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mardi, 11 novembre 2008

À propos d’une émission de 1950

Sur le site de France-Culture, une émission, Jeux d’archives, nous permet d’entendre Raphaël Caussimon présentant deux réalisations qu’il vient d’effectuer au sujet de son père et de Catherine Sauvage.

 

Dans le corps de l’émission est donnée une interview de Léo Ferré, diffusée initialement dans Messages de France, en 1950. La date exacte n’est pas donnée par le journaliste ; il s’agit du mardi 25 juillet 1950.

 

Ce qui est plaisant dans cet entretien, un des plus anciens connus – peut-être le plus ancien, si l’on ne tient pas compte de ceux parus dans la presse écrite – c’est de constater, une fois encore, une fois de plus, combien Léo Ferré est lui-même depuis toujours. Je ne parle pas ici de fidélité aux mêmes idées, aux mêmes amis, aux mêmes poètes. Tout cela est connu. J’entends évoquer sa permanence. En juillet 1950, il a trente-quatre ans, chante dans les cabarets depuis bientôt quatre années, a rencontré celle qui deviendra sa seconde épouse six mois plus tôt.

 

Au journaliste qui le présente – avec ironie peut-être, mais ce n’est pas certain – comme un « célèbre compositeur », Léo Ferré réplique calmement mais avec un mélange d’humilité et d’autodérision, certes teinté d’un peu d’amertume, des choses comme « Je le mérite », « J’aiLF.JPG beaucoup d’argent », « Je suis venu avec une Delahaye Grand-Sport », « Je pars demain en Afghanistan, non pas en Delahaye mais en avion », « Je suis un homme très heureux », « Je suis arrivé ». On sait qu’alors, il n’est pas connu du tout, sinon des habitués des cabarets, ceux qui savent Monsieur Tout-Blanc, Le Flamenco de Paris ou Mon Général, mais aussi La Chambre, La Vie d’artiste. On est là avant le premier succès populaire, celui de Paris-Canaille. Il n’a pas d’argent et, si je ne me trompe, pas de voiture. Dans son « Je suis arrivé », il y a déjà l’idée du Parvenu, en quelque sorte. On se demande, à l’entendre – son ton est caustique mais calme – s’il est vraiment triste et aimerait bien être un « célèbre compositeur », ou s’il regrette durement que cela ne soit pas le cas. Peut-être se demande-t-il s’il y parviendra quelque jour (on sait qu’en janvier 1950, au moment où il rencontre Madeleine, il est sur le point de renoncer).

 

Mais il est lui-même : fier, ironique, orgueilleux mais pas grisé par sa personne ; décidé, d’évidence, à ne faire aucun compromis. Il avoue, moitié modeste, moitié provocateur : « J’ai mis cinq ans pour faire deux années de droit ». Puis il revient, au détour d’une réponse, sur sa déclaration du début, des fois qu’on la prenne pour argent comptant : « Je dois dire d’ailleurs, entre parenthèses, que je n’ai pas encore de Delahaye Grand-Sport, soyez tranquille ». Il revendique : « Je ne suis pas chansonnier. Je fais des chansons ».

 

Ainsi va cette interview qui nous permet d’entendre, chantés par lui, deux vers des Amants de Paris. Elle livre, déjà éclos, les traits de caractère d’un homme jeune, qui seront les mêmes jusqu’au bout et dont on devine qu’ils étaient déjà les mêmes depuis son enfance monégasque.

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