences de ses idées et de ses actes. Sans quoi, il aurait pu prévoir tous les ennuis que lui a valus son système et, lorsqu'il y eut renoncé, son mode de vie, sa façon d'être. Il allait au casse-gueule et ne pouvait pas le voir. Je pense qu'à dix-sept ans, il s'en serait fichu, certes, mais le casse-gueule était là, de toute façon.

Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 17 octobre 2007

je viens d'écouter "les tziganes" par A.Gaytan:il n'y a pas de faute:c'est bien "le temps t'a hâlé le teint".Elle, elle est belge et orthophoniste de formation....pas l'assent du midi

Écrit par : francis delval | mercredi, 17 octobre 2007

"Les Tziganes".
Dans l'enregistrement original du 10 novembre 1962 Léo Ferré chante : "Quelle faute as-tu commis..." (cf. EP Barclay 70514).
Dans le réenregistrement du 19 mars 1965 il corrige : "Quel péché as-tu commis..." (cf. LP Barclay BB98)

Écrit par : Jacques Miquel | mercredi, 17 octobre 2007

Oui, cela fait partie des quelques différences qu'on trouve dans le 30-cm Léo Ferré chante en multiphonie stéréo, qui font que ce disque aurait dû se trouver dans le livre Léo Ferré, une mémoire graphique puisqu'il contient des versions différentes, donc originales. Ce qui se serait produit si l'auteur du livre avait été moins bête.

Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 17 octobre 2007

Ah voilà! C'était une faute d'accord (et non d'emploi du subjonctif, comme je l'avais cru). Merci Jacques Miquel!

Écrit par : gluglups | mercredi, 17 octobre 2007

C'est marrant, les méandres de la conversation. Je n'aurais pas cru que cette note aboutirait à une discussion sur les fautes de langue ou de prononciation, croisée avec les études rimbaldiennes et la vie de Verlaine.

Puisqu'on parle de fautes, je rappelle que Brassens prononçait "catéchumène" et non "catéKumène" comme il eût fallu. Quant à Brel -- n'en déplaise à l'ami Jacques Miquel -- c'était de la bouillie d'écriture. Catherine Sauvage disait : "C'est du belge" en parlant de "Derrière la saleté / S'étalant devant nous".

Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 17 octobre 2007

tjs "les tziganes": deux curiosités.Ann Gaytan chante aussi "quelle faute as-tu commis", ce qui est étonnant...Pour ferré, un demi-faux souvenir: on entend bien "Que le temps t'as halé le teint de cuivre et d'or
le soleil est jaloux quand tu sors"Il devrait y avoir un point d'exclamation dans le texte...Enchaîner les deux phrases est grammaticalement difficile.
Y aurait-il deux fautes, une d'accord ,que Gaytan a gardée,une de construction .Chez gaytan, le Que est supprimé..On l'entend bien dans le premier enregistrement barclay...Brel, c'est plein de belgicismes, ici dans le Nord, on comprend bien, même si je ne l'écoute plus guère...Ecoutez le en anglais par Scot Walker, c'est pas mal en anglais....

Écrit par : francis delval | mercredi, 17 octobre 2007

La voix de Murat est monotone ? Vous vous arrêtez à la surface des choses Jacques, je crois.

D’abord, c’est moins problématique que s’il chantait du Ferré. La plasticité de la poésie baudelairienne (qui n’est pas la propriété de Ferré) peut s’en accommoder, même si effectivement la prosodie est un peu trop à la va-comme-je-te-pousse.

Ensuite, c’est précisément l’association de ce timbre et de ce chant avec l’utilisation des claviers qui fait la pâle ouate sonore de cet album, sa singularité.
(le piano ne permet pas cela, qui appelle l’interprétation véritable ; si vous enlevez l’image du DVD, la voix ne tient effectivement pas – on en avait un autre exemple flagrant sur le disque Reggiani-Mirabassi)

Or in fine, c’est justement parce que Murat ne fait pas spécialement sonner le texte et trouve le « son » juste pour accompagner sa voix que son travail me semble mettre particulièrement en lumière la mélodie elle-même.
Plus en tous cas que ce qu’on entend habituellement.

