lundi, 22 octobre 2007
Une leçon de ferrémuche
On a dit ici plusieurs fois que la langue de Léo Ferré était celle de tous les registres : langage châtié, langage parlé, préciosité, argot « commun », argot personnel, incidentes en langues étrangères, poésie classique mêlée de prose et de vers libres… En bref, il revendique toutes les cordes de l’instrument. Ce n’est pas fondamentalement nouveau. Ce qui l’est davantage, c’est que ces registres sont très souvent mêlés dans un seul et même texte – et cela est intéressant car là, l’outil est neuf et affûté.
Parlons aujourd’hui de l’argot personnel, dit aussi « ferrémuche ». De quoi est-il constitué ? Entre autres, d’une forme cédant au langage parlé en de nombreux endroits. Cela paraît relever de Céline qui, on le sait toutefois, travaillait énormément ses effets « parlés ». En réalité, ce n’est pas la même chose. Cette forme de langage apparemment bâclée – apparemment seulement – est déjà dans la correspondance de Verlaine, particulièrement celle échangée avec Delahaye. Pot-pourri de prose relâchée, de mots d’esprit, d’associations d’idées, de complicité avec le correspondant – ici, le lecteur – d’allusions, de tournures anglaises…
Ferré écrit dans Je donnerais dix jours de ma vie, qu’il publie dans la revue La Rue, n° 1, mai 1968 : « J’ai commandé deux wagons-lits pour toumoronaïte… ». Ne cherchez pas « toumoronaïte» dans un atlas. Ce n’est pas un lieu dans l’espace, mais un lieu dans le temps : tomorrow night. Demain soir. Ferré poursuit : « Pas vrai, papa Étiemble ? » René Étiemble qu’il admirait et dont le Parlez-vous franglais ? [1] plut très certainement à l’auteur de la chanson La Langue française. On ne se moque que de ceux qu’on aime. Il ajoute : « Celui-là, j’aimerais bien lui serrer la pince un de ces quatre… »
Certes, si « toumoronaïte » avait été un nom de lieu, il eût appelé un T majuscule. Mais précisément, le ferrémuche se joue parfois des capitales obligatoires, comme s’il voulait réduire à un nom commun ce qui est un nom propre. Cet affranchissement de règles simples et communément admises est une caractéristique de cet argot personnel, qui comprend un jeu constant avec les mots.
« Dégueulasse » devient « dégueultarte », ce qui est peu courant dans l’argot usuel (tout en ne perdant pas de vue que l’argot évolue sans cesse). Plus classique, « elle est émue » se métamorphose en « elle chavire du battant » – le battant étant naturellement le cœur, à ceci près qu’on le nomme habituellement « palpitant ». Toujours classique, « pacsons » pour « paquets ». Plus nouveau, la métaphore ferréenne se glissant dans le ferrémuche : le chemin de la ferme, dans les bois de Perdrigal, est qualifié de « golgotha chimpanzifié ». L’image, c’est le Golgotha (sans majuscule) parce qu’il s’agit d’une épreuve, à la fois parce que le chemin est dur et parce qu’il mène aux chimpanzés dont il faut prendre soin. Le ferrémuche, c’est le néologisme en forme d’adjectif : « chimpanzifié ». Arracher les tuiles devient « détuiler ».
Si Ferré use de l’anglais, il ne se prive pas, au contraire, de franciser certains mots. Ainsi, son chien Madame est un « coquère ». À l’opposé, il écrit quelques lignes plus loin : « Je retourne at home (…) On mange purée d’pois and saucisses ». On trouve ici une expression anglaise, une apocope et un mot anglais. Cette forme curieuse est suivie de « C’est fou, la cuistance », c’est-à-dire une expression familière et un mot d’argot commun. Deux lignes plus loin, un mot italien, morbidezza.