Il n’est pas question de considérer Murat comme une référence, loin s’en faut, mais pour des gens qui encensent Ann Gaytan, je vous trouve bien prompts à mépriser un disque qui, s’il n’apportera vraisemblablement rien à notre écoute de Ferré, n’en est pas moins plus réussi que la moyenne des interprètes (ok, pas difficile).


Glups, tu parles de notre goût moderne pour l’éclat, mais alors Ferré serait porté aux nue et Gainsbourg jeté bas. Et la nouvelle chanson française n’existerait pas.
Le refus de l’éclat manifesté par Murat est tout à fait contemporain, non ?
Mais certainement parlais-tu spécifiquement de nos attentes dans le seul champ de la littérature ?

Quant à la poésie antique, celle-ci nous paraît-elle affadie parce que nous aurions un soit-disant goût pour l’éclat ou plutôt parce que c’est une forme artistique trop éloignée de nos structures mentales ?
(de tous les arts, seule l’architecture sort gagnante à ce petit jeu ; l’émotion devant des ruines antiques est intacte, parce qu’elles nous disent justement avec immédiateté le gouffre du temps, là où la poésie ne nous informe plus de rien)

Et en quoi le « je » métadiscursif verlainien informerait-il notre présent ?
De quelle manière ?
Je ne comprends pas en quoi cela fait contemporanéité.


"...ces poètes nous aident à penser notre époque en cela qu'ils proposent sans le théoriser une nouvelle pensée du sujet et de la création,qui est bien de notre temps,celui de la pensée de quelque chose comme de "l'inconscient"...."

Pouvez-vous développer Francis, je vous prie ?
Je ne suis pas sûr que les créateurs se posent ces questions…

Par ailleurs, dans le système de Badiou qu’y a t’il après l’âge des poètes ?
Des années 60 à aujourd’hui on est dans quoi ?

C’est quoi exactement la défaillance de la philosophie ?
Poésie, philosophie… Qui ne défaille pas aujourd’hui ?

Au rang des bizarreries de langue de Ferré, j’ai été quant à moi frappé par l’immonde « malgré que » du monologue de la cloîtrée, dans L’Opéra du pauvre.
Beeeeurk.

Écrit par : The Owl | jeudi, 18 octobre 2007

The Owl,
Le problème, c'est que tu confonds tout: "moderne" ne signifie pas "contemporain", "notre présent", "contemporanéité", "nous", "notre". A partir de là, cela devient difficile de se comprendre et de te répondre.

Ta remarque entre parenthèses sur les ruines et la littérature antiques, avec un "nous" là aussi assez présomptueux, est révélatrice d'une certaine insuffisance et d'une confusion.

Je suis bien d'accord avec toi sur Ann Gaytan.

Sur le "malgré que": 1. Les meilleurs auteurs l'ont utilisé (ouvre ton Bon Usage) 2. Ce n'est pas parce que la religieuse l'utilise, que Ferré le reprend à son compte. Ou dans ce cas-là, relève toutes les expressions familières. Là encore, tu as des problèmes avec les questions d'énonciation, notion que tu maîtrise mal visiblement.

Écrit par : gluglups | jeudi, 18 octobre 2007

Vous voilà pris en flagrant délit de cuistrerie, monsieur !
Un petit stage chez les flics du détersif ne vous ferait pas de mal.


Réponse avec des détails et du sang plus tard.

Écrit par : The Owl | jeudi, 18 octobre 2007

Qui encense Ann Gaytan?C'est une bonne interprète de Ferré,la version féminine de "Le manque", chanson que Ferré lui a donnée, je la trouve meilleure que la masculine..j'apprécie sa version a capella de "la chanson triste",mais avec certaines chansons, comme "les tziganes", où elle a du mal à chanter dans l'aigu..C'est moins probant..C'est un bon disque avec quelques faiblesses.

pour Badiou, je vous répondrai plus tard par manque de temps aujourd'hui,et la note de Jacques n'est pas le meilleur endroit, car ça n'a rien à voir avec Baudelaire.

Vous pouvez lire de Badiou son petit livre (par le format) "manifeste pour la philosophie" (Seuil, 89)...ou vous rendre sur le site "Antiscolastique" de Mehdi Belhaj Kacem, ce sale gosse simple bachelier ,autodidacte en philo et en mathématiques,devenu un des interlocuteurs privilégiés de Badiou comme de Slavoj Zizek,site où vous trouverez de nombreux textes en relation avec votre question.Cherchez d'abord,et je vous répondrai après..On trouvera bien un lieu,je ne veux pas encombrer le blog, malgré la lberté totale que Jacques nous laisse, avec des propos trop éloignés des sujets.

cela dit,pensez-vous vraiment que les créateurs ne se posent pas "toutes ces questions"?L'art serait-il sans pensée,purement du domaine du sensible, du sentiment?
Ce serait une forme de mépris.
A défaut d'autre lieu, on retrouvera bien sur ce blog une note où arrimer un commentaire.

Écrit par : francis delval | jeudi, 18 octobre 2007

gluglups: je repense à votre référence à paul Veyne,l'historien que l'on connaît, mais aussi le grand thuriféraire de René Char..La poésie antique peut certes parfois paraître fade, surtout traduite ....Il y a quand même en français au moins une traduction exemplaire, un essai de rendre au plus près la richesse des images,des métaphores par une syntaxe au plus près de la syntaxe latine,et en utilisant toutes les ressources du lexique: je pense à la traduction de "L'Enéïde" par Pierre Klossowski:langue superbe,même au prix d'une "torsion" de la langue française.

j'ouvre au hasard:" Telles paroles proférait-il lorsque stridente l'aquilonnienne bourrasque
à l'encontre la voile frappe;et les flots projette vers les astres.
Se brisent les rames;se renverse la proue et aux ondes offre le flanc
l'onde dehiscente la terre entre les flots découvre:furieux, le bouillonnement dans les sables"

la lecture n'est pas facile,mais c'est une tentative qui ne manque pas d'intérêt,tenter de donner non pas une actualité,mais une vie nouvelle à la littérature antique ...cette littérature qui a engendré une grande partie de nos "structures mentales" ( je mets cette formule par défaut)


the Owl: ça me semble un contresens de dire que la poésie antique ne nous informe plus de rien,on ne la lit pas seulement pour avoir des informations sur la Grèce ou Rome,mais aussi pour son incroyable richesse langagière et conceptuelle.
Quant à l'architecture et aux ruines, l'intérêt qu'on y porte date en gros de la seconde moitié du XVIIIème siècle ...Les ruines, avant les livres de Winckelmann et de Volney, tout le monde s'en foutait éperdument....Elles servaient juste de décor dans les tableaux de la renaissance, et encore..
Je n'aime pas faire le prof,mais il y a des choses qu'il faut néanmoins recadrer quand c'est nécéssaire.Mais peut-être vous êtes vous mal exprimé?.

Baudelaire, comme Rimbaud , comme avant eux Hugo,connaissaient très bien la littérature antique,cf les vers latins des "fleurs du mal" par exemple.....

Écrit par : francis delval | jeudi, 18 octobre 2007

Merci de ces précisions, Francis. Je regrette d'avoir répondu un peu vivement à The Owl, il a raison de m'en vouloir, j'aurais dû lui répondre comme vous l'avez fait (pas le courage).
Paul Veyne fait ces observations, en les généralisant à l'ensemble de la poésie antique, en conclusion d'un ouvrage consacré à la poésie de Catulle et de Tibulle, qui ne sont évidemment pas Virgile ou Ovide.
Au nom d'une certaine idée de la poésie - incarnée peut-être par les Phares qu'a chantés Ferré - beaucoup de poètes sont passés à la trappe. Je donne l'exemple d'un des plus grand poètes français, un des plus difficiles à lire, La Fontaine: il y a peu de chances pour qu'on le lise aujourd'hui comme un poète

Écrit par : gluglups | jeudi, 18 octobre 2007

Avec la lignée Baudelaire-Verlaine-Rimbaud-Apollinaire-Breton, plus les un peu moins grands (Nerval, Mallarmé...) qui ne sont quand même pas petits, la poésie a été bouleversée et on a effectivement tendance à oublier tout ce qu'il y avait avant. Personnellement, j'aime énormément La Fontaine et, bien évidemment, pas seulement pour la "morale" des fables ou pour leur pittoresque et leur imagination. C'est un sacré type.