Plus loin, « coinstot » pour « coin » est un mot d’argot courant mais, quelques lignes après, on retrouve la disparition des capitales usuelles : « blédine », « butagaz »… et, de plus, « butagaz » devient « butachose ». « Dans le coco », « partir en couillosof » sont des tournures aisément compréhensibles. Plus curieux, le « nestelé », évidemment sans majuscule, est la transformation en nom commun d’un nom propre, plus précisément d’une marque : le lait Nestlé, bien sûr. Survient la mise en mot d’un sigle (je ne crois pas qu’on ait déjà parlé d’acronyme, à l’époque) : oèretéèfe pour ORTF, l’Office de radio-télévision française. Transformation d’un nom propre en périphrase : Pépée devient « mademoiselle Ferré-Chimp’s ». Les informations deviennent les « informes », ce qui n’est pas extraordinaire mais l’amusant est que le mot est écrit entre guillemets, comme s’il s’agissait pour l’auteur de s’excuser pour une simple abréviation, alors que tout le texte est empli de libertés prises avec la langue, la grammaire et la syntaxe.
Zaza garde sa capitale et, quatre lignes plus loin, la perd en devenant « la zazounette ». « Dans la voiture » se mue en « in the char », soit deux mots anglais et un québécisme. « Barbiturique » devient « barbicontu ». « Au matin » se transforme en un anglicisme… phonétiquement francisé : « to morninge ». Le chargeur de batterie est qualifié de « biduloscop » (heureusement, le contexte permet de comprendre) et l’EDF devient un sigle en bas de casse : edf. Brusquement, toutes les majuscules des noms propres disparaissent : « La sibérie, zaza, la lame de bise, pépée frissonnante ».
L’imprimerie installée dans la ferme de Baradesque est nommée « ma carrée d’imprime », ce qui est classique : « carrée » pour « chambre » est connu, comme sont connues, un peu après, les tournures : « une petite lichette de rouquin » pour « un petit verre de vin rouge », « sèche au bec » pour « cigarette aux lèvres », « un chouya de mou aux minets » pour « un peu de mou aux chats ».
S’agissant d’imprimerie, il faut évidemment comprendre « je m’en balance le garamond » comme « je m’en tape le coquillard », « je m’en fiche ». Quant à « la cafetière est sur la table », il faut se souvenir que ce n’est nullement du ferrémuche, mais le titre d’un pamphlet de Pierre de Boisdeffre contre le nouveau roman [2]. Mais ici, la phrase est à comprendre stricto sensu, Léo Ferré ayant tout préparé la veille afin de reprendre le lendemain son travail d’imprimeur après son petit déjeuner. C’était son roman Benoît Misère qu’il comptait initialement publier lui-même.
Un jeu de mots en forme d’allitération se profile dans le récit : « l’Austin est à l’hosteau » (il s’agit évidemment d’une voiture en réparation). Encore un sigle devenu acronyme mais là, Ferré n’invente rien, Citroën l’avait voulu ainsi : « ma déesse » pour « ma DS », bien entendu. Un néologisme : « si je m’enverglasse », du verbe imaginé « s’enverglasser », qui se comprend très aisément.
Encore une mise en mot d’un sigle : « céèneèreèsse » pour CNRS. On note que, comme dans le cas, déjà cité, de l’ORTF, cette transcription orthographique est toujours, dans le contexte, ironique. Comme, s’agissant d’Étiemble, l’expression « ses sorbonnes etecétéra », la Sorbonne perdant sa capitale et se retrouvant au pluriel, lequel pluriel paraît ne pas être suffisant puisqu’il est augmenté d’un et caetera revu et corrigé.
Pompidou devient Pompadouche (pompe à douche, naturellement) et Ferré ajoute : « et ça s’explique… et ça te le met dans le baba en extrême profondeur et comme s’il te rentrait un berlingot extra dans ton thème astrologique », ce qui se comprend parfaitement ; cela dit, le « thème astrologique » pour le « fondement » est amusant. On retrouvera plus tard, dans la chanson À mon enterrement, cette acception particulière : « Des cartes perforées me perforant le thème ».
Le sujet n’est pas du tout épuisé. Il y aura d’autres leçons de ferrémuche, ultérieurement.
____________________________
[1]. René Étiemble, Parlez-vous franglais ?, Gallimard, 1964.
[2]. Pierre de Boisdeffre, La cafetière est sur la table ou Contre le « nouveau roman », collection « Les Brûlots », n° 4, La Table Ronde, 1967.
00:00 Publié dans Jalons | Lien permanent | Commentaires (17)
Commentaires
ce qui est remarquable, dans cette période "Perdrigal", c'est de voir comment Ferré multiplie les types d'écriture , notamment en proses qui tranchent sur celles plus classiques ou plus proche de surréalisme de la période précédente.