Écrit par : Jacques Layani | jeudi, 18 octobre 2007

Jacques, vos poètes sont sept, comme ceux de la Pléïade, qu'il ne faut pas négliger.Pour rompre la symétrie, je propose d'y ajouter quand même Hugo.Les contemplations ou la fin de Satan,ce n'est pas rien!!!!!Aurions nous eu ces poètes sans le fleuve hugolien?Probablement pas.Même si certains de ces poètes travaillèrent contre Hugo,c'est aussi une forme d'influence.
Quant à Baudelaire,le poète que je sens le plus proche de lui(de son écriture,) est Jean Genet."Le condamné à mort" par exemple, est plein de vers baudelairiens, parfois à la limite du pastiche.C'est sans doute une raison que Genet supporte bien le passage à la mise en musique (Hélène Martin, par Ogeret , pour la version intégrale chantée;mais aussi la version radio , le poème entier dit par Mouloudji en 1950, sur la musique électro-acoustique d'André Almuro)
quant aux fautes de liaison, aux erreurs de Ferré, soyons indulgents,laissons cela à l'anecdote:un récital de Ferré, sutout dans les années 80, c'est deux heures, deux heures et demi....Plus de vers (et de prose...)qu'une tragédie de Corneille ou de Racine, et là ,il devait jouer tous les rôles


La Fontaine, j'aime bien aussi...Quelle belle langue!

Écrit par : francid delval | jeudi, 18 octobre 2007

Merci Francis, je vais tâcher de voir les références que vous m’indiquez.

Je suis intimement convaincu que l’art produit de la pensée. Seulement je me demande dans quels champs de création la nouvelle pensée du sujet dont vous parlez est un enjeu.
A mon échelle, je ne vois pas.


Glups, ta façon d’idiotiser la pensée d’autrui à partir du moment où tu estimes qu’elle n’est pas claire, ne favorise pas plus l’échange.
Je ne suis pas toujours limpide et précis, je le concède bien volontiers, ce n’est pas une raison pour t’arroger le droit de bêtifier ton interlocuteur en lui prêtant des propos qui ne sont pas les siens.

Le « malgré que » n’est tout simplement pas euphonique, et on peut s’en étonner de la part d’un auteur-musicien attaché aux sonorités des mots. C’est tout.
Les questions de grammaire et d’énonciation ici sont hors de propos.

Pour ce qui est de la poésie antique, Baudelaire et Rimbaud pouvaient bien la connaître, nous ne parlons pas de la même chose.
Accéder à la richesse de cette poésie nécessite un travail intellectuel, alors que les ruines (et on peut inclure en fait toute image produite, par exemple les peintures rupestres) opèrent directement, sensitivement, par le regard.

Peu me chaut que ce regard soit né au XVIIIe siècle (j’en étais informé, merci), puisque quand je dis « nous » il me paraissait évident que je ne disais pas « nous, les Hommes depuis l’aube de l’Humanité», mais bien « nous, occidentaux du XXIe ».
Ce qui importe ici c’est que cette inégalité de perception de l’écrit et du visible est accentuée et entretenue par la civilisation de l’image dans laquelle nous vivons.

Quelle place pour la modernité de Verlaine dans cette réalité, cette contemporanéité (tiens, tu vois, je sais faire la différence) ?

Vaut-il mieux être moderne ou contemporain ?

A mon tour de te retourner la question : quand tu dis "notre goût moderne pour l'éclat", de qui parles-tu ?
De "nous, les lettrés" ?

C'est un goût de l'éclat fort minoritaire alors...
La réalité générale de la production artistique en est la preuve.

Écrit par : The Owl | jeudi, 18 octobre 2007

Francis, naturellement -- et comme toujours sur ce blog -- je ne faisais pas une liste. Je donnais l'indication d'une lignée. Evidemment, il y a Hugo, l'immense ombre de Hugo qui s'étend partout. Et puis il y a Ronsard, Lamartine, Villon, Rutebeuf, Racine, je les citais déjà plus haut. Il y a aussi Paul Fort, certes moins important dans l'histoire mais formidable trouveur de formes. Et Bérimont, et Cadou, et Genet. Et, naturellement, Aragon. Etc.

Écrit par : Jacques Layani | jeudi, 18 octobre 2007

Le cd de JL Murat a été évoqué à plusieurs reprises ces derniers jours.Il faut dire que je n'aime pas ce que fait Murat et que je déteste le personnage.En effet,le côté"il n'y a que des cons dans la chanson française à part moi "m'insupporte.
J'ai écouté hier le cd et je trouve les arrangements assez mal venus mais ,bien sur ,c'est subjectif.Je passe sur "les coeurs",inutiles eux aussi.iCependant,Morgane Imbeaud a une jolie voix.Fallait-il un duo pour être tendance,pour peut être passer à la radio,à la télévision?
En revanche,j'ai bien aimé le dvd où Murat chante avec un accompagnement piano.Vous allez rire mais je l'ai regardé en fermant les yeux!Et là,j'ai apprécié les musiques de Léo Ferré!Je trouve que JL Murat est bien rentré dans les textes mais ,bien sur,avec une lenteur énervante parfois.Quelqu'un disait que l'accompagnement était trop appuyé(Jacques Layani,je crois)mais forcément le pauvre pianiste est obligé d'appuyer car il a le temps de fumer une cigarette entre chaque vers!Bon voilà une interprétation .....intéressante parfois mais que personnellement je trouve assez inutile!!J'attends avec impatience le cd de Léo Ferré avec sa voix et son piano et basta!!! J'ai du mal à comprendre pourquoi Matthieu Ferré a supplié(si c'est vrai!) JL Murat de faire ce disque!
Frédéric Morino

Écrit par : Frédéric morino | jeudi, 18 octobre 2007

Je vois que, dans l'ensemble, nous sommes d'accord. Votre explication sur le jeu appuyé du pianiste m'amuse énormément.

Je redemande à Mathieu, s'il nous lit, de répondre à la partie qui le concerne, s'il estime devoir répondre, bien sûr.

Écrit par : Jacques Layani | vendredi, 19 octobre 2007

jacques: j'avais bien compris que ce n'était pas une liste fermée.C'est le "sept" qui m'a frappé et amusé,d'où cette référence à la Pléïade

the Owl:Oui, allez directement aux textes, "manifeste pour la philosophie" ou bien, tjs de Badiou "Conditions " (Seuil, 92), plus difficile.Tout dépend de votre formation et de vos arrières philosophiques .Voir aussi le "Mallarmé" de Rancière, (hachette), sur les intrications entre pensée et poésie.
badiou aime citer ce court poème de Pessoa:

"Le binôme de Newton est aussi beau que la Vénus de Milo
Le fait est qu'il y a bien peu de gens pour s'en aviser"

Je ne peux le reproduire avec mon clavier, mais vous le trouverez en ligne, par ex sur wikipédia

S'il y a de la pensée dans l'art ( qui n'est JAMAIS pur sensible,)il peut aussi y avoir de l'art, du beau dans la pensée et dans la science.

Vous privilégiez le regard, mais est-il dénué de toute forme de pensée, et pourquoi réduire ce regard à celui de "L'occidental du XXIème siècle"?les "non-occidentaux" ne seraient pas sensibles aux images, aux représentations?
Je trouve cela choquant!Mais vous vous êtes sans doute mal exprimé.....Que les formes de la perception puissent varier selon les époques et les cultures, c'est de l'ordre du fait...Tout dépend de ce que vous mettez derrière "occidental"
Bonne lecture!

Écrit par : francis delval | vendredi, 19 octobre 2007

jacques, jusqu'à Apollinaire je vous suis, après, nous divergeons: Je mettrai Cendrars (pour la prose transibérien, ce n'est pas rien), Breton, Aragon (mais pas tout),Char , Yvan Goll,Michaux,Césaire,Roubaud, Réda.je me limite aux français....Les goûts et les couleurs ne se discutant pas, et toute liste étant incomplète par définition...que de noms nous pourrions rajouter....!
PS: j'allais l'oublier, comment déjà? ah oui, Léo ferré? c'est pas mal non plus, vous savez, vous devriez l'écouter et le lire!
(private joke)
nous sommes parfois trop sérieux, non?