La prose de "mon programme", avec ses rappels céliniens,celle des "lamentations devant la porte de la Sorbonne",d'où sortiront "le chien" et "il n'y a plus rien",vraisemblablement les chapitres sans ponctuation des "verts paradis" de "Benoît-misère",ainsi que la préface, et puis ce texte écrit en langue vernaculaire perdrigalienne, "Je donnerais dix jours de ma vie".Quatre types de proses différents,même s'il y a des constantes dans l'invention verbale.
Ce que vous appelez le "ferrémuche", est-ce un mode d'écriture personnel(dont vous avez bien montré le fonctionnement), ou bien s'agit-il des "mots de le tribu", la langue particulière de Perdrigal,donc aussi celle de madeleine, de maurice frot,un argot "familial",qui , comme tout argot, est fait pour ne pas être compris hors les initiés?
Certes, ce texte, il l'a publié,ses inventions verbales sont décodables...mais mon impression , en découvrant ce texte,a été que c'était la langue courante de communication en ce lieu quelque part autarcique, et névrotique ,lieu à la fois ouvert et replié sur lui même....et ça ne pouvait que mal se terminer.
Cette "langue", il ne l'a plus guère utilisée par la suite, du moins de cette façon systématique, même si l'inventivité , le néologisme, la création verbale demeure un constante de l'oeuvre de Ferré.
Ce "ferrémuche" là (il y en aura d'autres...) me semble , non pas "daté",mais lié à une période bien précise de sa vie.
Ce qui n'enlève rien à la saveur de ses inventions,souvent fort amusantes...Ce n'est pas un texte triste, même si on le sent écrit (parce qu'on le sait?) sur fond de crise...
C'est un peu le défaut des études biographiques: chercher à recontextualiser les textes ,avant de les étudier stricto sensu,pour eux-mêmes.
Écrit par : francis delval | lundi, 22 octobre 2007
L'expression "ferrémuche" n'est pas de moi mais de lui, ou peut-être d'eux (toute la famille). Cette langue correspond effectivement à un moment donné de sa création. Si l'on peut estimer qu'elle correspond aussi à un moment de sa vie, il faut cependant faire attention à ce que j'appelle "le raisonnement a posteriori" : c'est parce que nous savons ce qui s'est passé ensuite que nous sentons la crise (ou quoi que ce soit d'autre). Combien de biographes -- même lorsque le modèle est quelqu'un d'autre -- tombent-ils dans cette erreur !
A l'origine, donc, il y a un écrit intime : les onze (et non dix) premiers jours de janvier 1968 à Perdrigal. Mais cet écrit intime cesse de l'être puisqu'il le publie. A partir de là, il y a volonté d'être compris. Et ce texte, que j'avais découvert en 1970, on peut le comprendre. Au début, je ne comprenais pas tout, notamment les allusions biographiques, les personnages, les lieux. Puis tout a été plus clair, lorsque j'ai mieux connu l'homme et son oeuvre. Mais au bout du compte, on peut le comprendre.
Il n'est pas dit que Léo Ferré n'ait pas tout simplement voulu faire un exercice de style cette année-là. En effet, on va retrouver des choses comme ça dans Mon programme... mais ceci est prévu pour une seconde note sur ce même sujet.
[Il n'y a plus rien ne provient pas de Lamentations devant la porte de Sorbonne (de Sorbonne et non de la Sorbonne). De ces Lamentations proviennent Le Chien et La Violence et l'ennui].
Écrit par : Jacques Layani | lundi, 22 octobre 2007
mais il y avait eu "les mémoires d'un magnétophone" publié en 67, il ne fallait pas être grand clerc pour savoir que chez les Ferré, on était en pleine crise...ce n'est donc pas un constat a posteriori.