Écrit par : delval francis | vendredi, 19 octobre 2007

"L'écouter et le lire", "l'acheter et le lire". Comme si je vous disais...

Écrit par : Jacques Layani | vendredi, 19 octobre 2007

Je reviens à la discussion, et vous prie d’avance de m’excuser Jacques pour le relatif hors-sujet.

J’ai été fureter Francis. Certainement devrais-je approfondir (je n’ai pas lu Le millénaire Rimbaud), mais en l’état mes questions restent identiques.

Ok l’écrivain philosophe (et engagé) c’est cool.
Ok ne plus séparer la vie du concept, c’est excitant.

Mais si, d’après ce que j’ai compris du programme de pensée propre au moment philosophique français du deuxième XXe siècle tel qu’il est analysé par Badiou (l’âge des écrivains philosophes succédant à l’âge des poètes donc… ?), si "accompagner un nouveau sujet" (ie. s’inscrire dans la modernité de son temps) c’est inséparablement faire de la philosophie "le moyen d’un nouveau sujet", alors permettez-moi de penser que ce projet est terriblement XXe siècle (horrible siècle d'errement et de n'importe quoi au demeurant).

Badiou se définit lui-même comme l’ultime représentant de ce moment philosophique cohérent et admet qu’aux phases de recherches succèdent les phases de mise en ordre.
Quel sens cette bataille conceptuelle a-t-elle encore aujourd’hui ?
Où est ce nouveau sujet dont les "aventuriers du concept" se sont mis en quête ?

Le sujet, l’inconscient, d’accord. Mais ensuite ?

Vous dites que la science a été pensée comme une activité créatrice en soi.
Aujourd’hui, il n’est même plus question de science mais de techno-science.

Ne faut-il pas que la philosophie pense la technique plutôt que d’essayer de rivaliser avec la psychanalyse ?
L’enjeu majeur n’est-il pas de gérer le nœud technologique auquel notre civilisation est aujourd’hui confrontée ?

Alors once again : en quoi le projet poétique de Rimbaud nous aide-il à penser notre présent, le XXIe siècle ?


Et pour Gluglups, j’y reviens faute de réponse, en quoi le "je" métadiscursif verlainien est-il plus moderne que le projet rimbaldien (pour Francis, Rimbaud est encore "un puissant analyseur de notre temps", sa modernité est toujours agissante) ?

Bref, c'est bien beau de lâcher des trucs comme ça, mais tu es toi-même dans la culture de l’éclat (quelles sont les références du texte de Paul Veyne ?).

Et euh... franchement, les ACI aujourd'hui ces questions, pfiuuu !

Écrit par : The Owl | dimanche, 28 octobre 2007

Quelles sont les références du texte de Paul Veyne? L'élégie érotique romaine, Seuil, chapitre de conclusion.

En quoi le "je" métadiscursif verlainien est-il plus moderne que le projet (????) rimbaldien: il me semble que les poètes après le Surréalisme ont un peu abandonné les images du type machine à coudre/parapluie, l'image spectaculaire pour en revenir aux questions d'énonciation. Enfin, je ne connais pas trop cette poésie-là.

Écrit par : gluglups | dimanche, 28 octobre 2007

Mais Rimbaud, ce n'est pas qu'une question de métaphore, tout de même ?

Tu connais la série "Rome" ? (apparemment, ils ont pas lu Veyne...)

Écrit par : the Owl | dimanche, 28 octobre 2007

Mais Rimbaud, ce n'est pas qu'une question de métaphore, tout de même ? je suis d'accord. J'envisage néanmoins la question selon l'angle de P. Veyne.

Tu connais la série "Rome" ? vu des extraits mais pas grand chose à voir avec la poésie ancienne, si?

Écrit par : gluglups | lundi, 29 octobre 2007

Le livre de Badiou date de 88.Il en a publié une douzaine depuis,dont en 2003 " le siècle", bilan divisé du XXème siècle, dominé parce qu'il appelle "la passion du réel",un siècle qui a dû se colleter avec les plus dures réalités historiques, mais aussi d'une passion de l'action, si je puis oser cet oxymore.Pour lui, cette séquence est close.A la passion du réel, peut succéder, doit succéder une passion du "vrai", non par un retour à l'ancien,mais en inventant de nouvelles voies, en créant de nouveaux concepts ( ce qu'il a essayé de faire dans "logique des mondes", son livre le plus difficile,difficulté liée à la tâche et non à un hermétisme inutile).La philo est à nouveau au rouet de la vérité.
quant à l'inconscient, que vous le vouliez ou non, la philo ne peut pas ne pas en tenir compte,pas plus qu'ignorer le fantasme ou la différence des sexes..Philo et psychanalyse ont ces "objets" en commun.Lacan (en mettant fin à l'idée qu'il existe un métalangage) a bien montré ce lien.
quant à la technique, c'est quand même un des objets essentiels de la recherche philosophique depuis 40 ans, depuis les travaux de Simondon, jusqu'à Derrida, Stiegler ou J.L Déotte....Il y a des essais pour penser la technoscience (y-a-il jamais eu de science non dépendante de la technique, à part les mathématiques, et encore!)

Gérer le noeud de la technoscience?les philosophes ne gérent pas, ils essayent (comme les "savants") de comprendre.Gérer, c'est administrer, donc le contraire de la politique...

Écrit par : francis delval | lundi, 29 octobre 2007

Et Rimbaud dans tout ça ?

"gérer" était maladroit. "trouver les cadres éthiques pour bien négocier le virage" eu été plus approprié bien sûr.

Quant à Stiegler, il me semble qu'il se plaint au contraire du désinvestissement des philosophes face à la techné, objet d'un opprobe séculaire.

"La philo est à nouveau au rouet de la vérité." dites-vous.
Mais quelle vérité ?
La société se fragmente tendantiellement en vérités partielles, et ce fait même est au fondement de l'epistémé post-moderne selon certains.

Croyez-vous que se coltiner encore et toujours avec la psychanalyse c'est penser la spécificité de notre temps ?

Le XXe siècle c'est fini.

Écrit par : The Owl | lundi, 29 octobre 2007

"Tu connais la série "Rome" ? vu des extraits mais pas grand chose à voir avec la poésie ancienne, si?"

Non. C'était plutôt par rapport à la représentation des pratiques sexuelles romaines (toi qui aimes les excursus...).
Bref.

Écrit par : The Owl | lundi, 29 octobre 2007

"C'était plutôt par rapport à la représentation des pratiques sexuelles romaines": oui, mais justement dans ce livre, P. Veyne montre tout le caractère problématique de la relation entre ce qui est dit, raconté (qui n'a d'ailleurs rien de très "hard") et le "je" qui dit. En gros, pour lui, établir une coïncidence immédiate entre les deux aspects, comme on le ferait pour nos auteurs modernes (dans un sens très large cette fois-ci, incluant Montaigne par exemple), c'est se tromper dans la lecture de ces textes antiques. Ce que font les auteurs d'anthologies de poésie érotique, croyant y trouver des témoignages on va dire croustillants des pratiques amoureuses des poètes.

Pour en revenir à Ferré, je trouve qu'il y a pas pas mal de similitudes entre sa façon de se sentir poète et celle des auteurs antiques, pour qui il ne fait pas de doute qu'ils sont "nés poètes", étant très "sincères" dans cette conviction (alors qu'il y a une distance, comme expliqué plus haut, entre le dit et le dire).

Écrit par : gluglups | lundi, 29 octobre 2007

Remarque: je trouve que tes questions sont souvent de mauvaise foi. On dirait que ton but, c'est uniquement de mettre en difficulté ton interlocuteur. Quel est l'intérêt là-dedans? Faire perdre du temps? C'est de l'enfantillage?

Exemples: "Le XXe siècle c'est fini." L'argument de poids effectivement, alors que Francis s'est efforcé de rendre compte d'un livre qui porte sur le XXe, paru en 2003 (avec bien sûr toute la distance possible pour parler d'un XXIe siècle qui avait 2 ans). Je ne vois pas en quoi d'ailleurs cela interdirait de penser le XXIe siècle commençant.