Une certaine presse (dont "le canard enchaîné", qui a tjs eu Ferré dans le collimateur, )s'en était fait l'écho Ceux qui suivaient Ferré de près étaient plus ou moins au courant que la vie dans le lot n'était pas rose...
dont acte, c'est bien "la violence et l'ennui"...Le style de "il n'y a plus rien "est assez différent de "Le chien"
Écrit par : francis delval | lundi, 22 octobre 2007
Je ne suis pas convaincu. La presse de 1967 présente Les Mémoires d'un magnétophone comme un livre bouleversant, émouvant, un livre d'amour. A relire ces articles avec le confortable recul de quarante années, on s'aperçoit que les chroniqueurs sont surtout très étonnés par le nombre d'animaux et par l'importance de Pépée. Mais c'est tout. Quant à Benoîte Groult, compagne de Paul Guimard, tous deux amis de longue date du couple Ferré, elle écrit un bel article dans Elle du 7 décembre 1967 : elle ne voit rigoureusement rien venir.
Écrit par : Jacques Layani | lundi, 22 octobre 2007
Laissons un instant ces considérations biographiques et revenons au texte. Une autre interprétation du mot "informes" soigneusement mis entre guillemets peut être faite. Les informations de la télévision d'Etat sont alors supposées politiquement orientées, nulles. Elles n'ont donc pas de forme, elles sont sans forme, "informes". Ce pourrait donc être, en même temps qu'une simple abréviation, un jeu de mots sur le fond. Toujours la polysémie...
Écrit par : Jacques Layani | lundi, 22 octobre 2007
"sorbonne" est aussi un vieux terme argotique du XIXème, qu'on trouve ,si je me souviens bien, dans "les misérables",et qui signifie la tête, "tout dans la tronche"...ça pourrait être les différentes "têtes" ou compétences d'Etiemble, romancier, angliciste, spécialiste aussi de la pensée chinoise, de Confucius.,que ces "sorbonnes etecétera"
notons que dans la version de "la solitude" de 84, dans son long monologue,il prononce encore CNRS à la façon dont c'est écrit en 68, en ferrémuche.
Écrit par : francis delval | lundi, 22 octobre 2007
Exact ! Deux remarques parfaitement justes. Je n'y avais pas pensé du tout.
Vous avez très certainement raison pour Etiemble. Ce qui ajoute donc au ferrémuche une dimension : l'argot d'une autre époque. Ce qui expliquerait aussi, au moins dans ce cas, la disparition du S majuscule.
Écrit par : Jacques Layani | lundi, 22 octobre 2007
Je suis d'accord avec Francis Delval pour dire qu'il s'agit-là "de la langue particulière de Perdrigal" qu'utilise d'ailleurs Madeleine à maintes reprises dans "Les mémoires d'un magnétophone", ce livre d'amour et de désespoir, écrit par une femme qui essaie de garder celui qu'elle aime toujours alors qu'elle sait qu'il est en train de lui échapper définitivement.
En ce sens, c'est aussi un livre d'une grande lucidité.
Écrit par : lmv | lundi, 22 octobre 2007
Oui, c'est la langue de cet univers-là. Mais je persiste à le croire : rien ne permet de dire, au moment de la parution des Mémoires d'un magnétophone, que les choses vont tourner comme elles ont tourné. Une lecture des Mémoires faite par quelqu'un qui ne connaît pas la suite et les raisons de la suite de l'histoire ne permet pas de discerner des indices. Nous sommes dans le cas précis du "raisonnement a posteriori", forme de raisonnement auquel tout le monde cède -- moi le premier, parfois ; je ne suis pas plus fort que les autres -- tout simplement parce que c'est plus satisfaisant pour l'esprit. On se dit : "Eh oui voilà, on comprend pourquoi". En réalité, on comprend à la lumière d'événements postérieurs qui interfèrent dans le raisonnement. Quand j'ai lu ce livre de souvenirs pour la première fois, c'était en 1972. Il avait paru cinq ans plus tôt. A ce moment-là, je ne connaissais pas les raisons que tout le monde connaît aujourd'hui. Eh bien, je vous assure que je n'ai pas compris et que, tout au contraire, je me suis même demandé comment on pouvait passer de ce livre plein d'amour, paru en septembre 1967, au départ de Léo Ferré en mars 1968 et aux événements d'avril. C'est bien la preuve qu'aucun indice n'est décelable dans le livre si l'on n'est pas déjà au courant de la suite.
Écrit par : Jacques Layani | lundi, 22 octobre 2007
Vous avez peut-être raison Jacques, je vais reprendre le livre...
Cordialement
Écrit par : lmv | mardi, 23 octobre 2007
Croyez bien que je ne cherche pas à avoir raison à tout prix ; je dis seulement mon sentiment sur ce point.