"Et Rimbaud dans tout ça ?" oui, c'est bien de le rappeler alors que c'est toi-même qui a forcé Francis à te répondre dans une certaine direction (en fait de multiples).

Je n'aime pas beaucoup ce genre de procédé, que je trouve très bête surtout. Moi, si cela continue, je ne fais plus l'effort de te répondre.

On peut aussi considérer que poster un message sur un blog, ce n'est pas écrire une thèse et que cela autorise tout de même une certaine imprécision dans la formulation et les références. On ne peut pas non plus passer des heures à rechercher les pages dans un bouquin et découper en mille morceaux ses idées, en les justifiant et passer par des points A, A1, A11.1 etc.

Écrit par : gluglups | lundi, 29 octobre 2007

the owl, j'approuve Gluglups au moins sur un point: vous posez 10 questions à la fois, qui nécéssiteraient chacune une très longue réponse....J'ai eu l'habitude de répondre à des questions difficiles de façon impromptue, certes, mais ici, il faut le temps de réflexion, ça reste écrit.
cela dit, je ne pense pas que c'est pour mettre en difficulté votre interlocuteur: il y a un vrai questionnement,même s'il est formulé parfois de façon maladroite et comminatoire.....Continuez à chercher par vous même, comme vous avez commencé à le faire...et chanter baudelaire, n'est pas le lieu idéal pour poser ce genre de pb.
Je répondrai en mon temps, et une question à la fois, quand j'en aurai le loisir.

Écrit par : francis delval | lundi, 29 octobre 2007

je réponds juste sur la notion de siècle: le siècle 20 ne va pas de 1900 à 2000....il faut penser autrement les césures .On peut le faire aller par ex de 1914 à 1989-90, effondrement du bloc de l'est , là , ça peut avoir un sens, ou penser "le siècle communiste" de 1917 à 1976, mort de Mao et virage de la Chine, Il y a bien d'autres façons de le situer dans le temps.Plusieurs vintièmes siècles différents peuvent coexister..

Écrit par : francis delval | lundi, 29 octobre 2007

Je pose de multiples questions oui, mais enfin, ce n'est pas moi qui ai dit de Rimbaud qu'il était un "puissant analyseur de notre temps".

Se demander comment une modernité fait contemporanéité n'est-ce pas, en l'occurence, confronter la question identifiée par Francis comme étant celle de l'inconscient avec "notre temps" ?
Et définir notre temps n'est-ce pas se demander ce qu'il n'est plus par rapport au siècle dont on sort ?

Tout est lié, non ?

Bref, on peut peut-être continuer ceci par mail Francis ?
Je ne demande pas mieux que de réduire mon ignorance au contact de gens qui en savent plus long que moi.

En tous cas, merci aux uns et aux autres d'avoir pris la peine de me répondre.

Écrit par : The Owl | mardi, 30 octobre 2007

the owl: désolé, mais je ne donne pas de cours particuliers, sutout par mail....Cessez d'abord de penser que vous êtes ignorant, vous savez beaucoup de choses, et cherchez , vous trouverez...On a certes besoin de "maîtres" quand on entre en philosophie (ou en une autre discipline), mais il y a un moment où il faut marcher tout seul...
Si vous ne trouvez pas le collectif "le millénaire Rimbaud"(ed Belin), vous retrouverez certains articles, souvent complétés, dans des ouvrages qu'on doit pouvoir se procurer, ne serait-ce qu'en bibliothèque, comme "Conditions" de Badiou , pour l'article "la méthode de Rimbaud" ou "le tempo de la pensée" de Patrice Loraux" pour les articles "Tenir le pas gagné" et "O expérience"......
Le pb n'est pas d'en savoir plus long, mais de savoir juste.
Citons Lénine:"mieux vaut moins , mais mieux"....La transformation de la quantité en qualité étant une écharde dans la philosophie marxiste-léniniste...

Voilà ou nous mène Baudelaire
a bientôt

Écrit par : francis delval | mardi, 30 octobre 2007

Les commentaires sont fermés.