Mais cela n'a pas beaucoup d'importance, par rapport aux questions de langue. Quel que soit le moment auquel se rattache cette forme de parler, c'est cette forme de parler qui compte. Autrement, nous tombons, avec ce débat, dans le biographisme qu'habituellement, nous rejetons.
Sur le plan de la langue, donc, on peut relever que cette forme se situe dans la deuxième moitié des années 60, et qu'elle est peut-être une conséquence des livres de Frot, lui-même pris entre Le Roi des rats (1965) et Nibergue (1969). Peut-être -- c'est vraiment une supposition -- Ferré a-t-il voulu chercher un mode d'expression dans ce registre, à ce moment-là. Je ne parle pas d'influences, mais simplement d'envie qui serait née de là.
Cela étant, cette forme de langage, qu'on retrouve effectivement -- partiellement -- dans Les Mémoires d'un magnétophone, reste une forme écrite, y compris en tenant compte du fait que les Mémoires sont, au départ, "parlés". En effet, au même moment, les Ferré ne s'expriment pas comme ça au quotidien : les documents de l'INA filmés à Perdrigal montrent bien qu'ils parlaient comme vous et moi.
Écrit par : Jacques Layani | mardi, 23 octobre 2007
Désolé pour la petite distraction, commentaire mis à la mauvaise page.Je profite , en la refaisant, de ovoir la compléter.
Il y a une phrase assez drôle, qui m'avait échappé dans "Je donnerais..",à propos de la bagnolle, avec ses deux "L", car une bagnole a forcémént deux ailes....
"j'ai eu beau bourrer les batteries de bons ampères de famille.va te faire voir chez fidel."
Exemple type de phrase blague, de jeu de mots fréquents ,et de comique, qu'on ne retrouve pas dans "mon programme",dont la ronalité est plus célinienne et mordante.
remarquons la référence à "bon père de famille, expression juridique que l'on retrouve dans les bsux de location.le vocabulaire du droit n'est jamais bien loin (cf l'opéra du pauvre)..relever le lexique juridique chez Ferré serait amusant à faire, car il l'utilise souvent sur le mode ironique.
quant au rapport à Frot, il est assez complexe.selon Belleret, notamment ,Léo et Madeleine l'ont fait réécrire plusieurs fois "le roi des rats", jusqu'à ce qu'il trouve SA langue, que Ferré place sous le signe de Céline, préface écrite par Ferré dans une langue classique et métaphorique de belle tenue..
Mais , Frot possède déjà sa langue dès le début des années 6O, cf le texte du "ferré 64"...Qui a influencé l'autre, influences croisées, interactives,, vases communicants?
mais n'oublions pas ce que Ferré écrit de madeleine dans le Ferré 62:"A vivre avec madeleine,il y faut un larousse mobile, perpétuellement à jour, à son jour,et pour qui ne la connaît pas son langage est des plus variables et des plus déroutants"
c'est en ce sens que j"ai parlé des "mots de la tribu", une langue inventive, pleine de mots de passe, de signes de reconnaissance, un argot familial en perpétuelle évolution , dont le ferrémuche est une des expressions,comme il y a une frot-langue, et le lexique à géométrie variable de Madeleine,
.C'est pour cela qe j'ai avacée l'hypothèse de vie "autarcique", de langage à uasge "interne",quelque part névrosant.Qu'ils soient capables de parler et écrire autrement n'est en rien un preuve qu'ils ne soient pas englués dans la langue de Perdrigal, dont au moins ils tireront tous trois quelques beaux textes publiés,quoiqu'on puisse penser de l'itinéraire futur de Frot en littérature
Écrit par : francis delval | mardi, 23 octobre 2007
Pardon de n'être pas entièrement convaincu.
Pour ce qui est du "Larousse mobile, perpétuellement à jour, à son jour", il me paraît évident que, là encore, il y a polysémie. Il peut très bien s'agir -- j'en suis même persuadé -- d'un langage autre que celui des mots. Je n'apprendrai à personne qu'il y a dans tous les couples un langage non verbalisé fait de regards, de silences, de complicités, de sous-entendus, de tendresse, de haine quelquefois, bref, tout cela, c'est une communication -- un Larousse -- qui ne se sert pas de mots. Et tout homme un peu sensible sait bien que les mots -- ou les gestes, ou les silences, ou les sourires -- ne sont pas les mêmes chaque fois avec la même femme. C'est cela, à mon avis, le "Larousse mobile, perpétuellement à jour, à son jour" -- et cela ne concerne pas le couple Ferré exclusivement, loin de là.
Quant aux "mots de la tribu", toutes les familles sans exception en ont : un langage codé fait d'allusions, de vieille connaissance les uns des autres, de souvenirs communs, de "privates jokes", etc. Rien de spécifiquement ferréen ici.
Je ne crois vraiment pas qu'il y ait eu une "langue de Perdrigal", sincèrement. Et puis, il faut cesser d'imaginer Perdrigal comme un endroit fermé. Des gens y viennent : des amis (moins qu'à Paris, mais tout de même), des journalistes, et puis les habitants du coin dont il ne faut pas oublier l'existence. Contrairement à tout ce qu'on raconte, Madeleine a des amies à Gourdon, à Salviac, et plusieurs à Saint-Clair. Les gens de Gourdon et des environs se rappellent Léo Ferré comme s'il était parti hier.
Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 24 octobre 2007
Ce n'est pas une assertion péremptoire, juste une impression, qui n'est peut-être pas une impression juste.Vous connaissez Ferré mieux que moi...Je prends en compte vos remarques.
Je me méfie comme la peste, vous le savez bien , du "biographisme", qui consiste à ramener le tout d'une oeuvre aux évènements de la vie,de façon transitive, alors qu'il y a toujours décalage, voire rupture.
Ferré s'étonnait du succès de "la mémoire et le mer", tissé de souvenirs et d'évènements privés,indécodables pour les gens ne faisant pas partie de la "tribu".Le succès tient évidemment à la richesse et à la plénitude de l'écriture ferréenne et non à la vie à Guesclin....
J'ai vu sur l'ancien forum que quelqu'un était allé jusqu'à retrouver le nom et l'adresse du livreur de gaz qui "vend du butane à la vedette", version chants de la fureur...C'est le biographisme poussé à la caricature, comme si tout savoir sur Ferré permettait de mieux le comprendre...le nom du livreur, qu'est ce qu'on en a à foutre, vraiment!
Il y a chez tout créateur une part d'ombre qu'il faut , je pense, préserver et ne pas chercher à tout décoder.Ce qui est le défaut des études qui utilisent sans précaution de méthode certains outils de la psychanalyse, à tort et à travers.
Soyons prudents, on peut proposer des explications, des hypothèses, sur la "fabrique" des textes,sans plus.La vérité des textes , la clé si clé il y a, qui la détient?...Pas même l'auteur ou l'artiste, cf le fameux "là, j'ai été dicté...
Tenez bon sur la chasse au biographisme....
Écrit par : francis delval | mercredi, 24 octobre 2007
Le livreur ? Mais ? Je ne comprends pas, son nom est dans le texte initial : "Et sur la dune Gosselin / Vend du butane à la vedette".
Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 24 octobre 2007
Effectivement, il faut rester sérieux pour avancer. Le fait que monsieur Ferré ait aimé telle ou telle sauce -- par exemple -- ou développé tel goût ne peut ni ne doit je pense inférer dans son oeuvre qui est faite en dehors et, presque contre pourrait-on dire, le quotidien. Un artiste est plus que ce qu'il vit, toujours.
Pour revenir aux familles, quand on se comprend parce qu'on se côtoie depuis longtemps, c'est parfait, mais la prévision de l'autre dans le couple est à double tranchant. L'effet de mystère envolé, "la tendresse s'en va toute seule".
Écrit par : Martine Layani-Le Coz | mercredi, 24 octobre 2007
du texte initial, je n'ai ,comme je l'ai dit, que le passage du Seghers 93....j'ai eu une version plus longue, celle des lettres fançaises n°1000, que j'ai perdue depuis au moins 40 ans...J'ignorais le premier vers...Il devait être à court de rime...de là à aller vérifier 45 ans après si c'est bien le nom du livreur et si la maison existe toujours....! faut être fan à fond, ou avoir du temps à perdre!
Écrit par : francis delval | mercredi, 24 octobre 2007
Les commentaires sont fermés.